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Marcel Moreau - Se purifier sans cesse des encrassements temporels
Que faire d'un homme qui hait les papillonnements de l'intellect autour du mystère humain ? Et qui clame fort qu'il faudrait savoir aborder aujourd'hui notre destin avec un grand luxe de préscience sauvage, portée par les voix rauques de la vie antérieure ? Voilà pourquoi je suis un fanatique d'un genre si particulier, solitaire, sans Eglise, sans autre foi que cette foi noire pour les mots qui, de phrase en phrase, m'éloignent de l'esprit du temps. Etre fanatique, dans ce sens-là, c'est se purifier sans cesse des encrassements temporels : l'information pléthorique, enflure politique et publicitaire, le martèlement des exhortations au confort et à la consommation. C'est faire en soi une place inexpugnable au feu essentiel dévorant au-dedans, incendiaire au-dehors, un embrasement contre l'esprit du temps. Mais ce n'est pas assez : l'esprit du temps doit être torturé au moyen d'instruments doués de conscience, de lucidité, aux mains de bourreaux doués de supra-conscience, de supra-lucidité. L'esprit du temps devrait être livré livide à des races qui ne connaissent point la pitié, remontées on ne sait comment, par quel miracle de renversement des valeurs, du fond des abîmes de l'humanité et se conduisant comme des hordes.
Marcel Moreau, Monstre, p.226
Luneau Ascot Editeurs, Paris, 1986
Tags : matière, épreuve, imagination de la matière
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