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bibliographie

Note de lecture - Robert Vivier

Publié le par antoiniste

Délivrez-nous du mal de Robert Vivier
27 septembre 2009

Il est rare que naisse une nouvelle religion. C’est ce qui advint pourtant aux environs de Liège, au tournant des XIXe et XXe siècles. Cette religion nouvelle, c’est l’antoinisme (1), du nom de son principal fondateur, Louis Antoine (1846-1912). Enfant, j’ai connu les antoinistes ; on les reconnaissait à l’époque à leurs habits noirs ; et, élevé dans un milieu catholique, j’ai entendu à l’occasion les railleries dont ils étaient quelquefois l’objet.

Robert Vivier (1884-1989) est un écrivain et poète liégeois un peu oublié. Dans les années 30, il publia un roman, Délivrez-nous du mal (2), dans lequel il retraça à sa manière la vie de Louis Antoine. Je dis bien à sa manière, car je crois que tout tient effectivement à sa manière. Vivier n’est que modestie, douceur, compassion et humour. Et c’est avec sa propre tendresse qu’il imagine rendre compte du parcours de celui qu’on appela le Père Antoine. Ce qui donne un livre d’une très grande humanité, mais aussi un livre qui n’est pas dénué d’intérêt sur le plan anthropologique.

Il n’est sans doute pas inutile de s’interroger sur les raisons qui ont poussé Robert Vivier à consacrer un livre à l’antoinisme. D’autant que lui-même n’avait pas l’esprit spécialement religieux. Claudine Gothot-Mersch, qui l’a bien connu, écrit ceci de lui :
« Peu de personnes m’ont paru, plus que Robert Vivier, étrangères à toute religion constituée, à toute idée de culte. Lorsqu’il était professeur à l’Université de Liège, si quelque allusion à l’un des usages – même les plus connus – de la liturgie catholique surgissait au tournant du texte qu’il était en train de commenter, il l’expliquait de seconde main ("Il paraît que…"), non sur le ton sarcastique de l’anticlérical, mais avec une sorte d’ingénuité, et une totale indifférence : comme s’il transmettait à ses élèves une observation rapportée, par un voyageur, d’une terre lointaine. » (3)

La question que la lecture du livre m’a amené à me poser – et à laquelle je ne puis répondre –, c’est celle de savoir si Robert Vivier avait un tant soit peu lu Marcel Mauss. Car la façon dont il raconte les guérisons opérées par Antoine fait penser à l’approche sociologique de la magie qui fut la sienne. Ainsi, le spiritisme et les guérisons qui fondent la religion d’Antoine – tels que Vivier les relatent – s’inscrivent pleinement dans cette logique (4) que ces deux seules phrases de Hubert et Mauss résument :
« La magie a une telle autorité, qu’en principe l’expérience contraire n’ébranle pas la croyance. Elle est, en réalité, soustraite à tout contrôle. Même les faits défavorables tournent en sa faveur, car on pense toujours qu’ils sont l’effet d’une contre-magie, de fautes rituelles, et en général de ce que les conditions nécessaires des pratiques n’ont pas été réalisées. » (5)

Reste que si cette question m’a préoccupé, l’important n’est probablement pas là. J’ai envie de dire que tout est dans le ton dont use Robert Vivier pour faire vivre un personnage, un personnage qui est tout en charité. Au point qu’on eût aimé le rencontrer.

Je livre ci-dessous trois extraits du livre – parmi tant d’autres possibles – qui témoignent de cette générosité que Vivier confère à son héros, et qui sans doute n’est rien d’autre que la sienne.

« Les hommes étaient encore dans la grande salle, formant un groupe debout près de la table, au milieu des banquettes et des chaises vides. Ils causaient entre eux. Antoine, assis, était tout occupé à ses pensées, et chacun respectait son recueillement.
Tout s’était bien passé. Il laissait monter en son cœur la reconnaissance. Lui-même, il le savait, n’était rien. Ce qui était grand, ce n’était pas lui, mais ce qui se faisait par lui. Cependant, s’il s’était trouvé qu’aujourd’hui il ne fût pas digne, rien n’eût pu se réaliser. De là venait ce sentiment d’humble contentement et de reconnaissance. Parfois, même au cours d’une séance heureusement commencée, il percevait tout à coup un fluide hostile, soit qu’il ne se fût pas assez gravement concentré, qu’il se fût laissé distraire, par exemple par une pensée d’orgueil, soit que des assistants fussent occupés en eux-mêmes de moqueries ou de pensées frivoles. Pour que les choses aillent bien, il faut de la foi et de l’accord : rien ne peut être fait par un homme seul. Nous devons être humbles, et ne pas vouloir trop. Étant novice, Antoine avait plus d’une fois échoué par excès de zèle. Il voulait guérir tout le monde, aussi bien ceux qui ne s’adressaient pas à lui que les autres. Il ne savait pas, alors, que la force n’opère que si le malade est préparé, s’il a la foi, s’il est entouré d’un bon fluide.
Il s’accouda à la table, et, appelant Gony d’un signe de tête :
― Vous souvenez-vous, Gony, comme nous nous sommes trompés dans les commencements, quand nous avons voulu faire notre société ? Mais cela nous a été utile de nous tromper. Tout est bien arrangé : quand nous n’agissons pas comme il le faut, l’épreuve nous avertit, et alors, voyant le mal, nous en cherchons la cause. Le mal n’est rien en lui-même, c’est sa cause qu’il faut voir.
Il rêva un instant. Ainsi, il avait compris ce que signifie l’épreuve et à quoi sert le mal. Et du coup le mal n’apparaissait plus si mauvais : à condition de chercher il y avait toujours moyen de trouver un bien caché en lui. D’avoir découvert cela, toute la vie d’Antoine avait pris un sens nouveau. » (pp. 212-213)

« Maintenant il comprenait pourquoi, après tous ses voyages, il avait dû revenir dans ce pays de son enfance, et pourquoi aussi, malgré la petite fortune qu’il avait amassée, il n’avait pas cherché à s’élever au-dessus de sa condition première, mais avait repris le train-train d’existence des gens avec qui il avait autrefois commencé la vie. Il s’était fixé entre ces collines de la Meuse, dans cette région d’usines, parmi les petits artisans, les métallurgistes, les mineurs. L’on ne sait aimer à ce point que ce qu’on a appris à aimer pendant ses premières années : or, la tâche qu’il avait à remplir ne pouvait être menée à bien que par l’amour.
Après avoir vu les hommes des autres pays, comme ils travaillent et comme ils s’amusent et comme ils sont faits, après avoir connu que la vie est partout la même et que c’est une vieille et douce et difficile histoire qui recommence sans cesse sur chaque point de la terre, il était pourtant rentré chez lui, parmi les siens, pour commencer l’œuvre. C’est que, les problèmes de la vie, il pouvait les reconnaître et les retrouver partout, mais ici seulement il pouvait essayer de les résoudre. Ailleurs il était comme un ouvrier à qui l’on a passé l’outil d’un autre, tandis qu’ici il avait son outil à lui, au manche usé par ses mains, et qui faisait pour ainsi dire partie de lui-même. Dieu l’avait mis ici et non ailleurs, il lui avait donné les gens d’ici pour parents et compagnons, et l’amour de la femme et la paternité c’était aussi par quelqu’un d’ici qu’il les avait connus. Aussi, s’il se trouvait en lui quelque force ou quelque façon capable d’aider les hommes, était-ce avant tout à ceux d’ici qu’elle devait profiter : Antoine avait été créé pour eux comme eux avaient été créés pour lui. Quand il était enfant et qu’il commençait à apprendre la religion, qu’était-ce pour lui que le monde, la terre, le ciel, sinon Mons avec le plateau, et les villages qu’on voit de là, et le ciel qui est au-dessus du clocher et que nos pigeons traversent ? Et la bonne route dont il ne faut pas s’écarter, c’était évidemment la route de Flémalle, avec les trois petits buissons à droite, et ses fossés à demi comblés de terre et d’herbe. À jamais c’étaient là la bonne route, la terre et le ciel. Et le petit Louis Antoine, en ces temps-là, avait même découvert tout près de Mons le Paradis Terrestre : un verger un peu à l’écart en contrebas du village, avec des haies épaisses, non taillées, et de larges rayons frais sur l’herbe déjà haute et sur les branches d’un pommier en fleurs. Le gamin, n’osant pas entrer, était resté à la barrière. C’était dans ce temps de l’enfance où les choses pénètrent en nous pour y prendre à jamais leur place et leur figure. Et il avait eu beau voir après cela mille autres choses, ce n’étaient plus que des images : c’est le pays natal seul qui est le vrai monde et son éternité. » (pp. 218-219)

« Nous, pauvres gens, nous ne demanderions pas mieux que de nourrir notre pensée, de cultiver notre âme, mais le corps est là qui attend sa pitance, et qui, dès qu’il est en danger, appelle à longs cris, s’accroche à l’âme avec la frénésie aveugle d’un homme qui se noie. Et alors l’âme s’alarme à son tour, à la fois effrayée et pitoyable. Elle est habituée au corps. Elle sent ses douleurs comme siennes, il faut qu’elle l’aide, qu’ils se sauvent ensemble pour que cette vie continue. Elle le rassure, cherche pour lui une espérance, un moyen de salut. C’est elle qui le conduit chez Antoine.
Et Antoine ne s’y trompait pas. Dans ces malades qui se présentaient toujours plus nombreux aux séances, il ne voyait pas les corps, mais les âmes en alarmes qui lui amenaient ces corps souffrants. Et à travers son corps à lui passait l’alerte, l’appel adressé par ces âmes à son âme. Voilà où le médecin est impuissant. Il a sa science et ses recettes, ses livres, ses médicaments matériels, et voit les blessures des corps avec ses yeux de matière. Tandis que chez Antoine, grâce à la force du fluide et à l’assistance des guides, il se produisait un mystérieux colloque d’esprits, celui du guérisseur et celui du patient lui-même, penchés tous deux comme des médecins consultants au chevet du corps qui souffre.
L’expérience avait plus d’une fois montré à Antoine que ni lui ni les esprits-guides ne pouvaient rien s’ils étaient seulement en présence du corps, et si l’âme du patient ne participait pas à ces colloques, si elle ne les rejoignait pas pour collaborer avec eux. L’esprit du guérisseur ne peut atteindre le corps souffrant par une voie directe, car il ne lui est pas uni par le mystère de la naissance. Combien de fois Antoine n’avait-il pas échoué parce que l’esprit du malade, distrait ou durci par le doute, ne lui permettrait pas de lire dans le corps qu’il avait devant lui…
― Vous devez avoir la foi, répétait-il. Venez me voir dès que vous en avez la pensée. Et, pendant que vous êtes ici, travaillez avec moi.
Sans la foi du malade, le corps reste entouré d’un mur opaque. Avec sa foi tout devient transparent aux yeux du guérisseur. » (pp. 231-232)

(1) Pour davantage de renseignements sur cette religion, cf. entre autres le site Internet dont l’adresse est http://antoinisme.blogg.org/
(2) Robert Vivier, Délivrez-nous du mal. Antoine le guérisseur, (1ère éd. 1936) Editions Labor, Bruxelles, 1989.
(3) Ibid., p. 361.
(4) Au sujet de cette logique, je souhaite vivement suggérer la lecture d’un des chapitres du livre Anthropologie structurale de Claude Lévi-Strauss (Plon, 1958), à savoir le chapitre IX intitulé "Le sorcier et sa magie" (1ère publication in Les temps modernes, 4e année, n° 41, 1949, pp. 3-24). L’histoire du chaman kwakiutl Quesalid qu’on y trouve illustre merveilleusement bien la puissance des pratiques magiques, puisqu’on y voit un sceptique en devenir un extraordinaire praticien. La grande question de la foi et des preuves… !
(5) Henri Hubert & Marcel Mauss, "Esquisse d’une théorie générale de la magie" (1ère publication in Année Sociologique, 1902-1903), in Marcel Mauss, Sociologie et anthropologie, PUF, Quadrige, 8e éd., 1983, pp. 85-86.


source : http://jeanjadin.blogspot.com/2009/09/note-de-lecture-robert-vivier.html

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Robert Vivier et André Thérive, destin croisé de poète-romancier ou de romancier-poète

Publié le par antoiniste

    Robert Vivier (1894-1989) naît à Chênée (Liège) d’un père ingénieur d’origine bourguignonne, et d’une mère liégeoise. Il décède à Paris, où il s'était fixé dans les années 60, en 1989 à La Celle Saint-Cloud.

    Élève de l’Athénée royal de Liège, où il se lie durablement d’amitié avec un jeune homme qui deviendra une autre personnalité des Lettres belges, Marcel Thiry, il entre ensuite à l’Université de Liège, à la Faculté de Philosophie et Lettres. De cette faculté, il devient une des grandes figures, un professeur très écouté, qui enseigne les auteurs français, l'italien et sa littérature.

    Il connaîtra la guerre, dont il en sortira meurtri. Il écrira un recueil de récits Avec les hommes. Il connaît ainsi une expérience similaire à André Thérive, autre romancier populiste qui évoquera les Antoinistes de Paris dans Sans âme, qui écrira Frères d'armes en 1930 qui consisteront un partie de Noir et or, mais aussi Voix du sang (1955) et Écrevisse de rempart (1969). Oeuvres avant tout littéraire, où l'auteur se place du côté des sans grades. Il en sera de même pour les amis de Robert Vivier : Jean Cassou (1897-1986), écrivain, résistant, critique d'art, traducteur, et poète français ; ou de Marcel Thiry, qui écrira aussi des poèmes et des romans et nouvelles, dont Le tour du monde en guerre des autos-canons belges 1915-1918. On le rapproche également à Georges Duhamel.
    Le populisme des oeuvres de Vivier et Thérive gagne son apogée dans la description de la mort qui frappe les antagonistes des romans : mort du fils de Louis et Catherine Antoine, mort de Lydia, où l'auteur se montre "poète, bien plus que dans vos vers." (selon la critique Henriette Charasson)
    Les destins de Robert Vivier et d'André Thérive se sépare lors de la Deuxième Guerre mondiale, quand le Belge prend part à l'action de la Résistance, où le Français sera proche d'une collaboration avec l'occupant.

    Jacques Cécius n'hésite pas à qualifier Robert Vivier de sympathisant de l'antoinisme. En effet, son oeuvre est pleine de complaisance pour Louis Antoine. Mais cela ne tiendrait-il pas seulement à son affection pour les "petites gens" et les "choses de la vie". La biographie de Larousse le défini comme poète et romancier « populiste » (Folle qui s'ennuie, 1933 ; Délivrez-nous du mal, 1936).
    D'après certains adeptes son épouse d'origine russe émigré en Belgique en 1920 et que Robert Vivier épouse en 1921, Zénitta Tazieff-Vivier (1887-1984, la mère d'un premier mariage du vulcanologue Haroun Tazieff) portait la robe. Jacques Cécius, qui nous rapporte cette information, semble prendre des distances en précisant : "je ne puis garantir l'authenticité de la chose." Ce que l'on sait, c'est qu'elle fut peintre et qu'elle signait Zénitta Vivier. Ensemble, les époux Vivier traduiront du russe en 1973 De l'autre côté de la nuit de Eugène Oustiev, récit d'une aventure dans la forêt vierge du nord-est sibérien, avec très peu de moyens, pour tenter d'atteindre un volcan récent ; et en 1927 le conte moderniste La Maison Bourkov : Soeurs en croix d'Alexeï Rémizov. Également auteurs d'un essai sur le poète symboliste Aleksandr Blok, en 1922, auteur dont ils traduiront le poème Les Scythes. Robert Vivier, à propos de sa femme, soulignait "son sens jaloux de la valeur psychique du mot et du vers".
    Précisons cependant que le roman-vrai Délivrez-nous du mal, Antoine le Guérisseur est dédicacé : "À ma femme, À qui je dois les pensées et les sentiments de ce livre".
    C'est un indice, mais c'est aussi ce qui a pu faire dire à des Antoinistes que sa femme faisait partie des adeptes...

    Claudine Gothot-Mersch, dans son analyse des Editions Labor - Espace Nord, dit que la rencontre de Robert Vivier, en classe de troisième (Robert Vivier commence les Humanités à l'Athénée de Liège en 1905), avec le professeur Ferdinand Delcroix (on l'évoque parmi les adeptes de la première heure) a été décisive pour l'intérêt de l'auteur pour l'antoinisme. Elle précise qu'on pense à Germinal de Zola en lisant cette biographie (description de la mine, et des divers corps de métiers, la main-d'oeuvre enfantine, l'intervention du nihiliste russe, une grève de mineurs), "mais tout cela dans un esprit si opposé [...] que la comparaison n'a guère de sens." Cependant on ne peut que conseiller la lecture de ce roman naturaliste, ainsi que Happe-Chair de Lemonnier, pour entrer dans l'univers du travail de Louis Antoine.

    Concernant la constitution de son "roman vrai qui se fait vie de saint" (Claudine Gothot-Mersch), Robert Vivier a utilisé l'ouvrage de Pierre Debouxhtay, mais la Révélation elle-même (des notes de bas de pages émaillent le texte). Il aurait visité le temple de Jemeppe. Paul BIRON & Louis CHALON, évoque comment Robert Vivier aurait eu des informations de première source :
  Dans la camionnette, en rentrant à Herstal, Célestin (qui m'a tout l'air d'un antoiniste enragé) nous a raconté qu'un haut professeur de l'Université avait écrit un livre sur le Père Antoine quelques années avant la guerre (1), ce qui prouve bien que les gens instruits prennent ces histoires-là au sérieux. Même que son professeur de français à l'école moyenne du boulevard Saucy leur avait raconté un jour qu'il s'avait demandé des années au long qui étaient les hommes en deuil et en gibus et les femmes en deuil aussi avec un voile sur leur tête qui venaient de temps en temps trouver ce professeur-là dans on bureau à l'Université. Et bien, c'était des antoinistes qui venaient lui raconter la vie du Père pour l'aider à faire son livre.
Paul BIRON & Louis CHALON, Tout a changé, Mononke, p.66
source : Google Books

Pour aller plus loin : Robert Vivier, l'homme et l'œuvre: actes du colloque organisé à Liège le 6 mai 1994 à l'occasion du centenaire de sa naissance

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Robert Vivier et André Thérive, destin croisé de poète-romancier ou de romancier-poète

Publié le par antoiniste

    Robert Vivier (1894-1989) naît à Chênée (Liège) d’un père ingénieur d’origine bourguignonne, et d’une mère liégeoise. Il décède à Paris, où il s'était fixé dans les années 60, en 1989 à La Celle Saint-Cloud.

    Élève de l’Athénée royal de Liège, où il se lie durablement d’amitié avec un jeune homme qui deviendra une autre personnalité des Lettres belges, Marcel Thiry, il entre ensuite à l’Université de Liège, à la Faculté de Philosophie et Lettres. De cette faculté, il devient une des grandes figures, un professeur très écouté, qui enseigne les auteurs français, l'italien et sa littérature.

    Il connaîtra la guerre, dont il en sortira meurtri. Il écrira un recueil de récits Avec les hommes. Il connaît ainsi une expérience similaire à André Thérive, autre romancier populiste qui évoquera les Antoinistes de Paris dans Sans âme, qui écrira Frères d'armes en 1930 qui consisteront un partie de Noir et or, mais aussi Voix du sang (1955) et Écrevisse de rempart (1969). Oeuvres avant tout littéraire, où l'auteur se place du côté des sans grades. Il en sera de même pour les amis de Robert Vivier : Jean Cassou (1897-1986), écrivain, résistant, critique d'art, traducteur, et poète français ; ou de Marcel Thiry, qui écrira aussi des poèmes et des romans et nouvelles, dont Le tour du monde en guerre des autos-canons belges 1915-1918. On le rapproche également à Georges Duhamel.
    Le populisme des oeuvres de Vivier et Thérive gagne son apogée dans la description de la mort qui frappe les antagonistes des romans : mort du fils de Louis et Catherine Antoine, mort de Lydia, où l'auteur se montre "poète, bien plus que dans vos vers." (selon la critique Henriette Charasson)
    Les destins de Robert Vivier et d'André Thérive se sépare lors de la Deuxième Guerre mondiale, quand le Belge prend part à l'action de la Résistance, où le Français sera proche d'une collaboration avec l'occupant.

    Jacques Cécius n'hésite pas à qualifier Robert Vivier de sympathisant de l'antoinisme. En effet, son oeuvre est pleine de complaisance pour Louis Antoine. Mais cela ne tiendrait-il pas seulement à son affection pour les "petites gens" et les "choses de la vie". La biographie de Larousse le défini comme poète et romancier « populiste » (Folle qui s'ennuie, 1933 ; Délivrez-nous du mal, 1936).
    D'après certains adeptes son épouse d'origine russe émigré en Belgique en 1920 et que Robert Vivier épouse en 1921, Zénitta Tazieff-Vivier (1887-1984, la mère d'un premier mariage du vulcanologue Haroun Tazieff) portait la robe. Jacques Cécius, qui nous rapporte cette information, semble prendre des distances en précisant : "je ne puis garantir l'authenticité de la chose." Ce que l'on sait, c'est qu'elle fut peintre et qu'elle signait Zénitta Vivier. Ensemble, les époux Vivier traduiront du russe en 1973 De l'autre côté de la nuit de Eugène Oustiev, récit d'une aventure dans la forêt vierge du nord-est sibérien, avec très peu de moyens, pour tenter d'atteindre un volcan récent ; et en 1927 le conte moderniste La Maison Bourkov : Soeurs en croix d'Alexeï Rémizov. Également auteurs d'un essai sur le poète symboliste Aleksandr Blok, en 1922, auteur dont ils traduiront le poème Les Scythes. Robert Vivier, à propos de sa femme, soulignait "son sens jaloux de la valeur psychique du mot et du vers".
    Précisons cependant que le roman-vrai Délivrez-nous du mal, Antoine le Guérisseur est dédicacé : "À ma femme, À qui je dois les pensées et les sentiments de ce livre".
    C'est un indice, mais c'est aussi ce qui a pu faire dire à des Antoinistes que sa femme faisait partie des adeptes...

    Claudine Gothot-Mersch, dans son analyse des Editions Labor - Espace Nord, dit que la rencontre de Robert Vivier, en classe de troisième (Robert Vivier commence les Humanités à l'Athénée de Liège en 1905), avec le professeur Ferdinand Delcroix (on l'évoque parmi les adeptes de la première heure) a été décisive pour l'intérêt de l'auteur pour l'antoinisme. Elle précise qu'on pense à Germinal de Zola en lisant cette biographie (description de la mine, et des divers corps de métiers, la main-d'oeuvre enfantine, l'intervention du nihiliste russe, une grève de mineurs), "mais tout cela dans un esprit si opposé [...] que la comparaison n'a guère de sens." Cependant on ne peut que conseiller la lecture de ce roman naturaliste, ainsi que Happe-Chair de Lemonnier, pour entrer dans l'univers du travail de Louis Antoine.

    Concernant la constitution de son "roman vrai qui se fait vie de saint" (Claudine Gothot-Mersch), Robert Vivier a utilisé l'ouvrage de Pierre Debouxhtay, mais la Révélation elle-même (des notes de bas de pages émaillent le texte). Il aurait visité le temple de Jemeppe. Paul BIRON & Louis CHALON, évoque comment Robert Vivier aurait eu des informations de première source :
  Dans la camionnette, en rentrant à Herstal, Célestin (qui m'a tout l'air d'un antoiniste enragé) nous a raconté qu'un haut professeur de l'Université avait écrit un livre sur le Père Antoine quelques années avant la guerre (1), ce qui prouve bien que les gens instruits prennent ces histoires-là au sérieux. Même que son professeur de français à l'école moyenne du boulevard Saucy leur avait raconté un jour qu'il s'avait demandé des années au long qui étaient les hommes en deuil et en gibus et les femmes en deuil aussi avec un voile sur leur tête qui venaient de temps en temps trouver ce professeur-là dans on bureau à l'Université. Et bien, c'était des antoinistes qui venaient lui raconter la vie du Père pour l'aider à faire son livre.
Paul BIRON & Louis CHALON, Tout a changé, Mononke, p.66
source : Google Books

Pour aller plus loin : Robert Vivier, l'homme et l'œuvre: actes du colloque organisé à Liège le 6 mai 1994 à l'occasion du centenaire de sa naissance

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Paul Wyss - De l'Antoinisme, ou, le renouveau gnostique en Belgique

Publié le par antoiniste

Paul Wyss - De l'Antoinisme, ou, le renouveau gnostique en BelgiqueDe l'Antoinisme, ou, le renouveau gnostique en Belgique
  Wyss, Paul     Date d'édition:1922
Bruxelles, Baulex, in-8°, 64 p.

    En 1918, il publie déjà un article sur le sujet dans la Revue de théologie et de philosophie.

    Un pasteur protestant de SERAING a aussi écrit un livre (introuvable) où il parle du dorisme. Il y a quelques années, un des derniers exemplaires pouvait encore être consulté (mais non emporté) à la Bibliothèque des Chiroux à LIEGE. Dans ce livre, ce pasteur considère l'Antoinisme et le Dorisme comme étant le "renouveau du gnosticisme" en Belgique !
source : http://antoinisme-documentation.skynetblogs.be/post/4758874/une-dissidence-de-lantoinisme-le-dorisme


    Pierre Debouxhtay (Antoine le Guérisseur et l'Antoinisme, p.285) évoque les réactions protestantes face à l'antoinisme :
    De leur côté les protestants se montrèrent inquiets de l'expansion antoiniste. En 1910, dans une brochure de douze pages consacrée au spiritisme, le pasteur de Seraing, M. Giron-Galzin, pris à partie les antoinistes. Il y a une dizaine d'années, M. le pasteur Paul Wyss publia un ouvrage "De l'Antoinisme, ou, le renouveau gnostique en Belgique". Le pasteur Ch. Rumpf, de Verviers, avait publié pendant la guerre (L'Antoinisme à la lumière de l'Evangile de Jésus-Christ. Imprimerie de Nessonvaux, 1917) une brochure de douze pages où l'antoinisme est analysé sans malveillance, M. Rumpf estime que "la vogue même momentanée d'une doctrine aussi fantaisiste est un triste symptôme de l'affaissement spirituel de nos populations". Une autre brochure (Exposé des doctrines de l'Antoinisme, s.l.n.d.) de huit pages, signée H.K.B. déclare qu'Antoine a été inspiré par le diable.

La Revue des Lectures en cite la conclusion : La moralité de toute cette histoire de l'antoinisme, où foisonne l'absurdité, elle a été tirée, il y a près d'une quinzaine d'années, par le pasteur protestant Paul Wyss (De l'Antoinisme, Bruxelles, 1923, p. 4) : « Les libres-penseurs irréligieux contempleront, avec nous, les résultats de leurs campagnes antichrétiennes pendant un demi-siècle : puissent-ils voir, avec La Réveillière, membre du Directoire, « que le peuple veut une religion et que, quand on ne donne pas au peuple une religion, il s'en fait une ». 

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Benoît Narinx - L'évolution du Culte antoiniste en Belgique

Publié le par antoiniste

L'évolution du Culte antoiniste en Belgique

Benoît Narinx, Mémoire en vue de la maîtrise de sociologie. Faculté de droit, science économique et sociale. Université de Liège, 1987.

    Régis Dericquebourg le cite plusieurs fois, notamment dans le chapitre Profil sociologique. L'auteur évoque le fait que ce chercheur pense qu'il y a eut une planification des constructions des temples, le long du sillon industriel Haine-Sambre-Meuse-Vesdre.
   Globalement, dit Régis Dericquebourg, les temples correspondent à la présence d'une population modeste travaillant dans l'industrie. Je signale cependant que les adeptes ne sont pas tous forcément ouvrier, le profil d'origine des antoinistes est plus vaste et semble l'être de plus en plus.
    Régis Dericquebourg précise, qu'actuellement, dans les pays où il progresse, l'antoinisme s'étend par essaimage, à partir d'une salle de lecture.

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Christian Landresse - Un siècle de renouveau de l'occulte (1847-1940) : spiritisme, théosophie et antoinisme en Belgique

Publié le par antoiniste

Un siècle de renouveau de l'occulte (1847-1940) : spiritisme, théosophie et antoinisme en Belgique
  Landresse, Christian (chercheur à l'ULB)    Date d'édition:1998
Section:        Mémoire Histoire

source : https://cibleplus.ulb.ac.be/permalink/32ULDB_U_INST/1hd430l/alma991001093099704066

 

    C'est une des principales sources du master de Marijke De Sadeleer, De Kracht van Genezing, De keuze voor een magnetische behandeling in België (1860-1910) (KU Leuven, 2013).

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Brochures et livres d'Antoinistes sur l'Antoinisme

Publié le par antoiniste

    De l'époque des Vignerons du Seigneur, on peut citer un fascicule, le petit livre Le Devoir et une première mouture de l'Enseignement dont les derniers exemplaire non vendus seront brûlés sur décision du Père.

L'Unitif. Bulletin du Culte antoiniste, de 1911 à 1914. Ils serviront de base pour l'Enseignement (Révélation, et Développement) tel qu'on le connaît aujourd'hui.

    Citons encore quelques contributeurs antoinistes qui apportèrent leur brique à l'édifice :

Paul Richard, The Eternal Wisdom (1922), citant "Antoine the Healer" à côté de grands philosophes de renom.

Albert van der Naillen, auteur d'un petit livre en anglais racontant sa rencontre avec Louis Antoine, Most sacred revelations given to the world by Antoine the wonderful Belgian healer (1927).

Georges Linze, Le Prophète influencé (1928) (pourtant non antoiniste)

Léon Meunier, auteur proche de l'antoiniste qui a écrit un Essai de Catéchisme - Philosophie générale de l'Univers et de la Vie (1918), ...et la lumière luit dans les ténèbres (1923) et Le Vrai Message de Jésus (1929).

Vital Coutin, desservant du temple de Saint-Étienne et auteur de Le Maître de la Grande Pyramide (1937).

Paul Basiaux (pseud. Galamus, Paul Basiaux-Defrance, Jean-Marie Defrance), auteur de Réveil - L'Apôtre de Jemeppe et sa Révélation (1932), de Un message de liberté - l'Évangile de Jemeppe-sur-Meuse, selon Galamus (1949) et de Guérir, ainsi qu'une contribution dans la revue Wallonia (1910).

Yves Montreuil, Aperçu sur l'Antoinisme, polycopié, s.d. H.Ch. Chéry dans L'offensive des sectes. indique un fascicule avec ce titre écrit en 1953 par le frère Albert Jeannin.

A. Smet, l'Antoinisme, polycopié, 1976. Avec un travail de clarification des Dix principes que Régis Dericquebourg reproduit dans son livre.

A propos du travail moral dans les cabinets de consultation, travail de groupe à Montegnée, Jemeppe-sur-Meuse, 1976.

Sœur Yvette, Biographie du Père (évoqué par Alain Lallemand, Les sectes en Belgique et au Luxembourg, de 1994, mais non vendu dans les temples)

Francis Kinet, Que deviennent-ils ? (1980), disponible notamment à la bibliothèque à côté du temple de Jemeppe.

Mariem, De l'autre côté du mur, disponible également à la bibliothèque à côté du temple de Jemeppe.

Sur l'échelle ...du progrès (tome 1) et De l'obscurité à la lumière (tome 2), fascicule d'environ 75 pages destiné aux jeunes.

L'Ombre du réel, fascicule de 150 pages relatif à la Révélation.

Trait d'union, revue mensuelle publiée par le Temple du Quai des Ardennes.

Jean-Marc Boffy, Louis Antoine et l’antoinisme. Données historiques rassemblées par le frère J. M. Boffy, document interne à l’antoinisme, 91 pages, 1997-2003.

Jacques Cécius, franc-maçon et enfant d'antoinistes, auteur de Une religion de guérison, L'ANTOINISME et d'autres contributions sous forme d'articles (qui s'intéresse aussi au dorisme).

Textes recopiés d'un document écrit prêté par le Frère Céleste LOBET, 21 pages.

Que savez-vous du culte antoiniste ? (28 pages)

Sœur Ghislaine DumontDémonstrations (3 volumes), édité par le culte antoiniste, Jemeppe-sur-Meuse, février 2003 (disponible à Jemeppe-sur-Meuse)

Mise au point par le Représentant du Père, février 2009 : dernier travail réalisé par Sœur Ghislaine Dumont, Représentant du Père, désincarnée le 14 avril 2009. 42 pages.

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Maurice Maeterlinck - Le trésor des humbles (1902)

Publié le par antoiniste

     Contemporain des grandes pièces symbolistes, Le Trésor des humbles fut, dès sa parution en 1896, un grand succès de librairie. Maeterlinck explore dans ce recueil d'essais quelques-uns des thèmes qui inspirent sa dramaturgie: le silence et l'indicible, le dialogue des âmes, le tragique quotidien... Il consacre également son attention aux figures spirituelles qui l'ont marqué profondément, comme Novalis ou Ruysbroeck l'Admirable. S'il aide à mieux comprendre la pensée de Maeterlinck et le courant symboliste, Le trésor des humbles, parce qu'il interroge l'inépuisable question de l'être, peut se révéler riche encore d'un secret précieux.

    Ce recueil reprend les essais : le trésor des humbles, le silence, le réveil de l'âme, les avertis, la morale mystique, sur les femmes, Ruysbroeck l'admirable, Emerson, Novalis, le tragique quotidien, l'étoile, la bonté invisible, la vie profonde et la beauté intérieure.

    Extrait :
    N'est-ce pas dans l'amour que se trouvent les plus purs éléments de beauté que nous puissions offrir à l'âme ? Il existe des êtres qui s'aiment ainsi dans la beauté. Aimer ainsi, c'est perdre peu à peu le sens de la laideur ; c'est devenir aveugle à toutes les petites choses et ne plus entrevoir que la fraîcheur et la virginité des âmes les plus humbles. Aimer ainsi, c'est ne plus même avoir besoin de pardonner. Aimer ainsi, c'est ne plus rien pouvoir cacher parce qu'il n'y a plus rien que l'âme toujours présente ne transforme en beauté. Aimer ainsi c'est ne plus voir le mal que pour purifier l'indulgence et pour apprendre à ne plus confondre le pécheur avec son péché. Aimer ainsi, c'est élever en soi tous ceux, qui nous entourent sur des hauteurs où ils ne peuvent plus faillir et d'où une action basse doit tomber de si haut qu'en rencontrant la terre elle livre malgré elle son âme de diamant. Aimer ainsi, c'est transformer sans qu'on le sache, en mouvements illimités, les intentions les plus petites qui veillent autour de nous. Aimer ainsi, c'est appeler tout ce qu'il y de beau sur la terre, dans le ciel et dans l'âme au festin de l'amour. Aimer ainsi c'est exister devant un être tel qu'on existe devant Dieu. Aimer ainsi c'est évoquer au moindre geste la présence de son âme et de tous ses trésors. Il ne faut plus la mort, des malheurs ou des larmes pour que l'âme apparaisse ; il suffit d'un sourire. Aimer ainsi, c'est entrevoir la vérité dans le bonheur aussi profondément que quelques héros l'entrevirent aux clartés des plus grandes douleurs. Aimer ainsi, c'est ne plus distinguer la beauté qui se change en amour de l'amour qui se change en beauté. Aimer ainsi, c'est ne plus pouvoir dire où finit le rayon d'une étoile et où commence le baiser d'une pensée commune. Aimer ainsi, c'est arriver si près de Dieu que les anges vous possèdent. Aimer ainsi, c'est embellir ensemble la même âme qui devient peu à peu l'ange unique dont parle Swedenborg. Aimer ainsi, c'est découvrir chaque jour une beauté nouvelle en cet ange mystérieux, et c'est marcher ensemble dans une bonté de plus en plus vivante, et de plus en plus haute. — Car il y a aussi une bonté morte qui n'est faite que de passé ; mais l'amour véritable rend inutile le passé et crée à son approche un inépuisable avenir de bonté sans malheurs et sans larmes. Aimer ainsi, c'est délivrer son âme et devenir aussi beau que son âme délivrée. « Si dans l'émotion que doit te causer ce spectacle, dit à propos de choses analogues le grand Plotin qui de toutes les intelligences que je connais est celle qui s'approcha le plus près de la divinité, si dans l'émotion que doit te causer ce spectacle tu ne proclames pas qu'il est beau, et si, plongeant ton regard en toi-même, tu n'éprouves pas alors le charme de la beauté, c'est en vain que dans une pareille disposition tu chercherais la beauté intelligible ; car tu ne la chercherais qu'avec ce qui est impur et laid. Voilà pourquoi, les discours que nous tenons ici ne s'adressent pas à tous les hommes. Mais si tu as reconnu en toi la beauté, élève-toi à la réminiscence de la beauté intelligible... »

Maurice Maeterlinck, Le trésor des humbles (1902)
source : archive.org

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A.G. VICENTE - L'évolution des sectes (1967)

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A.G. VICENTE - L'évolution des sectes (1967)

Auteur :     Alfonso Geraldo VICENTE
Titre :     L'Evolution des sectes, analyse sociologique. Le cas de l'antoinisme en Belgique
Editions :     Louvain, C.R.S.R., 1967, V-219 p. (C.R.S.R. Reprints, n04, varitypé).

    Une certitude préside à cet ouvrage, reflétée dans la dichotomie de la couverture et de la page de garde. Cette dernière porte : L'Évolution des sectes, analyse sociologique, le cas de l'antoinisme en Belgique. Qu'a-t-on voulu nous proposer ? Un travail sur l'évolution de l'antoinisme en Belgique dans le cadre général de la sociologie des sectes, ou une présentation de la diversité des méthodes et des concepts mis en oeuvre par les sociologues qui se sont jusqu'ici occupés des sectes, suivie d'une application pratique sur le cas de l'antoinisme belge ? Nous optons pour cette dernière éventualité, dont la probabilité se trouve corroborée par le nombre de pages consacré aux deux thèmes (131 p. pour le premier, 75 p. pour le second, préface et bibliographie mises à part).
    La première partie rendra quelques services pour une initiation aux diverses théories sociologiques concernant les sectes. Les tableaux synoptiques, nombreux, sont bienvenus. On se méfiera cependant de vérifier l'exactitude des détails. Ainsi l'opinion prêtée au présent recenseur, p.49-50 et p.54, au sujet de Weber et de Troeltsch est inexacte. Sans doute faut-il lire Troeltsch à la place de Weber et se demander ce que Weber a alors dit ou pas dit. On se reportera donc avec plus d'avantage aux textes mêmes de ces classiques.
    La seconde partie est nettement décevante. On y trouve certes d'intéressantes analyses : celle, par exemple, de la divination du fondateur de l'antoinisme. Encore est-elle un peu courte. Tout le reste se révèle, par contre, plutôt aprioristique. On suppose que l'antoinisme est une secte. Peut-être ; encore aurait-il fallu montrer qu'il n'était pas un "cult" ou une religion nouvelle. L'A. aurait dû méditer pour son propre compte sa note de la p.162 : "Nous n'avons été frappé a postériori par le parallèle que M. Colinon dressa entre l'antoinisme et la Science chrétienne... Or selon B.R. Wilson, la Science chrétienne est l'exemple même de la secte gnostique". Une courte réflexion sur ce parallèle aurait permis à A.G.V. de se rendre compte que la Science chrétienne, contrairement à l'opinion de Wilson, ne saurait passer pour une secte, mais qu'elle est une nouvelle religion de type Église. Il manque à cette Évolution des sectes le minimum de connaissance de l'histoire générale des dissidences nécessaire à leur interprétation sociologique.
    Laissons tout cela de côté et revenons au niveau où l'A. s'est placé. Là encore, l'analyse manque de fermeté. Les pages consacrées à démontrer la co-existence de caractères sectaires à côté de caractères de type Église dans l'antoinisme depuis ses débuts sont intéressants. Mais A.G.V. n'a pas su tirer parti de cette constatation quant à la validité du continuum niebuhrien de la secte à l'Église.
    Enfin, il semble douteux que le matériau ayant servi à l'analyse historique comme celui recueilli par interview auprès de quelques dirigeants de groupe soit suffisant. L'A. en a conscience (p.194-95) ; les directeurs de la collection auraient pu en prendre acte. En tout cas ils auraient dû revoir de plus près le texte où les fautes de langue fourmillent.

Jean Séguy, Archives des sciences sociales des religions - année 1968 - numéro 25 - pp.232-233 (persee.fr)

    On lit d'abord une étude des auteurs de sociologie, dont M. Weber, B. Wilson, H.R. Niebuhr... L'auteur signale qu'il existe peu d'études positives de l'évolution des groupements religieux, voilà la raison de la deuxième partie. Dans la première partie, l'auteur de la dichotomie "Secte-Eglise" arrive à préférer la dichotomie "sectarité-ecclésialité", forme plus pratique se portant sur le caractère des groupements religieux pour étudier leur fonctionnement sociologique (p.102)(la Miviludes parle elle maintenant de caractère sectaire d'un groupement religieux). Son hypothèse est qu'un groupe, d'un maximum de sectarité et d'un minimum d'écclésialité, arrivera, s'il se maintien dans le temps, à un maximum d'ecclésialité et un minimum de sectarité. A cela peut s'ajouter, entre autre, une divination du fondateur. L'auteur veut vérifier cette hypothèse par l'étude d'un cas, l'antoinisme. Pour cela, l'auteur étudie l'antoinisme comparativement avec lui-même selon plusieurs périodes (1912 / actuellement)(p.134-135).
    Mais alors que pour l'historique (le meilleur peut-être de tous les historiques de l'antoinisme), l'auteur s'appuie sur Debouxhtay et les Unitifs, pour l'étude des variables du schéma d'analyses, l'auteur se sert de son historique, mais aussi de textes de Colinon (Le Phénomène des sectes) ou de H.Ch. Chéry (L'Offensive des sectes)(p.155) ou encore de témoignages de personnes n'étant pas antoinistes (p.158). Cela devient donc beaucoup moins convainquant. En effet, dresser un tableau sociologique d'un groupe à sa création, il y a plus de 50 ans, était une gageure. Gageure qui a échoué à mon sens, car l'auteur arrive à la conclusion que l'antoinisme, à la mort d'Antoine, était une Secte thaumaturge évoluant ver le type gnostique (p.162).
    De tout état de fait, cela nous amène à des erreurs (par exemple, "Antoine jugeait l'éducation nuisible et sa doctrine s'opposait à l'intelligence, à la science et à la matière même, comme contraire à la conscience, seule source de connaissance véritable et de moralité" (p.178) ; "l'antoinisme, d'après Antoine devait remplacer le Christianisme" (p.154)) ou à des généralités ("on le confond avec le Christ, on tombe à genoux devant lui" ; "au lendemain de sa mort, il semble qu'ils n'étaient pas rares les adeptes qui croyaient à sa prochaine résurrection" (p.163)).
    De plus au cours du développement, l'auteur utilise parfois l'adectif "sectaire", plutôt que "de caractère de sectarité". Et il s'appuie sur plusieurs auteurs pour construire son schéma d'étude, ce qui ne simplifie pas les concepts.
    Donc en conclusion, l'auteur en arrive à la déduction que l'antoinisme de "secte thaumaturgique" (selon WIlson), il devient "secte gnostique" (selon Wilson). Mais ses preuves son minces et en note, il précise encore qu'il a été "frappé a posteriori par le parallèle que M. Colinon dressa entre l'antoinisme et la Science Chrétienne. Or selon Wilson, la Science Chrétienne est l'exemple même de la Secte gnostique" (p.162). Or comme le dit Jean Séguy, selon Wilson, la Science Chrétienne est une Eglise et non une Secte. L'antoinisme dans tout cela, donc ?
    Bref, on reste sur sa fin, et la deuxième partie déçoit beaucoup.

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LA VIE TOURMENTEE DE LOUIS ANTOINE Le Guérisseur de Jemeppe - Titre provisoire

Publié le par antoiniste

L'auteur Roland A.E. Collignon nous fait le bonheur de découvrir quelques lignes d'un roman en préparation : La Vie tourmentée de Louis Antoine, Le guérisseur de Jemeppe.

On attend sa sortie avec impatience.

à lire sur le blog : http://rolandcollignon.blogspot.com/

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