Juliette Ruwet - Liège pas à pas (2018)
Auteur : Juliette Ruwet
Avec la collaboration de Robert Ruwet
Titre : Liège pas à pas
Une promenade guidée dans les lieux et l’histoire de la Cité ardente
Éditions du Perron, Liège, 2018 (269 pages)
Description
Qu’il fait bon se promener à Liège, où chaque coin de rue recèle une histoire !
En dix itinéraires variant les plaisirs, les thèmes et les époques, les auteurs nous emmènent dans les rues de Liège. Pas à pas, c’est l’occasion de redécouvrir la Cité ardente à petites touches, d’écouter les souvenirs des grands personnages, d’admirer les monuments, de revivre les anecdotes.
Si les pierres pouvaient parler, elles nous raconteraient l’assassinat de saint Lambert, les invasions vikings, les luttes pour les libertés, le Mal Saint-Martin, le sac de Liège par Charles le Téméraire, le bombardement par les armées de Louis XIV, l’heureuse révolution liégeoise ou le massacre du 20 août 1914.
Mais Liège n’a pas que des souvenirs sanglants. Celle que le Moyen Âge appelait l’Athènes du Nord depuis le règne de Notger a vu émerger des talents de très grande envergure, comme le sculpteur Jean Del Cour, le compositeur André Modeste Grétry, le violoniste Eugène Ysaÿe ou l’écrivain Georges Simenon. Depuis les écoles de Charlemagne jusqu’à la Cité Miroir, la culture et les arts y sont mis à l’honneur. Le sport n’est pas en reste, avec la création de courses comme les célèbres Liège-Rome-Liège et Liège-Bastogne-Liège. L’Exposition universelle de 1905 rappelle que Liège a rayonné internationalement.
Liège, c’est aussi un esprit : c’est sur les pavés d’Outremeuse que naquit Tchantchès, prototype du Liégeois populaire, ardent et joyeux.
Enfin, le visage de la ville lui-même s’est métamorphosé : de nombreux bras d’eau de l’ancienne Venise-sur-Meuse marécageuse ont fait place à d’élégantes avenues. De la création des Terrasses à la nouvelle gare des Guillemins, du pont de Fragnée à la passerelle de la Belle Liégeoise, l’urbanisme a transfiguré la cité des princes-évêques.
Liège foisonne d’histoires intéressantes. Vous voulez vous en faire une idée, le nez au vent ? Ce livre vous guide, dans les rues et dans le temps.
source : https://www.perron.be/?product=liege-pas-a-pas-copie-2
Le chapitre 17 évoque l'antoinisme en passant par la rue Hors-Château
REVENONS RUE HORS-CHÂTEAU, au pied de la montagne de Bueren. Le bâtiment qui se trouve au coin de ces deux artères (n° 17, rue Hors-Château) mérite que l'on s'y arrête. Il s'agit d'un temple. On appelle temple un bâtiment consacré à un culte religieux. Par exemple : une église. Vous le lisez sur la façade : il s'agit ici du culte antoiniste.
L'antoinisme peut être considéré comme une religion. Mieux : une religion liégeoise, car c'est chez nous qu'elle fut... créée ! Mais avant de vous parler de Louis Antoine, son fondateur, posons-nous une question : qu'est-ce qu'une religion ?
Une religion est un ensemble de croyances et de rites (des gestes, des paroles, etc.) constituant un culte qui met en relation les Hommes et le(s) Dieu(x). Puisque la religion fait intervenir la foi (la confiance), ces rites n'ont de sens que pour le croyant, pour qui ils sont très importants. Toutes les personnes partageant les mêmes croyances, donc qui ont en commun la même religion, constituent une Église. Attention : quand ce mot s'écrit avec une majuscule (Église) il désigne cette communauté, tandis qu'écrit avec une minuscule (église), il désigne le bâtiment où l'on se réunit.
[illustration : Le temple antoiniste de la rue Hors-Château]
Venons-en à notre Antoine... Louis Antoine est né à Mons-Crotteux (à la périphérie de Liège) le 7 juin 1846 ; il est le onzième enfant d'une famille modeste. À douze ans, après son passage à l'école primaire et sa communion solennelle, il descend dans la mine où il sera manœuvre de fond.
En 1866, on le retrouve métallurgiste chez Cockerill avant qu'il ne parte en Allemagne comme encaisseur d'une filiale de la même usine. Revenu à Liège, il sera marchand de légumes et, assez logiquement- sans doute pour promouvoir son commerce - il deviendra végétarien. En 1887, attiré par le spiritisme, il abandonne le christianisme. C'est alors qu'il va commencer à exploiter le don de guérisseur qu'il s'est découvert.
[illustration de Jupiter par le peintre J.-A.-D. Ingres et de Louis Antoine, nommé le père par ses disciples. Son regard olympien et la présentation pompeuse de ce feuillet visent à frapper l'esprit des fidèles. Par une simple imposition des mains, il guérissait. Info ou intox ?]
(Le christianisme est la religion qui affirme que Jésus-Christ est le fils de Dieu et Dieu lui-même. Parmi les chrétiens, les catholiques sont ceux qui reconnaissent l'autorité du pape, ce que ne font les protestants. Le spiritisme est une doctrine (science occulte pour les uns, superstition pour les autres) basée sur la communication entre les vivants et les morts par l'intermédiaire d'un médium. Un guérisseur est une personne qui prétend guérir les malades par des procédés plus proches de la magie que de la science médicale.)
Les patients commencent à défiler par dizaines, par centaines et même par milliers. Le père Antoine sera accusé de pratique illégale de la médecine, connaît des ennuis avec la Justice mais s'en tire à bon compte. Il élabore une doctrine faite de bric et de broc (un mélange de christianisme, de spiritisme, de croyances populaires, etc.), qui se répand un peu partout dans la région, mais également en France et même en Égypte, au Brésil, en république du Congo, aux États-Unis et en Australie. Bref, dans le monde entier !
En 1922, l'antoinisme est reconnu comme établissement d'utilité publique par le ministre belge de la Justice de l'époque. On se demande toujours comment ce fut possible, après ses démêlés judiciaires... Faut-il en considérer que son don de guérison était bien réel ? Deux temples existent à Liège (rue Hors-Château et quai des Ardennes), mais on en dénombre plus de vingt dans la province même si certains ferment, faute de fidèles. L'antoinisme semble effectivement être en nette régression, même s'il est toujours présent.
[Illustration : Maison d'Antoine le Guérisseur. Fin du XIXe siècle. Les « clients » affluent chez Antoine. / L'enterrement de Louis Antoine en 1912. La foule des grands jours !]
Que faut-il en penser ? Dans le domaine des religions, chacun a le droit de penser ce qu'il veut. C'est ce que l'on appelle la liberté de pensée. Cependant, il faut se méfier des sectes, ces groupements qui se font passer pour une Eglise, mais dont le but (caché) est d'endoctriner leurs membres (en faire des robots qui ne pensent plus par eux-mêmes) et (surtout !) d'enrichir les « chefs ». On peut se demander si, à certaines époques, des religions n'ont pas poursuivi le même but... Il faut également se méfier des guérisseurs, parfois beaucoup plus dangereux que les maladies qu'ils prétendent soigner.
L'antoinisme est-il une secte ? Beaucoup le pensent, les adeptes du père prétendent le contraire... Il faut cependant souligner que les autorités ne semblent pas lui reprocher de dérives sectaires (comme le sont l'intolérance vis-à-vis des autres religions, la suppression de l'esprit critique chez les fidèles et la propension à exiger d'eux d'énormes efforts financiers), ce qui classe plutôt le mouvement parmi les cultes, en tant que « religion postspirite » ou « culte guérisseur », bien qu'on puisse se demander comment les guérisons pourraient se poursuivre en l'absence du fondateur. Autre exemple de secte présente chez nous : les adeptes de Krishna. Il s'agit d'un mélange d'hindouisme (religion des Indes) et de diverses philosophies qui prônent notamment l'usage de drogues. Ceux qui entrent dans cette secte doivent couper les ponts avec le monde extérieur (parents, amis...) et tout donner au « mouvement ».
Et attention : une fois entré dans une secte, il est très difficile d'en sortir.
Un autre mouvement sectaire très puissant chez nous et dans le monde est constitué par les témoins de Jéhovah. Cette secte utilise des moyens modernes performants pour recruter de nouveaux membres. Les témoins de Jéhovah professent des théories en totale opposition avec la science, mais parviennent à convaincre de nombreuses personnes peu instruites et fort influençables. Véritable organisation mondiale, les témoins de Jéhovah gèrent des fortunes énormes ! Ils sont donc très puissants, surtout aux États-Unis.
[Illustration : Après le décès de son mari, c'est son épouse, la mère Antoine, qui prend le relais et développe le culte autour de la personne de son époux.]