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Les grands mythes de la culture hétérosexuelle: Adam et Eve
Adam et Eve constituent le mythe fondateur de la culture hétérosexuelle en Occident. Origines de l’Humanité, ils s’inscrivent dans une cosmogonie dont les implications politiques sont souvent mises en avant, soit pour penser la relation entre hommes et femmes, soit pour justifier la relation entre homos et hétéros.
Assez souvent, aux Etats-Unis, les mouvements évangéliques soucieux d’affirmer le primat de l’hétérosexualité protestent : «Adam and Eve, not Adam and Steve !» Mais en 1998, ce slogan fut détourné de manière humoristique par Paul Rudnick dans sa pièce, The Most Fabulous Story Ever Told, qui parodie le récit de la Création en mettant en scène deux personnages homosexuels, qui se nomment justement Adam et Steve. Adam and Steve, c’est aussi le nom d’une comédie romantique de Craig Chester, réalisée en Angleterre en 2005, qui parodie également le livre de la Genèse.
Pour ce qui est de la France, la question s’est aussi posée. A l’occasion de la manifestation organisée par Christine Boutin contre le Pacs, le 31 janvier 1998, plusieurs militants arboraient des panneaux indiquant «Adam et Eve, pas Adam et Yves !» Cependant, ce rappel à l’ordre théologique fut une fois de plus subverti, en l’occurrence par Zazie, en 2001, dans une chanson intitulée fort à propos Adam et Yves.
Mais revenons au texte lui-même, c’est-à-dire à Genèse 1, 27 : «Dieu créa l’homme à son image, il le créa à l’image de Dieu, masculin et féminin il les créa.» Ce verset très célèbre, maintes fois commenté, constitue l’une des sources les plus riches de la tradition cabalistique. Au XIIe siècle, Rabbi Abraham ben David de Posquières (ordinairement désigné par l’acronyme Rabed) publia un commentaire du Talmud, qui passe aujourd’hui pour être l’un des plus anciens témoignages de la cabale médiévale. Dans ce fragment, il se réfère à une longue tradition, qui tire de ce passage et de quelques autres sources midrashiques deux conclusions : premièrement, Adam a été créé avec un double visage (dou-partsoufim), masculin et féminin, et cette double identité est à l’image de Dieu.
Cette interprétation a été reprise par de nombreux commentateurs, comme Jospeh Gikatila, par exemple, cabaliste du XIIIe siècle, que Charles Mopsik cite dans ses ouvrages de référence (Le sexe des âmes, éditions de L’Éclat, Paris-Tel Aviv, 2003; Cabale et cabalistes, éditions Albin Michel, Paris, 2003; Les grands textes de la cabale, éditions Verdier, Lagrasse, 1993). Selon Gikatila, l’androgynie du Créateur se reflète dans celle de la Créature, et ce n’est qu’en Genèse 2, 22, que l’homme androgyne dut être divisé en deux sexes, comme l’indique aussi Rachi (R. Salomon ben Isaac, Troyes, 1040-1105), dans un commentaire du Talmud, largement repris par la tradition. Bref, loin d’être une conception marginale, cette vision androgyne de l’homme et de Dieu est au cœur de la théosophie cabalistique, et elle implique de repenser à nouveaux frais la représentation du sexe et du genre dans la théologie judéo-chrétienne.
Ce n’est pas ici le lieu de discuter de la pertinence de cette interprétation, de sa justesse, et de la signification réelle de ce verset biblique. Il importe seulement de mettre en garde ceux qui tentent de justifier la suprématie hétérosexuelle en se fondant sur ce verset en particulier ; il convient de les avertir de la multiplicité des significations possibles de ce passage, et de les inviter à être un peu plus prudents quant à l’utilisation des sources bibliques en général…
source : http://heterosexualite.blogs.liberation.fr/tin/2009/01/les-grands-myth.html#more
Tags : matière, Bien & Mal, Unité de l'ensemble
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