Eklablog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

medecine

Hubert Aquin - Et tout désir est un désir de vivre

Publié le par antoiniste

    Je me sens soudain très las. Mes souvenirs, tous ces fragments de ma vie incomplète m'accablent. J'aurais envie de m'étendre un moment en travers du lit, alors que tout me commande d'agir sans tarder. Je fléchis, quand justement j'ai besoin de toute ma lucidité... Une benzédrine m'aiderait, hélas ! je n'en ai pas. Qui m'en donnerait ? Jean-Paul oui, mais je ne me vois pas frapper à sa porte une dernière fois pour quêter de quoi réussir mon suicide. D'ailleurs, rien n'est plus traître qu'une benzédrine, car ce cachet rose me procurerait une euphorie biochimique, un reflux d'énergie. Cela veut dire que j'assisterais malgré moi à la naissance fatale d'un désir. Et tout désir, même celui de parler, est un désir de vivre. Au fond, je me tricherais moi-même : ce succédané de vitalité, dont je serais le lieu pendant les quatre ou cinq heures d'action du médicament, ne serait que mensonge ! Je m'accorderais un sursis, quand je sais que ma raison est faite, et qu'il ne subsiste pas d'autre désir en moi que celui de la mort. La vie s'échappe progressivement de mon corps et mon refroidissement futur empiète déjà sur ma température organique. Je suis prêt.
    Je n'éprouve plus rien, je sombre lentement dans l'inexistence. Mon corps est un souvenir, mon visage le moule impatient d'un masque mortuaire. La volupté, qu'est-ce que c'est ? J'ai désappris l'extase et sa venue éblouissante à travers les canaux secrets du sexe. Je ne connais plus rien, sinon l'endroit où j'ai stationné mon auto sur la rue Stanley, la façon de l'actionner et la route qui, par le pont Honoré-Mercier, va en droite ligne jusqu'à Beauharnois. Ce que je redoute le plus, en ce moment, c'est le sommeil. Il me semble que je n'aurais qu'à m'étendre sous les draps pour dormir instantanément d'un sommeil parfait...

Hubert Aquin, L'invention de la mort, p.49-50
Bibliothèque Québécoise, 2001

Voir les commentaires

Donato Manduzio, guérisseur et prophète

Publié le par antoiniste

    En l'année 1931, sous Mussolini, dans une petite ville des Pouilles, San Nicandro Garganico, parmi un groupe de paysans, pauvres et pour la plupart illettrés, un infirme, le "savant" du groupe, reçoit d'un ami une Bible. La lecture de l'Ancien Testament le bouleverse. Il sent une fraternité de croyance avec le peuple hébreu qu'il imagine disparu depuis des siècles. Dès lors, il transmettra ce message à sa famille, à ses amis. Quelques fidèles se rassemblent autour de lui. Mais un jour les "Juifs" de San Nicandro apprennent que les villes "sont pleines de ce peuple" qu'ils ont cru disparu. Tout s'oppose aux nouveaux convertis : leur famille, la méfiance du rabbinat italien, l'Eglise, les lois fascistes. Mais la foi déplace les montagnes. Après la guerre, une partie des fidèles quittera San Nicandro pour la Terre promise.

    Donato guérisseur, magicien, pour lequel les phases de la lune et du soleil n'avaient pas de secrets ; rhapsode et organisateur de drames, devenait le centre de la seule vie sociale de son groupe (p.32).
    En réalité, et tout le monde est d'accord là-dessus, Donato, grâce à ses connaissances magico-astrologiques, et surtout à sa personnalité, était devenu un guérisseur et un magicien auquel, même après sa conversion au culte du Dieu d'Israël, les gens de San Nicandro avaient recours (p.30, cf. également pp.68-69).

    Les remèdes employés par Manduzio se retrouvent fréquemment dans les techniques thérapeutiques dont sont riches les légendes hagiographiques locales. Les substances dont il se sert sont : le fromage frais de vache, l'huile d'olive, qui nous renvoie au rituel commun à tous les peuples méditerranéens, pure ou mélangée avec de l'eau et du sucre, l'eau chaude ; cette dernière est employée pour laver la partie atteinte : les yeux, tandis que le fromage et l'huile sont ingurgités par le malade. Il serait peut-être intéressant d'étudier si des nourritures aussi banales que l'huile et le fromage frais - ce dernier n'est pas de consommation courante dans agglomérations urbaines, en raison de son prix relativement élevé, mais reste la nourriture type du berger - n'en conservent pas cependant une valeur magique religieuse (p.71; cf. Joseph Weissenberg, le guérisseur au fromage : à la mort de ses parents, il fut d'abord élevé par le berger du domaine de la comtesse Leopoldine Seherr-Thoß à qui les enfants Weissenberg sont confiés. Après avoir travaillé dans le domaine agricole, il termine une formation de maçon. Il deviendra guérisseur et prescrira des remèdes comme des tisanes, du fromage blanc, de la soupe de farine de seigle... Il sera connut dans les années 20 à Berlin comme le "Weißkäseheiler", le guérisseur au fromage blanc).

    Que faut-il entendre par ces "visions" que Donato a soigneusement - et fidèlement, sans doute - consignées dans son Journal ? Des rêves du sommeil ; des visions de la veille, au sens propre ; des rêves éveillés, rêveries du matin, vagabondage dans un monde d'images, auquel la foi de Manduzio prête réalité et signification, ou même simplement parfois, signes, omina, qui ne sont des visions que parce qu'ils constituent des messages que Donato interprète.
    Je ne pense pas que les visions qu'il relate soient outre mesure reconstruites. On y constate une précision de détail, surtout du détail dépourvu de signification, qui garantit l'authenticité du récit.
    L'intérêt de ces visions est d'abord psychologique : nous y voyons apparaître, comme sur un écran, les grandes lignes de ce qu'on pourrait appelé l'espace mental de Donato, le décor où se joue le drame de sa conversion, de son dialogie avec Dieu, de ses démêlés avec ses ouailles, avec les rabbins, avec les "idolâtres", décor sans lequel le drame ne serait pas compris.
    En outre, ces visions ont eu une efficacité singulière : elles ont entretenu la foi de Manduzio ; elles on eu en définitive pour effet le départ d'Italie et l'installation en Israël de plus de cinquante paysans san-nicandrais. (p.123).
    Dans [un] groupe de visions qui se complètent l'une l'autre, Dieu appraît comme le roi. Malgré le manque d'attributs habituels de la royauté : couronne, uniforme, etc., Donato le reconnaît aussitôt. Dans la première vision, le roi est l'homme honorable par excellence. Donato attendait une réponse de Dieu : si oui, des hommes honorés, si non, des femmes déshonorées. On retrouve dans d'autres visions cette alternance : homme ou femme, et toujours le fait de voir des femmes correspond à une réponse négative (p.126).
    [Un] rêve, comme tous ceux où Donato apparaît tantôt comme le fils, tantôt comme l'homme de confiance ou le familier du roi, exprime clairement le besoin de compensation de l'infériorité sociale et physique de Manduzio.
    L'Eden est pour lui le verger irrigué qu'il est dans la Genèse, où une eau qui a la blancheur et l'apparence du lait coule des fontaines. Le lait revient comme un leitmotiv dans plusieurs autres visions, ainsi que dans les cures "miraculeuses" opérées par Donato.
    Ainsi que nous l'avons déjà dit, ces visions où Dieu apparaît comme le roi sont à rapprocher de celles où il est plus simplement maître d'une masseria (p.127-128).

    La dixième règle d'un pacte de Manduzio est : "Nous sommes nés pour la vision, par la vision nous mettons la Loi en pratique. Celui qui nie la vision sera chassé de parmi nous et de la vie éternelle" (p.91).

    L'auteure indique en fin d'ouvrage les prémices et indique que l'évangélisation (surtout due aux émigrants italiens devenant des Amériques) sera un foyer propice à l'évolution de Donato Manduzio : La raison en est probablement que l'intense fermentation religieuse de la cette région, si elle favorise l'éclosion d'un type de "saint" comme Padre Pio, suscite, par contre, aussi autre chose qu'une attitude passive d'adoration et d'attente, mais pousse les hommes à chercher et à trouver des formes d'activité religieuse nouvelles ; d'où le cassés à San Giovanni Rotonde même de la prédication évangélique (p.241-42). 

Elena Cassin, San Nicandro, Histoire d'une conversion
Quai Voltaire, Paris, 1993 (cf. Recension de la première édition de 1957)

Voir les commentaires

Deuxième procès en 1907 après épidémie d'entérite

Publié le par antoiniste

    En 1907, Louis Antoine est envoyé en justice, pour la deuxième fois. "Du 1er janvier au 15 novembre 1906, cinquante-neuf enfants, âgés de moins de cinq ans, étaient morts à Jemeppe, faute de soins, ajoutait une rumeur qui parvint jusqu'au procureur du roi".
    Un rumeur... il s'agit bien de cela, car en ces temps, les épidémies étaient courantes :
- choléra en 1850, ce qui décidera de la création d'un hôpital-infirmerie par la Société de Seraing ;
- Roland A E Collignon continue l'énumération : "Des inondations et les épidémies font des morts chaque année et depuis longtemps, clama Antoine. En 1882, il y eut 29 morts de fièvre typhoïde puis ce fut la rougeole en 1883, la scarlatine en 1890 et cette fois on compta 110 morts ! En 1894, le choléra fit 60 victimes. 67 en 1900. On ferme les écoles, on envoie les enfants dans des familles et les médecins ne peuvent que constater les décès… En 1906, ce fut la rougeole, la scarlatine et la fièvre typhoïde – Antoine s’interrompit un moment pour s’éponger le front – Vous savez très bien que je ne suis pas responsable de ces malheurs publics ! Et la municipalité – elle qui m’avait autorisé par écrit à recevoir tous ces gens – qu’en fait-elle des rapports sur l’hygiène ? Rien ! Alors qu’il y a de graves problèmes d’épuration ! On ne répare même pas les digues, les berges parce qu’il s’agit des quartiers ouvriers. A peine un puits sur quatre fournit une eau à demi potable sans parler du lait qui transmet la fièvre typhoïde ! Les eaux stagnent dans leurs caves, dans leurs jardins, avec des matières putrides et des déchets organiques… il faudrait drainer tout cela, projeter de la chaux vive sur les sols, dans les cours, partout et l’on ne fait rien ! – le visage d’Antoine s’empourpra sous l’indignation – Tout cela, Monsieur le Juge, il faut tout de même qu’on le sache car des gens en meurent !"
- un mystérieux nuage de poussière sème la mort dans le bassin liégeois à la fin de 1930 (cf. the New York Times, December 6, 1930 et Le Figaro du 2 août 1930 et du 7 décembre 1930).

    Bref, la maladie n'a pas attendu Louis Antoine pour faire des morts, et Pierre Debouxhtay, précise : "le docteur Antoine [Antonin] Delville, chargé par la commune de constater les décès, déclara, le 12 janvier 1907, qu'aucune de ces morts ne lui ait paru suspecte ; il ajouta qu'en 1906 il y avait eu à Jemeppe une épidémie d'entérite, dont beaucoup d'enfants avaient été atteints" (Pierre Debouxhtay, p.144).

Voir les commentaires

Blaise Pascal - Prière pour demander à Dieu le bon usage des maladies

Publié le par antoiniste

Prière pour demander à Dieu
le bon usage des maladies

par

Blaise PASCAL

 

I. Seigneur, dont l’esprit est si bon et si doux en toutes choses, et qui êtes tellement miséricordieux, que non seulement les prospérités, mais les disgrâces mêmes qui arrivent à vos élus sont les effets de votre miséricorde, faites-moi la grâce de n’agir pas en païen dans l’état où votre justice m’a réduit ; que, comme un vrai chrétien, je vous reconnaisse pour mon Père et pour mon Dieu, en quelque état que je me trouve, puisque le changement de ma condition n’en apporte pas à la vôtre, que vous êtes le même, quoique je sois sujet au changement, et que vous n’êtes pas moins Dieu quand vous affligez et quand vous punissez, que quand vous consolez, et que vous usez d’indulgence.

II. Vous m’avez donné la santé pour vous servir, et j’en ai fait un usage tout profane. Vous m’envoyez maintenant la maladie pour me corriger : ne permettez pas que j’en use pour vous irriter par mon impatience. J’ai mal usé de ma santé, et vous m’en avez justement puni. Ne souffrez pas que j’use mal de votre punition. Et puisque la corruption de ma nature est telle, qu’elle me rend vos faveurs pernicieuses, faites, ô mon Dieu, que votre grâce toute-puissante me rende vos châtiments salutaires. Si j’ai eu le coeur plein de l’affection du monde, pendant qu’il a eu quelque vigueur, anéantissez cette vigueur pour mon salut, et rendez-moi incapable de jouir du monde, soit par faiblesse de corps, soit par zèle de charité, pour ne jouir que de vous seul.

III. Ô Dieu, devant qui je dois rendre un compte exact de ma vie à la fin de ma vie, et à la fin du monde ! Ô Dieu, qui ne laissez subsister le monde et toutes les choses du monde, que pour exercer vos élus, ou pour punir les pécheurs ! Ô Dieu, qui laissez les pécheurs endurcis dans l’usage délicieux et criminel du monde ! Ô Dieu, qui faites mourir nos corps, et qui à l’heure de la mort détachez notre âme de tout ce qu’elle aimait au monde ! Ô Dieu, qui m’arrachez à ce dernier moment de ma vie, de toutes les choses auxquelles je me suis attaché, et où j’ai mis mon coeur ! Ô Dieu, qui devez consumer au dernier jour le ciel et la terre, et toutes les créatures qu’ils contiennent, pour montrer à tous les hommes que rien ne subsiste que vous, et qu’ainsi rien n’est digne d’amour que vous, puisque rien n’est durable que vous ! Ô Dieu, qui devez détruire toutes ces vaines idoles, et tous ces funestes objets de nos passions ! Je vous loue, mon Dieu, et je vous bénirai tous les jours de ma vie, de ce qu’il vous a plu prévenir en ma faveur ce jour épouvantable, en détruisant à mon égard toutes choses, dans l’affaiblissement où vous m’avez réduit. Je vous loue, mon Dieu, et je vous bénirai tous les jours de ma vie, de ce qu’il vous a plu me réduire dans l’incapacité de jouir des douceurs de la santé, et des plaisirs du monde ; et de ce que vous avez anéanti en quelque sorte, pour mon avantage, les idoles trompeuses que vous anéantirez effectivement pour la confusion des méchants, au jour de votre colère. Faites, Seigneur, que je me juge moi-même ensuite de cette destruction que vous avez faite à mon égard, afin que vous ne me jugiez pas vous-même ensuite de l’entière destruction que vous ferez de ma vie et du monde. Car, Seigneur, comme à l’instant de ma mort je me trouverai séparé du monde, dénué de toutes choses, seul en votre présence, pour répondre à votre justice de tous les mouvements de mon coeur, faites que je me considère en cette maladie comme en une espèce de mort, séparé du monde, dénué de tous les objets de mes attachements, seul en votre présence pour implorer de votre miséricorde la conversion de mon coeur ; et qu’ainsi j’aie une extrême consolation de ce que vous m’envoyez maintenant une espèce de mort pour exercer votre miséricorde, avant que vous m’envoyiez effectivement la mort pour exercer votre jugement. Faites donc, ô mon Dieu, que comme vous avez prévenu ma mort, je prévienne la rigueur de votre sentence ; et que je m’examine moi-même avant votre jugement, pour trouver miséricorde en votre présence.

IV. Faites, ô mon Dieu, que j’adore en silence l’ordre de votre Providence sur la conduite de ma vie ; que votre fléau me console ; et qu’ayant vécu dans l’amertume de mes péchés pendant la paix, je goûte les douceurs célestes de votre grâce durant les maux salutaires dont vous m’affligez. Mais je reconnais, mon Dieu, que mon coeur est tellement endurci et plein des idées, des soins, des inquiétudes et des attachements du monde, que la maladie non plus que la santé, ni les discours, ni les livres, ni vos Écritures sacrées, ni votre Évangile, ni vos Mystères les plus saints, ni les aumônes, ni les jeûnes, ni les mortifications, ni les miracles, ni l’usage des Sacrements, ni le sacrifice de votre Corps, ni tous mes efforts, ni ceux de tout le monde ensemble, ne peuvent rien du tout pour commencer ma conversion, si vous n’accompagnez toutes ces choses d’une assistance tout extraordinaire de votre grâce. C’est pourquoi, mon Dieu, je m’adresse à vous, Dieu Tout-Puissant, pour vous demander un don que toutes les créatures ensemble ne peuvent m’accorder. Je n’aurais pas la hardiesse de vous adresser mes cris, si quelque autre les pouvait exaucer. Mais, mon Dieu, comme la conversion de mon coeur que je vous demande, est un ouvrage qui passe tous les efforts de la nature, je ne puis m’adresser qu’à l’auteur et au maître tout-puissant de la nature et de mon coeur. À qui crierai-je, Seigneur, à qui aurai-je recours, si ce n’est à vous ? Tout ce qui n’est pas Dieu ne peut pas remplir mon attente. C’est Dieu même que je demande et que je cherche ; c’est à vous seul que je m’adresse pour vous obtenir. Ouvrez mon coeur, Seigneur ; entrez dans cette place rebelle que les vices ont occupée. Ils la tiennent sujette ; entrez-y comme dans la maison du fort ; mais liez auparavant le fort et puissant ennemi qui la maîtrise, et prenez ensuite les trésors qui y sont. Seigneur, prenez mes affections que le monde avait volées ; volez vous-même ce trésor, ou plutôt reprenez-le, puisque c’est à vous qu’il appartient, comme un tribut que je vous dois, puisque votre image y est empreinte. Vous l’y aviez formée, Seigneur, au moment de mon baptême qui est ma seconde naissance ; mais elle est tout effacée. L’idée du monde y est tellement gravée, que la vôtre n’est plus connaissable. Vous seul avez pu créer mon âme : vous seul pouvez la créer de nouveau. Vous seul y avez pu former votre image : vous seul pouvez la reformer, et y réimprimer votre portrait effacé, c’est-à-dire Jésus-Christ mon Sauveur, qui est votre image et le caractère de votre substance.

V. Ô mon Dieu, qu’un coeur est heureux, qui peut aimer un objet si charmant, qui ne le déshonore point et dont l’attachement lui est si salutaire ! Je sens que je ne puis aimer le monde sans vous déplaire, sans me nuire et sans me déshonorer ; et néanmoins le monde est encore l’objet de mes délices. Ô mon Dieu, qu’une âme est heureuse dont vous êtes les délices, puisqu’elle peut s’abandonner à vous aimer, non seulement sans scrupule, mais encore avec mérite ! Que son bonheur est ferme et durable, puisque son attente ne sera point frustrée, parce que vous ne serez jamais détruit, et que ni la vie ni la mort ne la sépareront jamais de l’objet de ses désirs ; et le même moment, qui entraînera les méchants avec leurs idoles dans une ruine commune, unira les justes avec vous dans une gloire commune ; et que, comme les uns périront avec les objets périssables auxquelles ils sont attachés, les autres subsisteront éternellement dans l’objet éternel et subsistant par soi-même auquel ils se sont étroitement unis. Oh ! qu’heureux sont ceux qui avec une liberté entière et une pente invincible de leur volonté aiment parfaitement et librement ce qu’ils sont obligés d’aimer nécessairement !

VI. Achevez, ô mon Dieu, les bons mouvements que vous me donnez. Soyez-en la fin comme vous en êtes le principe. Couronnez vos propres dons ; car je reconnais que ce sont vos dons. Oui, mon Dieu ; et bien loin de prétendre que mes prières aient du mérite qui vous oblige de les accorder de nécessité, je reconnais très humblement qu’ayant donné aux créatures mon coeur, que vous n’aviez formé que pour vous, et non pas pour le monde, ni pour moi-même, je ne puis attendre aucune grâce que de votre miséricorde, puisque je n’ai rien en moi qui vous y puisse engager, et que tous les mouvements naturels de mon coeur, se portant tous vers les créatures ou vers moi-même, ne peuvent que vous irriter. Je vous rends donc grâces, mon Dieu, des bons mouvements que vous me donnez, et de celui même que vous me donnez de vous en rendre grâces.

VII. Touchez mon coeur du repentir de mes fautes, puisque, sans cette douleur intérieure, les maux extérieurs dont vous touchez mon corps me seraient une nouvelle occasion de péché. Faites-moi bien connaître que les maux du corps ne sont autre chose que la punition et la figure tout ensemble des maux de l’âme. Mais, Seigneur, faites aussi qu’ils en soient le remède, en me faisant considérer, dans les douleurs que je sens, celle que je ne sentais pas dans mon âme, quoique toute malade et couverte d’ulcères. Car, Seigneur, la plus grande de ses maladies est cette insensibilité, et cette extrême faiblesse qui lui avait ôté tout sentiment de ses propres misères. Faites-les moi sentir vivement, et que ce qui me reste de vie soit une pénitence continuelle pour laver les offenses que j’ai commises.

VIII. Seigneur, bien que ma vie passée ait été exempte de grands crimes, dont vous avez éloigné de moi les occasions, elle vous a été néanmoins très odieuse par sa négligence continuelle, par le mauvais usage de vos plus augustes sacrements, par le mépris de votre parole et de vos inspirations, par l’oisiveté et l’inutilité totale de mes actions et de mes pensées, par la perte entière du temps que vous ne m’aviez donné que pour vous adorer, pour rechercher en toutes mes occupations les moyens de vous plaire, et pour faire pénitence des fautes qui se commettent tous les jours, et qui même sont ordinaires aux plus justes, de sorte que leur vie doit être une pénitence continuelle sans laquelle ils sont en danger de déchoir de leur justice. Ainsi, mon Dieu, je vous ai toujours été contraire.

IX. Oui, Seigneur, jusqu’ici j’ai toujours été sourd à vos inspirations : j’ai méprisé tous vos oracles ; j’ai jugé au contraire de ce que vous jugez ; j’ai contredit aux saintes maximes que vous avez apportées au monde du sein de votre Père Éternel, et suivant lesquelles vous jugerez le monde. Vous dites : « Bien-heureux sont ceux qui pleurent, et malheur à ceux qui sont consolés. »Et moi j’ai dit : « Malheureux ceux qui gémissent, et très heureux ceux qui sont consolés. » J’ai dit : « Heureux ceux qui jouissent d’une fortune avantageuse, d’une réputation glorieuse et d’une santé robuste. » Et pourquoi les ai-je réputés heureux, sinon parce que tous ces avantages leur fournissaient une facilité très ample de jouir des créatures, c’est-à-dire de vous offenser ? Oui, Seigneur, je confesse que j’ai estimé la santé un bien ; non pas parce qu’elle est un moyen facile pour vous servir avec utilité, pour consommer plus de soins et de veilles à votre service, et pour l’assistance du prochain ; mais parce qu’à sa faveur je pouvais m’abandonner avec moins de retenue dans l’abondance des délices de la vie, et en mieux goûter les funestes plaisirs. Faites-moi la grâce, Seigneur, de réformer ma raison corrompue, et de conformer mes sentiments aux vôtres. Que je m’estime heureux dans l’affliction, et que, dans l’impuissance d’agir au dehors, vous purifiiez tellement mes sentiments qu’ils ne répugnent plus aux vôtres ; et qu’ainsi je vous trouve au-dedans de moi-même, puisque je ne puis vous chercher au-dehors à cause de ma faiblesse. Car, Seigneur, votre Royaume est dans vos fidèles ; et je le trouverai dans moi-même si j’y trouve votre Esprit et vos sentiments.

X. Mais, Seigneur, que ferai-je pour vous obliger à répandre votre Esprit sur cette misérable terre ? Tout ce que je suis vous est odieux, et je ne trouve rien en moi qui vous puisse agréer. Je n’y vois rien, Seigneur, que mes seules douleurs qui ont quelque ressemblance avec les vôtres. Considérez donc les maux que je souffre et ceux qui me menacent. Voyez d’un oeil de miséricorde les plaies que votre main m’a faites, ô mon Sauveur, qui avez aimé vos souffrances en la mort ! Ô Dieu, qui ne vous êtes fait homme que pour souffrir plus qu’aucun homme pour le salut des hommes ! Ô Dieu, qui ne vous êtes incarné après le péché des hommes et qui n’avez pris un corps que pour y souffrir tous les maux que nos péchés ont mérité ! Ô Dieu, qui aimez tant les corps qui souffrent, que vous avez choisi pour vous le corps le plus accablé de souffrances qui ait jamais été au monde ! Ayez agréable mon corps, non pas pour lui-même, ni pour tout ce qu’il contient, car tout y est digne de votre colère, mais pour les maux qu’il endure, qui seuls peuvent être dignes de votre amour. Aimez mes souffrances, Seigneur, et que mes maux vous invitent à me visiter. Mais pour achever la préparation de votre demeure, faites, ô mon Sauveur, que si mon corps a cela de commun avec le vôtre, qu’il souffre pour mes offenses, mon âme ait aussi cela de commun avec la vôtre, qu’elle soit dans la tristesse pour les mêmes offenses ; et qu’ainsi je souffre avec vous, et comme vous, et dans mon corps, et dans mon âme, pour les péchés que j’ai commis.

XI. Faites-moi la grâce, Seigneur, de joindre vos consolations à mes souffrances, afin que je souffre en Chrétien. Je ne demande pas d’être exempt des douleurs ; car c’est la récompense des saints : mais je demande de n’être pas abandonné aux douleurs de la nature sans les consolations de votre Esprit ; car c’est la malédiction des Juifs et des Païens. Je ne demande pas d’avoir une plénitude de consolation sans aucune souffrance ; car c’est la vie de la gloire. Je ne demande pas aussi d’être dans une plénitude de maux sans consolation ; car c’est un état de Judaïsme ; mais je demande, Seigneur, de ressentir tout ensemble et les douleurs de la nature pour mes péchés, et les consolations de votre Esprit par votre grâce ; car c’est le véritable état du Christianisme. Que je ne sente pas des douleurs sans consolation ; mais que je sente des douleurs et de la consolation tout ensemble, pour arriver enfin à ne sentir plus que vos consolations sans aucune douleur. Car, Seigneur, vous avez laissé languir le monde dans les souffrances naturelles sans consolation, avant la venue de votre Fils unique : vous consolez maintenant et vous adoucissez les souffrances de vos fidèles par la grâce de votre Fils unique ; et vous comblez d’une béatitude toute pure vos Saints dans la gloire de votre Fils unique. Ce sont les admirables degrés par lesquels vous conduisez vos ouvrages. Vous m’avez tiré du premier : faites-moi passer par le second, pour arriver au troisième. Seigneur, c’est la grâce que je vous demande.

XII. Ne permettez pas que je sois dans un tel éloignement de vous, que je puisse considérer votre âme triste jusqu’à la mort, et votre corps abattu par la mort pour mes propres péchés, sans me réjouir de souffrir et dans mon corps et dans mon âme. Car, qu’y a-t-il de plus honteux et néanmoins de plus ordinaire dans les chrétiens et dans moi-même, que tandis que vous suez le sang pour l’expiation de nos offenses, nous vivons dans les délices ; et que des Chrétiens qui font profession d’être à vous, que ceux qui par le baptême ont renoncé au monde pour vous suivre, que ceux qui ont juré solennellement à la face de l’Église de vivre et de mourir avec vous, que ceux qui font profession de croire que le monde vous a persécuté et crucifié, que ceux qui croient que vous êtes exposé à la colère de Dieu et à la cruauté des hommes pour les racheter de leurs crimes ; que ceux, dis-je, qui croient toutes ces vérités, qui considèrent votre corps comme l’hostie qui s’est livrée pour leur salut, qui considèrent leurs plaisirs et les péchés du monde, comme l’unique objet de vos souffrances, et le monde même comme votre bourreau, recherchent à flatter leurs corps par ces mêmes plaisirs, parmi ce même monde ; et que ceux qui ne pourraient, sans frémir d’horreur, voir un homme caresser et chérir le meurtrier de son père qui se serait livré pour lui donner la vie, puissent vivre comme j’ai fait, avec une pleine joie, parmi le monde que je sais véritablement avoir été le meurtrier de celui que je reconnais pour mon Dieu et mon Père, qui s’est livré pour mon propre salut, et qui a porté en sa personne la peine de nos iniquités ? Il est juste, Seigneur, que vous ayez interrompu une joie aussi criminelle que celle dans laquelle je me reposais à l’ombre de la mort.

XIII. Ôtez donc de moi, Seigneur, la tristesse que l’amour de moi-même me pourrait donner de mes propres souffrances, et des choses du monde qui ne réussissent pas au gré des inclinations de mon coeur, qui ne regardent pas votre gloire. Mais mettez en moi une tristesse conforme à la vôtre ; que mes douleurs servent à apaiser votre colère. Faites-en une occasion de mon salut et de ma conversion. Que je ne souhaite désormais de santé et de vie qu’afin de l’employer et la finir pour vous, avec vous et en vous. Je ne vous demande ni santé, ni maladie, ni vie, ni mort ; mais que vous disposiez de ma santé et de ma maladie, de ma vie et de ma mort, pour votre gloire, pour mon salut, et pour l’utilité de l’Église et de vos Saints, dont j’espère par votre grâce faire une portion. Vous seul savez ce qui m’est expédient : vous êtes le souverain maître, faites ce que vous voudrez. Donnez-moi, ôtez-moi ; mais conformez ma volonté à la vôtre ; et que, dans une soumission humble et parfaite et dans une sainte confiance, je me dispose à recevoir les ordres de votre providence éternelle, et que j’adore également tout ce qui me vient de vous.

XIV. Faites, mon Dieu, que dans une uniformité d’esprit toujours égale je reçoive toute sorte d’événements, puisque nous ne savons ce que nous devons demander, et que je n’en puis souhaiter l’un plutôt que l’autre sans présomption, et sans me rendre juge et responsable des suites que votre sagesse a voulu justement me cacher. Seigneur, je sais que je ne sais qu’une chose : c’est qu’il est bon de vous suivre, et qu’il est mauvais de vous offenser. Après cela je ne sais lequel est ou le meilleur ou le pire en toutes choses. Je ne sais lequel m’est profitable de la santé ou de la maladie, des biens ou de la pauvreté, ni de toutes les choses du monde. C’est un discernement qui passe la force des hommes et des anges, et qui est caché dans les secrets de votre providence que j’adore et que je ne veux pas approfondir.

XV. Faites donc, Seigneur, que tel que je sois je me conforme à votre volonté ; et qu’étant malade comme je suis, je vous glorifie dans mes souffrances. Sans elles je ne puis arriver à la gloire ; et vous-même, mon Sauveur, n’y avez voulu parvenir que par elles. C’est par les marques de vos souffrances que vous avez été reconnu de vos disciples ; et c’est par les souffrances que vous reconnaissez aussi ceux qui sont vos disciples. Reconnaissez-moi donc pour votre disciple dans les maux que j’endure et dans mon corps et dans mon esprit pour les offenses que j’ai commises. Et, parce que rien n’est agréable à Dieu s’il ne lui est offert par vous, unissez ma volonté à la vôtre, et mes douleurs à celles que vous avez souffertes. Faites que les miennes deviennent les vôtres. Unissez-moi à vous ; remplissez-moi de vous et de votre Esprit-Saint. Entrez dans mon coeur et dans mon âme, pour y souffrir mes souffrances, et pour continuer d’endurer en moi ce qui vous reste à souffrir de votre Passion, que vous achevez dans vos membres jusqu’à la consommation parfaite de votre Corps ; afin qu’étant plein de vous ce ne soit plus moi qui vive et qui souffre, mais que ce soit vous qui viviez et souffriez en moi, ô mon Sauveur ; et qu’ainsi, ayant quelque petite part à vos souffrances, vous me remplissiez entièrement de la gloire qu’elles vous ont acquise, dans laquelle vous vivez avec le Père et le Saint-Esprit, par tous les siècles de siècles. Ainsi soit-il.

source : http://www.biblisem.net/meditat/pascprie.htm


    Hélène Monastier (1882-1976 ; personnalité marquante des Socialistes chrétiens, du Service civil international et de la Société religieuse des Amis (quakers) en Suisse romande) vivra toute sa vie avec une jambe paralysée suite à une poliomyélite  contractée à l'âge de deux ans. L'attitude de ses parents facilita son enfance, mais elle souffrit de son infirmité à l'adolescence. Une opération tentée lorsqu'elle a 27 ans n'apporte pas d'amélioration notable. Cependant son ami Samuel Gagnebin lui donne à cette occasion des extraits de la Prière pour demander à Dieu le bon usage des maladies de Pascal, et elle en est transformée. Dès lors elle « se considère comme guérie ».
source : http://fr.wikipedia.org/wiki/H%C3%A9l%C3%A8ne_Monastier#cite_note-1

Voir les commentaires

Le Clergé et l'exercice illégal de la pharmacie en France au-delà de la Révolution française

Publié le par antoiniste

    C'est dès l'Antiquité que le rôle des prêtres fut essentiel en matière de préparation des médicaments : chez les Hébreux et les Gaulois par exemple, et la tradition chrétienne a repris cette idée du prêtre guérisseur. Jésus-Christ lui-même représente le sauveur des âmes et le guérisseur des corps, ce qui conduire l'Art à traiter abondamment du thème du "Christ apothicaire". (cf. également Hector Durville, Magnétisme personnel ou psychique) [...] Au fil des siècle, cependant, les apothicaires vont se défendre contre ces concurrents sérieux qu'étaient les ecclésiastiques. Les textes tant profanes que provenant des autorités religieuses vont progressivement interdire au Clergé d'exercer la pharmacie. En pratique, et jusqu'à la Révolution française, l'ouvrage de Jules Tournier (Le Clergé et la Pharmacie avant la Révolution 1938, Thèse Univ. , Paris) démontre que de nombreux remèdes seront préparés et vendus par le Clergé. [...]
    La loi de Germinal réserve le métier d'apothicaire aux seuls pharmaciens diplômés. Cependant, de nombreux documents, tout au long au XIXe siècle, attestent que le rôle du Clergé dans la préparation et la dispensassions des remèdes va se poursuivre. [...] En 1828, la pharmacien M. Blanchard va même jusqu'à admirer, dans sa Petite pharmacie domestique à l"usage des personnes bienfaisantes, "ce vénérable pasteur qui, ministre d'un Dieu de charité, mettant à profit le peu de connaissances médicales qu'il a acquises, prépare quelques potions simples qu'il porte lui-même au malade qu'il a déjà soulagé en lui faisant entendre les paroles d"un Dieu miséricordieux ?" [...] Même si l'on en croit les statistiques de 1861, sur les 853 guérisseurs répertoriés dans 32 départements, on dénombre 161 membres du Clergé. [...]
    Dès 1833, un mémoire de 50 pages de Pelletier, président de la Société de prévoyance des pharmaciens du Rhône, attire l'attention sur la laxisme des préfets qui, dit-il tolère l'exercice illégal de la pharmacie par les communautés religieuses. [...]
    En 1853, le problème est toujours le même comme en témoigne le Dr Clément Brault [...]. En bref, ces méthodes sont donc soutenues par le Clergé, et les autorités civiles, mais parfois même par les médecins ou pharmaciens. Ainsi, le Dr Cazin, qui reçoit la médaille d'or de l'Académie de Reims en 1852 pour un livre dans lequel il souhaite la création d'une commission communale de charité dans chaque village, composée du maire, du curé et d'un conseiller municipal. Et il ajoute : "Il sera établi dans chaque commune une petite pharmacie, chez l'un des membres de la commission. Le Curé, appelé tout naturellement par une vocation toute providentielle à seconder le médecin, paraît devoir être plus particulièrement chargé du dépôt des ressources thérapeutiques." [...]
    C'est aussi le flou légal et réglementaire qui favorise la situation ambiguë qui perdurera pendant plus d'un siècle [...]. Ainsi un document administratif émane du ministre des CUltes qui écrit une lettre à l'évêque de Saint-Brieux le 27 novembre 1862. Cette lettre autorise les soeurs à "préparer seulement les tisanes, les potions huileuses, les potions simples, les loochs simples, les cataplasmes, les médecines, et autres médicaments magistraux semblables dont la préparation n'exige pas de connaissances pharmaceutiques bien étendues." [...]
    Il faudra attendre la loi 1941 sur la pharmacie pour définitivement clarifier la situation juridique. [...]
    Donc, la loi de Germinal ne mit pas fin à l'exercice de la pharmacie par le Clergé séculier ou régulier.  De nombreux religieux ou prêtres vont poursuivre la fabrication ou la dispensassions des médicaments en s'appuyant sur les ambiguïtés de la loi et des décrets, mais aussi sur l'absence de fermeté des autorités civiles et ecclésiastiques. L'exercice de la charité explique sans doute un bonne part la poursuite d'une pratique condamnée par la plupart des professionnels de la santé au XIXe siècle. Mais les intérêts financiers ne sont pas absents comme en témoignent les cas exemplaires de l'abbé Perdrigeon, de l'abbé Oudin ou de l'abbé Kneipp. C'est aussi l'attrait pour la Science en plein essor qui pousse sans doute certains membres du Clergé à pratiquer l'exercice illégal de la pharmacie. La confusion des genres entre soin du corps et soin de l'âme va en tout cas finir par disparaître après la seconde guerre mondiale et la loi de 1941, avec l'appui de toutes les parties concernées.

Bruno Bonnemain, Le Clergé et l'exercice illégal de la pharmacie en France au-delà de la Révolution française
In: Revue d'histoire de la pharmacie, 92e année, N. 342, 2004. pp. 277-302.
source : persee.fr

Voir les commentaires

Disciple d'Antoine à Athus

Publié le par antoiniste

Le tribunal correctionnel d'Arlon vient de condamner à une amende de 52 francs, pour exercice illégal de l'art de guérir, un nommé C..., qui depuis quelque temps s'était installé à Athus et se disant disciple d'Antoine le Guérisseur, soignait de nombreuses personnes malades. C... avait réuni une nombreuse clientèle. Il a quitté Athus et n'a pas comparu devant le tribunal.

L'Avenir du Luxembourg du Samedi 6 Juin 1914
21e année, N°131
source : http://mara.kbr.be/KBR_DL/press/external/multipage/JB421/1914/KB_JB421_1914-06-06_01_000.pdf

Voir les commentaires

Depuis le début, ce ''viol'' n'avait lieu que dans son imagination

Publié le par antoiniste

    Je me souviens de ce qui aurait pu être ma "première fois" si j'avais obéi aux ordres. L'interne d'un service où j'étais étudiant m'avait confié l'examen gynécologique d'une jeune patiente hospitalisée pour un problème... digestif. Il me déclara qu'il fallait bien que j'apprenne à faire un toucher vaginal et que ça faisait partie de l'examen complet. La patiente était une adolescente handicapée mentale, ce qui m'empêchât - du moins, je le pensais - de lui expliquer simplement le but de l'examen. Elle était d'une docilité totale et j'aurais pu user de l'autorité de ma blouse blanche. Je ne fis pas cet examen gynécologique car la seule idée de l'effectuer sans explication et sans motif me mettait terriblement mal à l'aise. Mais j'inscrivis dans le dossier, en style télégraphique : "Toucher vaginal : normal." Quand l'interne lut mon commentaire, il s'écriât : "Ben mon salaud, t'es gonflé d'être allé lui fourrer les doigts dans le vagin !" Je compris qu'il avait voulu me "bizuter" et que, persuadé que je ne ferais pas l'examen, il avait anticipé de pouvoir me reprocher mon manque de cran. Au lieu de quoi il me regarda avec dégoût, sans doute pour me donner le sentiment que j'étais un monstre, une sorte de violeur. Mais il ignorait que rien ne s'était passé. Depuis le début, ce "viol" n'avait lieu que dans son imagination.
    Cette histoire est assez typique d'une perversité très répandue dans le monde médical français. Elle s'ancre dans l'idée que les patents n'ont pas de libre arbitre et sont des jouets entre les mains des médecins. Dans cette vision des choses, les "bons" médecins seraient ceux qui "traiteraient bien" leur patients (au propre et au figuré) ; les "mauvais" médecins, ceux qui "en abuseraient". On sent ce que cette vision des choses a de paternaliste et de hautain, l'idéologie des médecins rejoignant ainsi celle des aristocrates de l'Ancien Régime, négriers à l'occasion, se distinguant par leur plus ou moins grande bienveillance envers serfs et esclaves.

Martin Winckler, C'est grave docteur ?
Ce que disent les patients, ce qu'entendent les médecins
, p.193
Editions de La Martinière, Paris, 2002

Voir les commentaires

Il est tellement plus simple et rapide de prescrire une molécule miracle

Publié le par antoiniste

   La législation récente a eu beau limiter à un mois la prescription des benzodiazépines, le nombre de patients ainsi dépendants ne diminue pas beaucoup. Les Français sont ainsi les champions du monde de la prise de tranquillisants. Et cela grâce à l'ignorance insondable des médecins de notre pays dans le domaine des médicaments ! L'enseignement de la thérapeutique a en effet longtemps été cantonné, en faculté, à de grandes généralités. L'internat, censé sélectionner l'élite des médecins hospitaliers, a jusqu'à une période toute récente complètement ignoré la pharmacologie et les dangers des médicaments pris au long cours. Outre les anxiolytiques, les antidéprésseurs lancés à coup de campagnes publicitaires ont un cote inégalée dans le corps médical. Il est tellement plus simple et rapide de prescrire une molécule miracle que de passer une demi-heure à écouter quelqu'un vider son sac. Et pourtant, de nombreuses études scientifiques ont démontré que, à long terme, l'accompagnement psychologique est aussi efficace, moins coûteux et plus durable sur l'anxiété et les sentiments dépressifs passagers que ne le sont les médicaments.

Martin Winckler, C'est grave docteur ?,
Ce que disent les patients, ce qu'entendent
, p.210
Editions de La Martinière, Paris, 2002

Voir les commentaires

Justinus Kerner, mesmériste allemand du début du XIXe siècle

Publié le par antoiniste

Illustration : Justinus Kerner (1852, Ottavio d'Albuzzi)(wikipedia)

Justinus Andreas Christian Kerner (18 septembre 1786 - 21 février 1862) fut un médecin et un poète allemand de Weinsberg (près d'Heilbronn). Il donna la première description détaillée du botulisme  et fut aussi le précurseur des applications thérapeutiques de la toxine botulique dont il expérimenta les effets sur lui-même et sur de nombreux animaux. Il est l'auteur d'un livre sur la voyante de Prevorst.

 Magnétisme animal
    En 1815 il avait obtenu le poste de médecin officiel du district (Oberamtsarzt) à Gaildorf et en 1818 fut transféré à Weinsberg, où il passa le reste de sa vie. À côté de ces œuvres littéraires, Kerner fut l'auteur de plusieurs livres médicaux populaires traitant du magnétisme animal. Il fut le premier à faire une recherche sur la vie de Franz Anton Mesmer et à rassembler des documents biographiques s'y rapportant.
    En 1826 se présenta Friederike Hauffe, fille d'un garde-forestier de Prevorst et somnambule extra-lucide dont Kerner relata l'histoire dans son livre Die Seherin von Prevorst, Eröffnungen über das innere Leben des Menschen und über das Hineinragen einer Geisterwelt in die unsere (La voyante de Prevorst, considérations inaugurales sur la vie intérieure de l'être humain et l'intervention d'un monde des esprits dans le nôtre) (1829; 6ième édition, 1892).

source : http://fr.wikipedia.org/wiki/Justinus_Kerner

Voir les commentaires

Musajjakawa Malaki (1875-1929), leader d'une église thaumatrugique en Uganda

Publié le par antoiniste

Malaki, Musajjakawa
c. 1875 to 1929
Malakite Church
Uganda

    Musajjakawa Malaki was a Christian leader who formed a separatist church, the Society of the One Almighty God, popularly known as the Malakites.
    Malaki, a Baganda, was twice refused baptism by Anglican missionaries, and in 1914 he founded the Malakite movement, which soon developed into a formal denomination that claimed more than 90,000 adherents within seven years. The Malakites were also the first independent church in Uganda.
    Although the Malakites were a religious group, they also carried the seeds of anticolonial dissent. The movement was confined almost entirely to the Baganda, Uganda's dominant ethnic group, which by 1914 was substantially Christian. Malaki taught that Western medicine was to be rejected, which created conflict with both the missionaries and the government. Perhaps more serious was his advocacy of land redistribution. The Malakites proposed that ancestral lands be the property of clans rather than of individuals. This proposal was a threat to the local chiefs. The incident that brought about the suppression of the Malakites by the colonial government, however, was their refusal to cooperate in a vaccination program. Malaki himself died as the result of a hunger strike.
    The movement declined swiftly from its peak in 1921 until it disappeared around 1930. The Malakites' church was among the very few large independent churches in Africa that have collapsed. Its appearance caused the missionary churches to reconsider their attitudes toward African religious aspirations.
Norbert C. Brockman

Bibliography:
Lipschutz, Mark R., and R. Kent Rasmussen. Dictionary of African Historical Biography. 2nd edition. Berkeley: University of California Press, 1986.

This article is reproduced, with permission, from An African Biographical Dictionary, copyright © 1994, edited by Norbert C. Brockman, Santa Barbara, California. All rights reserved.
source : http://www.dacb.org/stories/uganda/malaki_musaj1.html


    The Bamalaki (followers of Malaki) who called their movement K.O.A.B.-- an abbreviation of Katonda omu ayinza byona which means "God is omnipotent"-- were dissident protestants whose faith rested on their devotion to the Bible. Malaki was a disciple of Joswa Kate Mugema, a rich and influential Buganda chief who refused to recognize any authority but the Bible and differed from the protestants on many religious principles. He regarded Saturday as the Sabbath and requested the British authorities to accept this officially. To do so would have created difficulties at work and administrative problems, and thus Mugema clashed with the British on this issue. He began comparing himself to Moses who was sent by God to Pharoah (in this case, the British Government) and gave his nation a new code of laws. Mugema violently fought any sign of idol worship. He forbade his followers to eat pork, but allowed polygamy, claiming that the patriarch Abraham married more than one wife. In this too, he deviated from accepted Christian practice. But the most important principle in the new faith, which spread rapidly through Uganda (in 1921 there were about 100,000 believers), was violent opposition to the use of medicines and immunizations for humans and animals. Doctors were regarded as Satan's representatives. If God could save man from the burning fiery furnace (Daniel 3), he could definitely help them in time of illness, no matter how severe. There was no need for human aid--faith alone would suffice. The Malaki referred to the Old Testament on this question, quoting amongst many other verses, Jeremiah 46:11: In vein shall you use many medicines; for you shall not be cured. Their objection to immunization during an outbreak of plague resulted in violence between them and the British authorities. Their leader Malaki was exiled to northern Uganda in 1926 and died that year of a protracted hunger strike.
source : http://www.jewishvirtuallibrary.org/jsource/Judaism/uganda1.html


    The main proponent of the spread of Malakitism in eastern Uganda was Semei Kakungulu, who - embittered with the colonial authorities after his retirmeent from the 'presidency' of Busoga in 1913 - heartily embraced the anti-establishmentarianism of the breakaway faith. Kakungulu withdrew from politics to focus his attention on spiritual matters, he soon started to develop his own variations on the established Malakite doctrines, leading to a dispute that would eventually split the Mbale Malakites into two opposing factions. The key issue was male circumcision, which most other Malakites regarded as sacrilege. The true reason behind the widespread Malakite objection to circumcision was rooted in Kiganda tradition, which forbade bodily mutilation of any sort. But this was rationalised away by claiming that circumcision was the way of the Abayudaya, people who don't believe in Jesus Christ.
    The present-day Abayudaya communitu was founded in 1920, when Kakungulu, fed up with the wuarrelling, announced to the Malakites that 'because of your insults... I have separated completely from you and stay with those who want to be circumcised: and wa wil be known as the Jews'. Kakungulu - at the age of 50 - was circumcised along with his first-born son. He circumcised all his subsequently born sons eight days after their birth, and gave all his children Old Tertament names. In 1922, he published an idiosyncratic Luganda religions text steeped in the Jewish religion, demanding complete faith in the Old Testament and all its commandments from himself and his followers.

Philip Briggs, Uganda, 5th: The Bradt Travel Guide, p.438-39
Bradt Travel Guides, 2007 - 512 pages
source : Google Books

Voir les commentaires

<< < 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 > >>