• Le Père Dor en correctionnelle (La Région de Charleroi, 30 novembre 1916)(Belgicapress)

    Le Père Dor en correctionnelle (La Région de Charleroi, 30 novembre 1916)(Belgicapress)

    LE PÈRE DOR
    EN CORRECTIONNELLE

    LES ALÉAS DE LA DIVINITÉ

    Audience du 29 novembre (matin)

        Une foule énorme se pressait, dès 6 heures du matin, devant les portes, encore closes, du Palais de Justice. Avec une patience toute doriste, les nombreux adeptes se sont empaquetés comme de véritables sardines dans l'auditoire de la 5° chambre, où la chaleur était vraiment insupportable.
        Deux femmes s'y sont trouvées mal et ont eu une syncope.
        Aussitôt emportées et soignées, elles ont ensuite repris leurs sens et... leur place dans cette atmosphère surchauffée.
        L'entrée du prévenu ne suscite aucune curiosité outrée.
        L'audience est ouverte à 9h. 30. M. le Président donne la parole à Me Lucien Lebeau.
        L'honorable avocat déclare qu'avant de continuer son argumentation il verse au dossier deux lettres dont l'une concerne les dommages et intérêts qu'aurait pu toucher éventuellement le Père Dor lors de son procès contre « Le Rappel ».
        Il voulut les verser au profit de l'Ecole des Estropiés.
        Les gens qui consultaient le Père Dor avaient une confiance dans ce dernier et ils exagéraient parfois leur confiance : c'est ce que le prévenu leur reprochait parfois.
        La foi ne connaît pas des limites strictes. Si l'intention est bonne, le procédé est licite.
        Me Lebeau en arrive à la vente des brochures et des livres.
        Cette vente était faite par les adeptes et de leur plein gré.
        Qu'a-t-il retiré de cette vente ? A-t-on le droit de discuter les bénéfices du Père Dor ?
        On n'a pas le droit de vérifier ces bénéfices, car puisqu'il est établi qu'il y a exercice de culte, le pouvoir judiciaire n'a pas le droit d'intervenir et de vérifier les comptes ; c'est contraire à l'esprit de l'article 16 de la Constitution.
        Me Bonehill a dit qu'à son entrée à l'Ecole morale M. Dor n'avait qu'une somme d'environ 15.000 francs. Cela est faux car, en outre de cette somme, il possédait en banque un dépôt d'une somme de 5000 fr.
        Il a ensuite remis son commerce contre le paiement d'une somme de 7500 francs.
        Avec quelques autres sommes qu'il possédait encore on arrive à un total de 27.000 francs.
        Cet homme, au lieu de faire fortune, vend plutôt ses propriétés et retire de la Banque des sommes qu'il y avait mis en dépôt.
        Le volume « Christ parle à nouveau » lui revenait à 70 centimes. Il n'y a eu qu'une édition. Cet ouvrage a été tiré à 10.000 exemplaires.
        Il en a été vendu 5050 à raison de 2 fr. 50 le volume d'où un bénéfice de 9000 francs depuis l'année 1913.
        Il a fait éditer 2000 brochures « Ere Nouvelle ». Ces brochures lui coûtaient environ 50 centimes, d'où un bénéfice de 1400 francs.
        Bref, le bénéfice total réalisé sur ces différentes brochures vendues se montent à 36,000 francs.
        L'actif de M. Dor est donc de 51,000 francs.
        Tous ses capitaux sont immobilisés dans des bâtiments, sauf un dépôt de 12.000 frs à la Banque.
        M. Dor ne veut pas que son capital grossisse et s'il devait en être ainsi, il verserait le surplus à une œuvre telle que celle de l'Ecole des Estropriés.
        Me Bonehill fait un signe de dénégation.
        Me Lebeau donne lecture d'une lettre datée du 23 février 1914.
        Me Bonehill. – Un mois après la descente du Parquet
        Me Lebeau. – Cette lettre conserve toute sa valeur car elle prévoyait simplement le paiement d'une rente viagère à l'épouse de M. Dor.
        Ce projet fut abandonné et cet argent servit à construire l'immeuble de Roux.
        Il y a certainement eu intention, de la part de M. Dor un projet sérieux de céder son immeuble de Roux, à l'Ecole des Estropiés, ainsi qu'en témoigne une lettre écrite par M. Pastur à M. Dor.
        M. Pastur regrette de ne pouvoir envisager l'offre et ce, en raison des événements actuels.
        Me Bonehill. – A quelle date cette lettre fut-elle écrite ?
        Me Lebeau. – En juin 1916, M. Dor n'a plus actuellement aucun capital, ses capitaux sont épuisés.
        M. Dor a dû remettre un tronc à l'école morale au moment où il devait comparaître en justice.
        Les bâtiments de Roux ont une apparence très grande et si M. Dor avait été un escroc, il n'eut pas donné des dimensions grandioses à son temple.
        Ces bâtiments sont difficiles à vendre car ils ne conviennent pas à tout genre d'exploitation.
        Il n'y a aucune hypothèque sur ces bâtiments ; voilà encore une preuve de l'honnêteté de M. Dor.
        Celui-ci a emprunté de l'argent pour faire construire et au lieu de les hypothéquer il augmente l'importance des bâtiments.
        Est-ce l'œuvre d'un escroc que de donner des garanties à ses créanciers ?
        Non, et à supposer que ce soit un escroc, le tribunal se trouverait en présence de questions insolubles. En voilà assez avec les escroqueries générales.
        L'intention frauduleuse n'existe pas et les actes de M. Dor ont été conciliés avec ses principes qui sont des plus purs.
        Me Lebeau montre au tribunal l'humble tronc qui était déposé au temple. Il n'y avait pas de richesses cachées, ainsi que l'a affirmé M. le Procureur du Roi.
        Le Dorisme est bien un phénomène religieux. Il faut laisser tranquille M. Dor.
        En provoquant ce débat, on empiète dans le domaine privé, car en reconnaissant le caractère religieux, le tribunal devra juger d'après l'article 14 de la Constitution.
        Le Père Dor a des ennemis qu'il ne connaît pas.
        Il habite une petite commune où il attaqua le culte catholique et même certaines tendances socialistes.
        Dans certaines familles, il y a des conversions au dorisme. Il est fatal que des membres de ces familles voyant d'un mauvais œil ces conversions en veulent à M. Dor.
        Mme Boulvin, cette antoiniste, adepte d'une religion qui attaque le Dorisme, est venue déposer contre le prévenu avec cette manie qui caractérise les gens qui pensent différemment.
        Tout le monde ne voit pas de la même façon.
        Il y en a qui sont malicieux, d'autres mystiques.
        Certains témoins ont déposé d'une façon erronée.
        A la suite des interrogatoires faits par les gendarmes ceux-ci ont mis dans la bouche de certaines personnes des mots qu'elles n'ont pas prononcés.
        Les mots « passes magnétiques » n'ont jamais été prononcés, par exemple, et s'ils ont été consignés dans un procès-verbal, c'est le fait des gendarmes eux-mêmes.
        Le tribunal devra puiser des renseignements dans les principes de M. Dor et pas ailleurs.
        Les plaintes des époux Chartier et de Mme Delisée sont l'œuvre de gens intéressés.
        A qui a-t-on à faire ? Pirson ne connaissait pas Mme Delisée avant cette affaire. Elle sort de Bruxelles où on se cache mieux que dans un bois. C'est une divorcée. A priori, on ne peut avoir aucune espèce de confiance dans le témoignage de cette dame.
        Me Lebeau discute alors le ménage Chartier.
        Mme Chartier lorsqu'elle est entrée à l'école morale était atteinte de nombreuses affections.
        C'était, dit l'honorable avocat, parce que cette dame, ancienne charcutière, avait mangé trop de sa marchandise. (Hilarité prolongée).
        M. Chartier a prononcé un discours de reconnaissance à l'adresse de M. Dor.
        Ce discours a été reproduit dans la brochure « L'ère nouvelle ».
        Une série de témoins ont déclaré que Mme Chartier et son mari avaient voué à M. Dor, une grande reconnaissance, car ce dernier les avait guéris, en les engageant vers la sobriété et le végétarisme.
        En faisant étalage de leur petite fortune, les époux Chartier ont fait certains dons à l'Ecole Morale, mais y a-t-il manœuvre frauduleuse ? Non.
        M. Chartier qui était assez corpulent, avait chaud lorsqu'il se trouvait dans le temple ; il a fait placer un ventilateur sous lequel il s'asseyait aux jours des réunions pour bien montrer qu'il en était le donateur.
        Quant aux casiers, ils ont été offerts pour y remiser les livres. Quel est le profit qu'en a retiré M. Dor ? Aucun ?
        Quant à la vente des brochures, elle a été faite par prosélytisme.
        M. Dor n'aimait pas beaucoup les Chartier, car le mari était très vaniteux et la femme, qui donnait les tickets, se permettait de donner elle-même des conseils hygiéniques.
        Quand M. Dor partit pour Bruxelles, ils ne le surent que quelques jours après et encore par une tierce personne.
        Ils en eurent leur vanité blessée ; cette vanité tua leur foi. Ils furent déshypnotisés.
        Il y a dans le dossier deux pièces capitales ; ce sont les plaintes des époux Chartier et de Mme Delisée.
        C'est Me Bonehill qui a rédigé ces plaintes, celles-ci ont été très bien rédigées.
        Après une véritable instruction contradictoire, car au préalable Me Bonehill avait sommé M. Dor de rembourser les sommes données par ses clients.
        Me Lebeau répondit lui-même et énuméra les sommes que son client avait reçues de Mme Delisée sans cependant les avoir sollicitées.
        M. Dor déclarait alors que son ancienne adepte pouvait reprendre tout ce qu'elle avait donné.
        Quant aux brochures, les époux Chartier et Mme Delisée les ont achetées et vendues de leur plein gré.
        La plainte rédigée par Me Bonehill était donc complète car elle l'a été après la lettre écrite par Me Lebeau qui répondait point par point aux allégations des époux Chartier et de Mme Delisée.
        Toute la plainte de ceux-ci, est de croyants qui ne croient plus, ainsi qu'en témoigne la déposition que fit M. Chartier devant M. le Juge Vandam.
        Le plaignant Chartier et Mme Delisée quelques jours après leur audition par M. le juge Vandam, écrivent à celui-ci : « J'ai oublié de vous dire que j'ai été hypnotisé. » C'est pourquoi Me Bonehill dans sa plaidoirie a été excessivement sobre sur l'hypnotisme.
        Cet hypnotisme est une invention mensongère.
        Jusqu'au jour de l'audience, qui avait été hypnotisé ? le mari, uniquement. C'est la femme qui donne, elle on ne l'hypnotise pas, on procède à cette opération sur le mari qui ne paie pas. (Rires).
        Il est vrai qu'à l'audience l'épouse Chartier a déclaré qu'elle-même avait été hypnotisée.
        Cette ultime déclaration a du lui être suggérée.
        M. Dor a voulu rembourser et ce n'est pas là le geste d'un escroc.
        Concernant la plainte de M. Chartier, c'est la fille de Mme Chartier qui l'a suggérée.
        Me Lebeau discute la vie privée de certaines personnes.
        M. le Président engage Me Lebeau à ne pas continuer à fouiller la vie privée des témoins.
        M. le Procureur du Roi proteste à son tour.
        Me Morichar. – Je démontrerai à M. le Procureur Roi qu'il a parlé de la même façon lors de son réquisitoire.
        M. Mahaux. – Je n'ai avancé aucune parole de mauvais goût.
        Me Lebeau. – Mme Delisée avait prétendu que M. Dor l'avait engagée à quitter Bruxelles. Or, à l'audience, elle a reconnu que c'était elle qui en avait manifesté le désir.
        Mme Delisée faisait partie d'une société de spiritisme. Elle avait, malgré son âge, des tendances passionnées. Après une vie orageuse, elle avait rêvé de vivre d'une façon plus calme et elle a trouvé, dans le Dorisme, des félicités inconnues. Elle a offert ses services.
        M. Dor commençait alors ses séances dans sa grande salle ; il avait besoin de personnel et il a agréé les services de Mme Delisée qui lui offrit continuellement de l'argent.
        Mme Delisée prétend maintenant qu'elle n'en pouvait rien, qu'elle était hypnotisée. C'est évidemment une manœuvre de la dernière heure.
        Quand Mme Delisée offrit à M. Dor le chauffage central c'était évidemment dans le but de le dédommager des frais que nécessitait son entretien.
        Mme Delisée était en réalité le secrétaire du Père Dor et elle en était fière, car elle faisait la figure d'un personnage important très considéré par les adeptes.
        Cette femme avait un sentiment humain et un prosélytisme réel.
        Elle se livrait au colportage des brochures d'une façon assidue.
        Elle avait le désir de se faire de l'Ecole Morale un asile de vieillesse ; mais lorsque M. Dor partit pour Bruxelles, elle vit s'écrouler tout ce beau rêve, d'où sa vengeance.
        Pourquoi M. Dor n'a-t-il pas emmené avec lui Mme Délisée ? Précisément parce que cette dernière était une cause de discorde dans le ménage des époux Dor. L'origine de la construction de la petite maison se trouve encore justifiée par ce fait.
        Toutefois M. Dor voulait remplir ses devoirs moraux envers Mme Delisée ; il lui aurait permis d'habiter une maison construite près de l'Ecole Morale l'éloignant ainsi de son ménage.
        Mme Delisée a provoqué cette discussion et si ce scandale rejaillit aujourd'hui sur elle c'est sa faute.
        Elle a voulu accuser M. Dor de sentiments humains à son égard en communiquant une lettre, dans laquelle il l'appelle Ma chère petite Marie et parle d'Amour avec un grand A.
        Cette femme importunait M. Dor avec des démonstrations qu'il ne pouvait tolérer. Le scandale, c'est Mme Delisée elle-même qui l'a créé.
        Dans la plainte, il n'y a pas d'autres griefs que ceux énumérés et rencontrés jusqu'ici.

        Il n'y a pas eu comme dans la plainte des époux Chartier la menace de douleurs physiques.
        Or, à l'audience, elle a affirmé que M. Dor lui avait dit que la paralysie la guettait, ceci est faux, archi-faux. M. Dor n'a jamais voulu accepter de l'argent de la part de Mme Delisée : c'est celle-ci qui lui en offrait continuellement.
        M. Dor, importuné, finit par lui dire : « Si vous avez de l'argent en trop, donnez-le à l'Ecole des Estropiés. »
        Qu'il y ait une expertise, cela démontrera que les sommes versées par Mme Delisée ont été employées à la construction de la maison qu'elle a habitée.
        Mme Delisée n'a pas cessé de mentir depuis le commencement pour essayer de mieux porter préjudice à M. Dor.
        Il est 11 h. 45. M. le Président prie Me Lebeau d'abréger, car l'audience du matin ne sera levée que si Me Morichar a terminé sa plaidoirie, l'audience de l'après-midi étant réservée aux répliques.
        M. Mahaux. – Le débat ne peut pas s'éterniser.
        Me Lebeau va s'efforcer d'abréger.
        Mme Delisée est une comédienne.
        Me Bonehill.- Vous l'avez formée.
        Me Lebeau. – On ne forme plus à cet âge. Elle a inventé quantité d'arguments qu'elle n'avait pas présenté d'abord, même à son avocat.
        M. Dor a voulu restituer, on n'a pas accepté.
        On a fait appel à beaucoup de témoins qui ont déposé dans un sens de dénigrement.
        Me Lebeau demande au tribunal qu'il accorde la parole à Me Morichar. Il reprendra ensuite la parole pour terminer sa propre plaidoirie.
        Me Morichar (mouvement d'attention) rend hommage aux divers orateurs qui, avant lui, ont pris la parole.
        Me Lebeau, dit-il, a démontré péremptoirement l'inconstitutionnalité des poursuites.
        L'honorable avocat discute la prévention d'attentat à la pudeur, celle qui atteindrait le plus cruellement le prévenu s'il était condamné de ce chef.
        Ou bien ces attentats à la pudeur sont commis sur des mineures ou bien ils sont commis sur des majeures.
        Dans le premier cas, il y a des constatations matérielles.
        Ici pas. Mme Delisée a fait citer trois témoins dont les déclarations n'ont rien appris de nouveau.
        Le Ministère public a essayé de créer alors un atmosphère d'impudicité.
        Des témoins sont venus dire que le Père Dor avait voulu les faire déshabiller. C'est absolument grotesque. Tous ces témoins du reste ont été confondus.
        On a entendu Mme Chartier qui a affirmé que le Père Dor avait frotté sa barbe contre sa figure.
        Le témoignage de la fille de la femme Chartier a été fait sur un ton et avec un langage ordurier. On aurait dit qu'elle regrettait de ne pas avoir été, elle-même, l'objet d'un attentat à la pudeur.
        Le tribunal lui-même n'y a pas cru. Qu'il l'abandonne donc complètement. On reste en présence d'un seul témoignage : c'est celui de Mme Délisée à la fois plaignante, témoin et partie civile.
        Cette dame après être devenue une adepte du Dorisme, est devenue ensuite une passionnée d'un amour un peu moins mystique et plus sensuel. Qu'on se rappelle la déposition des témoins qui ont dit au tribunal les confidences que leur avait faites cette femme.
        Eh bien ! des personnes comme Mme Delisée sont dangereuses et peuvent en arriver à tramer les pires complots contre un personnage qu'elles veulent perdre.
        L'honorable défenseur s'incline avec admiration devant les Doristes qui sont venus en audience publique, affirmer ce qu'ils savent et proclamer les tares physiques dont ils étaient atteints.

        Ces gens sont très honnêtes et très sincères. Pourquoi mettre en doute la sincérité de leurs témoignages lorsqu'ils affirment leur foi dans la doctrine du Père Dor et l'honorabilité de ce dernier ? Faut-il vouer ces témoignages au mépris public ? Non, car si ces témoins avaient été à charge au lieu d'être à décharge, on les eut entendus avec beaucoup plus de sympathie.
        Ces témoins mentent, a-t-on dit, parce qu'ils ont dû communiquer au père Dor le texte de leur témoignage avant de le faire devant le tribunal.
        Cela n'est pas vrai pour tous les témoins.
        Mme Delisée a été entendue comme témoin à charge. Or, elle se porte partie-civile et, partant, n'aurait pas dû être entendue comme témoin.
        Supprimez son témoignage, je supprime tous mes témoins et le prévenu sortira d'ici acquitté. (Rires).
        Le premier attentat s'est commis en mars 1914. Mme Delisée a eu l'occasion de s'adresser trois fois à la justice.
        Ce n'est plus une jeune fille, une ingénue, c'est une femme qui a vécu, qui a vu le monde.
        Votre conviction est la mienne, elle n'a pas été hypnotisée un instant et loin de l'être elle s'est efforcée de s'emparer du cœur du Père Dor et de se l'accaparer.
        En octobre 1915, cinq mois après avoir quitté le Père Dor, Mme Delisée ne parle pas de l'attentat à la pudeur dans la plainte qu'elle formule par le canal de Me Bonehill.
        Comment, on avait blessé Mme Delisée dans ce qu'une femme a de plus cher : l'honneur, et elle n'en dit rien. Mais, lorsque, en juin 1916, elle parle pour la première fois des attentats, elle prend les devants et, comme on ne manquera pas de la qualifier de passionnée, elle se dit qu'elle va accuser M. Dor d'attentat à la pudeur.
        C'est d'autant plus probable que Mme Delisée après deux attentats s'en est offert un troisième. (Hilarité.)
        Au premier attentat, il y aurait eu commencement d'exécution.
        Au second il n'y aurait eu davantage aucune exécution.
        Enfin au troisième, le fait aurait été consommé et le Père Dor aurait dit : « J'ai vaincu la passion charnelle. »
        Rien n'est venu prouver cela.
        Dira-t-on que M. Dor est un satyre ? – Non, voyez son passé, car s'il y avait une vraisemblance, c'est cent attentats qui auraient été commis, en égard à la quantité de personnes qui lui rendent visite. Mais encore, pour qu'il y ait attentat à la pudeur, il faut qu'il y ait des violences physiques.
        Rien de pareil n'a été constaté.
        Me Morichar en appel à la jurisprudence, pour prouver les bien fondé de sa démonstration.
        On se trouve donc en présence d'un seul témoignage qui suffirait s'il s'agissait de celui d'une femme désintéressée et non de celui d'une femme malade, comme c'est le cas de Mme Delisée.
        Sous l'égide de cette figure symbolique de la justice, le tribunal rendra un jugement de droiture.
        Me Lebeau a plaidé la liberté du culte garanti par cette constitution pour le respect de laquelle nous avons tant combattu.
        Dans une superbe péroraison, Me Moorichar demande au tribunal de rendre un jugement de droit et de se poser en défenseur de la liberté de conscience.
        On dira que ce n'est pas la guerre au Dorisme que l'on aura fait, mais bien au charlatan, il n'en a pas été moins discuté ici les idées du Dorisme.
        Il y a dans cette cause des cas isolés, il y a des excès de zèle qui ont été commis, des fautes qui ont été commises, mais ce qu'il faut voir, c'est l'affaire dans son ensemble.
        Ce qu'il faut voir, c'est, si le prévenu est sincère, si, réellement il a voulu soulager les douleurs morales.
        A Saint-Gilles, il y a cinq paroisses qui ont été construites grâce aux oboles des fidèles.
        Est-ce pour cela que nous ne nous inclinons pas devant la probité des prêtres.
        Dans la religion catholique, des fidèles ne viennent-ils pas consulter les prêtres au sujet de certaines maladies ? Si, n'est-ce pas.
        Me Morichar énumère la série de saints que l'on va prier pour guérir tels ou tels maux.
        Le jugement sera que M. Dor est sincère et vous l'acquitterez.
        L'audience, levée à 1 heure, sera reprise l'après-midi, à 3 heures.
        La sortie du Palais est extrêmement houleuse.
        Le public attend avec impatience que le Père Dor paraisse, mais il sera déçu, car celui-ci prend son repas de midi au Palais.
        Les doristes commentent avec une grande satisfaction les plaidoiries de Mes Lebeau et Morichar qui, d'après eux, détermineront le tribunal à acquitter le fondateur de l'Ecole morale.

                                             RASAM.

        Nous donnerons dans notre numéro de demain le compte-rendu de l'audience de l'après-midi.

    La Région de Charleroi, 30 novembre 1916 (source : Belgicapress)


  • Commentaires

    Aucun commentaire pour le moment

    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :