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Une religion nouvelle, L'Antoinisme (La Libre Parole, dir. Edouard Drumont, 26 février 1912)

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Une religion nouvelle, L'Antoinisme (La Libre Parole, dir. Edouard Drumont, 26 février 1912)UNE RELIGION NOUVELLE,
L'ANTOINISME

    S'il faut en croire un de nos confrères, un nouveau messie nous est venu et une nouvelle religion vient d'éclore : c'est le père Antoine (père de la nouvelle Eglise), et c'est l'Antoinisme.
    C'est en exerçant sa profession de forgeron qu'Antoine-le-Généreux s'est senti la vocation de régénérateur de l'humanité, et de révélateur de la doctrine intégrale du Christ.
    En conséquence, il quitta l'enclume et entreprit de faire des miracles, en se spécialisant toutefois, dans la guérison des malades par la seule imposition des mains.
    Les syndicats de médecins belges coalisés n'ont pu avoir raison en justice du thaumaturge, qui ignore et veut ignorer la science du diagnostic et méprise le Codex.
    La nouvelle religion a son temple à Jemmapes, en Belgique, et déjà elle a ici, à Paris, un apôtre fort zélé.
    C'est Mlle Camus, modiste, qui, entre l'agencement d'un flot de rubans et l'esthétique disposition d'une pleureuse, vous remet en place un rein balladeur ou « un estomac descend à 10 centimètres au-dessous du nombril ».
    Si vous ne voulez pas de croire, allez-y voir. Mlle Camus habite dans le voisinage de Mlle Couédon : la Voyante habitait rue de Paradis, naturellement ; la guérisseuse n'avait plus à sa disposition que la voie baptisée du nom de Milton, l'auteur du Paradis perdu.
    Et la doctrine ? me demanderez-vous. C'est tout ce que j'en sais, n'ayant d'autres indications que celles fournies par notre confrère ; mais Mlle Camus ayant opéré quarante guérisons en deux mois – avec un peu d'entraînement elle arrivera à la guérison quotidienne – un peu d'imagination suffit pour entrevoir la régénération de l'humanité.
    « C'est chose toujours émouvante, conclut notre confrère, de se pencher sur le berceau d'une religion. »Une religion nouvelle, L'Antoinisme (La Libre Parole, dir. Edouard Drumont, 26 février 1912)
    Pourtant, au Matin, on doit avoir l'habitude.
    Ce n'est pas H. des Houx qui aurait éprouvé ce trouble, quoi qu'il n'ait guère réussi avec l'Eglise qu'il tenta de fonder.
    Yves Guyot, qui, aux beaux temps du Dreyfusisme, voulait créer la concurrence au catholicisme par le protestantisme, et n'a pas eu plus de succès, pourrait peut-être s'entendre avec Antoine-le-Généreux et Mlle Camus.
    Mais l'hostilité du corps médical est fort à redouter.
    …Et maintenant, parlez du Tout-puissant à ceux qui dévorent avidement ces fables, à cette multitude anxieuse de merveilleux : vous serez regardé comme un être anachronique, vestige des temps d'obscurantisme.
                       Albert Monniot.

La Libre Parole, dir. Edouard Drumont, 26 février 1912

 

    L'article est repris par L'Univers du 26 février 1912

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La Question du Jour (Le Petit Champenois, 9 juillet 1911)

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La Question du Jour (Le Petit Champenois, 9 juillet 1911)La Question
                           du Jour

ANTOINE LE GÉNÉREUX

    Je viens de recevoir la lettre suivante, à laquelle je m'en voudrais, en la reproduisant, de changer un iota.

                 Cher confrère,
    Nous vous serions reconnaissants de bien vouloir annoncer dans votre journal la prochaine publication de l'UNITIF, bulletin mensuel du calte antoiniste. Comme son nom l'indique, il a pour but de réunir les hommes en l'amour pur. Antoine le Généreux, par son abnégation et sa foi, a rassuré nos âmes torturées par le doute ; Il nous a révélé dans son temple le mystère de la conscience universelle dont chacun de nous possède une parcelle voilée par la matière.
    En nous efforçant de nous améliorer et de nous aimer les uns les autres, nous surmonterons l'imagination qui nous divise et nous nous sentirons bercés dans l'harmonie divine. Heureux les cœurs qui ont pu approcher Celui qu'un pieux entourage a honoré du nom de Père et qui se sont unis sous sa douce influence ! Touchés de l'amour qu'ils ont ressenti, ils voudraient faire connaître à tous les hommes, leurs frères, les sublimes révélations où ils ont puisé du réconfort et les appeler sans distinction de partis ni de cultes au travail moral qui peut nous régénérer. L'enseignement d'Antoine le Généreux qui est basé, nous ne dirons pas sur la croyance, mais bien sur la conscience est une science fondée sur son expérience des êtres et intéressant le matérialiste comme le croyant. Il parle à la raison et au cœur. Aussi nous ne doutons pas qu'il ne rencontre bon accueil et nous le souhaitons ardemment pour la paix sociale.
    Veuillez agréer, cher confrère, l'expression de nos bons sentiments.
                          LES ADEPTES D'ANTOINE LE GÉNÉREUX.

    Je connaissais pas mal d'Antoine, depuis celui qui aima Cléopâtre jusqu'à l'autre qui donne à l'Odéon un regain de vie – en passant par l'illustre anachorète que les légendes ont popularisé et par celui de Padoue auquel on s'adresse plus particulièrement quand on a perdu son portemonnaie. Mais, je vous le jure, j'ignorais Antoine le Généreux. Le bruit de sa renommée n'était pas venu jusqu'à moi. Et en voyant qu'il s'agissait de la création d'un nouveau culte j'avais eu un moment de mauvaise humeur : les hommes ont déjà tant de prétextes à controverses et à querelles !
    Mais j'ai relu le papier avec attention et j'ai constaté que dans le nouveau catéchisme il y avait quelque chose de flatteur pour notre amour propre. Nous possédons tous, paraît-il, une parcelle de la conscience universelle. Tant mieux, et si les adeptes signataires n'ont pas rédigé leur appel sous l'influence de l'horrible chaleur que nous traversons, je crois qu'il y a encore du bon pour l'Humanité, groupée un jour sous la houlette du brave Père Antoine le Généreux.
                                                             DANTÈS.

Le Petit Champenois, 9 juillet 1911


    La même lettre a été envoyée à plusieurs journaux, notamment l'Excelsior et l'Univers.

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The Center of a new religion in Belgium (San Jose Mercury-news, Volume LXXX, Number 29, 29 January 1911)(cdnc.ucr.edu)

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The Center of a new religion in Belgium (San Jose Mercury-news, Volume LXXX, Number 29, 29 January 1911)(cdnc.ucr.edu)THE CENTER OF A NEW RELIGION IN BELGIUM

The Temple of the Disciples of “Antoine the Healer” at Jemeppe-sur-Meuse.

IN BELGIUM a new cult has come into being under the name of "Antoinistes," or followers of Antoine the Healer of Jemeppe-sur-Meuse, near Liege. The number of his disciples has increased rapidly, and a petition, signed by 160,000 of them, has just been presented to the Belgian government asking that the new cult may be legalized, as are Catholic, Protestant and Jewish religions, in order that it may share in certain civil advantages connected mainly with the property rights of its various temples. Antoine the Healer holds a silent service in his temple at Jemeppe-sur-Meuse on four days of each week (not on Sundays). He merely faces his congregation with lifted hands for a full minute, and walks out; then an adept says, “Everyone whose faith is strong enough must be cured.” Louis Antoine, who is 65, was formerly a coal miner. He is a vegetarian and a hermit, speaking to no one except by telephone. His wife, Madame Antoine, "The Good Mother," performs cures as his deputy by waving her hand and invoking “Antoine the Healer.” – Illustrated London News.

San Jose Mercury-news, Volume LXXX, Number 29, 29 January 1911 (source : cdnc.ucr.edu)

 

Traduction :

LE CENTRE D'UNE NOUVELLE RELIGION EN BELGIQUE

Le temple des disciples d'"Antoine le guérisseur" à Jemeppe-sur-Meuse.

EN BELGIQUE, un nouveau culte a vu le jour sous le nom d'« Antoinistes », ou disciples d'Antoine le Guérisseur de Jemeppe-sur-Meuse, près de Liège. Le nombre de ses disciples s'est accru rapidement, et une pétition, signée par 160.000 d'entre eux, vient d'être présentée au gouvernement belge pour demander que le nouveau culte soit légalisé, comme les religions catholique, protestante et juive, afin qu'il puisse bénéficier de certains avantages civils liés principalement au droit de propriété de ses différents temples. Antoine le Guérisseur tient un service silencieux dans son temple de Jemeppe-sur-Meuse quatre jours par semaine (pas le dimanche). Il se contente de faire face à sa congrégation, les mains levées, pendant une minute entière, puis s'en va ; ensuite, un adepte dit : « Toute personne dont la foi est assez forte doit être guérie. » Louis Antoine, qui a 65 ans, était autrefois mineur de charbon. Il est végétarien et ermite, ne parlant à personne sauf par téléphone. Sa femme, Madame Antoine, « La bonne mère », effectue des guérisons en tant que son adjointe en agitant la main et en invoquant « Antoine le guérisseur ». – Illustrated London News.

 

    On retrouve la photo dans l’article de The Illustrated London News (du 17 décembre 1910)

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Antoine dit le guérisseur (L'Avenir du Luxembourg, 5 novembre 1911)(Belgicapress)

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Antoine dit le guérisseur (L'Avenir du Luxembourg, 5 novembre 1911)(Belgicapress)

Antoine dit le guérisseur

    Nous voulons parler de ce mystificateur ingénieux dont la célébrité a dépassé nos frontières et qui prétend avoir découvert le remède à tous les maux de l'âme et du corps.
    D'abord houilleur, puis métallurgiste, Antoine devient président d'une société spirite nommée « Les vignerons du Seigneur. »
    Il prétend causer avec les morts et apprendre d'eux la manière de guérir.
    Les femmes du peuple, impressionnées par les scènes d'évocation, les crises des médiums et l'air extatique du président furent les premières à voir en lui un personnage extraordinaire et à faire à notre empirique une réputation de guérisseur habile et même de saint ! Aussi, de tous côtés, les infirmes affluèrent ! On cita des guérisons merveilleuses, mais difficile à vérifier.
    Antoine se sépara du Spiritisme classique pour ébaucher « Le nouveau Spiritualisme » qui remplace les esprits par les « fluides ». Suivons-le dans ses évolutions.
    Antoine n'a qu'une instruction rudimentaire ; mais il est assez avisé pour savoir que le peuple veut être drogué. Un médecin est un homme qui ordonne des bouteilles... C'est le sentiment populaire sur les bords de la Meuse. Antoine découvre un jour, chez un pharmacien, la « Liqueur Coune » et voit, dans cette spécialité, son avenir assuré ! Il se mit donc à en prescrire l'usage pour toutes les maladies. Malheureusement, il se vit, de ce chef, condamné pour exercice illégal de la médecine. Cette condamnation valut à Antoine une ovation qui augmenta sa réputation. Dès lors, Antoine se dit : « S'ils ont gobé la liqueur Coune, ils avaleront de l'eau claire additionnée simplement de magnétisme animal. »
    C'est ce qu'il fit en persuadant aux naïfs qu'il avait le pouvoir de magnétiser l'eau ; on le voyait faire des contorsions et des passes fatigantes pour extraire de son être quantité d'effluves pour magnétiser.
    Estimant, dans la suite, qu'il se donnait trop de peine, il recourut à un procédé plus expéditif et plus économique : il dota de force magnétique de simples morceaux de papier au moyen desquels chacun pouvait, à domicile, magnétiser un verre d'eau.
    Entretemps, la médication d'Antoine se spiritualise de plus en plus. Elle n'a plus besoin des intermédiaires matériels. Le guérisseur se contente désormais d'imposer les mains à ses clients. On dit que, pendant cette quatrième phase, Antoine imposait les mains à plus de 50 personnes par heure, car les malades arrivaient de partout, d'autant plus qu'une savante réclame venait d'être organisée au moyen de brochures colportées partout dans le pays.
    L'on a beau étudier ces brochures, l'on n'y comprend rien : néanmoins, la clientèle s'élargit, et ce n'est plus seulement pour la médecine qu'on vient chez Antoine, mais aussi pour la morale, car, Antoine est désormais un prophète qui reçoit des révélations.
    Et comme le nombre des sots dépasse celui des malades, une nouvelle religion nommée l'Antoinisme est définitivement fondée ! Alors, Antoine inaugure la 5me phase ;... sa phase actuelle : celle des passes collectives ! Tous les dimanches, Antoine se contente de paraître devant une nombreuse assemblée et détendre majestueusement les bras en remuant les doigts pour laisser écouler sur son peuple tout le fluide qu'il possède en lui ; après quoi il se retire sans avoir dit une seule parole ! L'opération est terminée !... Les personnes qui ont la foi sont guéries et n'ont plus qu'à se retirer pour faire place à d'autres qui verront la même comédie.
    Généralement, ce sont les mêmes gens qui sont guéris et soulagés tous les dimanches ?
    Aujourd'hui, Antoine voit sa santé décliner, il a, paraît-il, communiqué à sa femme le don de manier les fluides. C'est ce qui a valu à Antoine, le qualificatif de « Généreux » à côté de celui de « Guérisseur ! »

L'Avenir du Luxembourg, 5 novembre 1911 (source : Belgicapress)


    Cet article est tiré de la contribution de Kervyn, critique envers l’antoinisme, comme on s’en doute par ce résumé.

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Conseil d'Administration du Temple (1910)

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Conseil d'Administration du Temple (1910)

    Tiré de Historique du Culte Antoiniste de Frère Jean-Marc Boffy.

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Une religion nouvelle, l'Antoinisme (La Meuse, 15 mai 1910)(Belgicapress)

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Une religion nouvelle, l'Antoinisme (La Meuse, 15 mai 1910)(Belgicapress)UNE RELIGION
                    NOUVELLE

L'ANTOINISME

Article inédit.

    Nos lecteurs ont souvent entendu parler d'Antoine-le-Guérisseur, de Jemeppe-sur-Meuse. On sait qu'il reçoit chaque jour de 500 à 1,200 malades ; c'est plus qu'à Lourdes. Et mieux qu'à Lourdes, des milliers et des milliers de personnes déclarent avoir été guéries par lui, et des maladies les plus graves et les plus diverses, depuis le cancer, le lupus, l'eczéma, jusqu'à la tuberculose, la paralysie et l'épilepsie. On lui écrit de l'étranger ; il reçoit 200 lettres par jour, et des télégrammes de toutes les parties du monde.
    Le dimanche, à 10 heures, ses adeptes se réunissent dans le Temple, à Jemeppe. Pendant des années, le Maître lui-même montait en chaire et développait son enseignement moral. Il était écouté avec une ferveur inconnue dans nos églises et nos temples. Mais depuis quelques mois Antoine ne se montre plus dans le temple, et un de ses adeptes les plus zélés donne lecture d'une de ces brochures qu'Antoine a publiées dans ces deux dernières années et qui ont été distribuées à profusion.
    Mais voici qui va attirer l'attention du pays tout entier sur le guérisseur de Jemeppe. Les adeptes d'Antoine viennent d'adresser au Roi et aux chambres une pétition leur demandant de reconnaître par une loi la religion nouvelle qu'il a fondée, l'Antoinisme. En quatre mois, ils ont recueilli plus de 150,000 signatures, 120,000 dans la province de Liége, 30,000 dans l'arrondissement de Charleroi, 4,000 à Bruxelles et 4,000 à l'étranger ; ils en auraient recueilli le double s'ils avaient parcouru le restant du pays wallon.
    Il y a là un mouvement qui doit attirer l'attention. Depuis longtemps, le clergé catholique a compris le danger et s'inquiète de cette religion qui se fonde ; tous les dimanches, à Seraing et dans les environs, les curés prêchent contre Antoine, et tous les lundis soir, cet hiver, dans un couvent de notre ville, des conférences ont été données spécialement pour combattre l'enseignement du guérisseur de Jemeppe.
    Quel est donc cet homme extraordinaire, qui, à notre époque, et dans notre pays de scepticisme, crée une foi nouvelle ?
    C'est un simple ouvrier. Louis Antoine est né en 1910, à Mons-Crotteux ; ses adeptes vont visiter la petite maison où il est né. Son père était mineur. Il est descendu lui-même dans la mine pendant deux ans, mais il étouffait sous terre et préféra travailler dans une usine. Il entra à Cockerill, fit son service militaire dans les chasseurs à pied, rentra à Cockerill comme marteleur, passa cinq ans aux aciéries Pastor, à Ruhrort, revint pendant deux ans dans le pays, fut machiniste aux Kessales, fut de nouveau engagé comme chef marteleur par M. Pastor pour les aciéries de Praga, près de Varsovie, où il passa cinq ans ; enfin, revint définitivement à Jemeppe comme encaisseur aux Forges et Tôleries Liégeoises. Il s'était marié en 1873 et eut un fils qui mourut en 1893.
    Antoine, par son travail et son économie, avait gagné une petite fortune ; il rêvait de grandes destinées pour son fils ; après la mort de celui-ci, il résolut de consacrer sa vie et sa fortune à la guérison des malades et au soulagement de toutes les misères physiques et morales. Il quitta le travail et resta chez lui, à la disposition des malades et de tous ceux qui sont dans la peine. Il recevait d'abord une centaine de personnes par jour, puis le bruit de ses guérisons miraculeuses se répandit et, maintenant, on vient de partout, en foules toujours grossissantes. Antoine est d'un désintéressement complet. Il ne reçoit jamais rien de ses malades. Il y avait jadis, dans le temple, un tronc dans lequel les malades pouvaient déposer leur obole et dont le produit était intégralement distribué aux pauvres de Jemeppe. Depuis plusieurs années, Antoine l'a supprimé et dit à ceux qui lui offrent de l'argent de faire eux-mêmes leurs charités. Non seulement il ne reçoit jamais rien, mais il donne aux malades pauvres : il a donné presque tout ce qu'il possédait ; à peine lui reste-t-il de quoi vivre.
    Il vit, d'ailleurs, comme un ascète. Il est végétarien, ne prend ni viande, ni œufs, ni beurre, ni lait. Il reçoit ses malades le matin ; l'après-midi, il se promène dans son petit jardin et prépare son enseignement. Il ne sort jamais de la maisonnette qu'il habite à côté du Temple qu'un adepte reconnaissant a fait construire et où il vit avec son admirable femme et deux orphelines qu'ils ont recueillis et élevées. Depuis cinq ans, il n'est sorti de sa maison que deux fois, pour comparaître devant le tribunal correctionnel et devant la Cour d'appel, du chef d'infractions à la loi sur l'art de guérir ; on sait qu'il fut acquitté et on se souvient des manifestations populaires auxquelles donnèrent lieu ces deux comparutions.
    C'est un saint, et ainsi s'explique la prodigieuse influence morale qu'il exerce sur tous ceux qui l'approchent et qui suivent ses enseignements. Quels sont ces enseignements, quelles sont les doctrines philosophiques d'Antoine, à quoi croit-il ? Antoine a été longtemps catholique, et catholique fervent. Il a toujours été mystique ; on raconte que, quand il était enfant, il quittait ses camarades de jeux pour entrer à l'église et prier. Puis Antoine a été spirite ; aujourd'hui, il est plutôt théosophe. Il croit à la réincarnation, il croit que chacun de nous porte la peine et la récompense de ses vies antérieures, et doit travailler à son amélioration, à son avancement moral, doit se détacher de plus en plus de la matière pour mériter de devenir un pur esprit et se rapprocher de plus en plus de Dieu. Mais Antoine s'explique peu sur ses idées philosophiques son enseignement est surtout, on peut même dire uniquement moral ; il prêche le désintéressement, la résignation devant l'épreuve nécessaire, la charité, l'amour même de ses ennemis. Comme guérisseur, il croit que les maux du corps proviennent d'une imperfection de l'âme, et il soigne et guérit l'âme de ses malades ; il ne demande pas même aux malades le mal dont ils souffrent.
    On saisit facilement la portée morale et sociale de cet enseignement. « La Meuse » ne peut pas se désintéresser d'un mouvement dont les progrès ont été si rapides et dont les conséquences peuvent être si importantes. Nous nous sommes bornés aujourd'hui à donner quelques renseignements sur Antoine ; nous reviendrons prochainement sur ses enseignements et sur ses guérisons. D'ailleurs, ceux de nos lecteurs qui s'intéressent à Antoine pourront le voir dans son temple lundi prochain. Nous avons dit qu'Antoine ne se montrait plus dans le temple le dimanche ; mais les jours fériés qui ne tombent pas le dimanche, le guérisseur ne reçoit pas les malades individuellement, les uns après les autres. Il les reçoit dans le temple et opère sur tous les malades réunis. Le jour de l'Ascension, quinze mille personnes se pressaient dans le temple et autour du temple. Quatre fois, on a dû faire sortir les malades pour permettre à tout le monde d'entrer. Quatre fois, Antoine est monté en chaire et a opéré. Des guérisons merveilleuses se sont produites ; des paralytiques marchaient ; des aveugles voyaient ; ceux qui ont assisté à ce spectacle ne l'oublieront jamais. Et lundi prochain, ce sera la même affluence, et des guérisons nouvelles.                                         J.

La Meuse, 15 mai 1910 (source : Belgicapress)

    L'article est repris par les Annales des Sciences psychiques (1er & 16 Juin 1910) et aboutit à un droit de réponde du directeur de la Sainte Famille de Liège.
    Cet article a été traduit en allemand et reproduit par le lournal luxembourgeois Obermosel-Zeitung en 1924 à la demande d'un adepte en guise de réponse à plusieurs articles discriminatoires, notamment celui du 16 février.

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Les Antoinistes (Journal de Bruxelles, 12 janvier 1911)(Belgicapress)

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Les Antoinistes (Journal de Bruxelles, 12 janvier 1911)(Belgicapress)Les Antoinistes

    Antoine-le-Guérisseur a fondé une religion nouvelle dans notre pays wallon. Ses adeptes sont nombreux. Ils ont envoyé aux Chambres belges une pétition recouverte de cent soixante mille signatures ; c'est un beau chiffre. Antoine est un ancien mineur. J'ignore dans quelles conditions il a quitté la pioche du houilleur pour se livrer à la propagande de sa religion. Tout ce que je sais, c'est qu'il impose les mains aux malades qui viennent le trouver et qu'il a, paraît-il, opéré un certain nombre de guérisons. Cela ne doit étonner personne. On sait que certaines maladies nerveuses peuvent être guéries par la suggestion et qu'il y a d'autant plus de chances de guérison que la « foi » du malade est plus vive. Mais Antoine ne se contente pas de guérir. Il prêche une religion, qui, à la vérité, est assez obscure ; elle n'est point l'œuvre méthodique d'un théologien. Quant à la partie morale, elle s'inspire du Sermon sur la Montagne, dont elle délaie assez piteusement les divines maximes. Il n'importe ! Ce n'est point l'essence de cette religion que j'ai le dessein d'examiner ici ; il me suffit de constater sa fondation et son développement rapide. Voilà le phénomène intéressant, digne de suggérer mainte réflexion.
    N'est-il pas singulier, en effet, de voir se propager avec rapidité une religion nouvelle dans nos régions minières où le socialisme et le rationalisme se vantaient d'avoir étouffé la foi chrétienne ! Nos populations wallonnes ne passent point pour mystiques. La tournure un peu railleuse de leur esprit a favorisé la propagation des sarcasmes voltairiens et des blasphèmes matérialistes. On s'accorde généralement à reconnaître que leur scepticisme est à peu près le même que celui des Français et personne ne se fut avisé d'y découvrir un terrain favorable à la germination d'une conviction religieuse. Au contraire, l'anticléricalisme a fait chez eux d'innombrables recrues, tandis qu'il entamait bien plus difficilement nos populations flamandes. Aussi M. le comte Goblet d'Alviella, interviewé dernièrement touchant le culte Antoiniste, s'étonnait-il de le voir se répandre ailleurs que dans un milieu germanique, tant est commun ce préjugé que seules, en Occident, les populations de race germanique ont gardé une âme religieuse.
    C'est une grande erreur. Les populations celtiques ne sont pas moins religieuses : songez aux Bretons de la France ; songez aux Irlandais ; songez aux habitants du pays de Galles, en Angleterre, où dernièrement, chez les mineurs, se développait une agitation religieuse dont, un instant, toute l'Europe s'est occupée. Il est vrai qu'aujourd'hui l'on n'en parle plus ; mais il y a cinq ou six ans, on était si frappé de l'intensité de ce mouvement que l'on voyait déjà ce « revival » s'étendre à l'Angleterre entière, à peu près comme le puritanisme des compagnons de Cromwell.
    Ne nous étonnons donc pas de voir un renouveau religieux se produire chez nos Wallons.

*
*     *

    Ce qui est piquant, c'est de constater que les efforts de nos anticléricaux et de nos athées, qui ont si déplorablement travaillé à déchristianiser les ouvriers wallons, n'ont abouti qu'à leur faire adopter, dans le pays de Seraing, une religion singulièrement plate et grossière en regard de la foi catholique qu'on leur a ravie. Messieurs les partisans des lumières et du progrès ont fait là, vraiment, un bel ouvrage ! En ruinant la religion traditionnelle dans l'âme de tant de pauvres gens, ils n'ont fait que les livrer à une croyance d'une nature inférieure. Ils ont remplacé la plus grande religion civilisatrice que la terre ait connue par une superstition rurale, où certes se rencontrent encore de bons éléments, mais dont les ressorts supérieurs ont été enlevés ou faussés. Ils ont ôté aux humbles une religion qui a suffi aux plus grands génies de notre civilisation pour les voir se ruer vers une croyance que seuls peuvent accepter les cerveaux incultes.
    Quelle leçon pour les spectateurs attentifs ! La propagation de ce culte nouveau montre à quel point les hommes, au milieu de leurs durs travaux, de leurs douleurs, de leurs peines, ont besoin d'une croyance sur laquelle ils puissent appuyer leur cœur. Ils se soucient bien des doctrines des savants sur la formation de l'univers et des grandes phrases des philosophes qui leur proposent chaque jour un nouveau système de morale ! Ce qu'il leur faut, c'est une croyance fondée sur leurs sentiments ; et ces sentiments, rien ne les touche aussi profondément que la vieille morale de l'Evangile. Cela est si vrai que seuls les ressasseurs des maximes évangéliques parviennent à fonder des sectes nouvelles. En Russie, c'est Tolstoï ; en Angleterre, c'est le mineur Ewans ; en Belgique, c'est Antoine le Guérisseur. Je défie bien M. Fouillée et M. Bourgeois de fonder une religion !
    Et croyez bien que les guérisons d'Antoine-le-Guérisseur ne sont que le vestibule qui mène au sanctuaire de sa foi. Certes, elles lui ont donné du prestige. Mais s'il s'était contenté de guérir quelques malades, il ne serait qu'un rebouteux comme il y en a tant. Ce qui lui a valu l'engouement de tous ces milliers d'hommes, c'est qu'il prêche une foi avec tant de persuasion qu'il la fait pénétrer dans le cœur simple des bonnes gens qui l'écoutent. Et ce faisant, il n'est peut-être pas sans procurer quelque bien à de pauvres âmes désemparées qui ne connaissent que l'indifférence et ses incertitudes.

*
*     *

    Mais si tel est l'effet que produit une « religion » quelconque, fût-elle bonne seulement pour les esprits incultes, quelle n'est point la bienfaisance de la religion qui a enfanté la civilisation dans laquelle nous vivons ! La richesse de ses ressources est infinie. Elle peut satisfaire les esprits les plus profonds aussi bien que les plus simples ; plus que toute autre elle parle au cœur ; enfin, elle peut montrer la longue suite de ses saints et les innombrables asiles de ses cloîtres en témoignage des satisfactions qu'elle offre aux âmes altérées de sentiments mystiques.
    A ces sentiments mystiques, parfois si impérieux et si violents, elle ouvre des canaux réguliers où ils s'épancheront sans rien détruire, tout au contraire, en développant leur puissance pour le bien général de la société, comme le prouvent tant d'œuvres charitables et tant de mouvements intellectuels et sentimentaux qui tirent de là leur origine. Quand on obstrue ces issues, les sentiments mystiques en cherchent d'autres : le socialisme et l'anarchie les leur fournissent. Beaucoup d'apôtres des sectes destructives ne sont que des mystiques dévoyés. On en peut dire autant de la plupart de leurs disciples. Mieux vaut encore peut-être pour leur propre bonheur et pour la paix de la société qu'ils suivent les enseignements Antoine-le-Guérisseur !

                                                                          ZADIG.

Journal de Bruxelles, 12 janvier 1911 (source : Belgicapress)

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Chez Antoine le Guérisseur (La Meuse, 28 octobre 1911)(Belgicapress)

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Chez Antoine le Guérisseur (La Meuse, 28 octobre 1911)(Belgicapress)CHEZ
ANTOINE LE GUERISSEUR

    On lit cet intéressant article dans la belle revue belge illustrée : le « MOIS CHEZ NOUS » :

    Nos lecteurs auront certes entendu parler d'Antoine, ce doux philosophe qui, à Jemeppe-sur-Meuse, fit tout d'abord métier de « Guérisseur », attirant à lui les malades, les névrosés surtout et les faibles et les guérissant par la force de sa suggestion. Peu à peu, cependant, Antoine a élevé ses aspirations ; ses malades ont voulu voir dans sa philosophie une religion nouvelle et il compte, tant en France qu'en Belgique, des milliers d'adeptes. Nous avons donc jugé curieux d'exposer à nos lecteurs l'origine, la nature et le caractère de ce mouvement.

LA NAISSANCE DE
                       L'« ANTOINISME ».
             Antoine le Guérisseur
    « Louis Antoine est né en 1846 à Mons-Crotteux (province de Liége), de parents pauvres et très simples. Il est le cadet de sa famille qui comptait onze enfants. Il débute, à 12 ans, dans la mine, accompagnant son père et un frère qui étaient également mineurs. Ne voulant plus descendre dans la fosse, il devint ouvrier métallurgiste. A 24 ans, il quitte la Belgique pour aller travailler en Allemagne où il séjourne pendant cinq ans.
    Deux ans plus tard, il va à Prague, près de Varsovie (Pologne russe) et y accomplit un nouveau terme de cinq ans, puis il s'installe définitivement en Belgique, à Jemeppe-sur-Meuse. Avant de partir pour la Pologne, il était revenu au pays épouser une femme qu'il connaissait de longue date. De leur union naquit un garçon, que la mort leur ravit à l'âge de vingt ans. Mais grâce à leur grande foi, aucun des deux époux n'en fut découragé ; au contraire, ils se dévouèrent davantage. Leur séjour à l'étranger leur avait permis d'amasser une petite fortune, ils la sacrifièrent pour venir en aide aux malheureux, éprouvant plus de bonheur à la dispenser à tous, qu'ils en avaient trouvé en l'acquérant par leur labeur. Car ils avaient déjà compris le but de la vie et leur conscience les sollicitait, sans trêve ni merci, d'aller de l'avant dans cette voie ».

             A Jemeppe-sur-Meuse
    J'extrais cette biographie d'une petite brochure qui, tout récemment m'était tombée sous les yeux. Déjà à diverses reprises, J'avais entendu parler de cet homme qui s'entourait d'une auréole de mysticisme. Des gens s'en moquaient ouvertement, d'autres semblaient y croire, mais les explications que je recueillais à distance étaient par trop vagues.
    Je décidai donc, la semaine dernière, de me rendre à Jemeppe-sur-Meuse et, en cours de route, j'achevai mon éducation, en parcourant la petite brochure que j'avais sur moi. J'ai appris ainsi qu'Antoine est un végétarien endurci : non seulement il ne mange pas de viande, mais il s'abstient également de beurre, d'œufs et de lait. Cela ne l'empêche pas d'ailleurs de se porter à merveille dans sa solitude. Car cet homme, qui a déjà tant fait parler de lui, vit dans un isolement absolu. Quant à sa femme, elle habite avec deux orphelines qu'ils ont élevées et elle partage en tout les idées de son mari. Les antoinistes l'appellent « notre mère »...
    J'appris encore que ce philosophe sorti du peuple fut de tout temps d'une sensibilité aiguë et qu'il prit tout jeune l'habitude de se recueillir profondément. Catholique jusqu'à quarante-deux ans, il se livra ensuite au spiritisme ; mais les expériences, qu'il fit ne parvinrent pas à le convaincre et il en vint à se forger une morale dont la conception absorba dès lors toutes ses facultés. A partir de 1906, il entreprit de prêcher ce qu'il appelait le « nouveau spiritualisme » et il changea de nom, pour prendre celui d'Antoine-le-Généreux.
    Mais nulle part il n'était dit que l'apôtre du nouveau spiritualisme avait eu recours à des livres : c'est donc à peine si Antoine sait lire et écrire et il dut s'assimiler avec beaucoup de difficultés les vagues notions de morale évangélique et de philosophie qu'il possède.
    Mais me voici en gare de Jemeppe, petite commune industrielle très populeuse et où, à première vue, le mysticisme semble avoir quelque peine à prendre racine. Je descends et le premier passant que j'interroge m'indique la route à suivre pour me rendre au Temple.

             Le Temple d'Antoine
    Car, depuis 1905, Jemeppe s'honore de posséder un temple consacré au culte de l'antoinisme. C'est la curiosité de l'endroit, les guides de renseignent aux étrangers et les Jemeppois en conçoivent une certaine fierté.
    Ce temple s'élève à front de la rue du Bois-de-Mont. Il est construit dans un style plutôt négatif, mais la disposition intérieure, tout en étant fort simple, ne manque ni de confort, ni de dignité.
    C'est une grande salle rectangulaire dont les murs sont peints à huile. Toutes les portes sont capitonnées. Le plafond repose sur une double rangée de poutrelles en fer. Sur le sol s'étend un parquet, et des radiateurs, qui courent le long des murs, entretiennent une douce chaleur dans la salle.
    Dès l'entrée, les regards s'arrêtent sur une inscription en lettres d'un pied, qui couvre tout le mur du fond. C'est la « révélation de l'auréole de la conscience » et j'ai eu soin d'en prendre copie : « Un seul remède », y est-il dit, « peut guérir l'humanité : la foi ; c'est de la foi que naît l'amour : l'amour qui nous montre dans nos ennemis Dieu lui-même ; ne pas aimer ses ennemis c'est ne pas aimer Dieu ; car c'est l'amour que nous avons pour nos ennemis qui nous rend dignes de Le servir : c'est le seul amour qui nous fait vraiment aimer, parce qu'il est pur et de vérité ». C'est un peu long peut-être, mais cela vous donne déjà une idée de la philosophie lénitive à laquelle s'est arrêté cet ancien ouvrier mineur.
    Contre ce même mur s'élève une sorte de perron orné au centre d'une draperie noire qui porte, en blanc, le symbole de la antoinisme : l'« arbre de la science de la vue du mal ».
    Au pied du perron, que seul Antoine a le droit de gravir, une modeste chaire et, face à cette chaire, une trentaine de rangées de bancs et de chaises.
    C'est tout.

             Comment Antoine opère
    Le temps n'est plus où Antoine recevait ses malades « en consultation », les soignant un à un par la seule force de sa persuasion. Depuis bientôt deux ans, sa retraite est fermée à tous, même à ses plus fervents adeptes. Tous les jours, à dix heures, fidèles et malades se groupent dans le temple et le guérisseur n'opère plus qu'en masse.
    Bien entendu, j'avais pris mes dispositions pour me trouver vers dix heures à la rue Bois-de-Mont. J'arrive donc à temps pour voir la foule s'engouffrer dans le temple et pour y pénétrer à mon tour... alors que toutes les places sont déjà prises.
    Et force m'est de le reconnaître, puisqu'après tout, ma mission est de rapporter ici ce que j'ai vu et rien de plus : il plane sur cette assemblée une atmosphère de parfaite sérénité, qui, lorsqu'Antoine paraît pour gravir lentement les marches du perron, se transforme en un profond recueillement.
    Quel homme extraordinaire que cet Antoine ! Ses traits, adoucis par la retraite et l'absolue sobriété, semblent s'être épurés encore dans le recueillement et sa chevelure soyeuse se confond avec une barbe d'apôtre qui lui couvre tout le bas du visage.
    L'œil est plutôt petit, mais le regard est d'une rare limpidité. L'austère vêtement – une sorte de redingote noire à double collet et boutonnée à la façon d'une soutane – qu'Antoine ne quitte plus depuis dix ans contribue encore à donner du relief à cette tête plus étrange, peut-être, que vraiment belle. Tel qu'il est cependant, on conçoit aisément que des malheureux affaiblis par la maladie ou la misère se laissent vivement impressionner au seul aspect de cet homme, qui paraît d'ailleurs très pénétré de son pouvoir spirituel.
    Le voici donc au haut du perron. Un de ses adeptes, revêtu de la même robe, a pris place à la chaire et tous deux se recueillent longuement au milieu d'un silence religieux. Enfin, Antoine se redresse et, d'un geste auguste, il étend les mains sur la foule. La minute est impressionnante. Puis le guérisseur se retire, avec la même lenteur et sans avoir un seul instant desserré les lèvres. Car, s'il ne reçoit plus personne, il ne parle pas davantage et c'est désormais dans ce seul geste de bénédiction que les malades qui viennent à lui doivent trouver leur guérison.
    C'est un spectacle bien pénible, hélas ! que de voir dans cette foule quantité de pauvres gens au teint pâle, au visage émacié, au dos voûté par de longues souffrances, qui viennent là, poussés par un ultime espoir et qui mettent ce qui leur reste de confiance dans cette dernière tentative.
    Mais le « service » est fini et silencieusement, le temple se vide. Dans certains regards, une flamme s'est allumée. C'est que, chez ces malheureux, la suggestion a opéré : ils iront désormais, se persuadant que leurs douleurs physiques ne sont plus et ils se proclameront guéris.

                         LE MOUVEMENT
             Rue du Bois-de-Mont, No 2
    Quant à moi, ce que j'avais vu m'avait trop intrigué pour ne pas me confirmer encore dans mon désir de poursuivre mon enquête. Au sortir du temple, je me rends donc tout à côté, à la rue du Bois-de-Mont, No 2, où se trouve installé le bureau central de l'Antoinisme.
    J'y suis fort aimablement reçu par M. Delcroix, un des plus fervents adeptes du « culte » qui, tout comme Antoine, porte la « robe ».
    – Nous recevons ici, dit M. Delcroix, des centaines et des centaines de lettres par jour et ceci vous donne une première idée de l'importance du mouvement.
    – Et vous y répondez ?
    – Il nous est impossible, évidemment, de répondre à chacun. D'autant plus que les nombreuses visites que nous recevons absorbent encore une grande partie de notre temps.
    – Vous disposez, sans doute, pour votre propagande ?...
    – Nous ne faisons pas de propagande. Ceux qui viennent à nous sont les bienvenus, mais nous n'avons pas le droit d'aller à eux.
    – Soit, mais il vous a fallu cependant élever ce petit temple, organiser ce bureau et tout cela exige des ressources. Comment vous les procurez-vous ?
    – Nous ne nous procurons pas de ressources.
    – Ah...
    – L'argent vient à nous dès que nous en avons besoin, mais nous n'avons pas de caisse... Nous sommes tous frères et les frais qu'il nous faut faire pour le culte sont couverts sans que jamais nous n'ayons éprouvé de difficulté.
    – Vous venez, je crois, de décider la publication mensuelle d'une brochure ?
    – En effet. Le premier numéro de l'« Unitif » a paru en septembre et nous tirons en ce moment le second numéro. Ceci va me permettre de vous montrer notre imprimerie.

             Une Imprimerie sans ouvriers
    Nous sortons du bureau et de l'autre côté du temple, nous pénétrons dans un étroit couloir qui aboutit à un atelier d'imprimerie proprement installé et où deux jeunes filles s'occupent à rogner des brochures.
    – C'est l'heure où vos ouvriers se reposent ?
    – Nous n'avons pas ouvriers.
    – ... ?
      Des fidèles de bonne volonté nous prêtent fraternellement leur concours et, comme vous le voyez par la brochure que voici, la besogne n'en est pas plus mal faite. Le premier numéro de l'« Unitif » a cependant été imprimé ailleurs, parce qu'il nous en fallait trois cent mille exemplaires... Mais voici déjà les paquets du second numéro qui sont prêts à être expédiés.
    – Et combien vendez-vous cette brochure ?
    – Je ne vends rien.
    – ... ?? 
    Et comme, machinalement, j'examine un de ces bulletins, je lis, en tête de la première page : « Le numéro : 15 cent. ».
    M. Delcroix a suivi mon regard.
    – Oui, fait-il, le prix s'y trouve renseigné ; mais c'est au bureau que l'on s'occupe de ces choses-là. Je n'y prends aucune part.

             Le mouvement Antoiniste
    – Mais, pour avoir tiré à trois cent mille exemplaires, combien d'adeptes comptez-vous donc ?
    – Nous en ignorons nous-mêmes le nombre. Tout ce que je puis vous dire, c'est que, dans toute la province, vous trouverez, dans le plus petit village, des malheureux que notre père a guéris. Ce sont d'autant d'adeptes et ainsi le culte se répand de lui-même.
    – Avez-vous des temples ailleurs encore qu'à Jemeppe ?
    – Sans doute. Nous en devons partout où le besoin s'en fait sentir. Il y en a déjà à Liége, à Ougrée, à Kinkempois, à Bruxelles, à Verviers, à Jumet, à Farcienne...
    – Vous n'êtes guère sorti encore des frontières belges ?
    – Au contraire. Nous comptons de très nombreux fidèles en France et il ne se passe pas de jour sans que des Français viennent nous rendre visite.
    D'ailleurs, nous y avons également plusieurs temples à Paris, notamment à Monaco, à Nice, à Grenoble, à Vichy, à Aix, à Maubeuge, à Douzies...
    – Et Antoine se rend-il dans chacun de ces temples ?...
    – Il se borne à les consacrer.
    – Il vous a donc fallu créer un « ordre » pour les desservir ?
    – Nullement. L'Antoinisme est basé sur la plus absolue liberté. La « robe » que je porte nous a été révélée par notre père, mais elle n'est imposée à personne. Chacun, dès l'instant où il en reçoit l'inspiration et s'il se sent digne de la porter, est libre de la prendre.
    Je l'ai dit, cette robe est en somme une étroite redingote à double collet. L'uniforme se complète d'un chapeau-tromblon fort disgracieux et il rappelle de singulière façon l'accoutrement des « demi-solde » vers 1818...

  QUELQUES MOTS SUR L'ANTOINISME
             Le principe fondamental
    J'étais au terme de ma visite. Mais il me restait à user de l'extrême bonne grâce de mon guide, pour obtenir de lui quelques renseignements sur la philosophie d'Antoine.
    – L'Antoinisme, fit M. Delcroix, est entièrement basé sur l'amour fraternel. L'« auréole de la conscience » que vous avez lue dans le temple vous en donne la preuve. « Il nous faut aimer nos ennemis » : tel est notre grand principe. Et pour y parvenir, nous devons perdre la notion fausse que nous avons du bien et du mal. Dans ses révélations, Antoine dit : « Dieu est tout amour. Il ne peut avoir créé le mal. Si le mal existait, il serait l'œuvre de Dieu, puisque tout est créé par Lui ; or, dès l'instant qu'Il crée le mal, Il cesse d'être Dieu, parce qu'Il cesse d'être bon ; Lui seul est alors la cause de nos souffrances ». Ou encore : « Quand nous ne verrons plus le mal, nous serons avec Dieu : mais si peu que nous le voyions, nous devenons incompatibles avec Lui ». Ainsi la cause de toutes nos souffrances est en nous ; les épreuves que nous imposent nos ennemis contribuent à notre progrès moral et c'est pourquoi nous devons les aimer.

             Une étrange théorie
    – Comment Antoine explique-t-il ses guérisons ?
    – Par les fluides. Toute pensée a son fluide et, suivant la nature de nos pensées, ce fluide sera plus ou moins ténébreux ou plus ou moins éthéré. Par les pensées impures, notre atmosphère s'alourdit et nous perdons le fruit de longues méditations.
    Notre devoir est de nous élever sans cesse vers des fluides plus limpides. Ainsi, en cas de désaccord, c'est grâce au fluide dégagé par nous que l'adversaire se rend à la raison. S'il constate qu'un de nos actes lui a porté préjudice, il est de son devoir de nous le faire remarquer, « mais le nôtre n'est pas de nous disculper, car ce serait nous servir du même fluide et puiser dans les ténèbres. »
    – Usez-vous de prières ?
    – La meilleure prière, a dit Antoine, est dans le travail. D'ailleurs, encore une fois, la base de notre culte est l'absolue liberté. N'allez donc pas croire surtout que je cherche à vous prêcher. Nous respectons toutes les croyances et aussi les incrédules. Notre père l'a dit : « Il me suffit de vous éclairer sans chercher à vous convaincre, car il est plus grand et plus méritoire de vouloir être honnête. »

    Ni Sacrements, ni Rites, ni Cérémonies
    – Vous parlez de liberté ; mais votre culte ne va pas cependant sans vous imposer des devoirs ?
    – Au delà de notre conscience il n'en existe pas.
    – Quels sont vos rites, vos cérémonies ?
    – Nous n'en avons pas. Tous les jours à dix heures, l'enseignement est lu ici par l'un de nous à ceux qui veulent bien se rendre au temple.
    – Quels sont vos sacrements ?
    – Nous n'en avons pas.
    – Mais le mariage ?
    – Ceux qui veulent se marier ont pour eux le mariage civil. Ils ont en se mariant à faire œuvre d'absolu désintéressement et c'est tout !
    – Vous approuveriez donc au besoin l'union libre ?
    – jamais !... Mais aussi vous me posez là des questions ! L'idée de mariage suppose toujours un amour charnel dont nous voulons nous affranchir. Bien entendu, aussi longtemps que cet amour existe encore en nous, nous devons nous marier en nous basant sur la morale et sur la pureté. Mais nous parviendrons à nous épurer suffisamment pour « ne plus passer par le mariage ». Je vous l'ai dit : notre culte est bâti sur l'amour « fraternel », et nous trouvons cruel d'aimer une femme et des enfants plus que tous nos semblables...

              CONCLUSION
   
Me voici loin de Jemeppe, loin du temple et loin de M. Delcroix. Et, après avoir cherché à concentrer mes impressions sur tout cela, voici à peu près à quoi je me suis arrêté.
    Cet Antoine est indubitablement sincère. Pendant plus de vingt ans, il s'est absorbé dans de profondes pensées et sa morale, émanant d'un homme sans instruction aucune, représente une prodigieuse somme d'effort et de volonté.
    Mais en agissant ainsi, il n'a fait en somme – et cela, chose curieuse, en plein vingtième siècle – que ce que faisaient jadis les premiers philosophes de l'antiquité.
    Comme eux, il a puisé en lui tous les éléments de sa morale ; comme eux, il a longuement concentré ses pensées sur des problèmes dont il s'est refusé à chercher la solution ailleurs que dans ses propres raisonnements. Comme eux encore, il s'est borné pendant des années à « causer » avec ses disciples, car jamais il n'a écrit une ligne et pour posséder son enseignement, il a fallu sténographier, tandis qu'il parlait.
    C'est donc un philosophe des temps anciens, mais un philosophe très candide et très naïf. Il a peur de l'intelligence dont il fait la source de nos erreurs, car l'intelligence a une tendance à s'appuyer sur ce qui est matériel et la vérité est « de l'autre côté ».
    Bref, quelle qu'en soit la valeur, sa philosophie a l'avantage d'être très douce, très apaisante et elle prête à ceux qui s'en sont pénétrés, un calme et une onction tels, qu'ils semblent s'être détachés de tout souci matériel et vivre dans une atmosphère de rêve...
    Souhaitons-leur, puisqu'ils se disent heureux, de ne pas se réveiller...
                                                                           Georges Dolnay.

La Meuse, 28 octobre 1911 (source : Belgicapress)

 

    Une illustration de la revue Le Mois chez nous a été reproduite sous forme de carte postale.

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Ces bons français... (Le Vingtième Siècle, 20 décembre 1910)(Belgicapress)

Publié le par antoiniste

 Ces bons français... (Le Vingtième Siècle, 20 décembre 1910)(Belgicapress)                                             CES BONS FRANÇAIS...
    Un quotidien français illustré, qui a vu le jour il y a quelques semaines, a consacré deux colonnes, abondamment illustrées, à Antoine le Guérisseur. Notre confrère a situé en Angleterre le bonhomme et le théâtre de ses exploits.
    C'est déjà très bien. Mais voici mieux. « Paris-Journal » termine un article sur Antoine par les lignes suivantes :

    « Deux détails savoureux pour en finir avec Antoine et sa secte. Il parait que le temple de Jemeppe-sur-Meuse est bâti, comme beaucoup de maisons en Hollande, sur l'emplacement d'une exploitation charbonnière abandonnée, et que le grisou s'échappe, s'allume facilement à un petit trou que l'on a foré dans le plancher. »
    Voilà Jemeppe-sur-Meuse et son Antoine exilés en Hollande. C'est en effet, fort savoureux. Et qu'est-ce que vous dites de ces charbonnages hollandais qui chauffent encore, même inexploités, les maisons bâties sur leur emplacement ?
    Nos confrères français ne sont pas ferrés sur la géographie. En les pressant un peu, on leur ferait dire que Paris est en Gascogne.

Le Vingtième Siècle, 20 décembre 1910 (source : Belgicapress)


    On connaissait l'erreur fréquente entre Jemmapes et Jemeppe (André Thérive se défendait d'avoir fait l'erreur), mais on peut citer également l'exemple d'un journal de Bruxelles qui fait la même erreur.

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Antoine the Healer dans On the Watch-Tower (The Theosophist, v32, n2, nov.1910)

Publié le par antoiniste

Antoine the Healer dans On the Watch-Tower (The Theosophist, v32, n2, nov.1910)

1910                   ON THE WATCH-TOWER                              165

    A very powerful religious movement has sprung up in Belgium, round the person of a young workman, Antoine the Healer, as he is called; his father was a miner, and he himself worked in the mines for two years, and then at other industries, in which he realised a small livelihood; his only son died in 1893, and he then resolved to give up the world and devote himself to the helping of the sick and poor, physically and morally. He became an ascetic, began healing diseases, never accepting any payment for his cures, and preaching a holy life. Now from 500 to 1000 sick people come to him daily, and he cures cancer, lupus, eczema, consumption, blindness, paralysis and epilepsy. On Ascension Day this year some 15,000 people crowded into and round his church, and four times he cured the sick en bloc. Such is the remarkable story, as told in a Belgian materialistic newspaper, La Meuse.

The Theosophist, v32, n°2, November 1910

 

Traduction :

    Un mouvement religieux très intense est né en Belgique, autour de la personne d'un jeune ouvrier, Antoine le Guérisseur, comme on l'appelle ; son père était mineur, et lui-même a travaillé dans les mines pendant deux ans, puis à d'autres industries, dans lesquelles il a obtenu une petite subsistance ; son fils unique est mort en 1893, et il a alors résolu de renoncer au monde et de se consacrer à l'aide aux malades et aux pauvres, physiquement et moralement. Il devint un ascète, commença à guérir des maladies, sans jamais accepter de paiement pour ses cures, et prêcha une vie sainte. Aujourd'hui, 500 à 1000 malades viennent le voir chaque jour et il guérit le cancer, le lupus, l'eczéma, la tuberculose, la cécité, la paralysie et l'épilepsie. Le jour de l'Ascension, cette année, quelque 15 000 personnes se sont pressées dans son église et autour d'elle, et à quatre reprises, il a guéri les malades en bloc. Telle est la remarquable histoire, telle qu'elle est racontée dans un journal matérialiste belge, La Meuse.

The Theosophist, v32, n°2, Novembre 1910

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