• Déchristianisation en France

        Ainsi, ce que Michel Vovelle finit par appeler, avec et après beaucoup de précautions, "déchristianisation" (au sens de recul de la pratique religieuse et de détachement vis-à-vis des institutions ecclésiales) n'est qu'un aspect d'une plus vaste mutation que le "discours" des testaments a permis de mieux cerner. Le déclin des pompes funèbres marque celui de la société d'ordres. La sensibilité néoclassique s'écarte du macabre et revalorise le corps privé de vie. Déjà pointent à l'horizon l'âge des cimetières bien entretenus des XIXe et XXe siècles et les pèlerinages de la Toussaint aux tombeaux de famille. Le christianisme monolithique craque par plaques entières ; les attitudes s'individualisent ; les comportements religieux s'amenuisent. La piété, en outre, se féminise, tandis que reculent les dominantes patriarcales et masculines des structures sociales d'autrefois. Qui ne comprend, ayant lu Michel Vovelle, que la laïcisation des testaments et la démobilisation religieuse ont précédé, et non suivi, la Révolution française ? Quant à l'édit de 1776 qui ordonna d'inhumer désormais dans les cimetières, il ne fit que confirmer une évolution déjà nettement amorcée. De ce renversement d'une causalité qu'on croyait solidement établie découle une conclusion globale : la seconde déchristianisation bruyante et voyante qui éclata au grand jour avec les troubles révolutionnaires, puis avec l'industrialisation et l'urbanisation du XIXe siècle avait été annoncée par une première déchristianisation silencieuse sans laquelle la seconde n'aurait sans doute pas été possible.

        Revue d'histoire moderne et contemporaine (1954), p.55-56
        Jean DELUMEAU - Au sujet de la déchristianisation (gallica2)


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