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bibliographie

Robert Vivier - Délivrez-nous du mal (critique du livre Lettres françaises de Belgique)

Publié le par antoiniste

DELIVREZ-NOUS DU MAL Roman de Robert Vivier (né en 1899) publié en 1936. Ce récit reconstitue la vie d'Antoine le Guérisseur, pseudonyme de Louis Antoine, né en 1846 près de Liège. Garçon sérieux et très dévot, il travaille dès l'âge de douze ans dans les mines. En 1873, après avoir terminé son service militaire, il épouse Catherine, une jeune fille qu'il connaît déjà depuis longtemps. Le couple déménage successivement en Allemagne et en Russie pour retourner chaque fois en Belgique, à Jemeppe. Les différents métiers qu'Antoine a exercés (machiniste, ouvrier, marchand de légumes) ne lui permettent pas de résoudre ses problèmes financiers.
    Cet échec le plonge dans un malaise continu. Cependant, une séance de spiritisme et le pouvoir guérisseur lié à cette pratique le font sortir de l'impasse : Antoine comprend que la richesse n'est pas forcément source de bonheur et qu'elle ne vaut pas la santé. Devenu médium lui-même, il forme un groupe spirite : les Vignerons du Seigneur. La souffrance qu'il éprouve à la mort de son fils ne fait qu'intensifier ses anbitions caritatives. Le nombre de guérisons augmente et sa popularité croît sans cesse. Le fait que sa pratique est efficace et gratuite le font gagner deux procès engagés contre lui. Stimulé par ses succès, Antoine rédige quelques traîtés dans lesquels il décrit ses expériences. Aussi transforme-t-il sa maison en temple. Quelque temps avant sa "désincarnation", conçue non pas comme une barrière inexorable mais comme un moyen d'accès aux mystères d'outre-tombe, Antoine (surnommé le Guérisseur, le Généreux ou Père par ses adeptes) délégue ses pouvoirs à "Mère" Catherine. Il meurt en juin 1912 et il est enterré selon le rite antoiniste.
    VIVIER fournit au lecteur une description détaillée de l'antoinisme, un mouvement ésotérique qui a connu beaucoup de partisans. Le caractère netement écotérique de ces pages n'empêche à aucun moment leur élaboration romanesque. En effet, on accède continuellement aux idées, aux doutes et aux espoirs du protagoniste. Cette pénétration directe dans la conscience de ce personnage charismatique a permis à l'auteur d'établir un portrait captivant d'un homme dont la renommée dans sa région natale est loin d'être éteinte.

    J. De Caluxé e.a., Hommage à Robert Vivier, Liège, 1965. - R. Vivier, Proses, avec introduction par M. Thiry, Bruxelles, 1965.

Lettres françaises de Belgique: Le roman (p.126)
sous la direction de R. Frickx,  R. Trousson,  V. Nachtergale
source : Google Books

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André Thérive, Sans âme (critique par René Jolivet)

Publié le par antoiniste

André Thérive, Sans âme (critique par René Jolivet)

Les lettres Françaises et Etrangères

par René JOLIVET

André THERIVE : Sans Ame

    Parmi les diverses formules du roman naturaliste qui, entre Emile Zola, et les Goncourt, peuvent trouver une place assez large, il semble qu'André Thérive en ait choisie une particulière dans laquelle, en quelques années, il s'est développé, fortifié, nourri et où il a pris ses grades jusqu'il la maîtrise totale de son talent. Cette place, pourtant, n'était pas facilement définissable avant la publication du dernier romande l'auteur des Souffrances perdues, Sans Ame, qui est en quelque sorte l'expression totale d'une pensée remarquablement pénétrante et éminemment créatrice.
    Bien qu'à aucun moment, depuis L'Expatrié, la première en date de ses oeuvres de romancier, André Thérive ne se soit cherché, n'ait avancé à tâtons, on subit en lisant la puissante et sobre évocation de la vie sentimentale des humbles héros de Sans Ame, une impression neuve. Sa personnalité que l'on voudrait définitive tant elle satisfait parce qu'elle offre d'original, s'est dégagée des influences qui la rendaient moins précise, en particulier de celle d'Huysmans dont la sensibilité assez voisine de celle d'André Thérive, se retrouve seulement dans la manière d'éclairer d'un jour triste et inquiétant les passions assez simples, en somme qui animent les personnages. Peut être sont-ce simplement ces décors de faubourgs sous la pluie, ces bars déserts, mal éclairés, emplis seulement de la voix crachotante d'un phonographe ; peut-être sont-ce ces hôtels lépreux où l'auteur cache les amours de ses héros ou ces misérables bâtisses dans lesquelles il réunit les adeptes de la religion Antoiniste, qui rappellent les émouvantes descriptions dès sinistres paysages de banlieue où le génie d'Huysmans savait éclore, quoiqu'il en soit, malgré cette similitude d'atmosphère, André Thérive n'en est pas moins un écrivain personnel. Son effort de romancier l'a porté comme, Pierre Benoit — le plus célèbre de sa génération — vers la recherche d'affabulations particulièrement nouvelles, ou comme Roland Dorgelés vers le drame d'action. Il se plaît à mettre en conflit dans un être des sentiments normaux, naturels et à observer, pour nous les transmettre les réactions qu'il note, non en psychologue froid, insensible, mais un peu aussi en poète qui sait s'attendrir et qui veut faire passer dans l'âme de ses lecteurs toute sa compassion et sa pitié envers les victimes de la vie.
    Ainsi, lorsque Julien Lepers, dit Verhaege, préparateur du Laboratoire de Physiologie des religions, dans une curieuse annexe du Collège de France, le héros de Sans Ame qui hésité entre deux femmes dont l'une, ouvrière d'usine est sa maîtresse, et l'autre une petite danseuse, malade, chétive, vient surprendre cette dernière dans les coulisses d'un grand Music-Hall, toute la sensibilité émue de l'auteur se concentre dans révocation de l'existence misérable des petits artistes qu'il décrit avec soin et qu'il devine à travers les multiples détails, touchants et si vrais, que son cruel regard d'observateur ne laisse pas échapper. Plus tard, la mort de cette pauvre Lydia dans une chambre d'hôtel, glacée, auprès du malheureux Lepers, fournit au romancier les pages les plus douloureusement fortes du livre. Il y a mis toute l'âpreté de son talent de réaliste, mais, en plus — et c'est en cela qu'il se rattache à la grande lignée des naturalistes — un lyrisme sourd, sans fausse éloquence, dont les vibrations atteignent directement le lecteur.
    Il serait curieux, tout en analysant les romans d'André Thérive d'examiner quelle importance a pris la forme chez un écrivain par excellence, critique et grammairien, successeur vraisemblablement d'Abel Hermant et dont les « Consultations grammaticales » des Nouvelles Littéraires sont lues chaque semaine par les « défenseurs et illustrateurs de la langue française » de notre époque. On arriverait sans doute à reprocher à l'auteur de tant d'ouvrages composés avec soin, une liberté d'expression trop grande dans le dialogue. Que les personnages s'expriment mal, comme ils l'eussent fait réellement dans la vie, qu'ils emploient un argot de bonne source, cela ne peut qu'ajouter de la vraisemblance au récit. Néanmoins, il est toujours convenable de choisir — puisqu'en somme l'art est dans le choix — et de ramener les propos réels, en leur conservant leur caractère propre, à une forme qui laisse à l'ensemble Une tenue toujours égale. André Thérive semble craindre au plus haut point la préciosité et cette crainte le pousse à l'excès contraire.
    Même en tenant compte de cette légère critique, il n'en reste pas moins que Sans Ame est une oeuvre de premier plan, poignante, riche de documents humains, une oeuvre de nuance et d'exaltation sincère. Elle est, parmi les plus puissantes que le lauréat du Grand-Prix Balzac nous a données, comme le Plus grand péché, les Souffrances perdues, le Voyage de M.Renan, celle qui, dans le cadre du roman moderne semble rattacher le mieux à celles des maîtres de la fin du XIXe siècle. Puisée dans ce fonds commun, la vie, elle en a toutes les qualités et tout le charme.

René JOLIVET.

Annales africaines. Revue hebdomadaire de l'Afrique du Nord
Alger, 15 décembre 1928
source : gallica

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Robert Vivier, Délivrez-nous du mal (critique de L'Astrosophie)

Publié le par antoiniste

Délivrez-nous du Mal

Robert VIVIER

(Editions Bernard Grasset, Paris — 18 francs)

    Ce livre est une biographie du Père Antoine le Guérisseur, fondateur du culte des Antoinistes, une branche du mouvement spirite. Tout honneur à l'auteur ! Il avait une tâche ingrate : décrire une vie à la fois simple et remarquable, en gardant le ton naturel et pourtant en faisant valoir des pouvoirs presque miraculeux qui se sont développés dans un pauvre ouvrier par les méthodes spirites. Il ne sied pas ici de discuter les méthodes Antoinistes, l'hypothèse spirite, ni la nature de la guérison spirituelle. Les faits parlent. Dans son traitement du Père Antoine, écrit comme un roman de grande envergure, M. Vivier nous a montré que la bonté simple et la beauté d'esprit suffisent à rendre un être digne de devenir un messager du Guérisseur de Nazareth. Plus de 300.000 Belges et Français suivent, de nos jours, l'enseignement simple et spirituel du Père Antoine.

L'Astrosophie.
Revue d'astrologie ésotérique et exotérique ["puis" mensuelle d'astrologie] et des sciences psychiques et occultes

1936/05 (VOL14,N5).
source : gallica

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Max Stirner - L'unique et sa propriété ; traduction et préface de Henri Lasvignes (1900)

Publié le par antoiniste

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André Thérive - Sans âme (résumé et critique du livre)

Publié le par antoiniste

    1934, Paris. Rive gauche. Julien Lepers... ou Julien Verhaege... Elève de l'Ecole de Hautes Etudes pour un professeur occupant une chaire au Collège de France. Il s'occupe du Laboratoire de Physiologie des religions, en dilettante. Son intérêt pour l'Antoinisme et les théories de son logeur ne mène au aucune considération sociologique. Il est plus intéressé par de nouvelles connaissances féminines. En cela, Lydia, et Lucette le contenteront... Mais quand on n'assume pas son nom, saura-t-on assumer son amour ? Ses amours ? Et assumera-t-il son nom et son milieu d'origine ? Peut-être ses conquêtes l'aideront à y voir clair, peut-être pas ?...


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Critique de Henriette Charasson dans La semaine littéraire (p.20) de La Femme de France, 03-04-1928
source : gallica

Un nouveau roman d'André THÉRIVE. — Sans Ame (Grasset).

SANS AME, oeuvre magnifique, n'est pas un roman gai ? Mais quel roman du spirituel Thérive — si taquin pourtant dans la vie privée, si caustique dans ses critiques ! — a jamais donné une impression de gaieté ? On n'y trouve même presque pas ce son, amusé par moments à force d'écoeurement, de son maître Huysmans, on y entend surtout l'écho de l'immense sanglot d'un peuple surmené, épuisé par ses plaisirs comme par ses souffrances, et dont la civilisation moderne semble avoir pris à tâche d'étouffer cette lumière — humaine pour les uns, divine pour les autres — qu'on appelait l'âme. Car pour le pauvre qui ne voit pas de but à la vie, comment supporter gaiement son oppressante laideur ? Avec quel prodigieux talent André Thérive a accumulé, dans cette sombre oeuvre inoubliable, les tableaux douloureux, les descriptions amères, les évocations sinistres.
    Au milieu de ces êtres qui ne savent même plus pourquoi ils respirent, Julien, — Julien Lepers, qui signe Verhaege ses gravures, — est un mal adapté, un désaxé qui ne connaît, quasi, pas plus son âme que ne le fait la triste plèbe au milieu de laquelle il se complaît. D'une famille bourgeoise, avec un oncle libre penseur et des parents morts tôt, il ne sait même pas s'il a été baptisé ; nul règlement dans sa vie, nul réel souci du bien et du mal, et s'il n'est pas méchant, c'est par instinct, ce n'est pas par volonté : et ces êtres-là font quelquefois plus de mal que bien des vrais méchants. Outre ce que lui rapporte son art, exercé souvent en amateur, Julien reçoit mille francs par mois d'un oncle industriel, et à peu près autant pour de vagues fonctions de « préparateur », obtenues par piston politique au Collège de France, dans un très fantaisiste « Laboratoire de Physiologie des religions », dont le maître a plus figure de faiseur que de convaincu. Comme il n'éprouve pas du tout « la vocation de l'intérieur » et se contente d'une sorte de taudis, Julien ne manque donc pas d'argent de poche pour s'amuser. Mais s'amuse-t-il ? Non, il essaie de se le faire croire, et quelles qu'en soient les conséquences, car « il aime mieux sentir en lui l'inquiétude que l'indifférence ». Il ne peut pas arriver à l'inconscience paisible, parce qu'il est trop curieux : des autres êtres, de soi aussi.
    Dans cet admirable roman où André Thérive s'est dépassé lui-même, plusieurs études s'entre-croisent, sans toutefois nuire à cette unité
d'action que constitue la psychologie de Julien. C'est d'abord la vie populaire, non celle qu'on trouve dans ces ménages d'ouvriers ordonnés,
réguliers où, comme dans tant de foyers de France, le travail et le sentiment de la famille, des responsabilités acceptées, règlent tout : c'est la vie populaire des milieux un peu gouapes (pas trop) des ouvrières plus ou moins en rupture d'usines, des ouvriers un peu trop amis des congés, sur le chemin des « affranchissements » dont Jean Galtier-Boissière, voici quatre ans, nous a si bien conté l'enchaînement... La vie aussi des coulisses de music-hall : et la
peinture vive, caustique, gouailleuse qu'en donne Thérive tient le coup à côté même des tableaux de Colette et offre un aspect nouveau de son talent : dialogues argotiques des danseuses, scènes de loges, et ce Grand-Actionnaire hollandais qui craint pour ses tapis neufs :

    Il courait lui-même après les fumeurs; il menaçait les mannequins ou les petites femmes du tableau d'adieu : insensible, il essuyait des vedettes les injures en français, en anglais, en argot; il saluait jusqu'à terre le moindre journaliste; il gardait son cigare au bec devant la femme du directeur.

    Une autre étude, où l'on retrouve le curieux d'hérésies du Plus grand Péché [autre livre de Thérive], c'est celle de cette étrange secte des Antoinistes, renouvelée de la Christian Science et comme avilie encore, démocratisée : là grince un peu le sourire huysmansien, car c'est dans de tels traits que le pessimiste qui se révèle immédiatement dans Thérive romancier condescend à montrer un peu d'humour et comme une sombre gaieté.
    Mais le relief principal du récit, c'est Julien Lepers qui nous le fournit, avec ses deux amoureuses qui sont cousines — Lucette qui a vingt-quatre ans, ex-cartonneuse, maintenant entretenue par un contremaître « dans le sucre », et Lydia, dix-sept ans, danseuse, qui travaille en perles chez elle, à l'hôtel, quand ça ne va pas fort. Lydia ne veut pas faire la noce ; seule au monde, elle a horreur des hommes qui lui courent après, c'est un petit être propre et vertueux, sans savoir pourquoi, car elle ne s'analyse pas ; elle aime son travail et ses bêtes. Une de ses camarades déclare d'elle : « Elle ne céderait
pas au pape, s'il ne lui plaisait pas. Et même s'il lui plaisait, j'en suis sûre, elle ne se le pardonnerait pas. » Là se trouve la clé de tout ce pauvre drame.
    Dans un petit cinéma de quartier, Julien a fait la connaissance de Lucette, Lucette qui a le Signe et qui par là le conquiert. Elle ne tarde pas à lâcher le contremaître pour lui ; auprès d'elle et de son frère, ancien champion sportif, du copain de celui-ci, un boulanger intellectuel et alcoolique, — un type digne de Dickens, — Julien s'encanaille. C'est qu'il ressent auprès de cette femme laide à la bouche abjecte « une ardeur triste que ne lui eût pas inspirée une femme plus belle, mais faite pour lui. » Il sait ce qu'elle est : pas sentimentale, dure et facile, violente, mal équilibrée, et peu séduisante ; chez lui, le dégoût alterne avec la passion aveugle, et de la douleur réside dans son ardeur. Il faudra que peu à peu il se rassasie d'elle, nourrissant de satiété ce dégoût obscur que certains hommes ont pour une femme trop connue, trop possédée, qui ne cache plus l'impureté, l'impudeur natives, à qui tout dire c'est trop, qui ne respecte plus en somme le secret de leur coeur, de leurs sens. Il faudra que peu à peu achève de se gâter ce bonheur a demi pourri, qui dès le premier jour recelait un vers et qui est le seul bonheur, en amour, que jusqu'ici les trente ans pervertis, ou tout au moins déséquilibrés, de Julien aient conçu et connu.
    Or, le premier jour que Lucette est venue chez Julien, elle s'est fait accompagner par sa cousine Lydia, la petite danseuse, ils l'ont reconduite à son hôtel, Julien sait donc où elle demeure. Cette enfant belle, mince, fine et presque pure ne parle pas aux sens faisandés de Julien, pourquoi se méfierait-il du sentiment qui le porte à chercher à la revoir ? et s'il n'en dit rien à Lucette, n'est-ce pas à cause de l'exécrable caractère de celle-ci ? Ce par quoi elle le touche profondément, c'est seulement par « l'expression d'une douceur naïve qui enchantait et pouvait consoler ». Julien n'avait jamais rencontré cela auprès des garces à qui son vice secret le condamnait. Comme il pensera souvent à cette enfant, comme il se plaira à l'aller revoir ! Et elle, si défiante, elle ne se défie pas trop de l'amant de sa cousine, parce qu'elle se sent très loyale et qu'il ne montre ni convoitise ni brutalité : au moindre indice, elle serait sur ses gardes. Aussi n'avoue-t-elle pas à Lucette les fréquentes visites de Julien. Il lui devient une chère habitude. Elle bavarde devant lui, lui révélant de jolies petites puérilités qui lui étaient inconnues et il admire qu'une vie artificielle ou instable laisse à un être tant de fraîcheur et de paix. Dans la complication d'un sentiment où, tour à tour, Lucette et Lydia lui apparaissent indispensables, il se sent lâche et bizarre et en jouit, sans repos.
    Quand Lydia retrouve du travail dans un music-hall, une jalousie le prend, à l'idée de ces gens qui verront « son corps et non pas la chose inconnue, l'âme peut-être, qui veillait dans cette chair fragile ».

    A cette heure il eût caressé un chien dans le ruisseau si ce chien avait su l'existence de Lydia.

    Et elle, elle sait qu'elle l'aime, mais elle sait aussi qu'elle a horreur de cette chose brutale qu'autour d'eux elle voit appeler l'amour. Et, un soir où il a été la contempler pour la première fois demi-nue sur la scène, où il la retrouve à la sortie du music-hall — parce qu'il montre sa tendresse, et qu'elle croit qu'il lui joue la
comédie pour la séduire, — la défense amère qu'elle lui oppose éteint sa naïveté, sa douceur, lui inspire précisément les pensées qu'elle voulait chasser.
    Il la possède, mouillée de larmes, et au matin elle le quitte durement en rappelant l'irrévocable adieu.
    Il faut vivre maintenant sans Lydia ; il n'a plus envie de Lucette ; il perd son emploi au Laboratoire, il n'arrive plus à placer ses gravures ; son oncle est mort, ruiné, ne lui laissant, tout comptes faits, qu'une douzaine de mille francs ; quelques mois lamentables passent et voilà qu'un jour, n'y tenant plus, ayant retrouvé la trace de Lydia, il apprend qu'elle a eu un accident dans son music-hall, elle n'a pas voulu aller à l'hôpital, on l'a portée dans son nouvel hôtel. Il y court aussitôt, dans le milieu de la nuit, on le laisse monter parce qu'on le prend pour le médecin...
    Ici, André Thérive a atteint à une hauteur où jamais encore nous ne l'avions vu monter, à une émotion contenue mais immense, profonde, dont j'avoue humblement que je ne le croyais pas capable. En lisant ces deux derniers chapitres de la plus sobre et déchirante beauté, on croit entendre de grands accords d'orgue, Thérive a réussi ce miracle de nous faire alors aimer son Julien, ce Julien bête, égoïste, brutal comme tous les hommes, mais bon aussi... comme un homme lorsqu'il aime vraiment.
    Dans cette misérable chambre d'hôtel, Julien trouve Lydia agonisante. De leur unique nuit il y a cinq mois, elle était enceinte ; sa chute a provoque un accident et la malheureuse enfant était seule. Elle qui jamais ne lui avait dit un mot de tendresse, lui demande de rester, lui crie : « Il n'y a eu que vous, je le jure ! » Et encore : « Allez, je ne vous en veux plus. »

    — Oui, oui, je vous pardonne. Vous savez pourquoi?
    Il fil signe que non.
    — Parce que je, parce que...
    Et tout bas, comme jadis, les lèvres faillirent articuler le mot d'aveu qui jamais entre eux ne devait sonner. Et une main se leva pour esquisser une caresse à l'homme coupable.
    Pour lui, il était affolé de cette révélation qui disait son indignité et sa honte. El il se cachait le visage devant ce visage qu'il eût vot lu ardemment regarder, aimer enfin à découvert.

    Ah ! Thérive, Thérive, nous ne vous savions pas aussi sentimental, et capable de soupirs comme ceux-là ! C'est dans Sans Ame que vous êtes poète, bien plus que dans vos vers. Cette scène de la mort de Lydia, comment la lire avec les yeux secs, tandis que l'enfant gémit : « Mourir, je veux bien, mais pas finir. » Et lui, tout bas, accroché à elle et qui la croit accrochée à lui, et qui la voit de tout près, à travers ses larmes (vous aviez donc enfin trouvé le don des
larmes, Julien Lepers ?).
 
    — On ne finit pas, vous savez. Il y a une âme.
    ... Pas finir ! disait la voix, et il comprit peu à peu que c'était une âme qui avait parlé, et qu'un sommeil plus profond l'avait saisie, l'avait enlevée dans ses bras.

    Et tout ce qui lui reste d'argent, Julien le donne pour les funérailles, pour la tombe de son unique bien-aimé. Il a pris une place dans le bureau de publicité d'un grand magasin, il sera maintenant un de ces misérables salariés assujettis qu'il dédaignait naguère, et il sent qu'il sera beau d'expier un peu, qui sait ? le crime d'avoir méconnu et perdu une âme ». Longtemps, il rêve au retour de l'enterrement, appuyé sur le parapet d'une voie de chemin de fer, versant des larmes si molles et si douces qu'une tendresse absurde y semblait vaincre le désespoir :

    Pourquoi les amours véritables ne se reconnaissent-ils pas sur terre ? Faut-il que la mort seule les libère de la honte et de l'impureté ? Il le croyait à ce moment, aidé par les pleurs. Jamais il ne s'était senti moins seul ; une présence universelle l'entourait, la conscience d'une souffrance humble et nécessaire, qui rachetait l'ignominie et l'aveuglement des gens heureux.

    Et la rêverie monte, monte jusqu'à n'être plus qu'une sorte d'admirable poème en prose baudelairien sur lequel finit le livre, dans une étonnante grandeur de forme et de pensée.

Henriette Charasson.

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Temps Jadis n°66 (Juin 2000)

Publié le par antoiniste

La seule religion belge, l'Antoinisme

R.Gaspard, E. Seffer.

 

Un texte neutre mais les Antoinistes n'y apprendront rien. Les cartes postales sont intéressantes, notamment celle de l'inauguration du temple de Verviers (le 12 juillet 1914) par Mère Antoine, et celle d'une Antoiniste verviétoise en costume.

A se procurer sur le site de Temps Jadis (www.tempsjadis.be)

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Vital Coutin, desservant du temple en 1937

Publié le par antoiniste

    Le desservant du temple de Saint-Etienne en 1937, Vital Coutin, est l'auteur d'un écrit mystique à partir de la Révélation : Le maître de grande pyramide annoncé par le langage des pierres. Cent-cinquante trois clés de l'énigme, démonstration scientifique et morale des deux passages du sauveur de la race humaine (Éditeur : Paul Leymarie).
    Une version plus complète de 1940, intitulée Le Sauveur de la race humaine, Annoncé par la grande pyramide, les textes égyptiens et les Évangiles avec preuves à l'appui a été distribuée à certains desservants.
    Ce livre annonce le retour du Père, étant le deuxième messie pour l'année 1945, mêlant dans ces calculs divers livres saints, ainsi que des dates de la vie de Louis Antoine et de la propre vie de l'auteur (l'année de sa conversion à l'antoinisme, celle de son acquittement par le tribunal de Chambéry, celle de la publication de son livre, le chiffre 44, puisque le temple de Saint-Etienne était le 44e temple antoiniste).

    Ces deux écrits sont succinctement décrits par Régis Dericquebourg, dans Les Antoinistes, au chapitre Vers un retour du Père ? (p.52-56) montrant l'importance que cette idée a pu avoir sur une partie des adeptes.

    Signalons encore qu'un certain Vital est l'auteur de Connaître ce n'est pas savoir, dans l'Unitif n°7, p.11-14. Il s'y décrit comme aimant les lettres et ayant étudié les différents philosophies et morales avant de rencontrer le Père.

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Maxence van der Meersch - Invasion 14 (1935)

Publié le par antoiniste

Maxence van der Meersch - Invasion 14 (1935)

Maxence van der Meersch. — Invasion 14. — Albin Michel.


    L'auteur nous conte l'histoire héroïque et poignante des régions de la France du Nord sous l'occupation allemande.
    En observateur sagace, en témoin scrupuleux, l'auteur relate minutieusement ce qu'il a vu. Tous les acteurs du drame défilent, habilement mêlés pour nous restituer l'image même de la vie.
    Un livre dense et puissamment charpenté qui sera peut-être un des plus précieux témoignages sur l'occupation allemande pendant la guerre mondiale.
Revue belge (Bruxelles) - 01/01/1936
source : Gallica

 

Il évoque en quelques mots, le destin d'une antoiniste.

    Elle abandonna une église aussi compliquée. Elle fut au temple réformé deux fois, séduite par le contraste de l'austérité et de la simplicité, s'y ennuya bientôt, rendit visite aux Antoinistes et ne retourna plus les voir... (p. 201).
    Du boudhisme au pythagorisme, du christianisme à l'antoinisme d'aujourd'hui, les religions reconnaissent cette réaction du physique sur le mental et l'allègement de l'esprit qu'apporte l'allègement des humeurs. (p. 295).

    Le même auteur écrivit une Vie du curé d'Ars en 1936.

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Fragments de l'Enseignement Révélé par le Père

Publié le par antoiniste

    C'est le travail qui nous donne les connaissances et l'épreuve en fait notre savoir.

    En 1911 déjà paraissait les Fragments de l'Enseignement Révélé par le Antoine le Généreux, Jemeppe, F.Deregnaucourt, s. d. 18 cms (haut) x 13,5 ; 40 p. Cette brochure est composé d'extraits remaniés de la Révélation.

    Les Fragments que j'ai pu me procurer sur internet comportent également 40 pages. Mais ce fascicule, à couverture verte, est édité par l'Union des Associations Cultuelles Antoinistes Françaises. Cependant il contient également 40 pages et son format est le même. Il semble donc que cela soit une réédition des Fragments de 1911.

    Les évoquant dans notre billet sur Jacques Michel, Antoine, l'Antoinisme, les Antoinistes (1949), nous disions qu'ils étaient plus un résumé interprétant l'Enseignement que des extraits.
    En effet, prenons trois exemples :
- Dans la chapitre Cause de la variété des partis et des groupes, on lit dans les Fragments : "Ceux d'entre eux qui recherchent la cause de toute chose s'élèvent plus rapidement et sont heureux de former une société nouvelle." Dans la Révélation, même chapitre, p.28, on lit : "Ceux d'entre eux qui évoluent plus aisément recherchent la cause et sont tout heureux de former une société nouvelle plus progressive".
- Dans le chapitre suivant des Fragments, La loi humaine comparée à la loi de la conscience, on lit : "Nous n'avons aucune responsabilité si nous laissons faire chacun à sa manière, nous sommes dans la loi. Nous ne pourrions nous dispenser de respecter la loi humaine". Dans la Révélation, même chapitre, p.152 : "Nous n'avons jamais que la responsabilité de nous-mêmes. Si vous laissez agir chacun à sa guise, vous êtes dans la loi. Vous ne pourriez vous dispenser de vous conformer aux lois humaines".
- Même chapitre, paragraphe suivant dans les Fragments : "La conscience doit nous diriger ; nous y conformons nos actes suivants notre développement sans nous rendre compte de son efficacité. Toute loi doit avoir la conscience pour base, c'est par elle qu'elle doit être établie". Dans la Révélation, 3e paragraphe : "Les lois nous servent à nous diriger ; le plus souvent nous y conformons nos actes sans nous rendre bien compte de leur efficacité. Toute loi doit avoir la morale pour base ; elle doit nous être révélée".
    Ajoutons que les réponses du Père sont introduites, non pas par 'Le Père', mais par 'Notre Père'.

    Voici les faits : les changements sont de plusieurs ordres : redécoupage des paragraphes, ajouts de virgules ou de points, déplacements de phrases, changements d'un mot pour un autre.
    Quelles conclusions en tirons-nous : Ces fragments ne respectent pas le travail moral de Mère qui disait : "Dites qu'on ne peut pas même changer une virgule à l'ENSEIGNEMENT. Celui qui voudrait le faire en aura des épreuves pour reconnaître ses erreurs. Ni le mot "croire"; ni aucun mot: qu'ils se contentent de se rassasier de l'amour qui en découle, sans se servire de l'intelligence pour le contrôler".
    Qu'on autorise une traduction est une chose (une traduction néerlandaise existe de longue date, une partie de la Révélation a été entreprise en allemand, en portugais, en italien, et Albert van der Naillen avait l'autorisation pour entreprendre une traduction anglaise, qui ne vit pas le jour pour cause de désincarnation), même si une traduction est une interprétation de l'original, mais dans le but de le diffuser plus largement, ce que le culte énonce dans ses statuts ("propagation et étude de l'enseignement antoiniste"). Mais il est étonnant qu'une interprétation en français ai pu être édité par le culte même. C'est d'autant plus regrettable que certains auteurs s'en servent pour construire un jugement sur la Révélation et l'oeuvre du Père à partir de ces fragments.
    Il semble cependant que ces Fragments ne soient plus en vente dans les temples, ce qui est heureux. Quand à l'Unitif de format journal, il se contente de citer de extraits de l'Enseignement, sans rien y changer.

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Révélation par le Père et comment on nomma Père

Publié le par antoiniste

 On remarque ici que le nom "Antoine" a été supprimé. Cela peut nous donner l'occasion de retracé l'évolution de la façon dont on nomma Louis Antoine.

    La Revue Mensuelle de l'Enseignement du Nouveau Spiritualisme est fondé par Antoine le Guérisseur en avril 1908. En juin 1908, le titre fut modifié en Revue Mensuelle de l'Auréole de la Conscience. En juillet 1908, le titre devient Revue Mensuelle de la Révélation : L'Auréole de la Conscience. Il restera tel jusqu'à la fin de la revue.
    La plupart des articles parus dans l'Auréole se retrouvent, revus et corrigés, dans la Révélation et le Couronnement de l’œuvre révélée.

    Généralement la Révélation et le Couronnement se trouvent réunis en un seul volume, relié en toile noire ; sur le plat sont écrites en lettres blanches les indications suivantes : Culte Antoiniste. Révélation par le Père Antoine, ces derniers mots ayant remplacé Antoine le Guérisseur, ou Antoine le Généreux, figurant sur les premières éditions. Un carton collé sur la couverture de certains exemplaires porte Généreux, substitué à Guérisseur (cela vers 1911).
Pierre Debouxhtay, Antoine le Guérisseur et l'Antoinisme, p.141.

    On apprend par un article du Journal de Charleroi du 9 juin 1913 qu'on parle déjà alors de La Révélation et non plus de l'Enseignement d'Antoine le Guérisseur.

    Dans l'Unitif, Numéro spécial, de juillet 1941, on apprend qu'à la dernière séance du Conseil à laquelle le Père assista en 1911, Il dit ceci : Puisque vous m'honorez de m'appeler Père, je me vois obligé aujourd'hui de dire : " Mes enfants " et le Père continua ainsi par la suite à nous appeler ses enfants.
   En conséquence, il fut décidé que dans les livres d'Enseignement on remplacerait le nom Antoine ou Maître comme certains adeptes l'avaient déjà surnommé, par le mot " Père ". Et les mots " Mes Frères " comme le Père s'exprimait alors furent remplacés par les mots " Mes Enfants ".

   
    En 1929-1930, dans les publications du Culte Antoiniste, on remplaça les mots PÈRE ANTOINE par PÈRE. On fit même distribuer dans tous les temples des bandes de correction pour placer à cet effet dans les Enseignement et Développement (dans les chambres du temple de Jemeppe, on peut tomber sur un exemplaire biffé au crayon).
    Dans l'avenir, il est a souhaiter que la Révélation soit plus largement répandue et dépasse le cadre du Culte Antoiniste.
    C'est pourquoi lorsqu'on réimprimera l'Enseignement, il serait bon de faire deux livres :
le 1er : l'Enseignement, questions et réponses par le Père.
le 2e : le Couronnement.
Frère Jean-Marc Boffy, Historique du Culte Antoiniste, p.72 et 89.

    Cette réimpression est en vente dans le temple de Jemeppe, reliée par une spirale, avec une couverture vert clair.
    Régis Dericquebourg l'explique comme évolution vers un culte charismatique, qui d'Antoine le guérisseur, devient Antoine le généreux, puis maître vénéré appelé le Père. Ce culte charismatique évoluera vers un cult ensuite, un culte centralisé à Paris et Jemeppe où chaque guérisseur a son propre charisme mais témoigne sa fidélité au Père (p.143).

    Il est a noté que la version néerlandaise, qui date de l'époque de Mère très certainement, porte l'inscription : Antoinistische leer - Openbaring door Antoine den Weldoener, en français Culte Antoiniste - Révélation par Antoine le Bienfaiteur. Mais aussi dans le corps du texte, de Hervormer der Menschheid (le Réformateur de l'Humanité), Antoine den Genezer (Antoine le Guérisseur), Vader Antoine (Père Antoine), et Antoine (au lieu de Le Père) précédant ses réponses.
    Dans la biographie du Père, on le surnomme "le Régénateur de l'Humanité", et dans l'Historique du Culte Antoiniste, on signale qu'on l'appela aussi un temps "Maître". En italien, il y a Rivelazione dei Dieci Principi di Dio dal Padre, et en allemand, on trouve : Offenbarung der zehn Prinzipien Gottes durch den Vater.

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