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Augustin Lesage - Les grandes oeuvres ne s'élaborent que dans le recueillement et le silence, ca 1925

Publié le par antoiniste

source : artbrut.ch

Augustin Lesage, né le 9 août 1876 à Saint-Pierre-lez-Auchel (Pas-de-Calais), décédé le 21 février 1954, était un peintre français inclassable, rattaché au mouvement spirite, encensé par les surréalistes et finalement intégré à la Collection de l'art brut, dont il est une figure majeure.

Il aura été mineur comme Louis Antoine, et vit sa jeune soeur et sa mère mourir avant d'entendre des voix lui annoncer "qu'il deviendra peintre". Il sera quelques temps guérisseur avant la Première Guerre mondiale. Puis rencontre le directeur de la Revue spirite, qui deveindra son mécène.

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Le Culte Antoiniste (La Liberté, Journal politique, religieux, social - Fribourg, Suisse, 27 octobre 1913)

Publié le par antoiniste

    Le "Père" Antoine était un "guérisseur" dans le genre du zouave Jacob. Il opérait des cures prodigieuses. Il mourut l'an dernier à Jemmapes-lez-Liége, en Belgique.
    De ses cendres est née une religion. Le culte "Antoiniste" a ses desservants et ses adeptes, de plus en plus nombreux. La "Mère", veuve du "Père" Antoine, a hérité des vertus curatives de son mari et continue son commerce, secondée par un homme chevelu et barbu qui s'est fait une tête de prophète. C'est le père. Il est chargé d'évangéliser les masses, car la "Mère" se contente de faire des gestes.
    Les Antoinistes ont construit à Paris, à l'angle des rues Vergniaud et Wurtz, quartier de la Maison-Blanche, un petit temple. Les vitraux y sont remplacés par des carreaux blancs. Il n'y a ni croix, ni statues, ni tableaux, ni symboles religieux d'aucune sorte. À l'extérieur comme à l'intérieur, les murs sont nus, On y lit des inscriptions comme celles-ci. Sur la façade : "1919. Culte Antoiniste". Dans le temple, à l'entrée, et mise là comme une enseigne, cette autre : "Le père Antoine, le grand guérisseur de l'humanité, pour celui qui a la foi". Dans le fond, cette pensée philosophique : "Un seul remède peut guérir l'humanité : la foi. C'est de la foi que naît l'amour. L'amour qui nous montre dans nos ennemis Dieu lui-même. Ne pas aimer ses ennemis, c'est ne pas aimer Dieu, car c'est l'amour que nous avons pour nos ennemis qui nous rend dignes de le servir ; c'est le seul amour qui nous fait vraiment aimer, parce qu'il est pur et de vérité". Il n'y a point d'autels dans ce temple. Au fond, s'élève une chaire en bois très simple. Cloué au panneau de face, un cadre renferme sous vitrine, peint en blanc, un petit arbre semblable à un arbre japonais. Une inscription en lettres blanches avertit que c'est "l'arbre de la science de la vie et du mal", unique symbole du culte antoiniste. Cet arbre reparaît, découpé sur une plaque d'acier ajustée à une hampe que tient à deux mains un desservant, faisant office de bedeau. Les desservants ont un uniforme complètement noir : longue redingote austèrement boutonnée jusqu'au menton, chapeau demi haute-forme à bords plats : il a à peu près la forme de ce petit chapeau illustré par M. Alexandre Duval, avec le chic en moins.
    Ce matin, il y avait un grand nombre de curieux pour l'inauguration du temple, d'autant plus que la "Mère" devait opérer des guérisons. Une vieille femme, soutenue par deux de ses amies, se dirige vers la place destinée aux malades au pied de la chaire. Chaque pas qu'elle fait lui coûte un effort et lui arrache une plainte. Ses yeux brillent d'un éclat fiévreux. Elle marche le corps plié. On l'installe sur une chaise. Un desservant donne trois coups de sonnette espacés comme à la messe à l'élévation. Une porte s'ouvre et la "Mère" paraît, vieille dame toute vêtue de noir, propre et décente. À son chapeau est épinglé le voile des veuves. Elle monte, les mains jointes, l'escalier qui conduit à la chaire. Là, elle se raidit dans une pose extatique. Puis, lentement, ses bras se lèvent et s'écartent, tandis que ses lèvres murmurent des mots incompréhensibles. Elle joint les mains, les porte à droite puis à gauche ; enfin elle se prosterne. C'est fini. Reprenant sa figure normale, la Mère descend l'escalier de la chaire et sort. Suivie du père qui, pendant cette consultation mystique, s'était immobilisé auprès de la chaire dans une attitude inspirée, elle va s'enfermer dans une baraque en planches placée derrière le temple et pareille à ces baraques où les terrassiers de la Ville rangent leurs outils. La malade s'est levée dans un effort de toute sa volonté. Mais cette ardeur s'est éteinte aussitôt et elle part comme elle est venue, soutenue par ses compagnes. Une jeune femme prend sa place. Elle tient dans ses bras une fillette de 4 à 5 ans, d'une maigreur douloureuse. Toute la vie semble s'être réfugiée dans les yeux. Ses bras et ses jambes pendent inertes. Le corps, plié sur le bras gauche de la mère, a la souplesse d'une étoffe. Indifférente à ce qui se passe autour d'elle, elle tient ses regards fixés vers le cintre. Le trouble de la jeune femme apparaît à la pâleur cireuse du visage. À tout moment, elle essuie avec son mouchoir la sueur froide qui perle à son front. La même cérémonie se reproduit : coups de sonnette du desservant, apparition de la vieille dame, même jeu de scène sans la moindre modification. Il s'applique à tous les cas. La mère remporte son enfant qui a gardé son aspect de loque vivante. Dans l'assistance, pas la moindre manifestation. On regarde tout cela avec stupeur. L'impression d'angoisse qu'on éprouve de ce spectacle arrête l'ironie. Dehors, des groupes se forment. J'écoute un gros homme dont l'haleine fleure le rhum dire à un desservant : "Pourquoi qu'on n'irait pas, si on a la foi ?". Passant son bras sous le sien il ajoute : "Allons prendre un verre, ça nous remettra".

Texte issu d'une note du livre de Vilfredo Pareto, Traité de sociologie générale, Volume II, 1917, Lausanne, Paris, Payot & cie, p.1025 (note 1). Cependant je n'ai retrouvé aucun journal avec cet article (les archives du journal La Liberté ne permettent pas de le retrouver à cette date)

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Une victime de l'Antoinisme (Journal de Charleroi, 28 avril 1914)

Publié le par antoiniste

Une victime de l'Antoinisme (Journal de Charleroi, 28 avril 1914)UNE VICTIME DE L'ANTOINISME. —
Un ouvrier de Couillet, Hippolyte Debusscher.
est venu se plaindre dimanche, à la
police, du départ de sa femme. Celle-ci a
abandonné mari et enfants pour se refaire
« une vie pure » ! Elle s'est retirée, dit le
mari, dans une maison de Roux, où les antoinistes
se livrent au végétarisme et à l'adoration
du Seigneur.

Journal de Charleroi, 28 avril 1914

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Le Golem

Publié le par antoiniste

Le golem (גולם) est un être humanoïde, artificiel, fait d'argile, animé momentanément de vie par l'inscription EMET sur son front (ou sa bouche, selon les versions) d'un verset biblique.
Dans la culture hébraïque, la première apparition du terme golem se situe dans le Livre des Psaumes : « Je n'étais qu'un golem et tes yeux m'ont vu » (139, 16)[1]. C'est alors un être inachevé, une ébauche. Dans la kabbale, c'est une matière brute sans forme ni contours. Dans le Talmud, le golem est l'état qui précède la création d'Adam.

Selon d'autres sources, le rabbin qui l'a conçu était Le Maharal de Prague nommé Yehudah-Leib (Leib, de l'allemand Loewe/Lion, est le surnom judéo-allemand de Yehudah/Juda, dont le symbole de la tribu est un lion; cf. Genèse 49:9, "Gour Aryé" (= lionceau), qui est par ailleurs, le titre d'une de ses oeuvres). Son but aurait été de défendre sa communauté.
Il lui aurait donné la vie en inscrivant EMET(H) (אמת, vérité en hébreu et un des noms de Dieu) sur son front et en introduisant dans sa bouche un parchemin sur lequel était inscrit le nom ineffable de Dieu, parfois dit Hashem(Le Nom) pour ne pas le prononcer.
Pour le tuer, il aurait fallu effacer la 1re lettre (l'aleph) car MET(H)(מת) signifie mort. Le Golem étant devenu trop grand pour que le Rabbin puisse effacer l'aleph, Rabbi Loew lui demanda de lacer ses chaussures, ce qu'il fit. Le plan fonctionna : la créature se baissa et mit son front à portée de son créateur, le Golem redevint ce qui avait servi à sa création : de la terre glaise.
Certains racontent que son créateur est mort, écrasé par la masse de sa créature.
La légende veut également que ce soit Dieu qui ait demandé au Maharal de créer un « second Adam ».
Une autre légende veut aussi que le Golem, son corps, soit entreposé - ou dormant - dans la genizah (entrepôt des vieux manuscrits hébreux, il est interdit de jeter des écrits qui contiennent le nom du très-haut) de la communauté juive de Prague, qui se trouve dans les combles de la synagogue Vieille-Nouvelle de Josefov, qui serait d'ailleurs toujours scellé et gardé.

source : wikipedia

Visionner la version muette de 1920 par les allemands Paul Wegener et Carl Boese : Der Golem : Wie er in die Welt kam

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Saint J. M. Vianney curé d'Ars (Ain)

Publié le par antoiniste

"Laissez vingt ans une paroisse sans prêtre, on y adorera les bêtes" avait-il constaté. Sa piété, ses sermons et son zèle de pasteur ramenèrent peu à peu la ferveur religieuse dans sa paroisse. Homme de prières, il dormait très peu, il se levait tous les matins très tôt pour aller prier dans l'église glacée. Il passait des journées entières à confesser, convaincu que son pari de ramener ses paroissiens vers Dieu pouvait être gagné à condition de faire confiance à la miséricorde divine.

Le saint curé d'Ars était déjà considéré comme un saint de son vivant tant il était dévoué à l'œuvre de Dieu. Il disposait de grâces étonnantes notamment comme confesseur. Sa charité était par ailleurs sans limite : il mangeait peu, passait des heures entières en adoration du Saint-Sacrement ; il dormait peu, surtout à la fin de sa vie, passant jusqu'à seize heures par jour à confesser ; il redistribuait tout ce qu'on lui donnait et n'hésitait pas à se démunir encore pour subvenir aux besoins de plus pauvre que lui.

source : wikipedia

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Robert Vivier - Délivrez-nous du mal - Mort de son fils

Publié le par antoiniste

    Et c'était bien d'amour qu'il était question ici. C'était l'amour qui avait entraîné le coeur d'Antoine, à la suite de son fils que la mort éloignait, dans les régions au-delà de la frontière effrayante. L'amour lui avait enseigné que son fils n'était plus dans ce corps, dans cette dépouille, ni ravi non plus dans on ne sait quelle immortalité à jamais séparée de notre monde, mais qu'il viviat encore vraiment, lui, l'être apparu dans la maison de Hamborn et baptisé du nom de Louis, l'enfant qui, par un soir d'été, en revenant de Mons, s'était plaint de ses souliers neufs. Il viviat encore, parce que rien de ce qui a réçu la vie de l'âme et a été aimé comme tel ne peut mourir. Et vivant, il continuait à aimer ses parents terrestes, il sentait qu'on l'aimait, qu'on ne l'oubliait pas, il éprouvait la tiédeur d'une pensée fidèle ainsi que de mains qui vous touchent les joues et les épaules.

Robert Vivier - Délivrez-nous du mal
Ed. Labor - Espace Nord, p.220

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Colette Magny - Les Nouvelles Révélations de l'Etre

Publié le par antoiniste

Je dis ce que j'ai vu et ce que je crois
Et qui dira que je n'ai pas vu ce que j'ai vu
Je lui déchire maintenant la tête
Car je suis une irrémissible brute
Et il en sera ainsi jusqu'à ce que le temps ne soit plus le temps
Ni le ciel, ni l'enfer, s'ils existent,
Ne peuvent rien contre cette brutalité qu'ils m'ont imposée
Peut-être pour que je les serve, qui sait, en tout cas pour m'en déchirer
Ce qui est, je le vois avec certitude
Ce qui n'est pas, je le ferais si je le dois
Voilà longtemps que j'ai senti le vide,
Mais que j'ai refusé de me jeter dans le vide
J'ai été lâche comme tout ce que je vois

Quand j'ai cru que je refusais ce monde
Je sais maintenant que je refusais le vide
Car je sais que ce monde n'est pas
Et je sais comment il n'est pas
Ce dont j'ai souffert jusqu'ici, c'est d'avoir refusé le vide
Le vide qui été déjà en moi
Je sais qu'on a voulu m'éclairer par le vide
Et que j'ai refusé de me laisser éclairer
Si on a fait de moi un bûcher
C'était pour me guérir d'être au monde
Et le monde m'a tout enlevé
J'ai lutté pour essayer d'exister
Pour essayer de consentir aux formes, à toutes les formes
Dans la délirante illusion d'être au monde a revêtu la réalité
Je ne veux plus être un illusionné

Mort au monde, à ce qui fait pour tout les autres le monde
Tombé enfin, tombé, monté dans ce vide que je refusais
J'ai un corps qui subit le monde et dégorge la réalité
J'ai assez de ce mouvement de lune
Qui me fait appeler ce que je refuse et refuser ce que j'ai appelé
Il faut finir, il faut enfin trancher avec ce monde
Qu'un être en moi, cet être que je ne peux plus appeler
Parce que s'il vient, je tombe dans le vide
Cet être a toujours refusé

C'est fait, je suis vraiment tombé dans le vide
Depuis que tout de ce qui fait ce monde
Vient d'achever de me désespérer
Car on ne sait que l'on n'est plus au monde
Que quand on voit qu'il vous a bien quitté
Mort, les autres ne sont pas séparés
Ils tournent encore autour de leur cadavre
Ils tournent encore autour de leur cadavre
Et je sais comment les morts tournent autour de leur cadavre, tournent autour de leur cadavre
Depuis exactement trente-trois siècles que mon double n'a cessé de tourner

Or, n'étant plus, je vois ce qui est
Je me suis vraiment identifié avec cet être
Cet être qui a cessé d'exister
Et cet être m'a tout révélé
Je le savais mais je ne pouvais pas le dire
Et si je peux commencer à le dire
C'est que j'ai quitté la réalité

C'est un vrai désespéré qui vous parle
Et qui ne connais le bonheur d'être au monde
Que maintenant qu'il a quitté ce monde
Et qu'il en est absolument séparé
Mort, les autres ne sont pas séparés
Ils tournent encore autour de leur cadavre
Ils tournent encore autour de leur cadavre
Je ne suis pas mort, mais je suis séparé

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Edme Brun - Echange de bons procédés - vers 1885

Publié le par antoiniste

 source : Base Joconde

   - Surtout, ne pensez pas tant, cher monsieur Antoine. Cela ne fait pas de bien, croyez-moi. Pratiquez, et vivez en paix.
   - Méfiez-vous, mon ami. Il est très dangereux de penser, quand on n'a pas assez d'instruction, pour le faire. laissez penser pour vous ceux qui savent, et n'oubliez pas que Dieu punit les orgueilleux.

Robert Vivier - Délivrez-nous du mal
Ed. Labor - Espace Nord, p142-43 & p.143-44

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L'allégorie de la caverne de Platon

Publié le par antoiniste

Dans une demeure souterraine, en forme de caverne, des hommes sont enchaînés. Ne nous ressemblent-ils pas ? Ils n'ont jamais vu directement la lumière du jour, dont ils ne connaissent que le faible rayonnement qui parvient à pénétrer jusqu'à eux. Des choses et d'eux-mêmes, ils ne connaissent que les ombres projetées sur les murs de leur caverne par un feu allumé derrière eux. Des sons, ils ne connaissent que les échos.

Que l'un d'entre eux soit libéré de force de ses chaînes et soit accompagné vers la sortie, il sera d'abord cruellement ébloui par une lumière qu'il n'a pas l'habitude de supporter. Il souffrira de tous les changements. Il résistera et ne parviendra pas à percevoir ce que l'on veut lui montrer. Alors, Ne voudra-t-il pas revenir à sa situation antérieure ? S'il persiste, il s'accoutumera. Il pourra voir le monde dans sa réalité. Prenant conscience de sa condition antérieure, ce n'est qu'en se faisant violence qu'il retournera auprès de ses semblables. Mais ceux-ci, incapables d'imaginer ce qui lui est arrivé, le recevront très mal et refuseront de le croire : ne le tueront-ils pas ?.

source : wikipedia

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- Ils nous ressemblent, répondis-je; et d'abord, penses-tu que dans une telle situation ils aient jamais vu autre chose d'eux-mêmes et de leurs voisins que les ombres projetées par le feu sur la paroi de la caverne qui leur fait face?
- Et comment ? observa-t-il, s'ils sont forcés de rester la tête immobile durant toute leur vie ?

- Et pour les objets qui défilent, n'en est-il pas de même ?
- Sans contredit.
- Si donc ils pouvaient s'entretenir ensemble ne penses-tu pas qu'ils prendraient pour des objets réels les ombres qu'ils verraient ?
- Il y a nécessité.
- Et si la paroi du fond de la prison avait un écho, chaque fois que l'un des porteurs parlerait, croiraient-ils entendre autre chose que l'ombre qui passerait devant eux ?
- Non, par Zeus, dit-il.
- Assurément, repris-je, de tels hommes n'attribueront de réalité qu'aux ombres des objets fabriqués.
- C'est de toute nécessité.
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- L'éducation est donc l'art qui se propose ce but, la conversion de l'âme, et qui recherche les moyens les plus aisés et les plus efficaces de l'opérer; elle ne consiste pas à donner la vue à l'organe de l'âme, puisqu'il l'a déjà; mais comme il est mal tourné et ne regarde pas où il faudrait, elle s'efforce de l'amener dans la bonne direction.
- Il le semble, dit-il.
- Maintenant, les autres vertus, appelées vertus de l'âme, paraissent bien se rapprocher de celles du corps - car, en réalité, quand on ne les a pas tout d'abord, on les peut
acquérir dans la suite par l'habitude et l'exercice ; mais la vertu de science appartient très probablement à quelque chose de plus divin, qui ne perd jamais sa force, et qui, selon la direction qu'on lui donne, devient utile et avantageux ou inutile et nuisible. N'as-tu pas encore remarqué, au sujet des gens que l'on dit méchants mais habiles, combien perçants sont les yeux de leur misérable petite âme, et avec quelle acuité ils discernent les objets vers lesquels ils se tournent ? Leur âme n'a donc pas une vue faible, mais comme elle est contrainte de servir leur malice, plus sa vue est perçante, plus elle fait de mal.
- Cette remarque est tout à fait juste, dit-il.

source : http://remacle.org/bloodwolf/philosophes/platon/rep7.htm

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André Thérive - Sans âme

Publié le par antoiniste

ILLUSTRATIONS DE GERMAINE ESTIVAL - FERENCZI, COLL. LE LIVRE MODERNE ILLUSTRE 1933, BROCHE.

    Germaine Estival 

    Il y a des êtres que la chance accompagne. Germaine Estival paraît
être du nombre de ces élus. Il y a quatre ans, elle travaillait pour
elle, peignant et dessinant, sans préoccupation de succès, au gré des
rencontres et de son inspiration. Elle était, sous son véritable nom,
professeur de dessin de la ville de Paris et, tout en caressant au fond
de son coeur, le désir de percer qui est inhérent au rôle même de l'ar-
tiste, elle ne s'agitait point, ne tentait rien pour devancer l'heure,
ne cherchait surtout pas les motifs qui pouvaient plaire au public.
Elle plantait son chevalet, ici et là, en son pays d'Auvergne, dans
les Vosges ou les Alpes, quand elle était en vacances, près de son
domicile, à Paris, durant le reste de l'année. 

    Or, le spectacle qu'elle avait de ses fenêtres était... Le Père La
Chaise ! Elle peignit donc le Père La Chaise. Près de chez elle, était
le quartier lépreux, erripouacré, croulant de Ménilmontaht ; elle
peignit ce « Ménilmuche » qu'avait chanté Bruant. Elle fit aussi quel-
ques incursions dans le quartier voisin de Charonne, que décore une
très belle église entourée d'un bon vieux cimetière, où il paraît bon
dormir. Que voilà, n'est-ce pas ? des sujets propres à passionner
le bourgeois ! Eh bien, chose à peine croyable, c'est de ces peintures
véridiques, sombres, parfois sinistres, que devait soudainement jaillir
sa réputation. 

    Personne avant elle n'avait peint ces rues sordides, ces maisons 
aux murs ravalés, ces architectures sans style, habitées par des gens
qui n'ont pas lé loisir d'avoir de la spiritualité. EUe donnait à tout
cela, cependant, une valeur d'art insoupçonnée. Elle créa, selon
l'heureuse expression d'André Thérive, « la fonction de ce peintre
de la nature inhumaine. » Quand elle exposa, pour la première fois,
aux Indépendants, en 1926, on remarqua immédiatement ses envois,
et elle eut des amateurs qualifiés. Non seulement, on goûtait ces
aspects ignorés d'un Paris qui n'était même pas celui de la tournée
des Grands Ducs, mais on aimait la fermeté de sa touche, la finesse
de ses gris, la qualité de sa mise en pages, sa manière propre de faire
chanter un blanc, un vermillon, un bleu crus, sur ces crépis suintants
de maisons à bistros, à hôtels borgnes ou à usage de prisons. 

    C'était bien là sa vocation. Sur ces entrefaites, elle lut le Sans Ame,
de Thérive. Thérive est un écrivain plein d'érudition et de talent ;
il devait recueillir, au Temps, la difficile succession de Paul Souday,
esprit d'une rare indépendance et d'une culture presque encyclopé-
dique, et y réussir. Mais, en Thérive, le critique éclipsait le romancier.
Germaine Estival sut comprendre ce^dernier et ce.Sans Ame, qui l'en-
thousiasma, à juste titre — car c'est une oeuvre de pénétrante analyse,
de vérité et de vie — lui inspira un projet d'illustrations, dont, à
son tour l'auteur s'émerveilla. On aurait crû que Thérive avait écrit
Sans Ame pour le crayon de Germaine Estival ! C'est une rencontre
aussi peu commune que celle de Doré et du Balzac des Contes Drola-
tiques, de Daniel Vierge et de Don Pablo de Ségovie, de G. Jeanniot
et d'Adolphe, de Maurice Denis et du Fiqrelti. Aussi, quand l'artiste
prépara sa première exposition particulière, en mai dernier, l'éminent
critique réclama-t-il l'honneur d'écrire la préface du catalogue. 

   Cette présentation d'une jeune femme de talent par un maître
du feuilleton littéraire, fit un bruit considérable. Ce fut un départ
sensationnel, car tous les journaux firent écho à Thérive. Le nom
de Germaine Estival était lancé ; le réel et original tempérament
de l'artiste, portraitiste et paysagiste aussi bien que peintre des rues
cachectiques, ne le laissera pas retomber. 

            CLÉMENT JANIN. 

L'Auvergne littéraire et artistique
7e année - N° 52 - Juin-Juillet 1930

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