• Mort de Gustave Gony (Le Peuple, 20 août 1913)(Belgicapress)

    Mort de Gustave Gony (Le Peuple, 20 août 1913)(Belgicapress)

    Mort de Gustave Gony

        Une bien triste nouvelle nous est téléphonée de Seraing : notre ami Gustave Gony, secrétaire communal de la cité rouge, n'est plus !
        Notre pauvre camarade succombe en pleine jeunesse, en pleine ardeur de travail.
        Il tombe à 43 ans, au moment où il se consacrait tout entier à la chose publique et aux progrès du mouvement coopératif.
        Le parti ouvrier sérésien perd en Gony un des plus vaillants et des plus sincères de ses soldats.
        Né à la Neuville, en Condroz, il vint à Jemeppe, à l'âge de 14 ans.
        Des que sa jeune intelligence se fut éveillée, il s'intéressa au mouvement philosophique et social de son époque.
        Jeune ouvrier menuisier, assoiffé de connaissances, il suivit, durant trois années, les cours de l'école industrielle de Seraing et y puisa le goût des lectures sérieuses.
        Il entra alors dans le mouvement spirite et fonda le journal le « Flambeau » dans lequel il fit, tout au moins, autant de propagande socialiste que de prosélytisme spiritualiste.
        Mais bientôt, la lutte politique et économique le réclame. Devenu l'alter ego de notre regretté Alfred Smets, il bataille, avec lui, chaque jour, contre toutes les forces sociales acharnées, en ces temps héroïques, à réduire par la faim les champions du socialisme.
        Gony possédait un petit pécule, toute sa richesse.
        Sans hésiter, avec l'impétuosité et l'enthousiasme de la jeunesse, il le place dans une imprimerie destinée à servir la cause du Parti ouvrier. Il perdit tout.
        Ce fut, alors, pour le jeune propagandiste, la période d'extrême dénuement.

    Mort de Gustave Gony (Le Peuple, 20 août 1913)(Belgicapress)

        Sans travail, lui et son ami Alfred Smeets, les deux militants unirent leur misère. Non seulement, ces hommes, résolus jusqu'à l'héroïsme, vécurent ensemble, mais ils en furent réduits à mettre en commun leur maigre garde-robe, afin de pouvoir, tour à tour, paraître décemment dans les assemblées.
        En 1890, Gony est à Seraing et aux côtés de Smeets il mène avec la bonne humeur et la confiance qui ne le quittaient jamais, la grande grève des mineurs si féconde en incidents.
        Mais le vote de la revision, la transformation du régime électoral ouvre des voies nouvelles aux propagandistes.
        L'inoubliable campagne électorale de 1894 se déroule au pays de Liége.
        Le jeune parti ouvrier poursuit la guerre : contre les vieux partis avec une ardeur et un enthousiasme sans précédent dans l'histoire du pays. C'est, partout, l'assaut le plus emballé, le plus audacieux.
        Gustave Gony est au premier rang des orateurs de meeting. Dans les réunions publiques, convoquées par les libéraux qui se croyaient les maîtres encore des communes ou leur prestige avait été souverain jusque là, le jeune socialiste paraissait à la tribune, tenant tête, avec une vigueur, une science, une éloquence surprenantes à des politiciens de l'envergure d'un Dupont et d'un Greiner.
        Elu conseiller communal en 1893, il est porté à l'échevinat de l'instruction publique et se consacre, tout entier, à ses nouvelles fonctions.
        Un jour, le bourgmestre doctrinaire, furieux contre son échevin dont la vigilance ne se démentait pas un seul instant, le fit expulser d'une école « manu militari ».
        Gustave Gony ne répondit qu'en riant à ce geste de violence, et fit voter un nouveau barème au profit du personnel enseignant, barème dans lequel se trouvait consacrée, pour la première fois en Belgique peut-être, l'égalité des sexes devant le traitement.
        Un incident de cette partie de la trop courte vie de notre regretté camarade, caractérise bien les généreuses tendances de son caractère. Ayant été condamné, après une polémique de presse, à 3,000 francs d'amende ou deux mois de prison subsidiaire, Gustave Gony préféra aller en prison, bien qu'une souscription importante eut été ouverte. Gony versa le produit de la souscription dans une caisse de propagande.
        Mais ses ennemis ne lâchaient point prise et le pauvre échevin socialiste, n'ayant pas d'autres ressources pour subsister, vit saisir le cinquième de son traitement annuel de 800 francs !
        Les camarades de Saint-Georges, commune socialiste, mû par un sentiment de vive sympathie, offrirent à Gony l'emploi de secrétaire communal. Ils exigèrent seulement du nouveau fonctionnaire qu'il établisse sa résidence à Saint-Georges.
        Gustave Gony, sachant que la majorité socialiste sérésienne n'était que d'une voix, n'hésita pas ; il refusa l'emploi et maintint la majorité au parti.
        Enfin, le terme de l'ère des privations et des souffrances physiques approchait.
        Nos camarades du collège de Seraing, ayant à lutter contre le mauvais vouloir, systématique des bureaux, composés de créatures doctrinaires, désignèrent Gony au poste de directeur des services administratifs.
        Elu conseiller provincial, on lui confie, en 1900, la vice-présidence de cette assemblée, et il s'acquitta de cette fonction avec un zèle et un tact, auquel tous ses collègues rendirent hommage.
        Entre-temps, au sein de la coopérative socialiste locale, il accepte de guider le navire dans les eaux dangereuses dans lesquelles il naviguait. Malgré cela, Gustave Gony préconise l'abonnement obligatoire au « Peuple » et grâce à la diffusion de la presse socialiste, rend la force et la stabilité à la coopérative ouvrière.
        Gustave Gony fut un cœur généreux, une âme hantée d'idéalité, le type de l'homme franc, loyal et honnête, d'un commerce agréable dans le public et dans le privé.
        S'il eut des démêlés avec Alfred Smets, ces discussions n'eurent que des motifs d'ordre administratif. Et si des camarades eurent des préventions envers l'un ou l'autre de ces deux hommes, si bien faits pour s'entendre et pour s'estimer, il ne reste, aujourd'hui, que le souvenir pâli de ces déchirements passagers. Tous, en apprenant le terrible malheur qui frappe le parti sérésien, baisseront le front avec respect devant la mort impitoyable et uniront, dans un même et douloureux regret, les noms respectés d'Alfred Smets et Gustave Gony.
        Le « Peuple », douloureusement ému, salue avec respect la mémoire du vaillant lutteur qui vient de disparaitre.

    *
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        Les funérailles civiles auront lieu jeudi, dans la plus stricte intimité.

    Le Peuple, 20 août 1913 (source : Belgicapress)


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