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L'antoinisme à Liège (L'Indépendance Belge, 7 août 1923)(Belgicapress)
(De notre correspondant particulier.)
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L'antoinisme à Liége
Qu'on ne croie pas que Liége est une ville où il ne se passe rien. Même par ces belles journées d'août, où on se contenterait de regarder les mouches voler dans l'air bleu, il y a matière à constater et à réfléchir.
La semaine, passée, inauguration d'un nouveau temple antoiniste. Les Bruxellois savent-ils même au juste ce que c'est que d'antoinisme ? Il y eut naguère, dans la région sérésienne, un brave homme nommé Antoine, dont le déisme très pur, la morale très simple et très élevée faisaient une manière de saint laïc – ou plutôt, à demi-laïc, car le bon Antoine, que ses fidèles appelaient le Père, fonda une religion où l'on enseigne les principes essentiels du christianisme ; le Père Antoine y apparaît comme un prophète spécialement inspiré.
Ce qui a fait le succès de l'antoinisme, c'est qu'il s'est présenté comme une religion thaumaturgique, dont tous les miracles sont, du reste, exclusivement, des guérisons. Après la prière, le Père Antoine priait Dieu de soulager les patients rassemblés ; il leur imposait les mains et les améliorations étaient nombreuses. Depuis la mort du Père, sa veuve, Mère Antoine, associée depuis longtemps à son apostolat, a repris entièrement le pontificat et la direction du nouveau culte.
Celui-ci a eu un succès énorme dans toute la banlieue ouvrière de Liége ; Seraing, Ougrée, Jemeppe fourmillent d'antoinistes. II y a du reste des petites églises dans toute la Meuse et, le dimanche, on voit circuler des prêtres et des diaconesses antoinistes qui vont répandre la bonne parole dans ces petites communautés. Les prêtres ont à peu près le costume des prêtres catholiques en Allemagne, avec un chapeau haut de forme tronqué à mi-hauteur, lequel a dû être inventé par un antoiniste peu exigeant en matière d'esthétique vestimentaire. Les religieuses portent un voile noir sur une coiffe tuyautée qui ne cache pas entièrement les cheveux.
Chose remarquable, l'antoinisme transporté en dehors de la région liégeoise ; il a des temples à Paris ; j'ignore s'il y en a à Bruxelles. Son installation à Vottem semble indiquer qu'il entend conquérir la terre hesbignonne. En effet, Vottem est situé tout au nord-ouest de Liége, sur la marge du grand plateau qui porte de si riches récoltes de betteraves et de céréales. C'est la banlieue campagnarde et rurale, aussi différente de l'industrielle Seraing que si cent lieues les séparaient. Et, jusqu'à présent, autant la région ouvrière avait été voltairienne, autant l'autre était restée fervente catholique. L'influence du Limbourg tout proche n'était pas sans s'y faire sentir et Mgr Rutten comptait là ses plus pieuses ouailles. Où va le monde, si la Hesbaye connaît l'inquiétude religieuse et nourrit des aspirations que le catholicisme ne satisfait plus ?
Au surplus, de deux malades qui ont la foi, c'est évidemment celui qu'on conduira à la Mère Antoine qui aura le plus de chances d'en réchapper : le voyage de Vottem est moins long et moins dangereux que celui de Lourdes et si un jour les antoinistes se paient le luxe d'une piscine, qu'on se rassure, ils en feront désinfecter l'eau : la propagande des cours de Croix-rouge a popularisé chez nous la peur des microbes et ceux même qui font profession de toucher les écrouelles prennent sagement leurs précautions.L'Indépendance Belge, 7 août 1923 (source : Belgicapress)
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