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M. Pierre, antoiniste et thaumaturge (La Presse, 26 février 1950)
L'étonnant M. Pierre pulvérise la maladie en joignant les mains
Nous en sommes navrés pour nos amis de l'Ordre des Médecins, mais sans doute allons-nous devoir, à cause d'eux, ouvrir dans nos colonnes une rubrique permanente pour la défense des guérisseurs dignes de ce nom.
Ceux-ci, en effet, continuent d'être l'objet, de la part des organismes médicaux officiels, de poursuites judiciaires que justifie sans doute la défense des intérêts matériels de la corporation médicale, mais que la logique, le bon sens ni l'intérêt des malades ne sauraient accepter.
Ces procès n'ont, au surplus, qu'un résultat certain : attirer l'attention sur le guérisseur et drainer vers lui la foule des malades que la Faculté abandonne et que le guérisseur qui n'a que deux bras est à son tour dans l'impossibilité de soigner.
Nous n'aurions, par exemple, probablement jamais entendu parler de « Monsieur Pierre » si, par la grâce des syndicats médicaux de la Seine, son nom ne figurait, cette semaine, au rôle des chambres correctionnelles. (Lire la suite page 5.)(Suite de la première page.)
« Monsieur Pierre » est un thaumaturge de la lignée des Papus (Dr Encausse), du mage Philippe ou du fameux Charles Parlange. On peut s'interroger sur son étrange pouvoir, on ne peut nier qu'il guérisse. On a le droit de manifester quelque incrédulité devant ce qui est extraordinaire, inexplicable ; on n'a pas le droit d'appuyer cette incrédulité sur un article du Code et revenir au curieux temps de l'Inquisition.
Jusqu'à ces dernières semaines, « Monsieur Pierre » ne demandait rien à personne ; il se contentait de recevoir dans sa bicoque de l'avenue Aristide-Briand et de soulager, voire de guérir à Montreuil, ceux qui souffrent des misères physiques devant lesquelles d'autres s'étaient avoués impuissants. Tout cela gratuitement.
Devant les juges du tribunal correctionnel il ne pourra rien expliquer lui-même, si ce n'est donner la parole aux miraculés. Et ce sera, une fois de plus, devant un tribunal désarmé, le défilé classique des malades guéris venant crier leur reconnaissance et leur foi.
Qu'est-ce que la médecine et l'ordre des médecins auront gagné à l'affaire ?Découverte d'une vocation
Grand blessé de la guerre 1939-1940, Pierre Bouis eut la première et inconsciente révélation de ses dons lorsque les médecins voulurent lui couper le pied menacé par la gangrène. Bien qu'il ne fût pas particulièrement croyant, il fit, à ce moment, une fervente prière afin que Dieu lui épargnât ce supplice. Au moment où on l'étendait sur la table d'opération et où le chirurgien s'apprêtait à l'opérer, sa plaie s'ouvrit et se vida de tout le pus qui l'infectait. Pierre Bouis conserva son pied. Il mit cela sur le compte de la foi et n'y pensa plus. Jusqu'au jour de 1942 où la vieille femme chez qui il logeait alors, rue Joseph-Dijon, à Paris, lui dit à l'oreille à brûle-pourpoint : « Quel dommage, monsieur Pierre, de laisser inemployés d'aussi magnifiques dons. Vous devez guérir ».
Incrédule, Pierre Bouis se laissa pourtant entraîner au culte Antoiniste où sa logeuse fréquentait assidûment, et en éprouva un tel bien-être physique qu'il en fut troublé. « Vous pouvez guérir » lui répéta la vieille femme.
Il travaillait, à l'époque, aux Beaux-Arts. Le lendemain même de cette « révélation », une de ses collègues de bureau l'entretenait de l'état désespéré de son père. M. Werner, ancien directeur des Beaux-Arts, alors âgé de 72 ans, et qui se mourait d'une tumeur à l'estomac. Inconsciemment, Pierre Bouis lui demanda si elle n'avait pas une photo du malade, la prit entre ses mains et se mit en prière. Huit jours plus tard, M. Werner était sur pied et la radio ne révélait plus aucune trace de sa tumeur. M. Pierre ne devait plus cesser de guérir.Des guérisons miraculeuses
Un numéro de La Presse ne suffirait pas pour citer toutes les lettres qui s'étalent sur la table de la petite cuisine de Montreuil. Il suffit de savoir qu'il y eut parfois jusqu'à deux cents personnes à la porte du guérisseur pour comprendre le succès de ses cures et... l'inquiétude des médecins. Car, encore une fois, Pierre Bouis ne demande rien à personne.
Dans la seule rue de Romainville, à Montreuil, il a soigné soixante personnes. Cinquante-huit sont guéries – et l'écrivent – les deux autres n'ayant reçu qu'un soulagement passager. Voici un bébé que ne marchait pas, et qui est ressorti sur ses jambes de la petite maison de M. Pierre.
Voici un jeune homme qui est venu frapper ici avec, dans ses bras, sa fiancée totalement paralysée par la poliomyélite : ils sont aujourd'hui mariés et heureux. Voici un malade qui avoue avoir consulté cinquante médecins et vingt et un guérisseurs avant de venir ici : guéri. Une femme de 71 ans qui ne pouvait plus marcher depuis plus de douze ans : guérie. Un gardien de la paix, tuberculeux : guéri. Un cafetier d'Enghien-les- Bains, laryngite tuberculeuse : guéri. Une vieille femme aveuglée par la cataracte : guérie. Un mutilé de 1914-1918, hypérité, qui a souffert le martyre pendant trente ans : guéri. Un tétanos abandonné par tous les médecins de Châteaudun : guéri. Et des sciatiques, des rhumatismes, des eczémas, des poumons mal en point, des cœurs qui flanchaient : guéris, guéris, guéris. Tous les malades, d'ailleurs, n'ont pas la force de venir jusqu'à la petite maison de Montreuil, M. Pierre prie pour eux et guérit à distance. Voici un jeune homme atteint de méningite, état désespéré. M. Pierre invoque la petite sœur Thérèse, il est pris d'un grand tremblement. A des kilomètres de là, l'enfant, à qui l'on n'a rien fait, la Faculté s'étant avouée impuissante, est guéri.
Un de nos confrères, écrivain de talent à qui l'on a coupé la jambe au-dessus du genou et que la gangrène menace néanmoins, est condamné. Une de ses amies accourt chez M. Pierre qui se met aussitôt en prière. Il est sauvé, à la stupéfaction des chirurgiens, toute trace d'infection a brusquement disparu.
Cette vieille femme de 71 ans, enfin, qui sera demain à la barre du tribunal, et qui, au Canada, atteinte de pneumonie double, était dans le coma. A la demande de sa belle-fille, M. Pierre se met ici en prière. Il est 17 heures. On saura plus tard qu'à 17 h. 03 (heure française), la vieille dame s'est soulevée sur son lit et a dit : « J'en ai assez de tous vos médicaments, je suis guérie ». Elle est aujourd'hui en France pour apporter son témoignage.
Tels sont les faits que Pierre Bouis a, selon l'usage, été amené à confesser au juge Goletty, puis au Dr Desrobert de l'Institut médico-légal et enfin au Dr Gouriou, de Villejuif.
Au siècle de l'atome, du radar et de la télévision, ils peuvent justifier quelque incrédulité. Nous ne nous faisons pas faute nous-mêmes d'en manifester à l'occasion. Nous demandons seulement, et très respectueusement, aux experts s'il est bien de la compétence d'un tribunal correctionnel d'en débattre ?La Presse, 26 février 1950
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