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Amélie Nothomb - Biographie de la faim
Un motif récurrent de l'art océanien primitif semblait être le yam : l'igname, qui est un peu la patate d'Océanie, objet d'un véritable culte. Gare à ceux qui se moqueront en lisant cela : nos hommes préhistoriques à nous ont eux aussi dessiné la nourriture. Et sans remonter si loin, nos natures mortes ne regorgent-elles pas de mangeailles ?
A ceux qui me rétorqueraient : "Quand même, des patates !", je réponds qu'on a le caviar qu'on peut. L'unique constante de la représentation artistique des aliments, c'est que le dessinateur (le sculpteur, le peintre, etc.) choisit des mets rares, et jamais son ordinaire. Ainsi, on a pu prouver que les hommes de Lascaux se nourrissaient exclusivement de viande de rennes - et il n'y a pas d'images de renne sur les splendides parois de la cathédrale. Sempiternelle ingratitude de l'esprit humain, qui préfère glorifier les ortolans et le homard plutôt que le pain auquel il doit la vie.
Bref, si les Océaniens ont tant représenté l'igname, c'est que c'était leur plat de fête, c'est qu'il était difficile de cultiver ces tubercules. Si les pommes de terre étaient rares chez nous, manger de la purée relèverait du snobisme.Amélie Nothomb - Biographie de la faim
Le Livre de Poche, 2004 (p.10-11)
Tags : surconsommation
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