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Le ''Christ'' devant ses juges (Le Messager de Bruxelles, 20 novembre 1916)(Belgicapress)

Publié le par antoiniste

Le ''Christ'' devant ses juges (Le Messager de Bruxelles, 20 novembre 1916)(Belgicapress)

CHARLEROI
(De notre correspondant particulier)
Le « Christ » devant ses juges
Plaidoirie de Me Lebeau, un des défenseurs
du Père Dor

    Avant d'entamer le fond de sa plaidoirie, Me Lebeau rend hommage à l'honorable tribunal et particulièrement au président, qui, par sa patience, sa bonne grâce vis-à-vis de la défense, a permis que la vérité se lit éclatante et convaincante sur la légende de l'Ecole Morale en dépit des calomnies infames dont elle fut l'objet. Il souligne que ce n'est qu'après les plaintes Chartier et Delysée que le Parquet se décida enfin à effectuer une descente à Roux, et à ouvrir une instruction. On escomptait un scandale ; la déception fut vive car on ne découvrit rien de semblable : l'Ecole Morale était à l'abri de tout reproche.
    Il dit avoir écouté avec attention les brillantes plaidoiries de ses adversaires ; celle de Me Bonnehill surtout, qui contenait certaines affirmations des plus graves pour le Père et son œuvre, et où la rage et la passion étaient distillées, et qui renfermait beaucoup d'invectives qu'il a été surpris d'entendre de la part d'un tel confrère à la parole si élégante. N'a-t-il pas dépassé la mesure ?
    Me Lebeau y voit une maladresse, car lorsqu'on emploie des moyens qui dépassent le but, on nuit à sa propre cause. Il reproche aussi cette manière de plaider où il oppose continuellement le vrai Jésus avec Dor et l'appel fait au tribunal pour qu’il « tue » avec le Père Dor les doristes eux-mêmes. Il met en garde le tribunal contre son propre sentiment dans ces questions religieuses.
    L'enquête a fait naître un sentiment qui sera partagé par le tribunal ; pour Me Lebeau, c'est une demi-révélation, c'est que le Dorisme, c'est-à-dire la petite église qui s'est formée autour de Dor, est un phénomène d'ordre religieux : c'est là la véritable caractéristique de cet état d'esprit, de cette mentalité étrange qui s'est manifestée à l'audience. Le dorisme est une manifestation de cet état d'esprit propre à tout homme qui recherche son idéal : à se troubler devant certaines manifestations des forces de la nature devant la mort, devant le problème de l'au-delà. Au domaine religieux appartient précisément ce phénomène moral de la conversion que l'éminent avocat définis dans toutes ses phases avec une rare maîtrise et qu'il agrémente de citations de Tolstoï, Pascal et Ibsen.
    Les doristes ont précisément été l'objet de cette conversion morale pour la plupart, c'est la maladie qui en a été la cause primordiale, car ils n'avaient pas trouvé auprès des hommes de l'art le soulagement qu'ils escomptaient ; Dor, avec sa doctrine, leur a révélé la valeur mystique de la souffrance qui constitue un avertissement, pour adopter une ligne le conduite meilleure, car on ne peut se libérer de la souffrance qu'en se dématérialisant.
    Les convictions des doristes sont donc à la fois d'ordre moral et d'ordre religieux. C'est une secte bien caractérisée comme on en rencontre beaucoup en Angleterre où tout le monde peut devenir un innovateur et réunir autant d'adeptes qu'on le peut.
    Me Lebeau, très habilement, invoque la jurisprudence belge basée sur la liberté des cultes. Il définit exactement la nature du procès engagé qui vise plus haut que le simple délit d'escroquerie et même de l'art de guérir et se fait un argument puissant des protestations exubérantes de la reconnaissance et de la vénération des adeptes du Père Dor, que ceux-ci considèrent comme un être suprême et non à l'égal d'un simple rebouteur guérissant avec ou sans diplôme, auquel on doit de la reconnaissance, et rien de plus, Dor est plus que tout cela, c'est le fondateur de leur religion. L'éloquent et persuasif défenseur insiste sur cette constatation qui doit, selon lui, emporter l'acquittement du prévenu. L'action du Ministère public doit fatalement se briser dès lors contre un obstacle d'ordre constitutionnel, contre l'art. 14 de la constitution belge : La liberté des cultes. Le tribunal peut-il, en conscience, décider que la doctrine Doriste n'est qu'un amas d'insanités, qu'elle constitue un artifice pour l'exploitation des crédules ! Si une condamnation devait intervenir, c'est admettre que les 1,500 ou 2,000 adeptes de Dor se sont trompés du même coup.
    Le tribunal ne le peut ; la constitution belge d'abord s'y oppose et ensuite le tribunal ne peut s'ériger en concile charge de juger une hérésie. En frappant Dor, on atteint l'unique dépositaire de la doctrine Doriste, mais Dor n'a commis aucun délit de droit commun ; on veut atteindre surtout la religion qu'il a fondée. Tout sentiment religieux, quel qu'il soit, doit être respecté. Au cas d'une condamnation du fondateur de la religion doriste, deux hypothèses se présenteraient : Ou bien Dor s'inclinerait devant la sentence et alors ce serait l'effondrement suivi du découragement de milliers de doristes revenus à la pratique d'une meilleure vie par suite d'un puissant effort sur eux-mêmes et l'impossibilité pour eux de s'attacher à d'autres croyances ; ou bien encore que Dor et les doristes ne s'inclineront pas devant le jugement ; sachant que Dor n'est pas un imposteur, il lui décerneront la palme du martyr et le vénéreront comme tel, et le résultat sera dès lors contraire à celui auquel on voulait arriver...
    L'honorable avocat disserte longuement sur la religion bouddhiste, qui présente une grande analogie avec la religion doriste ; il établit des comparaisons très habiles que nous nous dispenserons, bien à regret, de publier pour la documentation de nos lecteurs, mais qui démontrent que la religion doriste, à peu de chose près, est issue des doctrines du Bouddha, sans que Dor en ait jamais eu l'intuition bien définie. Me Lebeau en arrive à examiner si Dor est réellement sincère.
    Le tribunal aura certainement retenu une impression favorable de l'interrogatoire du prévenu, qu'il considèrera peut-être comme un ascète, un rêveur, un contemplateur, mais non pas comme un vil escroc. Tout concorde à établir que Dor vivait pauvrement, qu'il se cloitrait, lisant, écrivant, recevant tous les jours 5 à 600 personnes, se livrant en un mot à une besogne obsédante, déprimante. On re peut affirmer qu'il avait l'amour de l'argent puisqu'il vivait misérablement, ne se livrait à aucune dépense, donnant seulement à ses deux fils une instruction rudimentaire : l'un est apprenti ouvrier, l'autre plus jeune, suit des cours à l'Ecole de St. Gilles.
    On critique aussi ses ouvrages ; on y relève beaucoup d'inexactitudes, on a débité beaucoup de plaisanteries ; mais plaisanter n'est pas raisonner ; Dor n'a aucune prétention : ce n'est pas un lettré ni un érudit, et néanmoins il y a dans ses livres de belles pages (il lit plusieurs pages que l'auditoire, amusé, écoute), et on conclut que les ouvrages de Dor peuvent être lus sérieusement, car ils ont été consciencieusement pensés et écrits. Pas de talent, certes, mais des convictions ardentes, remarquables, personnelles, ce qui est étrange. On a prétendu que ce livre avait été corrigé, écrit par une autre personne, mais on n'a jamais pu le prouver ni désigner un autre auteur que Dor !
    A ce moment, une femme s'évanouit : vif moi passager ; un policier la transporte dans une salle contiguë où on lui prodigue des soins.
    Me Lebeau verse au dossier de nombreux cahiers renfermant les brouillons des théories du Père publiées dans les brochures incriminées. (Remarque de Me Bonnehill, les dites pièces n'ayant pas été enregistrées.)
    Me Lebeau veut démontrer d'une manière lumineuse la sincérité de son client. Dor prêche le désintéressement et montre l'exemple. En effet, il est parvenu à réunir des preuves écrites de son désintéressement : il a derrière lui tout un passé d'honnêteté et de probité. A la suite d'un accident de travail dont il fut victime, il abandonna sa profession d'ajusteur et s'établit dans le commerce, il devint successivement épicier, puis restaurateur à la Porte du Temple d'Antoine, son oncle, où il gagnait beaucoup d'argent (les témoignages abondent dans ce sens). Il est de bonne conduite et de mœurs honorables, une attestation du commissaire de police de Jemeppe en fait foi ; ce n'est ni un escroc ni un imposteur, son casier judiciaire est vierge et il jouit de l'estime et de la considération de ses concitoyens. Attiré par les belles maximes d'Antoine, son oncle, il devint un de ses adeptes, mais se détacha bientôt de lui, c'est alors qu'il connut un industriel de Liége, nomme V..., qu'il guérit d'une grave maladie. Cet industriel lui avait voué une gratitude illimitée, il l'amena en Russie où il fut l'objet des sollicitations de la médecine et des agents de la police et revint en Belgique où il vint s'installer à Roux ; afin d'aider à ses premiers besoins, l'industriel V... fut sollicité pour un prêt de 5,500 francs, qu'il consentit avec empressement et sans espoir de remboursement (une lettre émanant de cet industriel en fait foi). Avec cet argent, Dor acheta un terrain, mais, pris de remords, il renvoya une première fois 2.000 francs à V..., qui en parut fort étonné, puisqu'il avait consenti la donation à fonds perdus, et plus tard Dor remboursa le solde de ce qu'il considérait comme un prêt à terme par l'abandon d'une créance de 3.558 fr. (15 février 1911). Tout ceci est prouvé par des documents authentiques que l'éminent avocat communique à l'appréciation du tribunal. Ce beau geste de désintéressement doit être apprécié d'autant mieux que cet acte a toujours été tenu secret même vis-à-vis des adeptes. Il y a encore un deuxième fait, une preuve plus décisive encore, souligne Me Lebeau. C'est l'affaire de la margarine.
    En 1912, M. Dor, après avoir reconnu la valeur de la margarine végétale, se mit en rapport avec la firme Vanderdherghe qui fabriquait la margarine Era, afin de faire vendre ce produit à Roux, où les adeptes du Père, sur la recommandation de celui-ci, viendraient se pourvoir. La firme susdite accepta avec empressement, et Romain Jules fut commis pour la vente. Or, selon l'aveu même de ce Monsieur qui devint plus tard un ennemi acharné de M. Dor, celui-ci n'a jamais été intéressé d'un seul centime et malgré que quelque temps après il fit confectionner des emballages à son nom « Margarine Père Dor » sans jamais réclamer le moindre avantage pécunier, ni du fabricant, ni de l'intermédiaire ; mieux, il refusa la proposition de M. Servaes succédant à M. Romain dans la vente de la margarine et cependant les bénéfices réalisés par le vendeur du produit, aux témoignages même de celui-ci, étaient fort appréciables. (M.Servaes, qui habite actuellement Bruxelles, et qui ne fut jamais un adepte du Père Dor, est venu témoigner qu'il avait réalisé un bénéfice de fr. 0.30 à 0.40 au kilo et que la vente avait monté une année à 9,078 kilos. Ces faits sont décisifs parce qu'une participation dans les bénéfices aurait parfaitement pu être tenue secrète.
    Me Lebeau résume : Première considération : Le Père Dor n'a pas fait le geste inconsidéré qui fait tendre les mains vers l'argent ; deuxième considération : non seulement, Dor est un désintéressé, mais il est aussi un naïf, précisément parce que la margarine à sa marque ne rapportait pas un sou et qu'il laissait dire à tout le monde qu'il intervenait dans les bénéfices de la vente ; en effet, c'est contraire à notre logique mercantile que nous prêtions assistance à une opération commerciale sans récupérer la moindre parcelle du profit. N'est-ce pas exactement le contraire de ce que fait l'escroc, Considérer Dor comme un illuminé, un apôtre, cela explique amplement toute l'affaire…
    Il est 5 h. ½ ; le tribunal décide de reporter au mercredi 22, à 9 heures, la cotinuation de la plaidoirie de Me Lebau et d'entendre ce même jour à l'audience de l'après-midi la défense de la troisième prévention qui incombe à Me Morichar. Ensuite, selon toute vraisemblance, l'affaire sera remise en délibéré.

            Plaidoirie de Me Bonnehill

    Me Bonnehill prenant la parole, rappelle la rare maîtrise avec laquelle M. le Président a procédé à l'interrogatoire du faux Christ et, d'une part, la claire et fluide logique du magistrat, sa profonde connaissance ; d'autre part, la piteuse et lamentable mentalité du prévenu qui est sorti de l'audience couvert de ridicule après avoir passé sous une volée de verges administrées par l'honorable organe de la loi, après aussi que Me Gérard, dans sa puissante plaidoirie, l'eut cloué au pilori de l'opinion publique. Il rappelle que le Ministère public a démontré l'interprétation que les commentateurs donnent à l'art. 496 : les délits d'escroquerie existent lorsque la remise a été déterminée par l'usage de faux nom et de fausse qualité ou bien lorsque la remise des sommes a été provoquée par des manœuvres frauduleuses. Or, ces faits de la prévention ont été suffisamment établis.
    Il expose ensuite la demande de la partie civile Delysée, M. le Procureur du Roi a portraituré (que d'honneur !) le Père Dor : il a dépeint sa course vertigineuse à la fortune. Mme Delysée fut amenée à connaître Dor par un des rabatteurs de ce dernier : il discerna aussitôt tout le Profit qu'il pourrait tirer d'une telle adepte car il découvrit qu'elle était très âgée (66 ans), ancienne théosophe, spirite, qu'elle était riche et n'avait aucun héritier direct ; après l'avoir fascinée, éblouie, il en fit sa commensale, la séquestra et, par la menace des pires douleurs physiques et de châtiments éternels pour ses défunts, il lui soutira de grosses sommes. La lecture de certaines lettres du Père soulève l'hilarité de l'auditoire par l'énoncé des fautes triviales de syntaxe qui y figurent, mais démontrent la sollicitude toute particulière du « charmeur » à l'égard de « sa chère enfant ». Il cite aussi de nombreux passages tendancieux du livre précieux dont la pauvre femme avait fait son livre d'heures et dont elle imprégnait son esprit des inepties y contenues. Or, il appert que le livre en question n'était autre chose qu'une vulgaire reproduction de livres de morale, de psychologie et autres traités parus à une date antérieure à celle où « Christ parle à nouveau « fut imprimé. Pendant qu'il lit les livres du plagiaire, le tribunal suit attentivement les passages incriminés.
    Mme Delysée pouvait-elle résister à tant d'artifices ! Comme elle l'a affirmé, elle n'était plus qu'une misérable loque entre les mains du « charmeur ». D'autres hommes sont venus affirmer qu'il était bien le Messie, le Christ réincarné d'il y a 2.000 ans. Ce sont les pantins dont il tire la ficelle. La proie, en l'occurence Mme Delysée, est suffisamment préparés. En 1913, le Père persuade à la pauvre femme que les appartements qu'il occupe sont insalubres, qu'il manque d'air et de clarté, et lui soutire 1,800 francs pour le parquet et la vérandah, on ne demande pas de reçu à Jésus, mais lorsqu'il paie ses fournisseurs, il prend soin de se faire délivrer des reçus en due forme. En 1914, 4.000 francs sont encore versés pour l'installation du chauffage central, puis, afin de contribuer à la diffusion de l'œuvre, des brochures sont achetées au prix de la vente au numéro, pour une somme de 5,400 francs.
    En 1905, il convient que Mme Delysée signala sa présence par de nouvelles libéralités, et le rusé coquin se souvient qu'il dispose d'un terrain improductif entre le temple et la maison voisine. L'Ecole Morale devrait plutôt s'intituler « Jeu de massacre des Innocents ».
    Nous sommes loin des maximes enseignées par le Père sur le désintéressement : Donnez, dépossédez-vous. Quel joli couple d'éperviers, dit-il, en faisant allusion à Dor et à sa femme.
    Après avoir vendu ses maisons de Jemeppe pour 15,700 francs, comme cela résulte d'une attestation du receveur de St-Nicolas, il vint habiter Roux, où il loue une maison d'une valeur locative de 20 fr. Six années après, il fait édifier une Ecole Morale, que Me Bonnehill évalue à 55,000 francs.
    On discute le droit de réponse adressé le 3 mai à « La Région » et établissant les immeubles dont se compose la fortune du Père et l'affirmation de ce dernier assurant qu'il fait don d'une somme à l'Ecole des Estropiés se heurte à incrédulité de l'orateur, car il ne suffit pas de promettre, mais aussi d'exécuter. Donc, en 1909, 15,750 francs. En 1916. 15,000 francs, plus la valeur de la propriété que le Père fit construire à Uccle et évaluée à 30.000 francs. (Protestations de Me Lebeau, qui conteste cette évaluation et affirme que le coût de cette construction a été payé par une tierce personne qu'il désignera.)
    L'affirmation du Père au sujet de ce qu'il a avoué avoir recueilli en dix mois de temps uniquement dans les troncs, doit laisser rêveur ! Me Bonnehill ajoute qu'en admettant le geste du Père de verser une somme au profit de l'Ecole des Estropiés, il est hors de doute que Me Pastur, qui a les mains blanches comme l'hermine de sa robe, tandis que celles de Dor sont noires, refuserait l'offrande, car il sait que chaque brique de l'Ecole Morale représente l'apport d'un malheureux spolié, mais il ajoute qu'il ne croit pas à une pareille tentative sérieuse de Dor.

Le Messager de Bruxelles, 20 novembre 1916 (source : Belgicapress)

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Le fait du jour (Journal de Charleroi, 4 octobre 1912)(Belgicapress)

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Le fait du jour (Journal de Charleroi, 4 octobre 1912)(Belgicapress)LE FAIT DU JOUR

    Ne croyez pas qu'il faille être le pape, ou le légat du pape au Congrès Eucharistique de Vienne, avec les carrosses de l'empereur d'Autriche, pour faire une religion impressionnante et traîner en procession des milliers d'extasiés. Il suffit d'être la veuve d'un prophète désincarné : «La Mère ».
    « La Mère Antoine, grande prêtresse de l'Antoinisme depuis la désincarnation de l'immortel Père Antoine, le guérisseur, préside à un extraordinaire développement du culte nouveau, entre Liége et Bruxelles. Dimanche elle inaugura, à Bierset-Awans, son troisième temple. Ses « opérations » – vocable vulgaire qui désigne la liturgie antoiniste – attirèrent tant de fidèles que le sanctuaire se remplit une vingtaine de fois d'une foule renouvelée.
    Et que faut-il à « la Mère » pour que s'exerce l'attirance ? Simplement la foi des crédules. Ses moyens de grande-prêtresse sont, en effet, très rudimentaires. Mais il y a au fond de l'homme un irréductible besoin de sottise.
    A Bierset-Awans, le troisième temple est une très banale bâtisse, extérieurement peinturlurée de rouge. L'intérieur est une grange à murs blancs, éclairée par des fenêtres étroites qui trouent à peine la toiture, sans aucun ornement, ni emblème, ni inscription. On aperçoit seulement au fond, dans la lumière diffuse, une tribune recouverte d'un drap verdâtre. Sur un carré de toile bleue se lit « l'auréole de la conscience » c'est-à-dire quelques-uns des préceptes de la sagesse antoiniste.
    Là, monta dimanche, après trois tintements de clochette, la Mère Antoine. Et la cérémonie commença. Silence absolu. Pas un discours, pas une prière, ni de la prêtresse, ni des fidèles.
    Seulement un geste. Dans une attitude extatique, la Mère leva les yeux au toit, croisa ses mains sur la poitrine. Puis, lentement elle étendit le bras droit pour faire l'opération qui consiste à couvrir l'assistance d'un geste large, la paume ouverte comme devant répandre des bénédictions.
    Cela dure deux minutes. Et cela se répète vingt fois, pour vingt opérations. Il n'en faut pas davantage. La foule pieuse est contente. La Mère se retire, non sans avoir fait présenter dans la grange le plateau des offrandes.
    Et cela fait concurrence à la grande « opération » catholique. A tel point qu'un antoiniste du nom de Noël, ayant introduit « l'opération » de l'antoinisme au 13e arrondissement de Paris, le cardinal Amette l'a excommunié, lui et ses fidèles. Ça se passe entre augures !

Journal de Charleroi, 4 octobre 1912 (source : Belgicapress)

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Méditation, par Henri Lormier (Le Fraterniste, 15 octobre 1930)

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Méditation, par Henri Lormier (Le Fraterniste, 15 octobre 1930)

MÉDITATION

    Le calme et le silence sont les conditions primordiales et nécessaires pour permettre à l'esprit de se recueillir et de puiser de nouvelles forces mentales et spirituelles.
    Si vous voulez maintenir votre santé en bon équilibre exercez-vous souvent à ce recueillement et ne laissez pas votre système nerveux diminuer son énergie dans un excès pernicieux de dépenses vitales en paroles et en actes épuisants.
    Choisissez vos heures de calme, oubliez tout ce qui vous préoccupe et pensez bien que votre repos vous donne des forces nouvelles dont votre esprit s'imprégnera d'autant mieux si, avec foi et conviction, vous faites appel à la Vie Invisible, Energie spirituelle, divine.

                                                                                                                    H. LORMIER.

Le Fraterniste, 15 octobre 1930

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Le prophète de Jemeppe (La Meuse, 29 février 1908)(Belgicapress)

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Le prophète de Jemeppe (La Meuse, 29 février 1908)(Belgicapress)LE PROPHETE DE JEMEPPE
Antoine-le-Guérisseur

    On lit dans LE MATIN, de Bruxelles cette intéressante interview :

    « Le pays wallon a en ce moment un prophète. Les foules se pressent à son enseignement ; de nombreux disciples, fidèles, dévoués et sincères l'entourent et le servent, Enfin, il guérit les malades, il a rendu l'ouïe, dit-on, à plusieurs sourds, il rend ingambes les éclopés, il soulage, réconforte autant moralement que physiquement les minables humains qui viennent lui exposer leurs misères. Son œil pensif et droit scrute les cœurs. D'un mot souvent, il leur montre qu'il les connaît aussi bien sinon mieux qu'ils se connaissent eux-mêmes.
    C'est Antoine-le-Guérisseur.
    Son œuvre est double.
    D'une part, depuis près de vingt ans, il soigne gratuitement les malades. En outre, depuis six ans environ, il a ajouté à ses consultations où la cohue se presse, la prédication dominicale dans un temple qu'il a fait construire à Jemeppe-sur-Meuse et lancé des publications où il expose sa doctrine spirituelle au peuple qu'il appelle à l'amour et à la foi.
    Tous les jours, mais surtout les lundis des centaines de personnes attendent dans le temple de Jemeppe le moment d'être introduites auprès de celui que ses disciples appellent « le maître ».
    Chaque visiteur, dans l'ordre d'arrivée, reçoit un numéro et passe à son tour, sans favoritisme, sans passe-droit, Riches et pauvres se coudoient dans l'attente.
    Enfin, ils sont appelés devant le « Maître ». Celui-ci les regarde venir, leur dit quelques mots brefs, une recommandation hygiénique ou morale, ne leur demande même pas quel est leur mal – et souvent, disent les visiteurs, il le leur dit lui-même – il les touche du pouce et de l'index au front.
    Parfois, il ajoute : « Vous êtes guéri ». Puis, avec beaucoup de bonté, il congédie le malade.
    Pas de tronc, pas de collecte. Plus d'une fois, le guérisseur fut l'objet de poursuites. Toujours il a dû être acquitté.
    « Je ne pratique pas l'art de guérir, aime-t-il à dire. Je laisse cela au médecin. Je pratique le « don » de guérir.
    « Ce qu'il faut, ajoute-t-il, c'est la foi. Il faut venir à moi avec foi et confiance. Alors, le contact est établi et je puis donner ce que me demandent ces cœurs ouverts : la guérison et la consolation.
    « Je ne fais pas de miracles. Je guéris par le fluide que les esprits qui m'assistent amassent sur moi et que je répartis aux malades de cœur humble et de bonne volonté. L'amour est ma doctrine. »
    Et les malades se pressent. Il y a quelques semaines, on constata en un jour la présence de « sept cent trente » visiteurs !
    La renommée du prophète court le long de la Meuse et de l'Ourthe ; dans toutes ces populations travailleuses mineurs, carriers, métallurgistes, petits bourgeois et femmes du peuple qui vénèrent le guérisseur à l'égal d'un saint, ou d'un prophète,

* * *

    Les dimanches, la cérémonie – hebdomadaire – comprend une allocution du prophète, des réponses aux questions posées des assistants et un recueillement avant et après la réunion.
    J'ai assisté dimanche à cette prédication.
    La masse des fidèles encombrait le temple d'Antoine-le-Guérisseur. Nous étions arrivés de Liége, dans un tramway bondé de disciples du maître. Et le contrôleur nous déclara que cinq ou six voitures étaient tous les dimanches, nécessaires pour convoyer les gens qu'attire ce prêche fait à Jemeppe, à dix kilomètres.
    Des communes voisines, des contingents d'auditeurs ouvriers arrivent et s'engouffrent dans la salle.
    Le temple est assez grand et possède une galerie que borde une barrière ouvragée, style nouveau. C'est très clair et très simple, très propre et fort bien chauffé.
    La chaire du prophète est au fond, à la place du chœur. On y accède par deux escaliers.
    Et tout ce peuple se recueille.
    Il est dix heures. Voici le maître. Sans pose, avec une paysannerie bonhomme, il monte à sa chaire.
    Et tandis que le silence le plus absolu règne sous les clairs vitraux, et que le vent souffle au dehors, il se recueille à son tour, longuement.
    Puis, il relève la tête, l'abaisse de nouveau, la relève, paraît agité par une douleur interne, va parler, s'arrête encore, crispe ses mains sur la balustrade :
    « Mes frères ».
    Ces mots sont dit très doucement. Un silence leur succède. Enfin, Antoine-le-Guérisseur commence sa prédication.
    C'est un cours qu'il donne, un exposé de sa doctrine, qu'il poursuit depuis plusieurs mois. Une jeune femme, assise à un pupitre, sous la chaire, sténographie ses paroles. Et ses discours sont ensuite consignés dans une revue que publient les disciples : sous le titre de l'« Auréole de la conscience ».
    Il y a quatre siècles, c'était presque le même titre que Bœhme, le cordonnier voyant de Gœrlitz, donnait à son premier ouvrage : « L'Aurore naissante ».
    J'entends le maître qui se plaint de l'état de l'atmosphère. « Elle est troublée par des esprits légers, dit-il, et nous ne pourrons pas pénétrer profondément dans les bons fluides. Il faudra de la patience. »
    Son enseignement ? Je feuillette les cahiers.
    La vie est partout, ou plutôt l'amour est partout, ainsi que l'intelligence, ainsi que la conscience, Amour, intelligence et conscience, c'est Dieu, le grand mystère.
    Dieu gouverne par des lois, c'est à dire par des fluides. Ces fluides mettent ses créatures en relation avec lui. Ces fluides sont régis par les esprits de Dieu et l'homme peut acquérir aussi le pouvoir de manier ces fluides.
    Par ces fluides, l'homme guérit physiquement et moralement ses semblables.
    Mais la douleur est un bien. Le mal n'existe pas. C'est la sensation de privation du bien. C'est une épreuve qui nous amène vers le bien, qui nous grandit, qui nous est nécessaire pour nous rapprocher du grand mystère.
    Ce qu'il faut, c'est la foi, la confiance en Dieu. C'est elle qui donne l'amour, avec celui-ci le bonheur. Qui a la foi véritable est visité par Dieu même.

* * *

    Mon attention est subitement rappelée au prêche par la voix glapissante d'un assistant.
    – Maître, clame celui-ci, à l'autre bout du temple.
    – Parle, répond Antoine-le-Guérisseur.
    – Cher maître, répond le disciple, j'ai foi en vous et je vous remercie de m'avoir montré la voie de l'amour. Ne voulez-vous pas nous expliquer encore ce que c'est que le mal ?
    – Vois le bourreau au lieu de la victime, dit le prophète. Plus l'imagination est grande chez lui, plus il est content de ses méfaits. Quel n'en sera pas le nombre avant qu'il songe à remédier à sa nature imparfaite ! Ce bourreau, en effet, ne gardera pas indéfiniment sa faiblesse. Ce serait contraire à la loi du progrès. Le repentir le touchera tôt ou tard, ici ou dans le monde spirituel, quand il sera frappé lui-même, quand il rencontrera son bourreau et deviendra victime.
    Si nous trouvons équitable la maxime : « Sans épreuve, point d'avancement », sachons admettre cette autre tout aussi nécessaire : « Sans le mal, point d'épreuve ». Ce que les hommes appellent le mal est donc nécessaire pour provoquer la souffrance, sans laquelle il n'est point d'amélioration possible. « Tout ce qui arrive est un bien ».
    Ainsi, ne considérer que le martyr, ce serait se contenter des apparences. La véritable justice divine nous révèle que le martyr d'aujourd'hui suppose le bourreau d'hier, que sans torture on ne peut devenir un saint, que le mal prétendu n'est qu'un aspect de l'évolution des êtres dont la loi pourrait ainsi se formuler : « Grand bourreau, grand martyr, grand martyr, grand esprit... »
    L'assemblée semble boire ses paroles. Le maître répond encore à d'autres questions que lui posent aussi de très humbles intelligences. Il recommande la tolérance, le pardon, la prière. Puis il demande aux assistants de s'unir à lui pour « remercier ».
    Je comprends qu'il s'agit de remercier la divinité des bons fluides qui ont été envoyés à l'assemblée et les esprits invisibles qui ont été présents à l'allocution.
    Mon voisin m'explique que le maître Antoine a une petite fortune qu'il a reçue autrefois par héritage et qu'il est complétement désintéressé. Partout dans le pays se trouvent les témoignages de ses guérisons. Sa librairie a été établie à la suite d'un don fait par une famille riche dont un enfant fut par lui guéri de la surdité.
    Je rapporte, sans commentaires.
    Antoine-le-Guérisseur me serra la main et me dit avec une simplicité non feinte qu'il n'a pas d'instruction, et qu'il ne veut que le bien et le spiritualisme, fruit non des livres, mais de l'« expérience ».
    C'était aussi ce que voulait Jacob Bœhme. Non des opinions, disait-il, mais ce que le Ciel voulut nous révéler.
    La foule s'écoule et j'entends deux houilleurs aux faces piquées par la poudre, qui discutent, répétant comme émerveilles :
    – « Grand bourreau, savez, grand martyr... grand esprit. »

                                                                                   Maurice de MIOMANDRE.

La Meuse, 29 février 1908 (source : Belgicapress)

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L'exercice du Culte - Gochenée (Le Peuple, 14 mai 1936)(Belgicapress)

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L'exercice du Culte - Gochenée (Le Peuple, 14 mai 1936)(Belgicapress)

L'exercice du Culte

    Le village de Gochenée est un symbole.
    Il compte 350 habitants à peine et pourtant, pour les fidèles de l'endroit, il y a une église avec son curé, un temple protestant avec son pasteur, un groupe de spirites, une secte antoiniste. Il y a même, car il en faut pour tous les goûts, un groupe de libres penseurs.
    Malgré toutes ces sollicitations, l'arrondissement, quelles que soient les entraves, s'éveille aux voix qui lui parlent de salut et de victoire.
                                             J. LHOST.

Le Peuple, 14 mai 1936 (source : Belgicapress)

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Les salles de lecture avant le temple de Huy

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    Par un article sur la construction du Temple on apprend que des lectures se faisait auparavant dans la rue de Namur.
    De même par un autre article, on apprend que le culte antoiniste est présent à Gochenée encore en 1936.

    Michel Meeus signale des antoinistes en 1917 à Fraiture-en-Condroz (Tinlot) et Neuville-sous-Huy. Dans les années 30 (p.31) : Dans le doyenné de Huy, les antoinistes disposaient d'un temple au chef-lieu, mais ils semblaient avoir moins de succès encore que les protestants, car peu de personnes le fréquentaient. À Saint-Léonard, ils étaient quelques-uns sans lieu de réunion et n'avaient aucune organisation à Statte. Il y avait quelques antoinistes à Amay. Ampsin possédait un temple, mais le nombre d'adeptes ne semblait pas augmenter. Antheit en comptait très peu, tandis qu'un enterrement antoiniste fut célébré en 1929 à Ben-Gives. A Hermalle-sous-Huy, les quelques antoinistes se réunissaient chez l'un d'eux. Des adeptes de ce culte résidaient dans au moins un tiers des paroisses.
    À l'extrémité du diocèse, dans le doyenné de Couthuin, l'antoinisme est mentionné dans trois paroisses sur dix. Il faisait des progrès à Bas-Oha. Les deux autres étaient Lavoir, où leur maison incitait peu de personnes au baptême et au catéchisme, et Seilles avec des réunions dominicales.


    Dans les environs se trouve les temples de Moha (entité de Wanze), de Villers-le-Bouillet et de Nandrin.
    Dans la province de Namur, on compte également le temple d'Évelette (entité d'Ohey).

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À Huy - Le Culte Antoiniste (Le Vingtième Siècle, 13 février 1923)(Belgicapress)

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À Huy - Le Culte Antoiniste (Le Vingtième Siècle, 13 février 1923)(Belgicapress)

A HUY
LE CULTE ANTOINISTE

    Le Culte Antoiniste qu'instaura jadis, à Jemeppe-sur-Meuse dans le bassin houiller liégeois, le Père Antoine, semble faire des adeptes dans la cité mosane, où il cherche d'ailleurs à s'implanter. Depuis quelque temps, on rencontre de par les rues, ses disciples à l'uniforme noir, reconnaissable, pour les hommes, au chapeau demi-haut-de-forme, à bord plat. Depuis un certain temps, des réunions avaient lieu régulièrement dans un immeuble de la rue de Namur. Cette semaine, les antomistes ont acheté rue de France, un emplacement de treize mètres de façade, en vue d'y édifier un temple.

Le Vingtième Siècle, 13 février 1923 (source : Belgicapress)

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Un prophète de l'optimisme - M. Coué en Belgique (La Meuse, 24 mai 1923)(Belgicapress)

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Un prophète de l'optimisme - M. Coué en Belgique (La Meuse, 24 mai 1923)(Belgicapress)UN PROPHETE DE L'OPTIMISME

M. COUÉ EN BELGIQUE

    M. Coué est un petit homme sans façon, assez court sur pattes, bonne tète obstinée, front large et gonflé, des yeux enfoncés, des joues un peu flasques, barbiche blanche à la Poincaré. Ce n'est pas ainsi que nous nous figurions les prophètes, mais nous avons l'habitude des désillusions et nous ne tiendrons pas rigueur à M. Coué de ne pas ressembler à l'image conventionnelle.
    Des journaux, des lettres d'Amérique nous disent que, depuis le voyage que fit M. Coué là-bas, une vague d'optimisme passe sur les Etats-Unis, une sorte de reprise de conscience et de confiance. Grâce à ce petit homme simple et bon, l'Amérique reprend joie et courage. Des instituts ont été fondés pour propager les méthodes du professeur d'optimisme, des instituts qui, naturellement, ressemblent à ces temples, et on a créé des Sociétés, qui, naturellement, ressemblent aussi à des sectes religieuses.
    Pourtant, M. Coué se défend de prêcher une doctrine religieuse et il ne veut pas davantage être pris pour un rebouteux ou pour un hypnotiseur.
    – Je suis, nous a-t-il dit son arrivée en Belgique, un brave homme ordinaire.
    Etre un brave homme, dans ces temps-ci, est déjà extraordinaire et légitime, une renommée qui grandit et fait aujourd'hui de M. Coué une manière d'apôtre que se disputent à la fois les théosophes, les savants des recherches de l'au-delà et tous les amateurs de phénomènes en marge de la science académique.
    M. Coué a écrit un petit livre où il donne quelques recettes de bonheur : il fait des conférences théoriques et des expériences pratiques, et voici qu'il vient de convaincre un bon millier de Bruxellois de l'étonnante chose qu'est l'autosuggestion consciente.
    Selon M. Coué – et nous le croyons volontiers – l'imagination est plus forte que la volonté et nous pouvons régler celle-ci par le jeu de celle-là et ainsi obliger l'inconscient à obéir à notre imagination, s'il résiste à notre volonté.
    Mais M. Coué ne complique pas son enseignement de lourdes explications semi-scientifiques et pédantes. C'est un brave homme de pharmacien, pas prétentieux pour un sou, et qui vous débobine sa méthode avec l'application du potard qu'il fut, plissant méticuleusement la papillote d'un flacon de drogue.
    L'autosuggestion est vieille comme le monde, dit-il. Quand le serpent, dans le Paradis, conseilla à Eve de manger du fruit défendu, il faisait de la suggestion, et Eve fit de l'autosuggestion en se persuadant qu'elle pouvait manger de la pomme : elle fit à son tour de la suggestion en parlant à Adam et celui-ci fit de l'autosuggestion en suivant le conseil de sa femme. Nous faisons enfin de l'autosuggestion tout le long du jour et de la nuit, comme M. Jourdain faisait, sans le savoir, de la prose, et toute la base de l'enseignement de M. Coué est là : cette puissance de l'autosuggestion inconsciente, instinctive, servons-nous-en en l'assujettissant à notre imagination.
    Là-dessus, M. Coué y va de quelques petites expériences innocentes. Pressez les mains l'une contre l'autre, entrelacez les doigts et tendez les bras, serrez avec force et persuadez-vous que vous ne pouvez plus détacher les mains une de l'autre : au lieu d'ouvrir les mains, vous crisperez l'étreinte. Dites-vous : « Je peux !... », et, aussitôt, cette étreinte cèdera. Avec un peu de bonne volonté, l'expérience réussit toujours.
    Dès lors, assure M. Coué, l'expérimentateur n'est plus le même homme ; il a découvert que son imagination était une force : il ne lui reste plus qu'à en jouer avec intelligence.
    M. Coué, avec bien d'autres, prétend que beaucoup de nos douleurs n'existent que parce que nous croyons qu'elles sont. Ainsi, dit-il, une personne atteinte d'insomnie ne dort pas parce qu'elle se met au lit avec l'idée préconçue qu'elle ne fermera pas l'œil, comme à l'ordinaire. Il y a beaucoup d'anciens blessés ou d'anciens malades qui marchent avec une Jambe raide simplement parce qu'ils ont pris l'habitude de tenir cette jambe rigide et ne comptent plus pouvoir la mouvoir. Des femmes impressionnables, qui avaient eu un œil caché par un bandeau durant de longs mois ne voyaient plus de cet œil, enfin délivré, alors que les oculistes le déclaraient guéri, et cela par auto-persuasion.
    Aussi, M. Coué nous convie à en finir avec cette duperie de l'imagination. Il nous invite à détruire, dans les mesures du possible, influence pernicieuse de l'habitude de l'indifférence, du préjugé aussi. La plupart des douleurs physiques et morales : idées noires, idées fixes, phobies, disparaissent si nous nous disons à nous-mêmes qu'elles s'en vont.
    Et le bon M. Coué nous indique une recette très simple : Quand vous souffrez, fermez les yeux, et la main sur le front, dites très vite, dix, vingt, trente fois : « Ça passe, ça passe, ça passe ! » Et cela passera.
    Une autre recette, qui élargit l'effet de l'autosuggestion consciente, consiste à dire tout haut, – pour convaincre l'inconscient, – chaque matin, au réveil, et chaque soir, au moment de s'endormir : « Tous les jours, à tous points de vue, je vais de mieux en mieux. » Il convient de répéter cette phrase un bon nombre de fois, même sans en analyser le sens, et M. Coué conseille de se fabriquer une sorte de chapelet formé d'une corde à vingt nœuds. A chaque nœud, on prononce la phrase.
    Laissons aux gens qui aiment les rapprochements comparer le « Ça passe » et la phrase du matin et du soir de M. Coué à certaines prières de convention. Laissons aussi aux gens à qui on ne la fait pas de faciles parodies de la doctrine de cet excellent homme. Puisque, avec son enseignement de l'autosuggestion consciente. M. Coué a provoqué des guérisons, réalisé des miracles et fait passer une vague d'optimisme sur les Etats-Unis, nous aurions mauvaise grâce à taquiner cet apôtre et ses disciples.
    Avant d'avoir mis en petits livres jaunes sa doctrine, Antoine le Guérisseur ne faisait pas autre chose que de combiner sa suggestion à l'autosuggestion de celui qui venait le consulter.
    Pour être de bonne humeur, avoir bon appétit, sourire au printemps même quand les saints de glace l'arrosent et le secouent, ne point songer à son propriétaire et bien dormir, M. Coué nous invite à enfermer notre journée entre ces deux affirmations : « Tous les jours, à tous points de vue, je vais de mieux en mieux. »
    Antoine le Guérisseur donnait, sous d'autres formes, des conseils identiques, mais avec plus de rusticité.
    Un ouvrier du service des Ponts et Chaussées, pas méchant, mais terriblement ivrogne, avait été menacé de renvoi par son chef. Cela se passait à Liège, voici près de vingt ans. Le pauvre pochard avait fait revenir de Paris une drogue détestable, qui, disait l'annonce des gazettes, guérissait de l'ivrognerie : il avait eu des nausées et des tiraillements d'estomac, que quelques petites gouttes de péket avaient pu apaiser. Cet ouvrier, certes, avait la volonté de se débarrasser de son vice. Il fit part son chef de son désespoir, et c'est alors qu'il alla consulter Antoine, dans son premier petit temple de Jemeppe. Le doux rebouteux, en observateur sagace, devina bientôt la qualité du patient. Il lui conseilla de prendre, chaque matin, au moment de partir au travail, un verre à liqueur d'eau fraiche, de s'abstenir de tout alcool jusqu'à midi, de vider encore un petit verre d'eau à ce moment et, en refusant tout alcool, d'attendre le soir, pour avaler encore le verre à liqueur d'eau dans le lit.
    – Dans huit jours, vous viendrez me revoir, avait dit Antoine.
    Au bout d'une semaine, ayant observé ponctuellement le conseil péremptoire du guérisseur, l'ouvrier revint à Jemeppe.
    – Vous voyez bien que vous êtes resté huit jours sans boire de péket, lui dit Antoine : eh bien ! continuez le traitement et si, dans un mois, cela va bien, vous pourrez supprimer les verres d'eau, mais il vous faudra penser à moi le matin, à midi et le soir, et ne pas toucher à une goutte entre ces trois fois.
    Cet ouvrier ne but plus, il a gardé son emploi aux Ponts et Chaussées, vit aujourd'hui de sa petite pension et bénit le souvenir d'Antoine de Jemeppe.
    M. Coué n'est donc qu'un disciple de celui-ci, mais il ne joint pas de doctrines philosophiques à sa méthode, et, contrairement à l'Antoine d'après les livres jaunes, il conseille de combiner l'autosuggestion avec les remèdes indiqués par le médecin. C'est que M. Coué a des diplômes et ne mêle pas la divinité ni le diable à son enseignement.
    On conçoit que l'Amérique, qui, nouvelle riche, jalouse le passé du vieux monde, ses traditions, ses légendes, sa poésie, toutes choses que l'on fabrique avec des siècles et non pas avec des dollars, se jette volontiers au cou du premier prophète qui se révèle. Elle n'a pas les grands pécheurs bibliques, ni les buissons de feu, ni les chars de flamme, ni les anges « trompettes », mais elle a les prophètes aux momies qui ont la firent la doctrine des Mormons : elle connut, voici vingt ans, un prophète qui se déclarait le Messie et finit mal, et elle fonde des instituts pour cultiver les méthodes d'optimisme de Coué. Mieux conseillé, Antoine le Guérisseur eût conquis là-bas une gloire à tapage. Mais il aimait Jemeppe, comme M. Coué aime la France et la Belgique ; et l'Amérique n'a pas de chance. Du moins, pour Antoine ; pour Coué, le proverbe a fait faillite : prophètes en leur pays, ils sont aimés, et le professeur d'autosuggestion consciente, après avoir animé toute la presse de Paris, a conquis Bruxelles et retenu par la plus petite digression l'attention d'un public qui, saisi d'optimisme, oublia du coup les grèves et le prix du sucre pour serrer les poings, dire : « Je ne peux pas » et puis « Je peux », se mettre la main sur le front et dire : « Ça passe ».   
    « Je peux, je ne peux pas » tout est là, disait, en sortant de la première conférence de Coué, un journaliste peu convaincu. Ainsi, je marche et je ne peux plus m'arrêter ; je marcherais dix, vingt heures, mais, en passant devant ce comptoir, je me dis : « Je peux m'arrêter », et je m'arrête pour retirer ma canne et rendre mon ticket à l'aimable dame préposée à la garde du vestiaire.                                                      ISI COLLIN.

La Meuse, 24 mai 1923 (source : Belgicapress)

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Lectures dans l'Enseignement à Hors-Château

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Lectures dans l'Enseignement à Hors-Château

des lectures ponctuelles ont lieues au temple

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Emile et Sybilla Hanoul médaillés (Le Soir, 14 janvier 1949)

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Emile et Sybilla Hanoul médaillés (Le Soir, 14 janvier 1949)

    L'ambassade des Etats-Unis annonce que la Medal of Freedom (médaille de la Liberté) a été décernée par l'ambassadeur des Etats-Unis d'Amérique, à un groupe de citoyens belges qui rendirent de valeureux services à la cause des armés alliées durant la guerre. La médaille a été remise aux décorés ou aux proches parents au cours de cérémonies privées qui se sont déroulées à l'ambassade les 11, 12 et 13 janvier.
    [...]
    Ont reçu la Médaille de la Liberté : Emile Hanoul, Mme Sybille Hanoul-Bovy

Le Soir, 14 janvier 1949 (source : Belgicapress)

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