• Jean Jaurès - La religion éternelle

        Si la critique du christianisme est d'aord philosophique, cette même philosophie, comme mise à découvert de l'infini et refus de son monopole dans la figure du Christ, reconduit à une affirmation de Dieu et même à une définition de la religiosité : "L'essence même de la vie religieuse consiste à sortir de son moi égoïste et chétif, pour aller vers la réalité idéale et divine." [Jean Jaurès, De la réalité du monde sensible, p.276-77] [...]
        Il suffit pour cela que, conformément à ce qu'enseigne la vraie philosophie, l'humanité prenne conscience de sa "grandeur religieuse", c'est-à-dire accepte de reconnaître "l'infini qu'elle porte en elle" [Ibid., p.38]. Dès lors que la question religieuse est posée en ces termes, il faut bien convenir que toutes les questions abordées par Jaurès, qu'elles soient politiques, morales, métaphysiques, pédagogiques même, sont toutes étroitement liées, puisqu'il s'agit toujours de construire l'espérance sur l'affirmation que "l'âme humaine, malgré ses obscurités et ses défaillances, à une vocation naturelle pour l'infini" [Ibid.], de fonder l'action sur la reconnaissance par l'humanité, non comme abstraction emphatique mais comme ensemble de toutes les hommes sans exclusion aucune, de sa valeur propre, en la conduisant à relever "l'infini en soi", à développer "ce qu'il y a de divin en elle" [Ibid.]. [...]
        La religion vraie est la religion de tout homme, fondée dans notre nature métaphysique, morale, esthétique, elle n'est rien d'autre que la religion naturelle. Il n'y a pas à retrouver l'infini par une purification qui nous détournerait de notre vie d'homme et de nos tâches quotidiennes au sein de la communauté historique. Pas besoin non plus d'une quelconque grâce ou révélation. C'est dans la conscience de toute homme que sont gravés en toutes lettres les articles de cette religion qui ne suppose aucune servitude ou obscurité ou mutilation de notre nature. [...]
        Cet enseignement essentiel n'est pas propre à Jaurès. Il est partagé par les grands artisans de l'école républicaine et laïque, souvent issus, comme Ferdinant Buisson ou Félix Pacaut, du protestantisme libéral.

    Vincent Peillon, Jean Jaurès et la religion du socialisme,
    La religion éternelle, pp.218, 220, 223, 224
    Grasset, Le Collège de Philosophie, Paris, 2000


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