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LA DETERMINATION DE L’ÂME (par Démocratie extraterrestre)(2019)
LA DETERMINATION DE L’ÂME
Démocratie Extraterrestre Témoignages 16 avril 2019
Funérailles du Père Antoine le 30 juin 1912, en présence de plus de 15 000 personnes (Excelsior, 2 juillet 1912)
Certains lieux de prière s’abîment dans les flammes, d’autres disparaissent sous le sable et les flots et d’autres perdurent avant de s’éteindre en silence. Je poussais la porte d’entrée du 42 rue Goya. Le temple était ouvert. Les brochures à l’entrée exposaient l’Enseignement Révélé par le Père Antoine : « Le culte Antoiniste est une œuvre morale basée sur la Foi et le désintéressement » où l’on peut venir « demander assistance, en dehors de toute idée de religion puisque les maladies, les peines n’ont pas de religion ». Le sous-titre du premier numéro de L’Unitif, une reproduction du journal Antoiniste publié pour la première fois en 1911, indiquait : « Nous sommes invités à nous améliorer ». La maxime synthétisait une époque optimiste qui rappelait ce mélange de gravité, de réserve et de volonté des méthodistes anglais dont l’action morale avait abouti à la même époque, à un travail social d’une admirable efficacité.
J’entrais dans la salle de prière. Une sœur costumée apparut brièvement pour m’accueillir en silence avant de regagner la petite pièce dénommée cabinet n°1. Je suivis la desservante du temple dans le cabinet où sont reçues tous les jours les personnes qui cherchent un accompagnement ou une prière de guérison. Une grande paix et un tourbillonnement tranquille emplissait le cabinet de cette Sœur habillée en noir. Je ressentais ces tourbillons physiquement avant même de savoir que les Antoinistes travaillaient avec des fluides. L’endroit n’était pas neutre. La Sœur non plus. Je lui posais des questions, tout en sachant que les réponses émanaient d’un champ d’expérience difficilement transmissible : la prière, la foi, la guérison sans imposition de mains.
— Ce qui compte c’est le chemin que nous parcourons individuellement tous les jours, ce petit miracle au quotidien, leur expliqua la desservante du temple. Claire, c’est mon petit nom, leur précisa-t-elle.
Je lui demandais comment il était possible d’accueillir des gens gratuitement tous les jours de 10 heures à 18 heures, avec les contraintes de la vie actuelle.
— C’est un choix, répondit-elle. Le père Antoine avait prévu que les desservants du temple aient leur logement juxtaposé à celui-ci afin de pouvoir accueillir toutes les personnes à toute heure du jour et de la nuit.
Je pensais à la charité du dix-neuvième siècle, à « ce Christ dépouillé de sa toute-puissance pour se faire homme » et à l’enseignement spirite pour qui « la première condition pour se concilier la bienveillance des bons Esprits, c’est l’humilité, le dévouement, l’abnégation et le désintéressement moral et matériel le plus absolu ». La pratique des Antoinistes s’inscrivait dans la lignée de cette prière qui opère des miracles dans le dénuement. Celui qui œuvre avec un cœur désintéressé, reçoit plus qu’il ne donne. Allan Kardec, revient continuellement sur le pouvoir de l’Amour, de la gratuité et du désintéressement sans lesquels toute recherche et action sont vaines ; il mettait en garde les médiums qui en monétisant leur lien avec l’au-delà, se font berner par des esprits moqueurs. Pour le 19e siècle le travail non rémunéré garantissait une authenticité. Les praticiens du New Age ont affirmé le contraire : ceux qui ne sont pas rémunérés prennent en charge le karma du consultant.
Je pensais à Liliane, une rebouteuse formidable qui avait guéri en quelques instants mon petit chien qui souffrait depuis sa naissance d’une affection de la peau ; elle l’avait assis sur une chaise en face de son lit, aspergé d’eau et de paroles bénites en lui disant avec conviction : « Grand cœur, tu es guéri. » Et il avait guéri.
Liliane reçoit toute la journée sans interruption et accepte la volonté quand il y en a. Mais l’abnégation peut épuiser. L’abnégation, aussi admirable soit-elle pose inévitablement la question de la subsistance et de la survie. Ainsi « Le Père reçut des malades pendant vingt-deux ans. Quand il commença ce travail, il avait des économies qui lui permettaient de vivre sans travailler : quand il mourut, il ne possédait plus rien ». Je craignais que ces guérisseurs discrets, témoins de valeurs immatérielles, ne s’éteignent dans le dénuement.
Claire m’expliqua que dans un premier temps, le Père avait été catholique, puis spirite, avant qu’il ne trouve la Source :
— Le Père a trouvé la Source par la prière, m’expliqua-t-elle.
J’aurai voulu lui demander quel type de prière avait conduit le Père à trouver la source, car si la religion catholique transmet un texte révélé au sein de la cité et le mouvement spirite transmet la vie et la morale des esprits aux vivants, ni l’un ni l’autre ne garantissent de rentrer en contact avec la Source. Leur objectif est autre. Je m’interrogeais. Comment transmet-on cette connaissance de la Source ? Par la prière ? Laquelle ? Par un culte moral ? Par des lectures ? Par le silence ? Par la guérison de l’autre ? Par l’attention et le secours porté à autrui ? Ce jour-là le mystère resta entier. La clé de l’énigme résidait dans notre compréhension de la foi et de l’Amour que le Père Louis Antoine décrivait ainsi : « Un seul remède pour guérir l’humanité : La Foi ; c’est de la foi que naît l’amour ; l’amour qui nous montre dans nos ennemis Dieu Lui-même ; ne pas aimer ses ennemis, c’est ne pas aimer Dieu ; car c’est l’amour que nous avons pour nos ennemis qui nous rend dignes de le servir, c’est le seul amour qui nous fait vraiment aimer, parce qu’il est pur de vérité. »
L’avenir de ces assemblées libres qui poursuivent l’expérience mystique d’un thaumaturge au parcours aussi singulier que le Père n’est pas aisé. Les soixante-quatre temples Antoinistes survivent encore plus de cent ans après leur création mais pour combien de temps ? Elles voudraient que les Antoinistes puissent transmettre leur connaissance plus aisément, sans renoncer à leur frugalité, de manière plus audible. Mais peut-être tous les modèles n’ont-ils qu’un temps jusqu’au jour où le même contenu se transmet autrement.
En attendant, je tentais de comprendre l’origine et le maniement des fluides qui emplissaient le cabinet de consultation. Pourquoi ne remplissaient-ils pas de la même manière tous les lieux de prière ? Je m’interdisais de poser cette question à Claire. Comme me l’avait expliqué Frère Guillaume qui avait servi pendant des années dans le Temple de Jemeppe : « L’antoinisme ayant été fortement décrié durant les dernières années avec le phénomène des sectes, beaucoup hésitent à témoigner. Ensuite, comme pour le spiritisme, c’est quelque chose d’intérieur qui ne se prête pas facilement aux discours. »
Je demandais à Claire si elle pouvait faire avec moi une prière et une lecture. La desservante joignit les mains et pria. Les desservants n’ont pas le droit de prédire l’avenir, et elle ne le fit pas, mais elle partagea à demi-mot ce qu’elle avait perçu. Elle ouvrit la porte de son cabinet, et passa dans le temple pour faire la lecture. J’aurais souhaité lui parler beaucoup plus longuement, mais une vieille dame attendait son tour sur un banc du temple. Je lui promis de revenir.
Je revins le 1er novembre.
Un Antoiniste m’ouvrit la porte du Temple. Sur les murs peints en vert-pré, la couleur déterminée par le Père Antoine comme symbole de l’espérance, de la guérison et de la vitalité du printemps, une horloge Ikea marquait l’heure, 9h 45. La porte du cabinet était fermée. Deux officiants d’un âge relativement avancé et vêtus avec la robe révélée noire, priaient ou méditaient. À 10 h l’officiant fit sonner une petite cloche. Claire monta les escaliers de la grande tribune et se recueillit. L’officiant sur la gauche, d’une soixantaine d’années, annonça le début de l’Opération avec le texte propre aux temples français : « Mes Frères, Le Père fait l’Opération, suivie d’une lecture dans l’Enseignement. Celui qui a foi au Père, trouvera satisfaction. »
Pour les Antoinistes belges, la satisfaction de chacun ne dépend pas de son degré de foi au Père. En Belgique, les temples n’ont ni le portrait de Louis Antoine (1846-1912) ni celui de sa femme Catherine Antoine (1850-1940), héritière à la mort de Louis Antoine du charisme de guérison. La neutralité est de rigueur et la seule référence aux fondateurs est le texte de l’Auréole de la Conscience, écrit sur le mur derrière la tribune. Le texte d’ouverture qui annonce l’Opération cherche la neutralité pour éviter l’adoration : « Mes Frères, Le Père fait l’Opération. Respectons ce moment solennel. Ranimons notre Foi. » En France comme en Belgique l’Opération dure cinq minutes. La brochure Que savez-vous du Culte Antoiniste l’explique ainsi :
« C’est le moment solennel et privilégié au cours duquel chacun, selon sa Foi, peut puiser dans l’Amour Divin la force nécessaire pour mener à bien l’accomplissement de ses tâches tant matérielles que morales. Nous recevons, dans cet instant, le secours spirituel qui nous permet de surmonter et d’assumer nos épreuves. Quand nous assistons à l’Opération, nous sommes en communion avec tous les êtres qui nous sont proches – les vivants et ceux à nos yeux disparus – de même qu’avec tous nos frères humains existants de par le monde, quelles que soient leur race et leur religion particulière. »
Une fois l’Opération terminée, j’écoutais la lecture pendant que Claire assurait le maintien des bons fluides. Je me laissais absorber par l’intensité des fluides, ces tourbillons à la fois vivifiants et apaisants, comme lorsque des plantes aromatiques embaument un espace. Sur ces fluides l’enseignement du Père Antoine dit :
« Il en existe autant que de pensées ; nous avons la faculté de les manier et d’en établir des lois, par la pensée, suivant notre désir d’agir. (…) La vie est éternelle, elle est partout. Les fluides existent aussi à l’infini et de toute éternité. Nous baignons dans la vie et dans les fluides comme le poisson dans l’eau. Les fluides s’enchaînent et sont de plus en plus éthérés ; ils se distinguent par l’amour ; partout où celui-ci existe, il y a de la vie, car sans la vie, l’amour n’a pas de raison d’être. Pour raisonner ces fluides, il faut les manier, s’en servir, car plus sont-ils éthérés, plus renferment-ils de l’amour. »
Les fluides sont de la « matière à l’état invisible » et la capacité à extérioriser ce fluide magnétique relève d’un certain type de médiumnité. Allan Kardec a décrit soixante-douze types de médiumnité dont celle capable d’extérioriser ce fluide : « Le médium à effets physiques est une personne dont l’organisme permet, sous certaines conditions, l’extériorisation du fluide vital d’une manière visible ou invisible. Ce fluide est essentiellement magnétique. »
Lors de ma première visite Claire m’avais expliqué :
— Nous avons tous une sensibilité différente. Moi, personnellement je n’ai pas ces capacités, mais j’ai connu des médiums et des guérisseurs formidables qui les avaient.
En ce jour de Toussaint, le texte lu commençait ainsi : « Nous devons comprendre qu’il existe deux mondes, l’un corporel et l’autre spirituel, le monde des incarnés et je n’ajouterai pas celui des désincarnés, mais plutôt celui des non incarnés. Beaucoup pourraient s’imaginer qu’ils sont distincts, elle n’en est rien. »
L’antoinisme me rappelais la théodicée des Nouveaux Mouvements Religieux où la qualité d’un destin dépend du niveau de conscience acquis lors d’une somme d’expériences individuelles passées et présentes. Le Dieu de cette théodicée immanente et individualisée, allume et veille sur la flamme de chacun. Quelle était la différence entre les guérisons pratiquées par Antoine le guérisseur de 1900 à 1918 et celles pratiquées au 21e siècle par les Antoinistes dans leurs cabinets ? Qu’est-ce qui a le plus varié dans la nature des demandes ? Les maux sont-ils moins physiques et plus sociaux ? Quel est l’effet concret de la prière sur la guérison et sur la capacité à devenir guérisseur ? Comment agit-elle sur un talent inné qu’elle révèle et renforce mais qu’elle ne donne pas ? Quelles vertus permettent un bon maniement des fluides ? Quel est le rapport des desservants aux fluides ? Quel type de transmission pourrait-on imaginer ?
Trois derniers coups de cloches marquèrent la fin de la lecture. Les deux officiants se retirèrent. La desservante ouvrit la porte de son cabinet pour accueillir une habituée.
Je revins une dernière fois pour la fête de Mère, le 3 novembre.
Le temple était plein et les officiants en robe révélée noire étaient plus nombreux. Une sœur sur le seuil de la salle de prière lui demanda si elle voulait consulter :
— Vous serez la deuxième, dit-elle en me tendant une fiche de couleur verte avec le numéro deux.
Ce jour-là, la lecture était celle du texte écrit par le Père Antoine deux jours avant son décès. Le Père Antoine avait tout anticipé. Il avait informé ses disciples qu’il n’avait pas fait de testament et qu’il laissait tout à Mère : « Après elle, il y aura de grands guérisseurs. » À la fin de l’office, Claire ouvrit sa porte. J’attendais. Ce jour-là, une petite trentaine d’Antoinistes de cœur attendaient leur tour. Je les regardais attentivement en pensant à cette quête d’une guérison fondée sur la conscience spirituelle. Le désir de guérison spirituelle est consubstantiel à l’humanité et à ce que les chrétiens ont appelé l’Esprit Saint. L’Esprit Saint est le gardien de la santé éthérique. Les saints ont eu pour charge la santé psychique et physique. À toutes les époques et partout, la pratique de la foi a été naturellement et millénairement thaumaturge. Elle nous traverse comme le vent. Nos âmes sont poreuses et savent courir derrière un élan inexpliqué sans savoir vers où elles vont ni ce qu’elles trouveront. J’aimais beaucoup l’hommage à Mère rapporté dans l’Unitif de janvier 1914. Il illustrait cette détermination indiscernable de l’âme lorsque la conscience recherche un nouvel équilibre entre la vie matérielle et la pratique spirituelle :
« Je dois vous avouer, chère Mère, que lorsque j’étais croyante, j’étais la plus malheureuse des créatures. Je demandais à Dieu pourquoi je souffrais ainsi et le priais de mettre un terme à mes tourments. Dieu a enfin eu pitié de moi. Elle a mis sur mon chemin une dame qui m’a parlé de notre bon Père. Elle devait me conduire à Jemeppe mais elle en a été empêchée. Moi on n’aurait pu me retenir avec des chaînes parce que je sentais que c’était à Jemeppe que je trouverai le salut. En effet, en approchant du Père, je fus subitement guérie de grands maux de tête que j’endurais depuis 25 ans car ma vie était un vrai martyr, je travaillais nuit et jour même le dimanche (…) Je ne suis qu’une pauvre ouvrière mais c’est de grand cœur que je sacrifie la moitié de ma journée, je reçois mes chers malades le matin et je travaille l’après-midi, je n’ai qu’un désir, c’est de m’acquitter envers vous, chers Père et Mère, de tout ce que vous avez fait pour moi. »
La santé, c’est cet équilibre entre notre corps éthérique et notre corps physique. Apparemment si simple à obtenir mais socialement si compliqué.
Source : Démocratie extraterrestre
Renouveler la vision philosophique et politiqueLien : https://democratieextraterrestre.com/2019/04/16/la-determination-de-lame/
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