Eklablog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Palais de Justice - Le Procès Dor (Le bruxellois, 13 avril 1917, p.3)

Publié le par antoiniste

Palais de Justice - Le Procès Dor (Le bruxellois, 13 avril 1917, p.3)

PALAIS DE JUSTICE
COUR D'APPEL DE BRUXELLES

Le Procès Dor 
(Suite.)
Audience du 10 avril.

    Suite de la plaidoirie de Mtre Lebeau :
    Dor a institué un culte, il a en conséquence le droit d'en organiser des manifestations extérieures sans pouvoir être interdit. Je vais plus loin : il a le droit de vivre de son métier. Dès qu'on professe une loi, il faut un temple, un lieu de réunion, du charbon et par conséquent il y a un problème financier à résoudre. Voilà pourquoi Dor a placé un tronc. C'était son droit absolu, quelle que soit la mentalité enfantine de sa doctrine.
    M. l'avocat-général. — Il ne pouvait tromper ses adeptes.
    Mtre Lebeau. — Eh ! qui vous dit qu'il les a trompés ? Cet homme n'est-il pas de bonne foi ? Tout prophète est de bonne foi. M. l'avocat-général nous a magnifié ce matin Jean Huss et sa mort. Mais transportons donc Dor à cette époque. C'est lui que nous trouverions sur le bûcher, et c'est le démocrate organe de la loi d'aujourd'hui que nous verrions attiser les flammes allumées par les conservateurs d'alors. En réalité, ceci est un épisode nouveau des persécutions religieuses. On aura beau ergoter, il n'y a rien autre chose. Dor a le droit de demander à vivre de son autel et ceux-là qui ont seuls le droit de demander des comptes à Dor, ce sont les gens qui lui ont donné de l'argent. La Cour ne peut s'occuper de sa petite église, parce qu'elle échappe à sa compétence. Elle ne pourrait s'en occuper que s'il y avait des manœuvres basses et grossières pour gruger des imbéciles.
    M. l'avocat-général. — Il se dit le Christ. N'est-ce pas bas et grossier cela ? L'est-il, le Christ ?
    Mtre Lebeau. — Non, il ne l'est pas. (Rires au banc de la partie civile.) Mais ce n'est pas mon opinion à cet égard qui doit prévaloir ici. En tous cas il n'est pas grossier de le prétendre dans le sens Qu'admet Dor. Celui-ci a une morale supérieure, des idées qui élèvent l'homme, lui servent à le rendre meilleur. Les Doristes ont un idéal, leur culte que nous considérons nous autres comme primitif et enfantin ; leur doctrine que l'on peut traiter de rudimentaire suffit à ces mentalités frustes et simples. Dor comme d'autres prophètes affirme que sa doctrine vient du ciel. Prouverez-vous que cela n'est pas ? Mahomet a révolutionné le monde en affirmant que c'était l'ange Gabriel qui lui avait inspiré sa mission. Contesterez-vous que Mahomet ait été le chef d'une Eglise, le fondateur d'un culte ? Quelle base scientifique possédez-vous pour démentir des assertions du même genre de la part de Dor ? Nous sourions, nous, de certaines de ses thèses, de la puérilité de certaines de ses pratiques. Mais d'autres y ont foi, son langage dépourvu de délicatesse et de goût fait impression sur ses fidèles. C'est en matière religieuse surtout qu'il importe d'être tolérant et de ne pas juger sur un mot, sur une impression. Il n'y a aucune intention frauduleuse à s'appeler le Christ, le Messie du XXe siècle et il ne faut pas être grand clerc pour trouver un sens très logique à semblables paroles dans la bouche de Dor. Il ne faut pas rire non plus, comme on l'a trop fait, de son fluide. Cette expression empruntée à la science spirite indique qu'il exerce certaines influences morales et même physiques. Or, est-ce vrai cela ? Contestez-vous qu'il ait soulagé, amélioré ses adeptes ? Contestez-vous que beaucoup ont en Dor une confiance illimitée ? Un magistrat catholique me disait : Le procès Dor doit être pour nos prêtres un enseignement important. Il révèle dans la foule des sources insoupçonnées de besoins religieux. Le peuple a besoin de croire, d'être guidé, éclairé. On ne s'en rend pas assez compte. Dor a compris ce besoin, cette soif de l'âme ; il se penche sur toutes les misères morales et arrive souvent à les soulager et par-dessus le marché les misères physiques d'une manière providentielle. M. l'avocat-général, dans un raisonnement simpliste, nous dit : « Nous sommes en face d'un vrai culte, ou d'une escroquerie. » Pardon ! il faut envisager une troisième hypothèse : Dor n'a pas un culte reconnu ; il peut néanmoins être un prophète de bonne foi, réalisant des phénomènes qui ne se réaliseraient pas sans son intervention.
    M. l'avocat-général. — Je vous entends venir. Vous allez demander l'examen mental de votre client.
    Mtre Lebeau. — Oui ! Je demande l'expertise et ce n'est pas la première fois que je la demande. Quand le parquet de Liège s'occupa d'Antoine le guérisseur, il délégua des médecins qui interrogèrent le Père Antoine et ses adeptes guéris. Ces docteurs admirèrent la sincérité du Père Antoine et reconnurent des guérisons jugées impossibles dans certains cabinets de docteurs. Le Père Antoine n'était donc pas un imposteur, ni un escroc.
    Mtre Gérard. — Lisez le jugement. Il dit tout autre chose.
    Mtre Lebeau. — Du tout. M. le président. — Est-ce qu'Antoine a été pré venu d'escroquerie ?
    Mtre Lebeau. — Absolument.
    Mtre Gérard. — Il a été acquitté faute de preuves suffisantes.
    Mtre Lebeau. — Je me demande à quoi rime cette intervention, Mtre Gérard.
    Mtre Bonnehil. — Dois-je intervenir alors ? (Rires.) Hé bien ! Je demande moi la nomination d'un expert comptable. Montrez votre comptabilité.
    Mtre Lebeau. — La grosse malice ! Dor n'a pas de comptabilité ; S'il en avait on dirait : « Quel bon commerçant ! » Il n'en a pas ; on dit : « Quel escroc ! »
    Mtre Bonnehil. — On vous fera cependant rendre gorge.
    Mtre Morichar. — Nous vous avons maintes fois proposé des comptes.
    Mtre Bonnehil. — Des comptes d'apothicaire.
    Mtre Morichar. — Du tout ; seulement vous êtes trop gourmands.
    M. le président. — Remettons la suite de ce débat à demain et tachons de terminer le matin.
    L'audience est levée à 5 heures.

                               Audience de mercredi matin.

    Dernière journée, très probable, du « Calvaire du Christ. » On s'attend à une déclaration sensationnelle de Mtre Lebeau, mais on suppose qu'il n'y aura pas de répliques.
    La Cour a vivement insisté pour que les débats soient terminés aujourd'hui.
    Mtre Lebeau reprend la parole à 10 heures. Il affirme que Dor est de bonne foi.
    Ce serait au ministère public à faire la démonstration de la mauvaise foi de Dor. Il ne l'a pas fait, moi je vous le démontrerai.
    Dor a toujours aimé le travail, il n'a pas de besoin, il a toujours repoussé avec dédain les moyens faciles et nombreux de faire fortune. Dor a suivi l'école de son oncle, Antoine le Guérisseur, de Jemeppe, qui, d'après l'enquête du parquet de Liège, était un illuminé sincère, Dor n'a jamais été condamné ; il a passé par de nombreuses usines du pays de Liège et partout il a obtenu les certificats les plus élogieux.
    A Jemeppe-sur-Meuse, à la suite d'un accident dont il fut victime, il est devenu commerçant et s'est établi à proximité de son oncle Antoine, commerce d'épiceries, merceries et hôtellerie. Ce commerce était destiné à une prospérité certaine. En 1906 il versait à la banque des sommes très importantes. En cinq mois ses bénéfices montent à 4,124 francs, somme avec laquelle il a acheté un groupe de maisons. En quelques années il réalise un actif de plus de 25.000 fr.
    Il faisait de si bonnes affaires que son départ de Jemeppe stupéfie son entourage. Il vient s'installer à Roux, où il vit en ascète. Il ne sort jamais et se borne à se promener dans son jardin. Il faut une fameuse dose de volonté pour cela... »
    M. le substitut Simons. — C'est comme la femme à barbe à la foire. (Rires.)
    Mtre Lebeau. — « La femme à barbe » sort, je l'ai déjà rencontrée. (Rires.) Dor suit un régime de végétarien, il ne mange que de la margarine. Il en porte la marque sur toute sa personne, ses allures compassées, sa voix blanche, son visage émacié ; tout cela provient du régime qu'il s'impose. Il témoigne de sa sincérité en conformant ses actes à ses théories. Il prêche d'exemple, c'est pourquoi ses disciples le respectent.
    Est-ce un paresseux ? Il se livre à un travail écrasant, il reçoit entre 1,400 à 1,500 personnes par jour, il compose des livres.
    Quelle est dès lors l'explication de sa vie étrange ? C'est que c'est un illuminé, un homme de bonne foi. Ses ouvrages encore démontrent sa bonne foi. : Il n'est pas lettré et malgré cela il compose des livres, bien conçus, bien enchaînés, d'inspiration claire. Son inspiration souvent éloquente est une preuve certaine de conviction. On a insinué que ses livres ne sont pas de lui. C'est le contraire ; qui est vrai. Il a trouvé des correcteurs pour ses fautes de français, mais il n'aurait pas permis que l'on retouche à sa pensée.
    S'il y avait eu un autre auteur, vous le connaîtriez certainement par Mme Delisée. Ne vous a-t-elle pas signalé des livres d'où il a tiré de minuscules paginettes ? Nous possédons d'ailleurs ses brouillons ; la Cour les a vus. Le fait de composer des livres aussi profondément mystiques démontre que Dor n'est pas un escroc mais un illuminé sincère. Dans la vente des livres, la délicatesse, les scrupules de Dor apparaissent encore d'une manière indiscutable. Il n'impose son livre à personne, il n'offre pas ses ouvrages. Les adeptes achetaient le livre non pour payer Dor, mais dans l'intention de s'instruire. Les Doristes ont parfois essayé de pousser à la vente en organisant le colportage. Cela a été considéré par Dor comme un excès de zèle et il a arrêté net cette propagande. Est-ce là le fait d'un escroc ?
    Les témoins sont des convaincus, ce sont des obligés de Dor et qui n'hésiteraient pas à le payer ; s'il demandait une rémunération quelconque. Or, Dor n'exige rien.
    Il a été condamné dans le chapitre des escroqueries générales pour avoir reçu de 10 cent. à 10 fr. et cela pour avoir donné des entretiens, des consultations parfois très nombreuses au même client. Sa bonne foi nous est encore démontrée par son influence extraordinaire sur ses adeptes. Par sa seule volonté il parvient à leur imposer une vie conforme à la moralité.
    Croyez-vous qu'un vulgaire escroc parviendrait à influencer son entourage de manière à lui donner des sentiments d'idéal et d'abnégation ? Essayez un peu, M. l'avocat général, vous qui êtes si éloquent, de convertir vos auditeurs à une vie nouvelle.
    M. Simons. — je ne suis pas jaloux de Dor, ni désireux de tromper comme lui mes semblables.
    Mtre Lebeau. — Il ne s'agit pas de tromper, mais bien de donner à autrui une conviction que L'on n'a pas.
    M. l'avocat général. – Toutes les cartomanciennes savent fasciner leurs clients.
    Mtre Lebeau. — Aucune d'elles ne fait changer la vie de leurs clients. Le mot de Boileau reste vrai.
    « Pour me tirer des larmes il faut que vous pleuriez ! »
    On ne convertit pas les gens sans être convaincu soi-même.
    Les clients du Père sont des gens convaincus, cela vous ne pouvez le nier. Ils puisent cette conviction dans leur confiance vis-à-vis de Dor, confiance souveraine, irrésistible.
    Dor est désintéressé. L'affaire de la margarine le montre d'une manière éclatante. II autorisé la firme Era, margarine végétale, à mettre sur ses paquets « Margarine du Père Dor » et cela à la seule condition que le produit soit pur. Pendant la guerre, comme il ne trouve plus le produit à son goût, il permet à la firme Axa que l'étiquette soit transportée à la marque concurrente. On se disait que Dor agissait par esprit de lucre, qu'une grasse commission lui était payée, soit par le fabricant, soit par les dépositaires. Or, dans le procès fait au « Rappel », il a été prouvé qu'il ne touchait absolument rien ni d'un côté, ni de l'autre.
    Voici une autre preuve de son désintéressement. M. Van V..., de Liège, lui donne un jour 5,500 fr. Dor n'attendit pas longtemps pour remettre intégralement cette somme à celui qui la lui avait donnée sans esprit de retour.
    La conclusion de tout ceci, c'est que Dor est un illuminé et non pas un escroc. Pour lui l'argent n'a qu'une importance accessoire.
    Mtre Bonnehil. — Rendez gorge alors !
    Mtre Lebeau, — J'ai à vous faire une déclaration, Mtre Bonnehil ! Je vous propose, pour vous rembourser — ceci par pure honnêteté d'ordre moral — de vous concéder une hypothèque sur les immeubles de Roux, à concurrence de leur plus-value acquise à la suite des améliorations apportées par Mme Delisée.
    M. Simons. — Oui, après l'examen mental. S'il n'est pas escroc, c'est un fou. C'est aux médecins à en juger.
    Mtre Lebeau. — Mon client est un illuminé de bonne foi.
    M. Simons. — Cela ne me suffit pas.
    Mtre Bonnehil. — Ni à moi non plus. Une aumône ne me satisfait pas.
    Mtre Lebeau. — Sa bonne foi peut très bien être admise.
    M. Simons. — Oui, si vous prouvez sa folie.
    Mtre Lebeau. — Erreur manifeste.
    M. Simons. — Il n'est pas fou de se dire le Christ.
    Mtre Morichar. — Pourquoi ? Un illuminé sincère peut aller jusque-là.
    M. Simons. — Enfermons-le et n'en parlons plus.
    Mtre Lebeau. — Vous auriez aussi enfermé Mahomet parce qu'il disait converser avec l'ange Gabriel...
    Il importe de détruire la légende de la fortune de Dor.
    Fortune immobilière de 65,000 fr. affirme Mtre Bonnehil ; fortune mobilière incalculable ajoute-t-il.
    Dor possédait en 1909 outre ses maisons, qui furent vendues 15,500 fr. un dépôt en banque de 5,000 fr. Il vendit son commerce 7,500 fr. Avec diverses autres sommes qu'il possédait encore, on arrive à un total de près de 30,000 francs.
    S'il était resté à Jemeppe, il se fut enrichi sans se donner trop de mal. Au lieu de faire fortune, de thésauriser, Dor est obligé de vendre ses propriétés, il est obligé d'éditer ses sermons, de vendre des brochures.
    Mtre Lebeau estime que l'« Ere nouvelle » rapporta un millier de francs à son client ; « Christ parle à nouveau », 9,000 fr.
    Dor eut certes pu s'enrichir, mais logique avec ses principes, il immobilise tous ses capitaux et déclare que si son capital en banque dépasse 2 000 francs, il en versera le surplus à l'Ecole des estropiés de Charleroi.
    Ce projet de donation est incontestable, il résulte d'une lettre de M, Pastur.
    Il résulte des démarches que fît à Roux l'honorable député permanent, démarches qui n'échouèrent qu'à cause de la guerre.
    Pour fonder sa succursale à Uccle, cet argent ne suffit pas. Et c'est pourquoi il emprunte à ses adeptes. J'en viens à la question du fluide. Ce fluide émane de l'influence d'un personnage et imbibe toutes ses paroles, tous ses gestes.
    Dor a-t-il un pouvoir de rayonnement agissant sur ses malades ? C'est bien possible. Des médecins admettent que les malades peuvent être impressionnés par des influences morales magnétiques ! De nombreuses maladies, disent-ils, peuvent être guéries par la suggestion. Si cela est, la bonne foi de Dor est indiscutable et il ne peut être question d'escroquerie.
    Dor affirme que c'est son amour pour son prochain qui lui donne le pouvoir de guérir ses semblables.
    Les médecins guérisseurs sont ceux qui sont de grands philanthropes : ceci de l'aveu des médecins. Une moquerie n'explique rien. Vous voyez qu'un examen du Père et des malades s'impose.
    D'ailleurs, Dor dit et affirme à maintes et maintes reprises que ce n'est pas lui qui guérit, mais bien qu'on se guérit soi-même en s'améliorant moralement. Si Dor était un escroc, mais il ferait de la réclame, de la propagande. Mais non ; c'est tout le contraire. Il n'appelle personne et refuse qu'on insiste pour lui amener des malades.
    Il a le souci d'éviter le fanatisme chez ses clients. Les formules intolérantes sont aimées des esprits simples. Lui n'en a pas. On reproche au Père Dor son charlatanisme, école morale et le reste. Il a commis de nombreuses fautes de goût, mais il ne faut pas oublier que c'est un illettré, un primaire. A cause de cela, il n'est pas susceptible d'une délicatesse extraordinaire. Il a cru trouver quelque chose de neuf. Il est fier, il est heureux de sa trouvaille. Il a le goût de la propagande et cela provient de sa confiance illimitée en lui-même. Pour faire de la propagande démocratique chrétienne il faut aussi avoir du mauvais goût. (Rires.)
    M. Simons. — Merci.
    Mtre Lebeau. — Ne cherchez pas du bon goût dans ses descriptions emphatiques ni dans les illustrations de ses brochures. C'est nécessairement un caractère commercial. On critique surtout ses gestes hiératiques, gestes très simples, si simples que la plupart des fidèles ne le remarquent pas. Il lève parfois la main, mais pour faire taire les bavards et en imposer à ceux qui pourraient lui faire perdre son temps.
    S'il a l'âme mystique, il a l'allure hiératique, cela se tient. Son costume, sa longue chevelure, sa barbe, tout cela est de l'ermite et est adéquat a sa mentalité. Son temple est fort simple, c'est comme une église protestante.
    La grosse question maintenant. Il a dit qu'il était le Christ. Il a blasphémé, il s'est livré à des manœuvres frauduleuses. S'agit-il du Christ des chrétiens ? Du tout ; celui-là est au ciel et il en voudrait à Mtre Bonnehil de ne pas avoir bien conservé ses intérêts. (Rires.)
    Lui pardonne. Les hommes sont méchants et mettent un nom sur des étendards, mais lui est juste, bon, mystérieux.
    L'audience est levée à 2 heures. (B.)

Le bruxellois, 13 avril 1917 (page 3)

Voir les commentaires

Panneau de l'Auréole de la Conscience (twitter @culteantoiniste)

Publié le par antoiniste

Panneau de l'Auréole de la Conscience

Voir les commentaires

Nécrologie (dans l'Unitif n°11, de septembre 1911)

Publié le par antoiniste

Nécrologie (dans l'Unitif n°11, de septembre 1911)

NECROLOGIE

    Nous recevons la nouvelle de la mort et des funérailles de notre sœur Madame Jouy de Paris ainsi que les comptes rendus des obsèques de nos frères Meunier de Vichy, Frehis de Verviers et Lejeune de Jemeppe, dont les enterrements ont eu lieu dans le Culte antoiniste.
    Nous n'adresserons pas à leurs familles nos condoléances, mais bien notre amour et nos bonnes pensées.
    Notre Père a trouvé qu'on ne doit insérer dans le bulletin aucun compte rendu de funérailles :        il n'a d'autre but que d'exprimer les regrets et le découragement que le défunt laisse après lui, ce qui démontre plutôt un manque de foi, c'est désapprouver ce qu'il nous a enseigné par la Révélation.

l'Unitif n°11, de septembre 1911

Voir les commentaires

Mort d'Antoine le Guérisseur (Le Protestant béarnais, 20 juillet 1912)

Publié le par antoiniste

Mort d'Antoine le Guérisseur (Le Protestant béarnais, 20 juillet 1912) ̴  ̴̴̴̴̴̴  ̴  ̴ BELGIQUE. – On annonce la mort d'un homme qui a fait parler de lui ces derniers temps, Antoine, le guérisseur. Il guérissait par la prière et l'imposition des mains et avait fondé une religion, mélange de christianisme et de théosophie.
    Peu à peu, dit le Temps, les malades de l'âme comme du corps, les incurables, les déséquilibrés, les névropathes, tous ceux que les médecins avaient abandonnés, avaient appris le chemin du petit pays de Jemmappes où Antoine avait son temple et tenait ses assises de médecine religieuse. Depuis plusieurs années il y avait les foules de Jemmappes comme les foules de Lourdes et les « antoinistes » recrutés parmi les inquiets d'un culte nouveau et augmentés des guéris reconnaissants formaient une communauté éparse en divers lieux, mais fort nombreuse.
    Il était, dit-on, très sincère et désintéressé et a vécu modestement. Au temple où il prêchait, Antoine avait adjoint une imprimerie et publiait chaque semaine un journal populaire qui tirait à plus de 20.000 et répandait les doctrines de l'apôtre. Il y a quelques mois les « antoinistes » de Belgique avaient adressé aux Chambres une pétition demandant que la religion nouvelle fût reconnue par l'Etat. Avant de mourir, Antoine a désigné, pour lui succéder, sa femme. Voici l'affiche que l'on a apposée au temple pendant l'exposition de son corps :

CULTE ANTOINISTE

            Frères,
    Le conseil d'administration du culte antoiniste porte à votre connaissance que le Père vient de se désincarner aujourd'hui mardi matin 25 juin. Avant de quitter son corps, il a tenu à revoir une dernière fois ses adeptes pour leur dire que Mère le remplacera dans sa mission, qu'elle suivra toujours son exemple. Il n'y a donc rien de changé, le Père sera toujours avec nous. Mère montera à la tribune pour les opérations générales les quatre premiers jours de la semaine à dix heures.
    L'enterrement du Père aura lieu dimanche prochain 30 juin à trois heures.
                                            Le Conseil d'administration.

Le Protestant béarnais, 20 juillet 1912

Voir les commentaires

Morale stoïcienne (Le Biéniste, 15 novembre 1922)

Publié le par antoiniste

Morale stoïcienne (Le Biéniste, 15 novembre 1922)

Voir les commentaires

L'Antoinisme pendant et après la guerre 14-18 (antoinisme-documentation.skynetblogs.be)

Publié le par antoiniste

L'ANTOINISME
PENDANT ET APRES
LA GUERRE 14/18


Je puise toujours mes sources chez Pierre DEBOUXHTAY (ANTOINE LE GUERISSEUR ET L'ANTOINISME) :

    « Survint la guerre. L'Antoinisme profita du réveil des sentiments religieux qui marqua cette période, pour enfoncer ses racines dans la terre wallonne.
    "Pendant que la guerre accumulait les ruines et semait partout l'épreuve, le Culte Antoiniste se développait au milieu des obstacles, attirant la foule des coeurs meurtris que la révélation appropriée aux temps nouveaux éclairait et réconfortait. A la lecture du soir, dans la communion fraternelle si profonde que réalise l'Enseignement du Père, les adeptes anciens et nouveaux puisaient les forces morales nécessaires pour supporter les rigueurs de l'existence matérielle et les souffrances de tous genres : maladies,, silencieuses et cruelles séparations ou mort d'êtres aimés. La guerre n'arrêta pas la construction de temples. En 1915, alors que la vie sociale était comme paralysée et que le doute angoissait les âmes, il s'élevait à MOMALLE et à SERAING des sanctuaires antoinistes, symboles de foi et d'espoir. L'année suivante, Mère ANTOINE allait en consacrer d'autres à VISE et à BRUXELLES au milieu d'une population recueillie. Puis la sainte cérémonie se renouvelait en 1917 à HERSTAL et à LIEGE, en 1918 à JUPILLE et en avril dernier à JUMET." (Tiré du livre « LE PERE ANTOINE ET SON OEUVRE », paru en 1919)

    Ainsi, (continue DEBOUXHTAY), au moment où, après l'Armistice, les Antoinistes publiaient la brochure « LE PERE ANTOINE ET SON OEUVRE », en vue d'obtenir la reconnaissance légale du Culte, celui-ci comptait quinze temples en BELGIQUE et deux à l'étranger.

    A peine rentré victorieux à BRUXELLES, le Roi des Belges recevait une lettre de Mère ANTOINE pour solliciter sa bienveillante intervention.
    "Jemeppe-sur-Meuse, le 16 décembre 1918.
Sire,
    Sachant votre profond amour de la justice, je prends la respectueuse liberté d'attirer l'attention de Votre Majesté sur les démarches du Culte antoiniste tendant à obtenir la reconnaissance légale. Le 2 décembre 1910, il a été adressé aux Chambres une requête appuyée de plus de 160000 signatures. En 1914, Messieurs les Sénateurs Comte Goblet d'Alviella et Magnette devaient prendre l'initiative d'un projet de loi qui donnât satisfaction à notre Culte grandissant. Nous possédions alors en Belgique sept temples. Pendant la guerre nous en avons édifié sept nouveaux et d'autres sont en construction. Si nous demandons d'être reconnus par l'Etat c'est uniquement pour que nos temples soient exonérés des charges fiscales au même titre qu'en France. Notre Culte a pour base le plus grand désintéressement et ne vise qu'à l'amélioration morale des hommes. Sire, nous faisons appel à votre bienveillante intervention au moment où vous rentrez avec vos armées victorieuses pour lesquelles ainsi que pour Vos Majestés tous les adeptes unis dans la même pensée de foi et d'amour n'ont jamais cessé de faire les voeux les plus ardents. Que Votre Majesté daigne recevoir les meilleures pensées de tous nos coeurs dévoués.
(s.) Mère ANTOINE. Directrice du Culte »

    Cela étant, le Culte Antoiniste n'était pas encore au bout de ses peines... et bien des lettres durent encore être écrites :
Le 22 septembre 1919, à Emile VANDERVELDE, Ministre de la Justice ;
Le 1° décembre 1919, à nouveau à Emile VANDERVELDE ;
En mars 1920, à la Reine des Belges ;
Le 22 mars 1920, à nouveau à Emile VANDERVELDE ;
Le 20 mars 1921, à nouveau à la Reine des Belges.
    Finalement, les Antoinistes obtinrent satisfaction. Ils purent bénéficier d'une nouvelle loi accordant la personnalité civile aux associations sans but lucratif et aux établissements d'utilité publique. La loi votée, le Culte antoiniste put enfin se faire reconnaître comme établissement d'utilité publique.

source : http://antoinisme-documentation.skynetblogs.be/

Voir les commentaires

Palais de Justice - Le Procès Dor (Le bruxellois, 5 avril 1917)

Publié le par antoiniste

Palais de Justice - Le Procès Dor (Le bruxellois, 5 avril 1917)PALAIS DE JUSTICE
COUR D'APPEL DE BRUXELLES
Le Procès Dor
(Fin de l'audience de mardi)

    Le rapporteur analyse très longuement les divers témoignages. Il fait connaître la déposition de Mme Délisee à l'audience, les manœuvres dont cette personne prétend avoir été victime pour en arriver à débourser en faveur de Dor des sommes très importantes. — On sait que le tribunal de Charleroi a accordé 17,000 fr. de dommages et intérêts à Mme Delisée. — Il s'agissait notamment d'achat d'un stock important de brochures, de placement d'un parquet du chauffage central, etc.
    « Dor insistait auprès de moi qui étais sa loque » pour que je me dépouille de mon argent. Vous comptez trop, ne cessait-il de cire. » Dor possédait même un testament en sa faveur de cette adepte.
    Après la descente du parquet ce document fut déchiré.
    Le tribunal de première instance tâcha de se rendre compte si des attentats à la pudeur avaient réellement été commis par Dor. Mme Delisée ne put convaincre les juges à cet égard.
    Il parait que non contents du culte doniste, Mme Delisée était théosophe à Bruxelles et y évoquait les esprits.
    Les manœuvres de Dor furent assez caractéristiques pour que le tribunal retint la prévention d'escroquerie.
    De même pour les époux Ch.... qui ont versé de nombreuses sommes à Dor et lui payaient notamment de grandes quantités de charbon.
    M. le conseiller fait connaître de même les témoignages favorables à Dor, l'interminable séquelle des adeptes illuminés qu'il traîna devant le tribunal.
    Puis vient la lecture du long jugement qui clotura le premier acte du calvaire du Christ.
    La prévention d'exercice illégal de l'art de guérir est prouvée par ses paroles et par ses actes. Il n'a ni titre ni diplôme et assure la guerison à ses clients par la transmission de son fluide, par des lavements, l'absorption d'eau non bouillie.
    Les escroqueries sont établies aussi, car il se faisait passer pour le Christ réincarné ; ses réserves elles-mêmes constituent des manœuvres qui ont dû impressionner les esprits simples, ses poses hiératiques, ses titres de guérisseur, de stimulateur de vertus lui ont valu de s'approprier indûment le bien d'autrui.
    En conséquence Dor fut condamné aux diverses peines de prison et d'amende que nous avons fait connaître antérieurement.
    A 12 h. et demi la lecture du rapport est terminée et M. le président passe à l'
                                                   Audition des témoins.
    Eugénie Thonus
, adepte du Père Dor, habite St-Gilles.
    Me Lebeau. — Quelle est la cause de votre trouble lors de votre comparution à Charleroi ?
    R. — j'étais malade à causa de la grande chaleur qui régnait dans la salle et énervée à la suite des trois heures passées dans la salle d'attente.
    D. — Vous n'étiez pas hypnotisée par le Père Dor ?
    R. — Non.
    M. le président. — Et lorsque vous vous êtes écriée : « Sauvez-moi ! », est-ce lui que vous invoquiez ?
    R. — Non, tout le monde. Lui d'abord puisque c'est mon sauveur (!) mais aussi tous ceux qui auraient pu m'assister, me secourir.
    Me Lebeau. — J'insiste surtout pour bien faire voir qu'il n'y avait pas d'hypnotisme de la part de Dor.
    Me Simons, substitut du procureur général. — Je n'attribue pas la moindre importance à cet incident.
    D. — N'aviez-vous pas versé 100 fr. à l'œuvre du P. Dor ? Cet argent vous a-t-il été restitué ?
    R. — Oui, Mme Delisée me la remis.
    D. — Cela a-t-il eu lieu après les premières poursuites dit parquet.
    R. — Je ne m'en souviens pas.
    D. — Mme Delisée montrait-elle beaucoup d'affection pour le Père Dor ?
    — Oui, beaucoup. Elle parlait constamment de lui. Sans lui, disait-elle, elle ne se faisait aucun bien. Souvent elle s'écriait : « O mon cher petit père, comme je vous aime. (Rires.) Si jamais il me mettait hors de chez lui, je crois que j'en mourrais. »
    M. le président. — Pourriez-vous me dire quel genre d'amour elle professait pour l'inculpé.
    R. — Elle était fort légère dans ses paroles.
    D. — Oui, mais, l'aimait-elle d'un amour charnel ?
    R. — Je ne saurais vous le dire.
    Me Bonnehil. — Vous avez dit tout le contraire lors de l'instruction.
    D. — Comment aimiez-vous l'inculpé ?
    R. — Je l'aimais comme sauveur, mais non comme homme, pour les conseils moraux qu'il me donnait.
    Me Gérard. — La déclaration que vous venez de faire ne vous a-t-elle pas été suggéras par l'inculpé ? Ne l'avez-vous pas écrite à l'avance ?
    R. — Rien ne m'a été demandé. J'ai écrit ma déclaration de mon plein gré.
    Me Gérard. — Comme les autres témoins ?
    R. — Je l'ignore.
    Louis van den E…, 31 ans, de Couillet, déclare avoir été guérie d'un asthme par l'inculpé.
    D. — Vous a-t-il prescrit des médicaments ?
    R. — Non. Il a travaillé seulement à mon perfectionnement moral.
    D. — Avez-vous vendu des brochures du Père Dor ?
    R. — Oui. Une société avait été formée par nous pour propager ses œuvres. J'ai moi-même souscrit 100 fr. pour cela.
    D. — Une souscription a été ouverte pour l'œuvre du Père chez Romain. Qui en a eu l'idée ?
    R. — C'est moi.
    D. — On a rendu une partie des souscriptions ?
    R. — Oui plus de la moitié. C'est moi qui en tenais la comptabilité.
    D. — La brochure « L'ère nouvelle » comprenait-elle seulement les sermons du Père Dor ? A-t-elle été éditée avant ou après la rupture de Dor avec Mme Delisée ?
    R. — Avant.
    Me Gérard. — Vous avez écrit votre déposition à la demande de Dor ?
    R. — Je l'ai écrite spontanément de moi-même en réponse aux bruits infâmes qui couraient sur P. Dor.
    — Quelle sorte de bruits ? Touchant la moralité ?
    R. — Oui.
    Alice Pouille, 55 ans, dit qu'elle a connu le P. Dor chez le Père Antoine. Elle a mieux aimé aller chez Dor qui habitait plus près.
    M. le président. — Leur religion était autre. Le 1er c'est St Jean-Baptiste ; Dor c'est le Christ. (Rires.)
    D. — Alliez-vous souvent chez Dor ?
    R. — Tous les quinze jours. Il a même été question que j'aille passer les vacances chez Mme Delisée.
    D. — Que pensez-vous de cette dame ?
    R. — C'était jadis une croyante. Mais comme elle était légère et variable, elle a changé.
    Me Bonnehill. — La doctrine du Père ne vous oblige-t-elle pas de vous dire coupable de fautes que vous n'avez pas commises ?
    R. - ?!?...
    Me Lebeau, protestant. — Vous interprétez mal la doctrine du Père Dor.
    L'audition des témoins de ce matin est terminée.
    M. le substitut du procureur-général. — Il a été fait allusion tout à l'heure à des sollicitations, faites à Charleroi par le prévenu pour obtenir des adeptes des témoignages favorables. Une enquête a été faite par le parquet de Charleroi... je dépose le dossier sur le bureau de la Cour.
    L'ordre du jour est établi ensuite.
    Demain mercredi audition des témoins, puis interrogation du P. Dor. Les plaidoiries des parties civiles doivent être finies demain.
    Mardi prochain, réquisitoire et plaidoiries de la défense. (B.)

Le bruxellois, 5 avril 1917

Voir les commentaires

Fr. Jean et Sr. Jeanne Lovinfosse (Temple d'Hellemmes)

Publié le par antoiniste

Fr. Lovinfosse (Temple d'Hellemmes)    Dans chaque bibliothèque des temples français, on trouve une douzaine de classeurs dont les feuillets sont parfois reliés. Appelés les Tomes, ils sont mis à la disposition des adeptes costumés. Ces bulletins ont été rassemblés vers 1945 par trois adeptes : le couple Jeannin, qui a vécu auprès de la compagne de Louis Antoine, aidé par M. Lovinfosse. Ils rassemblent des pensée s de Louis Antoine qui n'ont pas été reprises dans ses oeuvres, mais ils contiennent surtout des lettre dictées par la 'Mère' ou des avis qu'elle a donnés à propos de certaines questions. C'est pour cela qu'on connaît ces textes sous le nom de "Pensées de Mère".
Régis Dericquebourg, Les Antoinistes (p.62)

 

Fr. Jean Lovinfosse (Temple d'Hellemmes)    Frère Jean Lovinfosse (ici à droite) assisté de sa femme Jeanne (fille de Frère Galliez, tout premier desservants du temple de Lille) furent parmi les premiers desservants du Temple de Lille, consacré par un délégué du Collège des Desservants au Nom du Père le 10 novembre 1946. C'est à ce titre qu'il prie, dans cette carte postale du Temple d'Hellemmes, un frère de participer à la réunion du Conseil et de la Cultuelle.


    On en sait pas beaucoup plus dans la littérature. Le nom de famille Lovinfosse est belge et plus particulièrement liégeois. Sœur Sylviane se rappelle que sa mère lui avait raconté que c'était la Mère qui avait marié frère et sœur Lovinfosse, très certainement à Jemeppe. Après avoir été desservant à Hellemmes, quand celui-ci a été bombardé pendant la Deuxième guerre mondiale, ils ont été desservants au temple de Lille.

Fr. Lovinfosse (Temple d'Hellemmes)

Fr. Jean et Sr.Jeanne Lovinfosse (Temple d'Hellemmes)

Procession à Hellemmes (Le Grand écho du Nord de la France, 26 juin 1933)

Voir les commentaires

Un Messie devant la Cour d'Appel de Bruxelles (Le XXe siècle, 22 avril 1917)

Publié le par antoiniste

Un Messie devant la Cour d'Appel de Bruxelles (Le XXe siècle, 22 avril 1917)SPECTACLE DE SEMAINE SAINTE

UN MESSIE
devant la Cour d'Appel de Bruxelles

    Fidèle à la tradition — qui veut pour la fin du Carême des spectacles graves et des concerts spirituels, — la Cour d'appel de Bruxelles a commencé, le lundi saint, l'examen de l'affaire du Père Dor, dit le « Christ de Roux. » Nous en résumons, d'après les journaux bruxellois, le très authentique compte rendu.
    Le Père Dor est l'élève et le neveu du Père Antoine, dont Jemeppe-sur-Meuse devint le Sinaï ; c'est là que, du haut du terril, fut promulgué la loi de l'« Arbre de la Conscience » ; c'est là que, aux grands jours de l'Antoinisme, pèlerinaient des théories d'adeptes, les hommes en longue redingote et funèbre haut-de-forme, les femmes en voile de veuve.
    Le P. Dor est l'Elysée du cet Elie ; mais il ne fait pas à feu son oncle, et à sa tante qui continue « les affaires », une concurrence déloyale. Il s'est établi à Roux, dans le Borinage, et s'est voué « au bien » de ses semblables.

LE MESSIE

    Le Père Dor est de haute taille, abondamment barbu et chevelu ; des fils d'argent se mêlent à sa noire crinières. II est prosaïquement vêtu d'une redingote et d'un pardessus, coiffé d'un feutre à larges bords. Sa femme l'accompagne, petite et toute de noir vêtue. Le couple prédestiné s'installe au banc des avocats et, fort de l'autorisation des défenseurs persiste à s'y prélasser. Le banc des accusés reste vide.
    Le Père Dor appelle d'un jugement prononcé contre lui à Charleroi le 17 décembre dernier. Le tribunal correctionnel l'a condamné à 100 florins d'amende pour exercice illégal de l'art de guérir ; à 200 francs d'amende, à 8 mois et 400 francs, à onze peines de huit jours, à un mois et 25 francs d'amende pour divers faits d'escroquerie. Il le condamnait en outre à 500 francs de dommages et intérêts en faveur de la Société de Médecins de Charleroi, et 17.000 francs en faveur de Mme Delisée, naguère fidèle à toute épreuve, aujourd'hui principale plaignante.

LE « TEMPLE DE LA MORALE »

    Ainsi s'appelait le lieu où le Père Dor rendait ses oracles ; le temple de Roux avait, à Uccle, une succursale achalandée. L'enseignement du Messie borain n'avait, cependant, rien de bien original. Dans les dossiers de l'enquête, dans les déclarations de l'accusé ou des témoins, il est question, en termes vagues, d'Amour et de Justice, quelques témoins du beau sexe affirment qu'en ce qui les concerne, le P. Dor écrivait « amour » sans majuscule. Hâtons-nous d'ajouter que, sur ces faits, l'enquête n'a rien apporté de probant
    L'« Ecole de la Morale » prêchait surtout la foi au P. Dor. Pour guérir les malades qui recouraient à ses lumières, le « Messie » se contentait d'habitude de passes magnétiques, de regards lourds d'effluves. Plus prosaïquement, il lui arriva d'enlever à des hernieux leur bandage — non leur hernie, — de proscrire le lait du régime de petits enfants ; il alla jusqu'à prescrire du Thé Chambard, des lavements salés, des potions sucrées. Ce sont ces ordonnances que l'accusation considère comme exercice illégal de la médecine. Ces clystères et ces juleps nous semblent, d'ailleurs, n'avoir que des rapports assez éloignés avec la Justice, l'Amour et le « Temple de la Morale ».

OU IL EST QUESTION DE TRONCS,
D'ASSIETTES, DE BOUTONS
            ET DE LITTERATURE

    Le P. Dor ne réclamait, de ses adeptes, aucune rétribution. Dans la candeur de ses débuts, il s'était contenté d'appendre, aux colonnes du Temple, des troncs humblement solliciteurs. Aux gros sous des fidèles, des sceptiques — ou des malades que le Messie n'avait pas soulagés — mêlèrent des boutons de culottes. Le P. Dor dépendit les troncs et les remplaça par des assiettes, qu'il couvait d'un œil vigilant. Mais ces offrandes, volontaires n'étaient que la menue monnaie du Temple de la Morale.
   
Une adepte du « Messie » versa, pour ses œuvres, une somme de cent francs, qui lui a d'ailleurs été restituée. Une autre fut guérie d'un asthme rebelle par le Père Dor, lequel se contenta pourtant de travailler à son perfectionnement moral. (De là à faire passer tous les asthmatiques pour des gens qui ont un fichu caractère, il n'y a qu'un pas.)
    Revenons à nos moutons, à ceux plutôt que tondit le P. Dor. L'asthmatique guérie forma une société, ouvrit une souscription pour, propager les œuvres du « Père ». Cette brochure au titre prometteur, l'Ere nouvelle, serait d'ailleurs une assez maladroite compilation, un « horrible mélange » où maint auteur aurait, avec peine, reconnu son bien.
    Mais tels adeptes — peut-être le P. Dor leur avait-il prodigué son fluide, son amour et sa justice — tels adeptes ne s'en tirèrent à si bon compte.

PAQUET, CHAUFFAGE CENTRAL ET TESTAMENT

    Mme Delisée, qui plaide aujourd'hui contre le Messie, fut de ses plus fidèles croyantes. « O mon cher petit père, s'écriait-elle, comme je vous aime ! Si jamais il me mettait hors de chez lui, je crois que j'en mourrais ! »
    L'infaillible presciences du P. Dor prévit-elle ce décès ? Toujours est-il que Mme Delisée dota le « Temple de la Morale » d'un parquet neuf et du chauffage central. Elle acheta un lot considérable de brochures — dont coût, au total, vingt mille francs environ. Puis, elle rédigea, en faveur du Prophète, un testament en bonne et due forme ; elle habitait une maison qu'elle s'était fait bâtir en style dorique ? à l'ombre du « Temple de la Morale ».
    Hélas ! les yeux de Mme Delisée s'ouvrirent un beau jour, à des clartés qui n'étaient plus celles de la foi au Messie de Roux. Elle vit, elle sut, elle ne crut plus, elle était désabusée. Elle réclame aujourd'hui au P. Dor le remboursement de ses avances, le coût du parquet neuf et du chauffage central ; Le testament, elle l'a déchiré sur l'ordre exprès du Père, éclairé par la descente d'un Parquet, où les soins diligents de Mme Delisée n'avaient, cette fois, rien à voir.

COUP DE THEATRE

     M. le conseiller Smits a terminé la lecture d'un interminable rapport ; des adeptes ont témoigné d'une foi inébranlée ; certains avocats ont fait, devant le tribunal, les gestes rituels, les passes, magnétiques que le P. Dor employait pour guérir ses malades ; M. Eeckman qui préside assisté des conseillers Dassesse et Smits, interroge l'accusé. Le Messie secoue sa longue chevelure, caresse sa barbe et répond, avec un savoureux accent « borègne ».
    Il n'a pas exercé l'art de guérir. Il est remonté à la cause morale des maux qui nous accablent, supprimant ainsi la source des maladies. Il n'a donné que des conseils ; ceux qui les suivirent s'en trouvèrent bien. Il a prêché l'énergie, la confiance ; ceux qui eurent la foi s'en retournèrent guéris. On l'appelait le Christ ? Pouvait-il empêcher cela ? II laissait faire ; et d'ailleurs...
    Le P. Dor se recueille ; il monte les degrés qui le séparent de la Cour, il étend la main : « Et d'ailleurs, je suis le Christ ; oui, je le suis, non pas le faux, mais le vrai ! »
    L'auditoire frémit ; mais le plafond ne s'effondre pas sur la tête du tribunal ; les murs demeurent impassibles. Le président ne s'émeut pas. Il prend acte de l'affirmation et termine l'interrogatoire. La parole est aux avocats des parties civiles.
    Plaidant pour la Société des Médecins de l'arrondissement de Charleroi, Me Gérard, dit que Dor, simple ouvrier ajusteur, ignorant et illettré, a représenté les médecins comme mus uniquement par l'esprit de lucre. Dans plusieurs cas, ses, prescriptions ont été nuisibles aux malades qui s'adressaient à lui. Sous prétexte de fluide, d'hygiène et de conseils moraux, il a porté préjudice à des médecins honorables ; plus que du dommage matériel, c'est du dommage moral que la Société de Médecine demande réparation.
    Me Bonnehill défend les intérêts de Mme Delisée. Il représenta le P. Dor comme un être cupide, comme un imposteur. Il qualifie l'enseignement de la Morale, de la Justice et de l'Amour de « sinistre et ridicule comédie ». Tout naturellement, il évoque le souvenir de Molière, qui prit parfois son bien dans les œuvres des autres. Car Me Bonnehill n'épargne même pas la littérature du P. Dor. Il fait, de ses œuvres prophétiques, des plagiats non seulement impudents, mais, malhabiles.

*
*  *

    L'affaire en est là ; le tribunal s'est ajourné. Le « Christ de Houx » a été invité à revenir devant la Cour d'appel, après les fêtes de Pâques. Nous conterons en son temps, la suite de ses aventures.
                                                 Julien FLAMENT

Le XXe siècle, 22 avril 1917

Voir les commentaires

Palais de Justice - Le Christ au prétoire (Le bruxellois, 4 avril 1917)

Publié le par antoiniste

Palais de Justice - Le Christ au prétoire (Le bruxellois, 4 avril 1917)PALAIS DE JUSTICE

    COUR D'APPEL DE BRUXELLES. — Le Christ au prétoire. — C'est ce lundi saint que commence le procès d'appel de celui que des naïfs ont appelé le Christ du temps présent.
    Les débats se déroulent dans la vaste salle d'audience de la 6e chambre des appels correctionnels. M. Eeckman préside assisté de MM. les conseillers Dassesse et Smits. M. Raphaël Simons, substitut du procureur général, le sociologue démocrate chrétien tombeur de l'abbé Pottier... pardon, de l'abbé Formose, occupe le siège du ministère public. Cela nous promet sans doute une joute économico-philosophico-religieuse entre Me Lebeau, le porte parole du Christ et M. le substitut, organe de la Loi, défenseur de la société.
    Mais voici le Christ. Mais est-ce bien le Christ ? On m'appelle ainsi, dit-il, à qui veut l'entendre. Mais lui-même est trop madré pour se donner à lui-même ce titre.
    Le Père Dor ne croit d'ailleurs ni au Christ, ni au diable. II faut croire en moi, dit-il à ses adeptes ; avoir confiance en moi ; c'est moi qui vous insufflerai mon « fluide » et ainsi vous sauverai, vous guérirai.
    Il arrive accompagné de sa femme, modestement habillée tout de noir. Pierre Dor est beaucoup plus grand qu'elle ; barbu et chevelu, il a déjà pas mal de fils d'argent dans sa barbe qui dut être jadis du plus beau jais. Sa redingote noire disparaît sous un vaste paletot ; il confie à sa femme un chapeau à larges bords. C'est le type classique du Moujick. Il a pas mal de fervents adeptes. On les désigne du doigt dans la salle. Telle dame prétend avoir été guérie radicalement par le Père. Elle était à l'agonie. On est allé implorer le Père, le Père l'a ressuscitée. Il y a quelques fervents de Roux arrivés ce matin par le même train que les avocats de Charleroi ; il y en a surtout d'Uccle où le Temple de la Morale du père Dor fait en ce moment à St-Job une concurrence redoutable aux églises des cultes reconnus.
    Mais tandis que le Parquet de Charleroi pourchasse Dor, celui de Bruxelles le laisse opérer en paix. C'est peut-être pour ne pas lui faire de la réclame inutile, d'autres disent que c'est parce que notre Parquet serait surchargé par les poursuites contre les accapareurs et autres malfaiteurs qui si impunément profitent et abusent de la guerre ! Le père Dor et sa femme s'installent crânement au banc des avocats. Les gardes bourgeois veulent les faire reculer dans l'enceinte du public. Peine inutile. « Nous sommes ici avec l'autorisation de Mtre Morichar, nous y resterons. »
    Le banc des avocats est garni. A la défense Mtre Lebeau et Mtre Morichar. Au banc de la partie civile Mtre Vermoesen, avoué, se constitue pour la Société de Médecine. Mtre Gérard plaidera pour cette société. Mtre Bonnehil se constitue partie civile au nom de Mme Delisée, une petite vieille dame qui s'installe à côté de son avocat.
    A 9 h. 15 la Cour fait son entrée. Dor s'installe au banc des prévenus. Il décline ses noms, résidence, donne comme profession celle d'auteur.
    La parole est ensuite donnée à M. le Conseiller Smits qui fait le rapport de cette affaire.
    L'honorable conseiller rappelle d'abord les condamnations prononcées contre Dor à Charleroi, le 17 décembre dernier.
    Le prévenu encourut 100 florins d'amende pour exercice illégal de l'art guérir, 200 fr. d'amende pour les faits d'escroquerie concernant les époux Chantier, 8 mois et 400 fr. pour les faits d'escroquerie reprochés par Mme Delisée, onze peines de 8 jours pour onze autres faits, un mois et 26 francs pour les escroqueries dont se plaint, l'épouse Spronck. Il fut condamné en sus à 500 fr. de dommages et intérêts en faveur de la Société de Médecine de Charleroi et 17,000 fr. en faveur de Mme Delisée. Dor fut acquitté pour les préventions d'attentat à la pudeur libellées dans l'acte primitif de poursuite.
    M. Smits lit ensuite les diverses pièces de la procédure : les plaintes contre Dor, ses interrogatoires, les dépositions des témoins.
    M. le conseiller-rapporteur choisit dans les énormes dossiers qu'il a devant lui les pièces relatant les faits les plus caractéristiques de l'inculpé. Il décrit sa manière d'opérer, ses passes, les procédés qu'il emploie habituellement pour suggestionner ses clients.
    Dor s'en tient à quelques banalités, il enseigne l'Amour, la Justice. Certains clients entendirent la chose de manière très différente. L'une des fidèles déclare « être venue chez Dor pour voir le Christ. Je n'ai pas été peu surprise, ait-elle, quand il m'a passé la main dans le corsage, puis sur les cuisses, et quand il m'a affirmé que j'avais le fluide d'amour. Ce n'est pas pour apprendre cela que j'allais à l'Ecole Morale. »
    Il entrait dans les détails les plus crus pour enseigner la vertu dans le sens où il l'entendait et manquait rarement de parler de choses équivoques ou qu'au moins certains adeptes interprétaient d'une manière... particulière.
    Plus d'un détail — impossible de reproduire dans un compte rendu destiné à passer sous tous les yeux, provoque l'hilarité de la Cour, hilarité que partagent d'ailleurs tous les avocats à la barre.
    Dor dans ses interrogatoires par la police, par le juge d'instruction, s'est d'ailleurs toujours défendu avec énergie contre toutes les imputations de ce genre. Il a prêché la vertu, la confiance, la foi en son fluide.
    Ce fluide a-t-il suggestionné ses adeptes ?
    C'est indéniable à entendre l'interminable série de témoins dont M. le rapporteur fait connaître les dépositions.
    Ce sont les femmes surtout qui ont prétendu ressentir les bienfaits des incantations de Dor.
    Ici se place un incident entre avocats. Ils s'avancent vers la Cour et reproduisent les gestes, la levée des bras que pratique l'inculpé. Dor qui aurait pu personnellement donner une répétition devant la Cour se tient coi à son banc.
    Dor ne demandait rien pour ses cures.
    Mtre Lebeau. — Il inscrivait même en tête de ses brochures qu'aucune rémunération n'était réclamée.
    Mtre Bonnehil. — C'est un désintéressé ! c'est entendu ! (Rires.) Nous démontrerons le contraire.
    M. Smits, rapporteur. — Il ne demandait rien, mais il se trouvait un tronc à son temple. Un jour il demanda à un de ses adeptes d'y verser cent francs. De plus, il vendait ses brochures et tous achetaient. Les uns par curiosité, les autres parce que ce n'était pas cher, d'autres enfin « par honnêteté », disent-ils.
    L'audience est levée à 1 heure.
    L'après-midi n'était pas annoncée, aussi y a-t-il moins de monde que le matin. L'audience reprend à 3 h. 10. M. le Conseiller-rapporteur poursuit son exposé général qui est clôturé à 3 h. Il en vient alors aux trois faits d'escroquerie qui ont été retenus à charge de l'inculpé. Les faits Solms, Chartier et Delisée. (B.)

Le bruxellois, 4 avril 1917

Voir les commentaires