• Curieuse Cérémonie Mystique à Hellemmes (L'Egalité de Roubaix-Tourcoing, 28 septembre 1925)(bn-r.cd-script.fr)

    Curieuse Cérémonie Mystique à Hellemmes (L'Egalité de Roubaix-Tourcoing, 28 septembre 1925)(bn-r.cd-script.fr)

    Curieuse Cérémonie Mystique à Hellemmes

    ELLE SE DEROULERA A L’OCCASION DE L’INAUGU-
    RATION D’UN TEMPLE DU CULTE ANTOINISTE

        Un temple nouveau vient d'être achevé à Hellemmes. Très simple avec sa façade de briques rouges et blanches, il se dresse rue Jean-Bart, en plein quartier populaire, à deux pas de la Grand'Route de Lille à Tournai, à un quart d'heure de marche de notre capitale des Flandres.
        Devant cette bâtisse étrange, portant comme indication ces trois mots énigmatiques gravés dans la pierre blanche « 1925 – Culte Antoiniste », le profane s'arrête indécis... Que peut bien être cette église Nouvelle ? Quel culte y pratique-t-on ?
        Combien dans nos régions ignorent encore, en effet, qu'il est en Belgique, dans les environs de Liége et Verviers, en France, à Caudry... oui, à Caudry !... à Paris, à Lyon, à Tours, à Vichy, à Vervins, des milliers et des milliers d'adeptes au culte du Père Antoine, Antoine le Dieu Antoine le Guérisseur, à qui des foules de malades, de névroses, sont allés demander assistance, dans un faubourg de Liége, ou à l'instar de Raspoutine, le Dieu vivant faisait ses miracles voici quelque 12 ans ?
                      Un nouveau Jésus-Christ
        Antoine le Père était un simple ouvrier mineur, catholique pratiquant et modèle de piété. Il vivait dans une humble maison à Jemeppe-sur-Meuse, près de Liége. Il n'avait reçu qu'une instruction tout à fait élémentaire. Or, un beau jour, il se mit à prêcher, à enseigner les principes d'une haute philosophie. Vénérable aux longs cheveux, à barbe de patriarche, les foules crédules se portèrent vers lui. C'était en 1906. Une nouvelle religion venait de naître ! Antoine prêcha la Foi. Il guérit des malades... par suggestion. Son prestige augmenta... Aux yeux des disciples un nouveau Dieu était descendu sur terre. Mais, comme l'autre, il ne devait pas tarder à quitter notre monde de désolation.
        En 1912 il se « désincarnait », mais son enseignement resta, professé et perpétué par sa femme – car il était marié ! – La mère Antoine lui succéda à la tête du nouveau culte… C'est elle, âgée aujourd'hui de 75 ans, qui est « papesse » de la nouvelle religion – C'est elle qui représente sur terre le vénérable nouveau Dieu !
        C'est vers elle que se tournent les milliers de croyants. N'est-elle pas en communication constante avec son saint époux ?
                      Le Culte Antoiniste
       
    Quels sont exactement les principes du culte Antoiniste ? Qui pourrait le dire, à moins d'avoir reçu la grande Révélation ?
        Quant à moi, j'avoue n'avoir rien compris de ses formules obscures et compliquées. Antoine dit : « Aimez vos ennemis ! – Notre Religion est celle de l'Amour, du Désintéressement et de la Conscience ».
        Toutes les religions en disent autant...
        Lisez cependant ses principes, ses commandements et comprenez si vous pouvez ! « Si vous m'aimez, dit Antoine, par l'organe de sa femme, de la Mère Antoine, vous ne l'enseignerez à personne. Puisque vous savez que je ne réside qu'au sein de l'homme, vous ne pouvez témoigner qu'il existe une suprême bonté, alors que du prochain vous m'isolez ! »
        Le dogme Antoiniste comprend dix principes dans le genre de celui-ci. C'est avec ces principes qu'Antoine fit des milliers d'adeptes, c'est avec la révélation de ce dogme qu'il fit, paraît-il, des miracles !... et ceci en plein vingtième siècle...
        La guerre a passé... 15-20 années se sont écoulées... le culte Antoiniste a subsisté... Il construit de nouveaux temples... A Hellemmes, aux portes de Lille. Il a ses fervents, ses fanatiques... Les souvenir du Père Antoine est évoqué. Des têtes s'inclinent avec humilité… Pauvre Humanité !!!
                      L'« Opération générale »
        Hier, donc, les Antoinistes inauguraient à Hellemmes un nouveau temple.
        La grande solennité était prévue pour 10 heures. Dès le début de la matinée trois trains spéciaux avaient amené de Belgique des milliers d'adeptes, foule pittoresque et hétéroclite s'il en fut, composée de jeunes, de vieux, de campagnards, de citadins. Dans cette foule on remarquait les « fervents », les « fanatiques », qui avaient revêtu le costume de l'ordre : les hommes, le chapeau haut de forme à bords plats, la redingote boutonnée jusqu'au col du clergyman anglais ; les femmes, le bonnet noir à double feston orné du voile de même couleur, tombant sur un manteau noir plissé.
        Dix heures du matin. Quand nous arrivons la foule est massée dans la rue trop étroite devant le temple. Elle s'écrase silencieusement. Toutes les lèvres s'agitent. De toute évidence c'est le Père Antoine qu'on invoque dans les prières. Il n'y a que la Foi qui sauve… La Foi va-t-elle faire des miracles ?
        La grande solennité s'appelle chez les Antoinistes l'« opération générale ». C'est aujourd'hui, jour d'« opération générale » ! La Mère Antoine est là. Beaucoup d'adeptes, sinon tous, sont venus pour recevoir la grâce du Père. Seront-ils exaucés ? Attendons pour juger.
                      « Donnons notre pensée au Père ! »
        Les portes du temple s'ouvrent. La foule s'écrase et pénètre péniblement... résignée... Nous sommes trop loin de l'entrée… impossible d'avancer... Nous n'y perdrons rien... La foule est si dense en effet, que l'« opération générale » se déroulera en plein air. Le Père Antoine est si bon qu'il ne manquera pas, comme à nos semblables, de nous faire bénéficier de sa grâce sanctifiante...
        Le premier service étant terminé, la porte s'ouvre nouveau...
                                 LIRE LA SUITE EN DEUXIEME PAGE

    La cérémonie Antoiniste

                                 SUITE DE LA PREMIERE PAGE
       
    Les pasteurs, prêtres ou pères (comme on veut) sortent... L'un d'eux tient haut et ferme une pancarte en tôle repoussée portant ces mots « L'arbre de la Science de la Vue et du Mal »... (Que veut bien dire tout cela ?)
        Un silence de mort plane sur la foule. On entendrait une mouche voler !
        Un prêtre, pasteur ou père, s'avance et prononce ces mots :
        « Chers frères… La Mère Antoine vient consacrer son temple au nom du Père ! » Trois coups de sonnette retentissent, puis l'officiant ajoute :
        « Donnons notre pensée au Père et chacun de nous obtiendra satisfaction, selon se foi en lui ! »
        Toutes les têtes s'inclinent...
        Voici la Mère qui s'avance. C'est une vieille femme octogénaire, aux cheveux blancs, séparés en bandeaux par une large raie. Elle a le regard fixe et vitreux d'un être détaché des choses d'ici-bas. La voix de l'officiant retentit impérieuse :
        « Mes frères, le moment solennel approche. Pensons bien tous au Père !... »
        La Mère étend les mains, fait de larges gestes cabalistiques, bénit la foule.
        Comme les adeptes nous pensons au Père. Oui, mais, beaucoup !... Comme Sœur Anne, nous ne voyons rien venir !...
        Ceux qui ont la Foi seront-ils exaucés, c'est peu probables !... Voici, en effet, qu'on lit les 10 principes... Rien d'anormal ne s'est produit !...
        Principe ? Voulez-vous savoir ce qu'est un principe ? En voici un. Dites-moi si vous avez compris.
        « Ne croyez pas en celui qui vous parle de moi, dont l'intention serait de vous convertir, si vous respectez toute croyance et celui qui n'en a pas, vous savez, malgré votre ignorance, plus qu'il ne pourrait vous dire ».
        La cérémonie est terminée, de même que l'« opération générale ». Le temple est inauguré. Tout le monde est content, même le Père Antoine qui doit se réjouir là-haut de l'effet produit par sa profonde doctrine. Tout le monde se retire et va déguster en paix les provisions apportées dans les volumineux paniers.
        En nous retirant nous ne pouvons qu'évoquer cette pensée d'un philosophe du siècle dernier :
        « Respectons toute croyance, même le doute, aucun dogme n'est au-dessus de la tolérance et de la bonté ! »
        Nous ne pouvons cependant nous empêcher de nous dire aussi : Une telle comédie est-elle digne de notre siècle ? »
                                                    Marcel POLVENT.

    L'Egalité de Roubaix-Tourcoing, 28 septembre 1925 (source : bn-r.cd-script.fr)


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