• Libre arbitre et immortalité de l'âme chez Berkeley

    "Il m'est évident, écrit-il dans Alciphron, en gros et concrètement, que je suis un agent libre. Il ne sert à rien de dire : la volonté est gouvernée par le jugement ou déterminée par l'objet, pendant que, dans chaque cas ordinaire et soudain, je ne puis discerner ni abstraire le décret du jugement, du commandement de la volonté, pendant que je sais que l'objet sensible est absolument un être actif, qui peux me déterminer moi-même et me détermine. Si je pouvais supposer que les choses spirituelles sont corporelles, ou raffiner les choses actuelles ou réelles en actions générales abstraites, ou par habileté métaphysique réduire les choses simples et individuelles en partie multiples, je ne sais ce qui suivrait. J'en appelle au sens commun de l'humanité. Je sais que j'agis; et ce que je fais, j'en suis responsable. I know I act; and what I act I am accountable for. Et, si ceci est vrai, le fondement de la religion et de la moralité demeure inébranlé... un homme est dit être libre, aussi loin qu'il peut faire ce qu'il veut". Dire qu'il peut vouloir comme il veut (he can will as he wills), est inintelligible. Les notions de culpabilité et de démérite, de justice et de récompense, sont dans l'esprit des hommes antérieurement à toutes les recherches métaphysiques. Mais si nous commençons par les généralités et posons nos fondements dans les idées abstraites, nous serons arrêtés et perdus dans  un labyrinthe de notre propre construction. Les athées tiennent pour assuré que l'esprit est inactif et que les idées agissent sur lui. Il faut dire le contraire. La simple réflexion nous donne les notions de liberté, d'agent, d'action. Les athées font une ignoratio elenchi, en attendant des démonstrations là où nous ne pouvons prétendre qu'à la foi. La fin de la libre pensée est πάντα  ὑπόληψις, le scepticisme universel.
        L'immortalité des âmes est évidente : elle suit de l'incorruptabilité, conséquence de l'indivisibilité, de l'incorporéité et de l'inextension. "Si je ne croyais pas en l'immortalité, déclare Berkeley dans un article du Guardian, j'aimerais mieux être huître qu'homme."
         Dans le Discours sur l'obéissance passive, le seul écrit politique que nous ayons de lui, il soutient qu'il faut obéir au pouvoir établi, parce que voulu de Dieu. La vraie sagesse est de vivre selon l'ordre naturel et selon l'ordre civil. Ce jacobiste conclut à un utilitarisme théologique.

           Jean Didier, Berkeley, VIII, La religion et la morale


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