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André Thérive, Sans Ame (Mercure de France 1 avril 1928)

Publié le par antoiniste

André Thérive, Sans Ame (Mercure de France 1 avril 1928)

 

    Sous ce titre Sans Ame, M. André Thérive vient de publier un roman d’un caractère réaliste, sinon naturaliste, assez surprenant quand on sait les termes attaches classiques de cet écrivain. Mais voulant rendre sensibles son lecteur les effets du mal produit précisément par le désordre actuel, il a dû se placer au milieu même de l’incohérence consécutive à la rupture des cadres sans lesquels l’élément mystique, nécessaire à la vie des hommes devient un danger. Et c’est dans le peuple, non dans la société bourgeoise et mondaine qui peut encore faire illusion, qu’il est allé étudier la profonde misère morale de notre temps.
    Roman de mœurs autant que roman psychologique, son récit, qui fait à la fois songer à Huysmans et à M. Georges Duhamel, se passe dans les faubourgs parisiens et, dans une louche atmosphère, évoque de bien curieux personnages, à la fois tourmentés d’inquiétudes charnelles et de spirituelles aspirations.
    Julien Lepers, le héros de M. Thérive, un déclassé que ses goûts crapuleux ont entraîné vers la bohème plébéienne, est victime de cette contamination dont je parlais plus haut. Il cherche dans des aventures sans beauté, où il obéit au seul attrait des joies sensuelles, une ivresse qui le trompe sur le néant de sa pensée et de son cœur. Il s’acoquine avec une femme non seulement presque laide, mais dont la vulgarité l’humilie, et auprès d’une autre, qui éveille en lui de pures appétitions, pèche par libertinage contre la tendresse qu’il inspire.
    Remarquons-le, car la chose a son originalité, ce n’est pas tant la disgrâce matérielle des gens qui évoluent autour de Julien que M. Thérive nous montre, et sur laquelle il insiste avec pitié. Si l’antoinisme dont il nous entretient (et qui est à la religion ce que les travaux du laboratoire où il nous introduit sont à la vraie science) recrute ses adeptes parmi des misérables éprouvés par les privations et les maladies, nous voyons que la consolation qu’il leur offre répond à un besoin d’amour et à un désir de certitude. Aussi bien, quoi d’autre que ce besoin et que ce désir dans la curiosité qui pousse Julien à se mêler aux réunions des adeptes du père Antoine, et à parler de l’enseignement de cet apôtre avec l’étrange petite danseuse Lydia qui le fait rêver d’un bonheur inconnu de lui ?
    Naturaliste, le roman de M. Thérivè ne l’est donc qu’en fonction de la spiritualité qui l’inspire. La fleur se dégage ici du fumier, peut-être pas avec assez d’élan, à mon gré et l’on reste, le livre de M. Thérive fermé, sur une impression bien pessimiste – je dirai même désespérée. Mais la sincérité de l’auteur ne fait pas de doute. En elle réside le secret de la sympathie qu’il nous inspire pour ses personnages et pour son héros même, malgré qu’on en ait. Non que celui-ci lui ressemble ! Qu’il soit une manière de projection de son angoisse métaphysique, c’est assez pour qu’on puisse dire qu’il a été conçu sous le signe du lyrisme.

Mercure de France, 1 avril 1928

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André Thérive, Sans Ame (L'Europe nouvelle 28 janvier 1928)

Publié le par antoiniste

André Thérive, Sans Ame (L'Europe nouvelle 28 janvier 1928)

                                                                      Les Lettres.

Un roman d’André Thérive :
« Sans âme » (1)

                                 « Périphérie de la ville, périphérie des
                                 sentiments et des croyances, vagabon-
                                 dages excentriques en des lieux que nul
                                 passé n’ennoblit de ses prestiges… »

    Un soir place d’Italie. Un homme est adossé à la grille du square il est venu là sans savoir où ses pas le portaient, désireux seulement de se fuir, de mettre le point final à quelque aventure dérisoire. Il guette, ses sens quêteurs une fois de plus se sont mis en chasse. Il rôde à présent autour de la place, enfile un boulevard désert, puis un autre. Il s’engouffre pour finir dans un cinéma de bas étage qu’achalandé un crime récent ; et c’est là qu’il surprend le gibier espéré. « Une femme en cheveux, assez mal peignée, dont la nuque maigre sortait d’un manteau de peluche, couleur de mousse jaune. » Une lèvre retroussée un menton lourd le signe purement physique du trouble et de la servitude. Il n’en faut pas davantage pour que Julien Lepers succombe cette fois encore à l’obsession charnelle. Il suit cette créature équivoque et sans beauté, il l’aborde. Elle se nomme Lucette, travaille dans une sucrerie ; il est attaché à un obscur laboratoire où un maniaque prend la tension artérielle et enregistre les réactions motrices de pauvres diables atteints de folie mystique. Ces fonctions mal rémunérées ne l’absorbent pas outre mesure, il a un oncle qui lui sert une pension. Quel homme est-ce que ce Julien, et qu’attend-il de cette Lucette dont il ne tarde pas à devenir l’amant ? M. Thérive trace de son héros un portrait d’une admirable vraisemblance. « S’il avait en lui un don singulier, c’était de se renier violemment, de détester ce qu’il était. Du mépris ? bien moins de la désaffection. De l’horreur c’est trop dire, de l’antipathie plutôt l’impression d’un servage mal choisi, au hasard quelque chose comme un mariage imposé par la faiblesse el dont on ne voit plus que la duperie. » Pour un homme de cette sorte, il n’est d’autre ressource que la duplicité et sans doute il n’a point de maître, point de famille, point de Dieu avec qui jouer à cache-cache mais il éprouve malgré tout un plaisir exquis à se cacher, à changer de goûts, de mœurs, de langage, d’âme, s’il se pouvait. Quitte à se ménager toujours une retraite vers le passé, qu’il serait si cruel de noyer de ses mains, d’enterrer à jamais. La conscience de Julien est le siège d’une lutte perpétuelle. Le goût fiévreux du renouvellement s’y allie à une craintive superstition du passé, à l’impossibilité de s’en délivrer jamais par un acte délibéré. Etre, continuer d’être, échapper à ce qui meurt tel est comme le noyau métaphysique d’une hantise qui déborde infiniment l’étroit chenal des sens. Nous touchons ici à ce qui confère au livre son pathétique et son originalité. Le reproche de naturalisme qu’on ne manquera pas de lui adresser porte, selon moi, entièrement à faux. Ce n’est pas parce qu’un écrivain nous promène à sa suite de la Maison-Blanche à la Glacière et à Vaugirard, à travers des quartiers sordides où se presse une foule interlope, qu’il souscrit nécessairement à une esthétique déterminée. Ce serait trop simple. Si l’on veut trouver un parrain à M. Thérive, c’est assurément à M. Duhamel, c’est-à-dire à un lyrique, qu’il convient de penser. J’aperçois chez l’un et l’autre un même souci de spiritualité, une même inquiétude en présence des confuses aspirations de l’homme, et surtout peut-être des réponses qu’une industrie verbale millénaire inventa pour les endormir. Mais peut-être y a-t-il une moindre complaisance, une nouvelle tendance à l’affranchissement chez M. Thérive, une ironie plus âpre et plus triste qui communique à son livre une saveur particulièrement tonique.
    Lucette est « une femme de tête peu maîtresse du reste ». Intéressée sans être à proprement parler vénale, c’est une nerveuse instable qui dispose d’elle-même avec un singulier mélange de sens pratique et d’impulsivité : quelle que soit l’emprise physique qu’elle conserve sur Julien, elle ne saurait accaparer les rêves de cette âme vagabonde. Celle-ci s’évade sans cesse. Il y a autour de Lucette de petites gens qui végètent mélancoliquement et trouvent dans on ne sait quelles dévotions hétérodoxes l’anesthésique qui leur permet d’accepter sans révolte la déchéance physique et la mort. Il y a surtout Lydia, la cousine de Lucette, une petite danseuse au cœur farouche minée par la tuberculose. Une précoce expérience lui a enseigné à se méfier des hommes ; qui sait si les turpitudes qu’elle a frôlées ne sont pour rien dans l’attrait équivoque qu’elle exerce sur Julien ? Insensiblement sa pensée se divise entre ces deux femmes si inégalement marquées par la vie ; mais bien qu’il demeure soumis au magnétisme sexuel de Lucette, insensiblement c’est l’image de Lydia qui l’emporte, l’inconnu confusément pressenti que cette image recouvre. Un jour, cédant au mécanisme, il la somme de se donner à lui. Elle s’insurge contre une telle infraction au pacte tacite qui les liait. « Ecoutez bien, dit-elle, Aussi vrai que nous sommes ici, je jure que si je vous cède je ne vous reverrai jamais plus ensuite. » II s’obstine, non sans prendre, il est vrai, de sa bassesse la plus amère conscience. Elle cède, et s’enfuit au matin en lui disant adieu. « Et c’est alors que, resté seul, il se réveilla tout à fait. Hélas ! il n’avait pas le don des larmes. » D’abord il ne cherche pas à la revoir, il ne s’enquiert pas d’elle. Pourtant elle emplit sa pensée. Il ne fréquente plus que les endroits où elle a vécu et dont elle lui a parlé. Des mois se passent. Un jour, il n’y tient plus, et se rend au Palladium, somptueux music-hall de la rive droite, où Lydia a un engagement. Il apprend que la veille, un commencement d’incendie s’étant déclaré, le pied de Lydia s’est pris entre deux barreaux d’une échelle de sûreté ; elle s’est évanouie et au réveil se plaignait de douleurs internes. Julien court à son hôtel, frappe à la porte de sa chambre ; nulle réponse ; il entre. Elle est à l’agonie. Elle était enceinte et a eu un accident. Tous les jours elle attendait sa venue ; elle l’aimait. Il est trop tard. A peine aura-t-elle la force de murmurer avant de mourir une parole de pardon. Et maintenant qu’elle n’est plus, il s’interroge. « Jamais il ne s’était senti moins seul ; une présence universelle l’entourait, la conscience d’une souffrance humble et nécessaire qui rachetait l’ignominie et l’aveuglement des gens heureux. Cette conscience ne prenait pas de voix ni de nom. Elle ramenait peut-être à l’existence des foules innombrables de femmes avilies, opprimées, des légions de pauvres gens que la mort a vengés de la vie et à qui elle a restitué une âme. » 

    Le livre de M. Thérive a, je le sais, de violents détracteurs, tout ce que je puis dire c’est qu’il m’a profondément remué et que je plains ceux qu’il laisse insensibles. L’odeur qui s’exhale de Sans Ame est celle même de la solitude et de l’angoisse. Un cœur pitoyable se montre ici à nous, se libérant au prix d’un effort des contraintes et des mensonges du respect humain…
    Périphérie de la ville, périphérie des sentiments et des croyances, vagabondages excentriques en des lieux que nul passé n’ennoblit de ses prestiges…, et çà et là entre les pages du roman l’on voit briller les lueurs incertaines qu’allume la ferveur des hommes sur le pourtour misérable des cités sans mémoire.

                                                Gabriel MARCEL.

 

(1) Grasset, éd. (Collection Les Ecrits.)

 

L’Europe nouvelle, 28 janvier 1928

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Au jour le jour, l'Antoinisme (Le matin, 8 April 1914)

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Au jour le jour, l'Antoinisme (Le matin 8 April 1914)

    Au jour-le-jour
l'Antoinisme 

    De tes enfants, sois fier, ô mon pays! Chantons en chœur! Rejouissons-nous! Il vint un jour où un brave vieil homme du pays de Liège, un nommé Antoine, se vit adjoindre à son nom de famille un sobriquet, un pseudonyme, un titre de gloire et d'honneur. Nous eûmes Antoine le Guérisseur; nous connûmes le culte des disciples d'Antoine; nous assistâmes à l'éclosion d'une nouvelle religion, l'Antoinisme, ayant soudain pris une propension, un développement inouï, et son créateur étant mort, l'Antoinisme continua de se propager, de se répandre. Il avait envahi la Belgique wallonne, et étant du tempérament que la chanson de Nadaud prête à la Garonne, mais ayant en plus, de la volonté, l'Antoinisme fit la, conquête de Paris, y construisit des églises, des temples, mais, hélas! comme tant de religions, tout en se faisant des adeptes, il eut ses victimes. 
   Un Américain, M. Guiseppe, habitant Paris, embrassa l'Antoinisme. Immédiatement il découvrit une incompatibilité entre ses nouvelles croyances et son état d'époux légitime. Il entendit désormais vivre en toute liberté. Aussi parvint-il, par son attitude, à contraindre sa femme à demander le divorce. 
   Nous connaissions des vaudevilles où sont traités des sujets qui peuvent se désigner par les mots éloquents de «surprises du mariage», «surprises du divorce». Nous voici à la «surprise de l'Antoinisme». Nous sommes en progrès. 
   M. Guiseppe avait fait preuve d'une imagination fertile. 
   Il avait, d'abord, refusé de subvenir aux besoins du ménage en fondant son inertie sur les principes de la secte religieuse à laquelle il prétendait appartenir. Ceux-ci, paraît-il, lui font un devoir de négliger les détails matériels. 
   Mais, de plus en plus fort! La dame Guiseppe, courageusement, s'étant mise à la tâche et s'efforçant par ses seuls moyens de subvenir aux besoins de son ménage, son mari, offensé par cette attitude laborieuse dans ses convictions religieuses les plus chères, la blâma et en prit prétexte à s'éloigner d'elle. 
   La liste des griefs, rassurez-vous, n'est point close. Sa femme étant tombé malade, le sieur Guiseppe se drapa dans sa morale religieuse... parce qu'elle s'était fait donner des soins par un médecin. Comment! La compagne d'un «antoiniste» ne s'en remettait pas purement et simplement à la Providence! Hérésie! Sacrilège! Enfer et damnation! 
   Enfin, le mari modèle n'entendait reprendre la vie commune qu'à condition de voir sa femme se conformer en tous points aux préceptes que lui, adepte sincère, suivait à la lettre. La chambre du tribunal, ayant entendu la cause, vient de dissoudre l'union des deux époux, car, dit le jugement, «on ne saurait faire grief à une femme de vouloir mener l'existence naturelle et normale pour laquelle elle est faite» et «si son mari la lui refuse, elle est fondée à se soustraire à des règles de vie qui ne dérivent de la loi ni même de son consentement.»
    Et la victime de l'Antoinisme obtint donc à son profit le divorce. 
   N'en prenons pas prétexte pour blâmer ou railler l'Antoinisme. Toutes les religions ont leurs exacerbés, leurs mystiques, leurs hystériques: cela ne signifie pas que toutes les religions soient ridicules. L'esprit vraiment indépendant laisse aux gens leurs croyances - il ne faut jamais discuter ou combattre la foi d'autrui - et se comporte, entre toutes les sectes religieuses, avec le même respect et la même dignité. 
                 Sivry 

Le matin, 8 April 1914

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Inauguration du Temple de Tourcoing (Roubaix-Tourcoing 12-12-1937)

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Inauguration du Temple de Tourcoing (Roubaix-Tourcoing 12-12-1937)

    Culte Antoiniste : Inauguration et consécration solennelle d'un Temple, dés 8 h 30, rue de Varsovie.

source : Roubaix-Tourcoing 12 décembre 1937 (roubaix-bnr.cd-script.fr)

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Le Marchand de Djèle (feuilleton par Tronçon du Férail dans Tatène 1er novembre 1912)

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Le Marchand de Djèle (feuilleton par Tronçon du Férail dans Tatène 1er novembre 1912)

                    FEUILLETON DE Tatène        N° 4

                   LE MARCHAND DE DJÈLE

Histoire authentique d’une Charrette en glaise

                    PAR TRONÇON DU FERAIL

Résumé du chapitre antérieur : Gaëtan di Vèye Gheûye di Souk croit que pour sortir de la panade, il ne lui reste qu’un moyen : épouser une riche héritière. Il se jette aux pieds du premier Monsieur connu qu’il rencontre et lui demande la main de sa fille. Horreur ! Le Monsieur est célibataire.

                                    CHAPITRE V.
    Chercher une héritière, et pour ce, s’adresser à un célibataire, c’est bien la déveine acharnée, semblable en tout point à celle de ce brave homme mort d’asphyxie pour s’être administré un trop copieux lavement !
    Gaëtan en eut une mine si piteuse que, décidément, elle ne pouvait plus passer pour la « bonne mine » annoncée par Antoine le Guérisseur.
    Selon sa vieille renommée d'amabilité, M. Ch. Francotte en fut très marri et cet instant fut peut-être le seul en sa vie où il regretta de n'être point marié et père de famille, afin de tirer ce garçon d'embarras.
    Il le consola de son mieux en lui affirmant qu'il ne manquerait pas de trouver à Liège un cœur pour le comprendre et qu'en attendant ce jour heureux, il ne manquait pas à Liège de petites femmes, dignes de jouer l'âme-sœur provisoire et intérimaire.
    Hélas ! tout ce verbiage sentimental n'était guère fait pour contenter Vèye-Gheûye : c'était à la bourse et non au cœur que se trouvait la blessure et le moindre louis eut bien mieux fait son affaire que tous les sermons aimables. Mais, décemment, il ne pouvait avouer sa détresse, lui Vicomte, dont la noblesse remontait à l'âge de la pierre et des calculs biliaires, à un simple conseiller municipal de la cité liégeoise, fut-il doré comme un Crésus américain. Il s'en fut donc, la mort dans l'âme à la recherche d'une autre héritière.
    Sous un réverbère du quai de l'Université, il vit se profiler le corps long et maigre d'une dame à la démarche élégante enveloppée dans un ample manteau du drap le plus fin. C'était sans doute quelque personne d'âge rassis qui s'était attardée dans un comité de bonnes œuvres.
    Cette brave dame devait être la maman de nombreuses filles bien dotées et Gaëtan résolut de tenter une seconde fois l'expérience qui avait si mal réussi la première.
    Il s'élança donc, s'approcha fébrilement, retira son dix-huit reflets dans un geste arrondi où il suit toute son élégance, puis il commença son boniment : « Madame, j'adore votre fille... »
    Il n'alla pas plus loin : l'interpellée s'était tournée et aux yeux ahuris du Vicomte, se montra l'œil perçant et le profil olympien d'une personnalité liégeoise bien connue. La vieille dame c'était... Monseigneur Schoolmeesters !! Gaëtan s'enfuit tel un chien qui entendrait rebondir derrière lui un batterie de cuisine complète.
    C'est que si encore, il avait été bon chrétien, il aurait pu se recommander à l'abbé, mais depuis la prédiction de la « bonne mine » il avait adhéré sans réserve à l'antoinisme le plus pointu et s'il n'avait pas encore arbore la redingote funèbre et le tuyau en feutre mat des fervents disciples de l'Arbre de la Science de la vue du Mal, c'est parce qu'il trouvait ce costume absolument trop désavantageux pour quelqu'un qui attend tout de son élégante prestance.
    Gaëtan s'enfuit, il alla s'affaler sur un banc du boulevard Frère-Orban.
    Il rêva, il rêva longtemps puis, l'air étant pur, le ciel limpide et l'atmosphère tempérée, le sommeil l'envahit et durant de longues heures l'arracha aux soucis qui le tenaillaient...

Feuilleton par Tronçon du Férail
publié dans Tatène (Journal satirique de Liège) n°38 du 1er au 7 novembre 1912)

Il manque des numéros dans la banque de numérisation https://donum.uliege.be/expo/tatene/, ce qui nous ne permettra malheureusement pas de savoir les détails de l’adhésion de Gaëtan à l’antoinisme.

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Le Marchand de Djèle (feuilleton par Tronçon du Férail dans Tatène 1er novembre 1912)

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Le Marchand de Djèle (feuilleton par Tronçon du Férail dans Tatène 1er novembre 1912)

                    FEUILLETON DE Tatène        N° 4

                   LE MARCHAND DE DJÈLE

Histoire authentique d’une Charrette en glaise

                    PAR TRONÇON DU FERAIL

Résumé du chapitre antérieur : Gaëtan di Vèye Gheûye di Souk croit que pour sortir de la panade, il ne lui reste qu’un moyen : épouser une riche héritière. Il se jette aux pieds du premier Monsieur connu qu’il rencontre et lui demande la main de sa fille. Horreur ! Le Monsieur est célibataire.

                                    CHAPITRE V.
    Chercher une héritière, et pour ce, s’adresser à un célibataire, c’est bien la déveine acharnée, semblable en tout point à celle de ce brave homme mort d’asphyxie pour s’être administré un trop copieux lavement !
    Gaëtan en eut une mine si piteuse que, décidément, elle ne pouvait plus passer pour la « bonne mine » annoncée par Antoine le Guérisseur.
    Selon sa vieille renommée d'amabilité, M. Ch. Francotte en fut très marri et cet instant fut peut-être le seul en sa vie où il regretta de n'être point marié et père de famille, afin de tirer ce garçon d'embarras.
    Il le consola de son mieux en lui affirmant qu'il ne manquerait pas de trouver à Liège un cœur pour le comprendre et qu'en attendant ce jour heureux, il ne manquait pas à Liège de petites femmes, dignes de jouer l'âme-sœur provisoire et intérimaire.
    Hélas ! tout ce verbiage sentimental n'était guère fait pour contenter Vèye-Gheûye : c'était à la bourse et non au cœur que se trouvait la blessure et le moindre louis eut bien mieux fait son affaire que tous les sermons aimables. Mais, décemment, il ne pouvait avouer sa détresse, lui Vicomte, dont la noblesse remontait à l'âge de la pierre et des calculs biliaires, à un simple conseiller municipal de la cité liégeoise, fut-il doré comme un Crésus américain. Il s'en fut donc, la mort dans l'âme à la recherche d'une autre héritière.
    Sous un réverbère du quai de l'Université, il vit se profiler le corps long et maigre d'une dame à la démarche élégante enveloppée dans un ample manteau du drap le plus fin. C'était sans doute quelque personne d'âge rassis qui s'était attardée dans un comité de bonnes œuvres.
    Cette brave dame devait être la maman de nombreuses filles bien dotées et Gaëtan résolut de tenter une seconde fois l'expérience qui avait si mal réussi la première.
    Il s'élança donc, s'approcha fébrilement, retira son dix-huit reflets dans un geste arrondi où il suit toute son élégance, puis il commença son boniment : « Madame, j'adore votre fille... »
    Il n'alla pas plus loin : l'interpellée s'était tournée et aux yeux ahuris du Vicomte, se montra l'œil perçant et le profil olympien d'une personnalité liégeoise bien connue. La vieille dame c'était... Monseigneur Schoolmeesters !! Gaëtan s'enfuit tel un chien qui entendrait rebondir derrière lui un batterie de cuisine complète.
    C'est que si encore, il avait été bon chrétien, il aurait pu se recommander à l'abbé, mais depuis la prédiction de la « bonne mine » il avait adhéré sans réserve à l'antoinisme le plus pointu et s'il n'avait pas encore arbore la redingote funèbre et le tuyau en feutre mat des fervents disciples de l'Arbre de la Science de la vue du Mal, c'est parce qu'il trouvait ce costume absolument trop désavantageux pour quelqu'un qui attend tout de son élégante prestance.
    Gaëtan s'enfuit, il alla s'affaler sur un banc du boulevard Frère-Orban.
    Il rêva, il rêva longtemps puis, l'air étant pur, le ciel limpide et l'atmosphère tempérée, le sommeil l'envahit et durant de longues heures l'arracha aux soucis qui le tenaillaient...

Feuilleton par Tronçon du Férail
publié dans Tatène (Journal satirique de Liège) n°38 du 1er au 7 novembre 1912)

Il manque des numéros dans la banque de numérisation https://donum.uliege.be/expo/tatene/, ce qui nous ne permettra malheureusement pas de savoir les détails de l’adhésion de Gaëtan à l’antoinisme.

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Pour les moeurs (Tatène 9 mai 1912)

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Pour les moeurs (Tatène 9 mai 1912)

POUR LES MŒURS.

    L’an dernier, la Ville, apparemment sur la proposition de quelque édile prude et austère, eut la malencontreuse idée de faire placer un régiment de réverbères, à la lumière profuse et indiscrète, au Jardin du Tir et au Quai de Coronmeuse.
    Ces endroits étaient, comme chacun sait, durant les belles soirées sans lune le lieu de prédilection des amoureux.
    Ceux-ci y trouvaient des coins charmants et des bancs propices à leurs muets ébats...
    Mais voici que l’invasion des becs Auer municipaux vint impitoyablement faire la lumière aux bons endroits !
    Ce fut d’abord très ennuyeux pour les couples qui refluèrent prudemment vers la solitaire et obscure Ile Monsin.
    Cela ne dura qu’un temps et, bientôt les endroits trop rapidement désertés virent, peu à peu, revenir leurs clients enamourés.
    En dépit de leurs clartés artificielles, le Quai et le Jardin redevinrent rapidement la terre promise des amoureux qui n’ont plus cesse de les fréquenter assidument.
    Voici qu’une effarante nouvelle nous arrive.
    On nous assure qu’il vient de se créer, sous le titre « Ligue de défense de la vertu », une association dont les membres s’engagent à aller par un roulement judicieusement combiné, occuper chaque soir, de 9 heures à minuit, tous les bancs du Quai et du Jardin.
    Ils espèrent ainsi, par leur vigilante présence purger à bref délai ces endroits si fréquentés par les couples en mal de solitude.
    Notre Gouverneur D. V. B. P. D. F. a été nommé président d’honneur de cette ligue dont on appréciera la haute portée morale.
    Parmi les membres qui se proposent d’être les plus actifs, on cite les noms d’Antoinistes notables, de cléricaux en vue, d’austères protestants, de bedeaux honoraires et de vieilles bigotes à la vertu éprouvée.
    Si cette silencieuse et pacifique croisade donne de bons résultats, la Ligue créera des sections pour veiller de même à la bonne tenue de nos autres parcs liégeois...
                                                    
Feu Tchantchet.

Tatène (Journal satirique de Liège) n°13 du 9 au 16 mai 1912

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Les os de la duchesse (Tatène, juin 1913)

Publié le par antoiniste

Les os de la duchesse (Tatène  14 juin 1913)

LES OS DE LA DUCHESSE

    Le comte de la Rochefoucauld, noble fils d’une vénérable douairière, jugeait qu’il était offensant pour la mémoire de celle-ci de laisser enterrer ses vieux et aristocratiques os dans le cimetière communal. Mais son frère le Duc, de goûts plus simples, estimait que la dépouille maternelle serait abritée aussi bien par les gazons verts et les saules pleureurs que par les froides dalles du caveau bâti dans la chapelle du château et où se trouvent réunis 1.s membres de la famille plus pressés qu’elle d’en finir avec cette chienne de vie. Les juges étaient perplexes. Ils cherchèrent en vain dans l’œuvre de l’illustre ancêtre une maxime qui les eût tirés d’embarras. Ils songèrent aussi à demander l’aide d’un spirite, disciple du Père Antoine, cet homme étant capable d’aller rechercher jusque dans l’au-delà l’âme de l’honorable duchesse. Mais, comme elle était morte depuis peu de temps, ils pensèrent avec juste raison que le résultat de ce long et dangereux voyage était très aléatoire, le nonagénaire esprit ayant pu se tromper de voie et ne pas arriver à la gare destinatrice : Paradis, Enfer, Purgatoire, ou s’arrêter en chemin pour faire une ultime confession. Comme en tout autre cas, une sentence était nécessaire pourtant. On ne pouvait décemment laisser les os à mi-chemin du cimetière et de la chapelle. Heureusement on retrouva une lettre dans laquelle la défunte affirmait son horreur de la mort, du triste et du noir. Aussi, pour satisfaire à son suprême désir, on la plaça sous les herbes fleuries, où elle pourra reposer en paix. Et son fils cadet fut furieux !

Tatène (journal satirique de Liège) n°18, du 14 au 21 juin 1913

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La farce du miracle (Tatène 26 avril 1912)

Publié le par antoiniste

La farce du miracle (Tatène 26 avril 1912)LA FARCE DU MIRACLE

    Dans ce journal suave qu’est le Bulletin Diocésain, un Monsieur Monniot s’en prend avec amertume à l’Antoiniste qu’il appelle « une farce qui a trop duré » et à laquelle, ajoute-t-il, quelques catholiques se sont laissé aller. C’est montrer le bout de l’oreille... et se plaindre naïvement de la concurrence.
    «La recette antoiniste est des plus simples, écrit cette plume autorisée : on écrit au père Antoine et immédiatement on se sent déjà soulagé.
»
    Or, c’est absolument le procédé employé à l’égard de cette création très catholique de St-Gérard.
    Il est dit aussi : « Si la guérison n’est pas obtenue, c’est que vous n’avez pas la foi ».
    Tout-à-fait comme à Lourdes, à Trou-Louette, à Chèvremont et ailleurs, où les marchands de miracles ont installé leur boutique.
    Mais gageons que, dans les cliniques sacrées, la farce n’a pas cessé de durer.

                                                  Feu Tchantchet.

Tatène (journal satirique de Liège), n°11 du 26 avril au 2 mai 1912

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Incidents dinatoires (Tatène, 29 juillet 1911)

Publié le par antoiniste

Incidents dinatoires (Tatène 29 juillet 1911)

INCIDENTS DINATOIRES

    La réunion du Comité ne se prolongea pas t plus longtemps ce matin là. Chacun avait aussi faim que soif. Aussi, un diner fut servi en l’honneur de Charlemagne et des autres personnalités historiques. Je ne donnerai pas ici le détail du menu, il suffira de dire qu’il fut préparé par « l’homme mature » revenu pour la circonstance, et sous la haute surveillance du docteur Schuind, chef de la chronique médicale de La Meuse, ce qui veut dire que tout fut exquis.
    Je dois à la vérité, de relater un incident qui s’est produit au cours de ces agapes ; incident qui aurait eu des suites très fâcheuses, sans l’heureuse intervention de Tatène.
    A l’heure des toasts, l’archevêque Turpin, levant sa coupe de sinalco, but à la santé de Pie X, et proposa de lui envoyer un télégramme pour lui demander la bénédiction apostolique ; Charlemagne et le chevalier Valentin opinèrent du bonnet, tandis que le géant Ferragus, qui ne jure que par Mahomet, et les quatre fils Aymon, qui appartiennent à l’armée du salut, protestèrent avec la dernière énergie, chacun voulant donner le pas à sa religion. Et déjà nos fougueux guerriers avaient la main sur la garde de l’épée, tandis que l’archevêque brandissait sa croix, celle qui jadis brisa tant de cimeterres.
    Tatène qui prévoyait « ine trâlêye » eut une inspiration aussi subito qu’heureuse : elle put rétablir le calme en criant, à la manière des marchands de moules, qu’elle appartenait à une religion nouvelle qui mettrait tout le monde d’accord.
    Ce fut le professeur Delcroix, le compagnon du St-Antoine de Jemeppe qui révéla cette religion à Tatène Notre patronne ne résista pas longtemps à l’éloquence persuasive du professeur, et devint Antoiniste.
    Pour convertir avec succès tous ces nobles chevaliers et l’archevêque elle leur offrit la prose de quelques opuscules intitulés : L’Auréole de la Conscience.
    Les convives, qui n’avaient absolument rien compris de ces chefs-d’œuvre d’éblouissante clarté, furent néanmoins subjugués par la puissance du nouvel apôtre et décidèrent, à l’unanimité, d’envoyer un télégramme au Père Antoine pour le prier de faire une bonne opération pour eux.
    Et ce fut la conscience auréolée, que nos illustres personnages furent emportés, dans plusieurs Pipes, au Plateau d’Ans, où ils furent reçus très aimablement par le gouverneur de l’Aérodrome.

Tatène (journal satirique de Liège) n°24 du 29 juillet au 4 août 1911

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