• Christine Bergé - La voix des esprits (1990)

    Christine Bergé - La voix des esprits (1990)

    Auteur : Christine Bergé
    Titre : La voix des esprits : ethnologie du spiritisme
    Éditions : Métailié, Paris, 1990

    4e de couverture :
        Peu à peu émerge sur l’écran de télévision l’image floue de la mère disparue ; passée au ralenti, la bande magnétique laisse entendre la voix de l’Esprit ; au Brésil Victor Hugo dicte son œuvre à un médium ; la tombe d’Allan Kardec croule sous les fleurs... Le dialogue avec les morts, la communication avec les Esprits, codifiée au siècle dernier dans le spiritisme, sont toujours vivaces mais cachés dans la France d’aujourd’hui. Les médiums continuent à recevoir les messages de l’au-delà. Guérisseurs, peintres ou écrivains automatiques ils réunissent les vivants et les morts. Mais aujourd’hui ils inventent et utilisent des machines pour capter la voix des Esprits et faire apparaître leur visage. Christine Bergé enquête en ethnologue sur des phénomènes troublants.

     

        Parle de l'antoinisme à la page 151 en évoquant Augustin Lesage.

     

    Recension :
        Deux beaux livres sur le spiritisme nous ont été livrés la même année. L'un et l'autre venus de Lyon, ce haut lieu du spiritisme au xix, et encore maintenant. Se recoupant bien sûr pour une part, ils ne se portent néanmoins pas ombrage. Ils se complètent d'autant mieux que leur style et leur manière de concevoir l'ethnologie sont différents. On ne reviendra pas ici sur l'ouvrage de M. Aubrée et F. Laplantine précédemment recensé (Cf., Arch., 80, no 3).
        C. B. se veut du côté d'une « ethnologie impliquée » qui recherche « le lieu d'où la réalité que l'on affronte dans l'étude ne serait pas livrée à l'extériorité d'une parole qui ne l'atteint pas » : « Non pas croire, peut-être, mais ouvrir l'espace d'un 'pourquoi pas ?'. Les derniers mots du livre, « Comprendre avec cœur, et par là vivre en d'autres aspects l'humaine condition » expriment bien ce qui apparaît sa visée profonde. Dans cette perspective elle sait nous communiquer la densité des expériences, la sienne et celle des adeptes du spiritisme. Elle sait tout particulièrement faire sentir comment le spiritisme (à la différence de la Société théosophique née, à la même époque, d'un désir de choses curieuses et exotiques) est consolation, réponse à la perte d'un être cher, à de la douleur. Cela n'est pas analysé de front mais revient ici ou là et, loin d'apparaître simplement comme une évidence, s'impose comme une perspective vraiment éclairante. Pour parler de cela et des autres choses, C.B. a un style très suggestif. De manière générale, son style retient. Alerte et sensible, léger et dense, il fait avant tout sentir. Cette façon de faire a ses forces et ses faiblesses. Sa force est notamment de renouveler l'intérêt pour certaines analyses de prime abord quelque peu éculées depuis la contestation anti-institutionnelle des années 70. Ainsi du refus de considérer la médiumnité comme une manifestation psychologique, un dédoublement de la personnalité, pour y voir une façon de prendre la tangente, socialement parlant ». Sa faiblesse est un certain manque de rigueur. Si l'émergence et le succès du spiritisme au xixe siècle sont précisément étudiés, il n'en va pas de même pour ses développements au XX siècle : en fait, son effacement (même relatif) qui n'est pratiquement pas analysé. L'approche se fait a-temporelle, privilégiant décidément la compréhension de l'expérience humaine sur la mise en perspective socio-historique.
        C.B. développe toute ses analyses sous le signe de la machine, «comme paradigme rigoureux ou comme fantôme farceur (il faut ici dire au lecteur que le spiritisme connaît des « esprits farceurs »). La figure de la machine lui sert à interroger et à comprendre la voix mécanique du médium à incorporation, le geste automate du médium écrivain, la naissance du spiritisme à l'époque du développement du machinisme industriel et de la transformation du travailleur en « automate moral et technique », la force d'attraction du modèle « machine » chez Kardec et chez les spirites du XIXe siècle, mais aussi chez leurs héritiers d'aujourd'hui. A ce propos, C.B. a également mené son enquête chez les adeptes de la « transcommunication avec les morts » usant de magnétophones ou d'écrans de télévision. En définitive le spiritisme lui apparaît relever moins d'une anthropologie religieuse que d'une anthropologie de la machine et d'une anthropologie de la communication.
        Les analyses ne sont pas forcément convaincantes mais elles sont toujours très suggestives.

                          Françoise Champion

    Archives de Sciences Sociales des Religions  Année 1993  84  pp. 256-257
    source : https://www.persee.fr/doc/assr_0335-5985_1993_num_84_1_1503_t1_0256_0000_3


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