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Les funérailles de M. Delcroix à Seraing (La Wallonie, 16 février 1926)(Belgicapress)
Les funérailles de M. Delcroix
à SeraingA LA MORTUAIRE
Dimanche, 2 heures, sous un ciel gris-ouaté qu'adoucit encore les pâles rayons d'un soleil printanier, une foule énorme massée rue du Chêne, entrave puis interrompt la circulation du tramway. Sur l'un des côtés de la route, plus haut que la mortuaire, une longue colonne silencieuse de femmes, vêtues de mantes, coiffées de bonnets noirs, stationnent, comme autant de veuves en deuil. Les hommes en redingote et chapeaux haut-de-forme, à bord plat, attendent autour du corbillard. Après le défilé de nombreuses gerbes fleuries, apparaît le cercueil. Et avant que le corbillard s'ébranle, un antoiniste, d'une voix sonore, nettement articulée, lit les dix principes de Dieu révélés au Père Antoine. La foule écoute recueillie.
LE CORTEGE
Le cortège se met en marche, gravissant la longue route qui conduit au champ de repos. Vu du haut de la chaussée, le spectacle est impressionnant. En tête, voile de crêpe, le drapeau de l'Athénée, ou enseignait le défunt ; les élèves de sa classe portant des fleurs ; ses collègues du corps professoral. Puis un groupe d'antoinistes suit un cartel à manche d'acier sur lequel on lit l'inscription :
L'ARBRE DE LA SCIENCE DE LA VUE DU MAL.
Derrière le corbillard, et après les parents, s'avancent dans un ordre parfait, par rangées de quatre, d'abord les femmes en deuil, dont l'uniforme évoque le souvenir des béguinages, puis les hommes en redingote et chapeau funéraire ; ensuite la grande masse des autres assistants.
Sur le parcours, un silence impressionnant : la rumorante cité s'est faite tendre et quiète pour le dernier passage d'un de ses enfants qui fut croyant sincère et homme de bien.AU CIMETIERE
La foule envahit le cimetière. Autour de la tombe ouverte, à flanc de coteau, se pressent les antoinistes, dont beaucoup sont venus de localités étrangères : des têtes barbues et chevelues de prophètes, qu'on croirait sorties de vieux cadres, se détachent en relief sur le fourmillement des figures. Une seconde fois, le lecteur antoiniste ouvre son livre et, de sa voix ferme, énonce la réincarnation. Il ne dit mot du défunt.
C'est à M. le professeur Haust, de l'Université, qui pendant de longues années fut le collègue et l'ami de Delcroix, qu'il appartient de retracer, en termes émus, sa belle vie d'enthousiasme et de dévouement pour les humbles.
Enfin, un élève de l'Athénée vint dire, au nom de ses condisciples, l'adieu suprême, au professeur aimé.
Le soleil a disparu.
La foule s'écoule lentement dans le jour qui décline.La Wallonie, 16 février 1926 (source : Belgicapress)
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