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Apocalypse now !
Ils l'annoncent, ils le clament, le chantent sur tous les tons : la fin du monde est pour demain. Enquête, auprès de quelques âmes inquiètes, sur les préparatifs de dernière heure.
Maître Dang en est persuadé : la fin du monde est pour 1999. Il l'a rappelé devant un millier d'adeptes du Stade 5 (il existe six stades d'élévation), réunis, les 30 et 31 mai, au Palais des congrès de Versailles. puis il leur a enjoint de multiplier les stages de la Human Universal Energy - un mouvement recensé par le rapport parlementaire français sur les sectes en 1995. Il reste en effet aux humains très peu de temps pour se préparer à passer dans la "quatrième dimension", là où la vie dure cent quatre-vingts ans : seuls les "purs" survivront au cataclysme et s'y réincarneront. Pas bêtes, ses adeptes ne payent plus d'impôts ni créances, ets'offrent, pour le même prix, des stages intensifs auprès du "maître".
A Sus, près de Bayonne, les adeptes de Tabitha's Place calquent leur vie sur celle des premiers chrétiens : leur gourou, Elbert Eugen Spriggs, affirme qu'il s'agit du seul moyen d'échapper à l'apocalypse, évidemment imminente, et de bénéficier de la mansuétude de Dieu au jour du jugement dernier. Les enfants y récoltent parfois de bonnes rossées : le temps presse et il n'est pas questions de badiner avec la purification.
A Villedieu, en Charente-Maritime, les soixante-dix adeptes du Logis de Dieu savourent encore leur victoire : grâce à leurs prières, la fin du monde n'a pas eu lieu le 22 juin 1989. Mais ils restent vigilants. De l'au-delà où il s'en est allé, leur gourou, l'Autrichien Abd-Ru-Shin, né Oskar-Ernst Berhnardyt, dit qu'eux seuls seront épargnés par l'apocalypse...
Les 3,6 millions de témoins de Jéhovah prennent également la prophétie au pied de la lettre : après l'Harmaguedon, la bataille du Grand Jour (dont la date approche), seuls leurs fidèles (et 144 000 chrétiens) seront sauvés, tous les autres étant anéantis en tant qu'oeuvres du diable.
Des prédicateurs de la fin des temps, il en a toujours existé. Au premier siècle de notre ère, un groupe de chrétiens, les montanistes, en avaient fixé la date pour l'an 172. La kabbale, voie ésotérique du judaïsme, postule que notre monde traversera sept périodes de spet mille ans avant de retourner au néant... puis de renaître. Nostradamus avait proposé deux dates : 1600 et l'an mil neuf cens nonante neuf sept mois, autrement dit juillet 1999, quand "du ciel viendra un grand Roy d'effrayeur". Luther estimait que le monde avait encore cent ans à vivre. Et, à la veille de l'an 1700, une vague de panique inimaginable s'était emparée de l'Angleterre.
La fin du monde est inéluctable, assurent pour leur part les trois monothéismes abrahamiques (judaïsme, christianisme et islam). Et, dans son Apocalypse, l'évangéliste Jean fournit des détails à se glacer de terreur. "Le millénarisme, au vrai sens du terme, renvoie à l'ésperance de retrouver dans l'avenir le paradis perdu des origines, explique l'historien Jean Delumeau. C'est une sorte de "nostalgie du futur" dont la principale source est le chapitre XX de l'Apocalyspe [...]. La croyance millénariste est fondamentalement la conviction qu'entre notre temps, avec ses malheurs et ses crimes, et l'éternité postérieure au jugement dernier se situera une période de paix et de bonheur sur terre. Mais ce règne sera précédé et suivi de cataclysmes et de guerres." (Jean Delumeau, Des religions et des hommes, Desclée de Brouwer, 1997)
"L'histoire humaine chemine vers son but, mais le Christ n'a indiqué aucune limite chronologique", rappelait le pape au cours d'une audience générale, le 22 avril 1998. Il y a peu de chances qu'il soit entendu par les messagers de l'apocalypse...
Apocalypse now ! par Djénane Kareh-Tager
in Le XXIe siècle sera-t-il religieux ?, p.68-69
Télérama hors-série & L'actualité religieuse
Tags : apocalypse, eschatologie
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