• Jean Ancion - Les sectes (1993)

    AJean Ancion - Les sectes (1993)uteur :     Jean Ancion (préface de Xavier Godts)
    Titre :     Les sectes. Changer le monde ou changer de monde ?
    Edieur :    Imprimerie Appeldoorn, Pro. Manuscripto (coll. Série de recherche pastorale, 12), Hollogne-aux-Pierres, 1991+1997 ; 134 p.

        L'auteur, prêtre au diocèse de Liège, faisait partie de l'A.D.C.A.M. (Association de Défense Contre les Agressions Mentales) à Liège. Il a travaillé de longue date à la problématique des dérives sectaires.
        Il consacre une petite partie à l'antoinisme parmis plus de 30 autres sectes, les causes de leur prolifération, les déficiences des Eglises ?, Sectes et Politique, patchwork de sectes. Que dire ? Que faire ? Les mouvements de protection contre les sectes...


        Encore un point de vue chrétien, et même si, en on chrétien, il demande pardon pour "leur présentation de tel ou tel mouvement sectaire [qui] peut sembler caricaturale" (p.10), force nous est de constater qu'on ne sait sur quel pied danser.
        En effet, il serait vain de chercher une définition de ce qu'est une "secte" ou un "mouvement sectaire" pour l'auteur, tout en citant ce qui pourrait faire penser que ce que l'on reproche aux sectes, pourrait tout autant être "reprocher aux Eglises traditionnelles, hier et aujourd'hui" (p.25-26) :
    - les pressions et les conditionnements tratiqués par des directeurs spirituels dans l'Opue Dei, mouvement ultraconservateur - des couvents, des internats et des séminaires étaient, autrefois, de véritables serres chaudes coupées de l'extérieur - il n'y a pas si longtemps, des carmélites ne pouvaient visiter leurs parents malades, elles portaient le voile (non islamique) et une soeur surveillante accompagnait au parloir celle qui recevait une visite derrière la grille !
    - Certains ne veulent-ils pas nous présenter le pape comme un homme providentiel, comme un guide infaillible qui rassemble des foules énormes ? L'évêque d'Ecône, dans le Valais suisse, Marcel Lefèbvre, chef de file des intégristes, n'a-t-il pas créé un mouvement sectaire ? En tout cas, il a repris à son compte l'incroyabe théorie : « hors de l'Eglise pas de salut ». Il est tout à fait hostile à l'oecuménisme, à toute tentative de réunion des Eglise.
    - Des techniques de financements contestables ont été longtemps pratiquées dans l'Eglise catholique. Il suffit de se rappeler le scandale de la Banco Ambrosiano, de la loge P2, de monseigneur Paul Marcinkus, le financier du Vatican.
    - Certains groupes charismatiques semblent considérer que le monde contemporain est en proie aux forces du mal et les groupes Ampère et Lumen, ces financiers de Dieu, prennent le pouvoir dans les moyens de communication : radio, presse, éditions, BD pour les jeunes, catéchèse, télévision par satellite. Le succès des cassettes enregistres par l'ex-secrétaire de l'épiscopat canadien, le charismatique et dissident monseigneur Charles Matthieu est assez révélateur. Il prédit la fin du monde pour l'an 2000 !
    - Les messages que Fatima, Medjugorje en Yougoslavie, les révélations de Marguerite qui sont à l'origine du mouvement traditionaliste des « Petites âmes », et bien d'autres... propagent, ne ressemblent-ils pas étrangement aux discours de certaines sectes ? Des chrétiens conservateurs ne continuent-ils pas à pratiquer une lecture simpliste de la Bible ? L'Eglise catholique ne reste-t-elle pas, sous certains aspects, aussi conservatrice que certaines sectes : lien obligatoire entre célibat et prêtrise, refus de l'accès au Sacerdoce aux femmes, interdiction de la contraception, etc. ?
    - N'oublions pas que plusieurs sectes sont issues de l'Eglise catholique, par exemple, la secte des Trois Saints Coeurs des frères Melchior, le voyant de Boisfort. La secte des Trois Saints Coeurs est liée au complexe industriel de Wincrange.

        On n'aura donc droit qu'à une liste (dont on ne sais pas si elle est relative ou absolue) de ce que sont "les caractéristiques essentielles propres à tout groupe sectaire" (p.12) :
    - l'adepte d'une secte suit aveuglément un chef qui pense pour lui,
    - il se coupe des autres,
    - il annonce une fin des temps imminente, il fait partie du petit reste des sauvés,
    - il est déçu et impatient, il veut tout, tout de suite,
    - le sectaire fait une lecture simpliste de la Bible,
    - il est volontiers puritain, sa morale est stricte,
    - il cultive la sinistrose,
    - il se veut apolitique mais il fait souvent le jeu des dominants et des exploiteurs
    - le prosélytisme et la méthode des sectes pour propager leur message est camouflée.
        Et l'auteur ajoute « un glissement inquétant du "rationnel" vers "l'irrationnel" ». On ne trouve un bémol pour "des pratiquent financières peu orthodoxe" : "ce n'est pas tojours le cas, il ne faut pas trop vite généraliser". On peut donc penser que pour le reste, toutes ces caractériques de façon absolue se retrouvent chez les sectes.
        Mais comme déjà dit, on a là aussi ce qui peut caractériser l'Eglise catholique (l'auteur va même jusqu'à viter les passages de la Bible dont se servent les sectes pour prouver qu'elles ont raisons, en précisant qu'ils "lus littéralement, tirés de leur contexte et souvent mal interprétés", p.37, note 5) et ce qui ne caractérise pas l'Antoinisme ! Pourtant jamais dans ce livre l'Eglise sera cataloguer comme secte et l'Antoinisme l'est de façon catégorique... C'est l'hôpital qui se moque de la charité, comme on dit...
        L'auteur est même pris à son propre piège : il précise par exemple que la secte refuse toute dialogue en prétextant détenir LA vérité (p.32) et nous lisons p.37, note 10 : "Des amis spirites lisent parfois la Bible, mais en s'attardant uniquement à des détails interprétés d'une manière fantaisiste, en passant à côté de l'essentiel du message des Evangiles. Ils réduisent Jésus à un rôle de guérisseur, voire de médium, ce qui évidemment ne correspond pas du tout au vrai portrait de Jésus"; "vrai portrait de Jésus" détenu et donné uniquement par l'Eglise certainement.

        On se demande donc, mais on sera les seuls, ce que pourra faire dans cette liste des "principales sectes", l'Antoinisme (et d'autres, comme les Baha'is qui sont dit "très sympathique, [et qu'ils ont collaboré], en janvier 1991, à une célébration oecuménique organisée par des chrétiens pacifistes à l'occasion de la guerre du Golfe", p.59). De fait, on évoque l'Antoinisme, hormis dans le chapitre le concernant (cf. supra), qu'à la page 18 : "les sectes existent depuis toujours" (mais on ne sait toujours pas ce qu'est une secte) ; quant l'auteur se risque à un classement (p.41) dans les sectes guérisseuses, avec les Spiritismes, Mahikari, le Christ de Montfavet (Georges Roux). "Ces groupes pratiquent trop souvent l'autosuggestion et même parfois la supercherie". On notera qu'on ne trouvera pas ici la Science Chrétienne, les Charismatiques ou la Congrégation Chrétienne en Belgique et en France (originaire de la Congregação Cristã no Brasil), lavés de tout soupçon par l'Etat français car ne figurant pas, sans explication, dans le rapport sur les sectes.
        On l'évoque encore donc dans le chapitre sur la "la Science Chrétienne, [qui] est un peu l'Antoinisme des classes aisées", et par la note 22 p.53 : "Le Père Antoine de Jemeppe (Liège) prêchait la même doctrine [le mal n'existe pas] qui peut paraître assez bizarre aux yeux de certains".
        Les sectes les plus développées (plus de 2 pages) sont : les disciples de Georges, le Christ de Montfavet, l'Antoinisme, et le Spiritisme, alors que l'auteur précise qu'ils sont en perte de vitesse (p.57, p.39) ; l'auteur a-t-il voulu un si long traitement pour la postérité ?
        On peut voir cependant la méconnaissance de l'auteur à propos de l'Antoinisme : concernant les "tas de faux Christ avant Georges Roux" (p.60, note 26), l'auteur ne cite pas le neveu de Louis Antoine, le Père Dor qui édita un livre : Christ parle à nouveau.

        Peu d'erreurs concernant le long développement sur l'Antoinisme : relevont les mauvais et les bons points :
    - aciérie de Praga et non de Prava,
    - la question n'est pas de savoir s'il a "rencontré des groupes spirites" en Allemagne et en Pologne, mais s'il a rencontré des mystiques,
    - il fit construire 20 maisons ouvrières aux quatre-ruelles et non "au Bois-de-Mont";
    - "il crut que son fils s'était réincarné dans un pharmacien de Paris. Debouxhtay dit : "il est certain que [les Antoinistes] y ont cru jadis" (p.59), mais il ne précise rien à propos de Louis Antoine même,
    - "il fonda sa propre religion et il condamna les médiums et la science", condamner est un peu dure comme verbe : il réprouva spirituellement,
    - "il refusa désormais de recourir à l'intelligence, à la sience et aux médecins", encore une fois le verbe est un peu fort : il refusa, en ce qui concerne le côté spirituel de l'homme de recourir...
    - la liqueur ferrugineuse Koene "devait être ajoutée à de l'eau pure à laquelle il prétendait communiquer un fluide mystique. Elle devait enrichir le sang". En fait, il recommandait d'un côté la liqueur Koene et de l'autre donné de l'eau pure à laquelle il prétendait communiquer un fluide mystique, il ne demandait pas de les mélanger (l'auteur confont ici la théorie homéopathique), ainsi la liqueur seule (d'après sa posologie) devait enrichir le sang,
    - "il subit l'influence de la Théosophie par M.F. Delacroix, professeur d'Athénée, qui cherchait à éliminer les séances d'expérimentation : la partie scientifique du spiritisme". Il s'agit de Ferdinand Delcroix, et ne sachant pas à qui se rapporte le "qui" de la subordonné, je préciserai que c'est Louis Antoine qui chercha à "liminer les séances d'expérimentation sous l'influence de la Théosophie, dont faisait peut-être partie M. F. Delcroix, professeur d'Athénée,
    - "Antoine avait encuite organisé sa propre religion avec des prêtres (la mère Antoine fut « prêtresse »), des livres sacrés, des règlements du temple, des vêtements spéciaux, des fêtes (Toussaint, Noël, Lundi de Pentecôte, le 25 juin fête d'Antoine), des simulacres de sacrements, des pèlerinages". Il faut ici différencier ce que Louis Antoine avait organisé et ce qui fut fait après sa mort. Dans la terminologie sociologique (cf. A.G.Vicente), de "secte avec profète charismatique", l'antoinisme est devenu religion institutionnalisée avec "prêtres", "livres sacrés", règlements du temple", vêtements spéciaux (le pluriel vaut pour 1 vêtement spécial pour les adeptes de sexe masculin et 1 vêtement spécial pour les adeptes de sexe féminin), des fêtes, des calques de sacrements, des pèlerinages.
    - "l'Antoinisme fut repris par sa femme, Jeanne Catherine Collon, et ensuite par ses neveux, dont le Père Dor qui avait fondé l'écle morale à Roux". Le fait de donner le nom de jeune fille de Jeanne Catherine Collon peut faire penser qu'ils n'étaient pas mariés ou qu'ils étaient divorcés. On dit d'ailleurs avant qu'il épousa Jeanne Collon. On peut alors même se démander si c'est bien la même femme... Ensuite l'antoinisme ne fut pas repris par ses neveux. Il n'y a, à notre connaissance, qu'un neveu qui s'inspira de l'Antoinisme pour former le Dorisme, le Père Dor, mais celui-ci critiqua fortement l'Antoinisme, en disant que Louis Antoine, ne voulant pas faire de religion, s'était fourvoyé en en faisant une, quand, lui, le Père Dor, se défenfait aussi de faire une religion...
    - "L'enseignement du Père, c'est l'enseignement du Christ pour aujourd'hui", formulation qui fut rejetée du côté belge.
    - "mais contrairement aux autres spirites, pour Antoine la matière n'est pas pure illusion" contredit la phrase précédente qui est cité : "le monde naturel n'est qu'apparence". Pour Antoine la matière est pure illusion !
    - "L'inauguration du temple antoiniste eut lieu le 25 décembre 1900. La salle est décorée des portraits d'A. Kardec et du curé d'Ars". C'est la salle d'évocation spirite est est inaugurée le 25 décembre 1900. Le 15 août 1910, le temple antoiniste de Jemeppe est consacrée et le culte est sanctifié.
    - "les 5 phases de la Thérapeutique d'Antoine" sont réfutées par Pierre Debouxhtay qui donne 3 phases p.95-98 : 1er : magnétisme et prescription de médicaments ; 2e : prières, bonnes paroles, inscription du nom du malade dans un registre, passes, impositions de mains ; 3e : imposition des mains à la foule, du haut d'une tribune, au cours de l'opération générale.
        Les bons points sont :
    + "il est passionnant d'étudier aujourd'hui l'Antoinisme comme une religion populaire qui a surgi dans notre région et de montrer comment le milieu ouvrier exploité, non reconnu, marginalisé par la culture dominante bourgeoise et par les Eglises officielles, a voulu se réapproprier maladroitement la religion et l'Evangile. L'histoire de l'Antoinisme est aussi le témoignage des milieux populaires restés « religieux », et qui expriment leurs souffrances" (p.60),
    + "il fut très marqué par la mort de son fils, employé au Nord Belge, qui décéda à l'âge de 20 ans. Ce décès n'est pas la cause principale de son passage au spiritisme, mais il renforce sa « croyance »,
    + "sa renommée se répandit dans les milieux ouvriers qu'un socialisme, forcément devenu anticlérical à cause de a collusion entre l'Eglise et les patrons capitalistes, avait détaché de l'Eglise. Mais ces gens restés religieux cherchaient espérance et consolation."

        En résumé : à côté de raccourci étrange, sensationnaliste et généralisant :
    - "les sectes guérisseuses. L'Antoinisme, les Spiritismes, Mahikari, le Christ de Montfavet (Georges Roux). Ces groupes pratiquent trop souvent l'autosuggestion et même parfois la supercherie" (p.41)
    - "il semblerait que des memebres de la Scientologie ont été liés à l'extrême droite et même aux tueries du Brabant Wallon" (p.54),
    -"crise de la Théosophie en Allemagne qui conduisit à la création de deux dissidences [dont] celle de l'aryanisme germanique d'où allait sortir le Nazisme" (p.88) & rapprochement entre le Nouvel Age (p.102) et "les racines historiques de l'ésotéro-occultisme nazi" p.107, note 28),
    - "prétention du Nouvel Age de vouloir construire une synthèse avec tous ces différents groupes en apparence hétéroclites" (p.100),
    - "le Nouvel Age, venu des Etats-Unis, est, en apparence, peu organisé. Vu du dehors, il ne se présente pas comme un mouvement bien structuré. Cependant, il a comme but, de relier toutes celles et tous ceux qui veulent contribuer à cette vaste consipration" (p.97),
    - "cette vague, ce raz de marée envahit tous les secteurs de la vie sociale en Occident" (p.106, note 13),
    - "certains affirment que le Nouvel Age est lié à l'idéologie de l'extrême droite (Julia Nyssens), mais il faudrait le prouver. Mais qui tient les ficelles ? Mystère !" (p.105, note 7),
    - "le dialogue avec les sectaires de tous bords est, la plupart du temps, tout à fait improbable et même souvent impossible" (p.109),
        et un parti-pris indéniable :
    - il regrette que les enquêtes d'organisme sérieux ne citent "concrètement aucune secte" (p.111),
    - "les chrétiens sont minoritaires dans une société pluraliste" (p.110),
    - "ceux et celles qui sont tentés par les sectes doivent se demander s'ils ne peuvent pas trouver une bonne réponse à leus questions dans les Eglises chrétiennes" (p.110),
    - "celui qui a une sensibilité Nouvel Age peut faire partie d'une Eglise, d'une religion, mais dans ce cas ce sera pour en extraire le noyau ésotérique. Comprenne qui pourra ! La double appartenance est évidemment impossible pour un vrai chrétien, car le Nouvel Age se présente comme la nouvelle religion supra mondiale " (p.100),
        on a quand même ici la posibilité de lire un opuscule bien fait et centré sur la Belgique.


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