• Comment nos sens nous trompent - les indices dans les langues

        La matière n'existe pas, puisque tous les peuples ne sont pas d'accord pour nommer les choses. Voici quelques exemples frappant pris dans les langues :

    - les chiffres :
        - le zéro n'existait pas pour les Romains, il est inventé par les Mésopotamiens au IIIe s. av. notre ère, défini par les Indiens au Ve s., emprunté par les Arabes au VIIIe s., et passent ensuite en Occident seulement au XIIe s.
        - le nivkh (langue de Sibérie) ont deux mots différents selon qu'on dénombre des hommes ou des animaux : 'men' ou 'mor' veut dire deux, mais l'un s'applique aux hommes et l'autre aux animaux
        - le système décimal n'est pas communs à tous : la base dix est très ancienne. Elle découle d'un choix naturel, dicté par le nombre des doigts des deux mains : 10+10=20 donc deux mains, etc. ; en français, on utilise même deux systèmes à la fois : décimal et vigésimal (sur 20) pour 80 (4x20) (influence des Celtes). Cela se disait huitante ou octante. En Suisse, il reste utilisé sporadiquement. Les Yoruba du Nigéria, entre autres, utilisent encore un système quinaire, à base 5. Le système des chiffres romains utilise une sous-base quinaire, (V, L, D) superposée sur une base décimale. Dans de nombreux langages européens, tels l'anglais, le français et l'allemand, l'usage de noms spéciaux pour 11 et 12 plutôt que leur nom représenté par le système décimal (douze, twelve, zwölf) peut faciliter le comptage en base 12. Il est beaucoup utilisé dans le commerce (douzaine, grosse, etc.). Certaines population (Moyen-Orient, principalement) connaissent ce système de longue date en comptant les phalangettes de la main en omettant celles du pouces (qui est utilisé pour compter les phalangettes des autres doigts). Ce qui donne bien le chiffre douze base de cette numération.
        - tous les peuples n'utilisent pas le même signe pour noter les chiffres : 1 s'écrit — en chinois et japonais (pour ne prendre que cette exemple).
        - Dans Assignment in Utopia de Eugene Lyons, un chapitre est intitulé « 2 + 2 = 5 » : slogan utilisé par le gouvernement de Staline pour annoncer que le plan quinquennal serait accompli sur une période de quatre ans, et qui fut pendant un moment utilisé largement à Moscou.


    - les couleurs :
        - bien qu'étant l'une des trois couleurs primaires, le bleu a deux équivalents en russe : синий (proche du bleu marine) ou голубой (proche du bleu ciel)
        - en irlandais, vert se traduit par 'glas' ou 'uaine'. En breton, 'glas' veut dire bleu.
        - en Chine, le blanc symbolise la mort. La mort étant le passage obligé vers un nouveau monde, elle est considérée comme une renaissance, dont le blanc évoque la pureté.
        - il existe des noms de couleurs particulier pour la robe des chevaux : la robe « isabelle » consiste en des poils jaunâtres, des crins noirs, une peau noire et des yeux foncés. Le bas des membres, le bout du nez et le bout des oreilles sont noirs. Elle est souvent associée à la présence d'une raie de mulet et de zébrures.
        - certaines personnes sont atteintes de daltonisme, la plus fréquente étant la confusion du vert et du rouge. Les autres formes de daltonisme sont nettement plus rares, comme la confusion du bleu et du jaune, la plus rare de toutes étant la déficience totale de la perception des couleurs (achromatopsie), où le sujet ne perçoit que des nuances de gris. La xanthopsie est un trouble de la vision qui donne une teinte jaune uniforme à tous les objets.
        - la synesthésie, du grec syn (union) et aesthesis (sensation), est un phénomène neurologique par lequel deux ou plusieurs sens sont associés. Par exemple, dans un type de synesthésie connu sous le nom de synesthésie "graphèmes-couleurs", les lettres de l'alphabet ou nombres peuvent être perçus colorés. Dans un autre type de synesthésie, appelée "synesthésie numérique" (number form synesthesia), les nombres sont automatiquement et systématiquement associés avec des positions dans l'espace. Dans un autre type de synesthésie, appelé synesthésie de personnification ordinale/linguistique, les nombres, jours de la semaine, mois de l'année évoquent des personnalités. Dans d'autres types de synesthésie, la musique et d'autres sons peuvent être perçus colorés, ou ayant une forme particulière.


    - les lettres :
        - les Chinois et les Japonais ne connaissent pas le l ou le r, ils prononcent l'un pour l'autre et l'autre pour l'un indifféremment.
        - le malgache et le turc s'écrivaient d'abord en lettre arabe, puis en lettre latine. De même, le moldave est retourné à l'alphabet latin, alors qu'il utilisait l'alphabet cyrillique pendant la période soviétique. De même le mongole, qui s'écrit dans son alphabet traditionnel, qui s'écrit de gauche à droite en colonne verticale, s'est écrit en arabe, puis en caractère cyrillique. Le chinois peut s'écrire en caractères latins appelé le pinyin.
        - un dictionnaire chinois ne peut suivre l'ordre alphabétique : L'ordre de classement dans un dictionnaire de sinogrammes utilise : un classement primaire selon les « clefs » qui entrent dans la composition des sinogrammes et sont en nombre suffisamment limité — il existe une centaine de clefs courantes — pour se voir fixer un ordre de classement arbitraire ; un classement secondaire par nombre de traits composant le sinogramme.
        - la lettre W est entrée officielle dans le dictionnaire suédois qu'en 2006 : peu utilisé en suédois et souvent dans des mots empruntés à des langues étrangères, il partageait jusque-là la section dévolue au V, dont la prononciation est identique. Par contre les ch et ll espagnols ne possèdent plus, depuis 1994, leur propre entrée dans le classement alphabétique. Les accents ne jouent pas de rôle dans le classement des mots en français (pour e par exemple l'ordre alphabétique est : e é è ê ë ; pour la ligature œ (ou e dans l'o) est à considérer en français comme un o suivi d'un e (deux caractères) pour le classement alphabétique) ou en allemand, mais c'est différent en suédois (l'alphabet se termine par V, X, Y, Z, Å, Ä et Ö), danois, norvégien (l'alphabet se termine par Z, Æ, Ø et Å). En hongrois, les lettres Ö et Ü sont classées respectivement après O et U. Les voyelles longues Á, É, Í, Ó, Ú, Ő, Ű sont traitées avec leurs contreparties brèves A, E, I, O, U, Ö, Ü. Le gallois classe ainsi les mots suivants : lawr, lwcus, llong, llom, llongyfarch. Ll et ng étant considéré comme des lettres uniques, comme ch, dd, ff, ph et th. En néerlandais, la combinaison « IJ » était précédemment soit considérée comme « Y », soit classée après celle-ci, mais est à l'heure actuelle le plus souvent classées entre « II » et « IK », sauf pour les noms propres. etc. etc. etc.
        - l'odrre des ltteers dnas un mot n'a pas d'ipmrotncae, ce qui cmptoe, c'est que la pmeirère et la drenèire soeint à la bnnoe pclae.


    - les mots et les choses :
        - il existe un jeu en Allemagne qui consiste à demander au gens d'inventer un mot qui n'existe pas dans la langue : il y a donc des choses qui n'ont pas de nom, par exemple en français, la "chose" qui permet de séparer ses commissions de celle du client suivant au supermarché. Mais il y a aussi des choses qui ont plusieurs noms : tuberculeux / phtisique, sardonique / sarcastique.
        - de nombreux proverbes semblent logiques en français et ne peuvent correspondre à rien pour un Japonais ou un russe par exemple.
        - quand il est une heure ici, il est deux heures ailleurs, et encore ça dépend de l'heure d'hiver qui n'est pas appliquée partout.


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