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la personnification civile du culte israélite en Belgique
Le 7 mars 1863, Jean-Baptiste Tesch, alors ministre de la justice, déclare à la Chambre :
La personnification civile, l'étendue des droits qui en résultent ne sont jamais la conséquence de la proclamation d'un principe, de la proclamation d'une liberté. Ainsi je prétends que le culte israélite n'a pas la personnification civile en Belgique et qu'il est complètement impossible de fonder en faveur de ce culte.
L'auteur de cet étrange et inadmissible ukase était né en 1812, à Messancy. Issu d'une famille de juristes luxembourgeois, il rédigea nombre d'articles dans son journal l'Echo du Luxembourg. Député depuis 1848, il est d'opinion libérale, mais si doctrinaire que les jeunes de son parti le considèrent, selon l'expression de l'un d'eux, tel un "dinosaure".
Victor Tesch est aussi un habile financier qui regarde d'un mauvais oeil la concurrence que lui font les Juifs dans ce domaine, où lui-même excellait au point qu'après avoir quitté la politique en 1865, il deviendra gouverneur de la Société Générale. Mais en 1863, quand il tient ses prpos au sujet de l'impossibilité pour les Juifs de disposer de la personnification civile, Victor Tesch pousse l'illogisme jusqu'à prétendre que, malgré la dotation officielle que lui octroie l'Etat belge, le consistoire, que lui, Victor Tesch, considérait comme une simple association privée, n'avait pas le droit d'acquérir ni de posséder un immeube destiné au culte israélite.
Les opinions de Tesch provoquèrent cette riposte du député catholique Alphonse Nothomb : "Décréter qu'il y aura des synagogues, ordonner qu'il y aura des consistoires, c'est dire clairement qu'il y a là un corps moral et qu'il doit être investi de tous les caracères de la personne civile." Ainsi naquit une interminable et filandreuse controverse entre juristes et parlementaires.
En 1869, le conseil communal de Bruxelles, qui en a assez, écrit au gouverneur du Brabant qu'il est inadmissible de mettre les Juifs dans l'impossibilité de posséder des synagogues, puisqu'on leur refuse le droit de posséder des immeubles. Là-dessus entre en scène un libéral dont le sectarisme anticlérical est proportionnel à la vanité. Ce Jules Bara, nouveau ministre de la justice va se révéler aussi borné que son prédécesseur, Victor Tesch.
Le 14 septembre 1869, le gouverneur du Brabant reçoit de Jules Bara cette letrre valant son pesant de solennelle ânerie, bien dans la manière de son auteur :
Le droit accordé aux Israélites de se réunir pour exercer leur culte n'entraîne pas celui de posséder un lieu affecté à l'exercice de ce culte. Cette proposition est si vraie que tous les autres cultes peuvent être professés en Belgique et néanmoins il n'y a que ceux qui sont spécialement autorisés qui peuvent avoir des dotations. Je crois qu'il n'est pas permis de fonder au profit du culte israélite, car l'empereur Napoléon n'a pas voulu donner à ce culte les mêmes privilèges qu'aux cultes catholique et protestant.
Lorsqu'on relit trois fois cette lettre, on est sidéré. On se demande par exemple pourquoi Napoléon sert de référence juridique à un ministre de Léopold II ! Mais Jules Bara, sa carrière en témoigne à suffisance, n'en était jamais à un pataquès près.
Il faudra aux Juifs attendre jusqu'au 4 mars 1870 pour qu'enfin le Parlement vote une loi supprimant les brimades dont souffraient les cultes minoritaires en Belgique. Le 13 février 1871, parut enfin l'arrêté royal promulguant la loi qui accorde au consistoire la capacité civile.
Jo Gérard, Ces Juifs qui firent la Belgique, p.66-67
Editions J. M. Collet, Braine-l'Alleud, 1990
L'état belge reconnaissait, à sa création en 1831, d'emblée le catholicisme et le protestantisme comme religion officielle. Puis vint difficilement, on vient de le lire, le culte israélite en 1870. En profite également l'Eglise Anglicane
En 1974, vint la reconnaissance de l'islam et en 1985 de l'église orthodoxe et la laïcité organisée (A.S.B.L. «Conseil Central des Communautés Philosophiques non Confessionnelles de Belgique»).
L'Église syriaque orthodoxe d'Antioche fait une demande de reconnaissance en 2005, le Bouddhisme en 2006.
Les cultes non reconnus peuvent prendre la forme d’une ASBL, ce qui leur permet notamment de pouvoir bénéficier de dons et legs. On raconte que ce statut de fondation d'Utilité Publique fut créé spécialement pour le Culte Antoiniste à la demande des députés Charles Magnette et Eugène Goblet d'Alviella en 1922. Le statut d'ASBL (Association sans but lucratif) date de 1922 également. Une fondation d’utilité publique est reconnue comme telle "lorsqu’elle tend à la réalisation d’une œuvre à caractère philanthropique, philosophique, religieux, scientifique, artistique, pédagogique ou culturel" (texte de la loi modifié le 2 mai 2002).
Pour qu’un culte puisse obtenir une reconnaissance de l’État belge, il doit répondre à un certain nombre de critères qui sont les suivants :
* regrouper un grand nombre de fidèles (plusieurs dizaines de milliers) ;
* être structuré de façon à avoir un organe représentatif pouvant représenter le culte concerné dans ses rapports avec l’autorité civile ;
* être établi dans le pays depuis une période importante (plusieurs décennies) ;
* avoir une utilité sociale.
Le tribunal de Liège donne le 21 novembre 1949 que l'Antoinisme n'est pas un culte mais une oeuvre philanthropique. On peut suivre ici ce que déclare Anne Morelli, historienne belge, spécialisée dans l'histoire des religions et des minorités, plagiant Régis Debray qui déclarait qu'une langue est un dialecte et le pouvoir : elle se pose la question de savoir si on peut définir la religion comme étant une secte et le pouvoir, et l'hérésie ou la secte comme étant une religion sans le pourvoir. (Alain Dierkens et Anne Morelli, « Sectes » et « Hérésies », de l’Antiquité à nos jours, Editions de l’Université de Bruxelles, 2002 [http://digistore.bib.ulb.ac.be/2007/i9782800413013_000_o.pdf])
Tags : religion, matière
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