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Paille et Poutre (La chronique, gazette quotidienne, 15 mai 1914)
MENUS FAITS, PROPOS MENUS
PAILLE ET POUTRE
Pourquoi donc, me demande un lecteur, le gouvernement belge n'a-t-il pas fait droit à la pétition, appuyée par M. Magnette, au Senat, des antoinistes, qui demandaient la reconnaissance officielle de leur culte ?
Je n'en sais, ma foi rien ; Antoine et ses apôtres, dans leur naïveté de primaires, donnaient une impression de bonne foi et de désir du bien qui inspiraient la considération. Mais voilà, les situations sont acquises, il n'y a plus de place pour les nouveaux dieux. Il n'y aurait même plus de place pour les nouveaux thaumaturges, même si, dans le cadre des lois, ils apportent quelque consolation morale à de pauvres diables.
La Métropole fait une charge à fond contre la maison Antoine, ses miracles et M. Magnette et la pétition qu'il défendit :
« Les pétitionnaires font remarquer que leurs doctrines n'ont rien de contraire à l'ordre public et qu'ils ne réclament ni traitement ni subventions quelconques. L'argent des gogos suffit largement à les dédommager de leurs pratiques.
» C'est fort bien. Nous connaîtrons bientôt sans doute la réponse du ministre à M. le sénateur Magnette, qui ambitionne peut-être le titre de grand-maitre de l'Antoinisme.
» S'il est fort probable que M. Antoine n'a jamais rendu d'autre service aux malades que de relever leur courage par la promesse d'une guérison et la vente d'une bouteille d'eau plus ou moins filtrée, il est certain quel les enseignements de l'antoinisme ont pu et peuvent avoir les plus fâcheuses conséquences au point de vue de la santé publique. Pour quelques fanatiques de celle secte, la foi remplace tous les remèdes. Plus on a de foi, plus la guérison est prompte. »Et c'est un cas ahurissant, celui de l'écrivain de ces lignes. Ne s'est-il pas aperçu que cela s'appliquait encore plus à Lourdes qu'à Antoine. C'est à Lourdes qu'on boit de l'eau, non à Jemeppes...
Quand on admet le miracle quelque part, il est malaisé de le nier, a priori, ailleurs.
Le plus sage n'est-il pas de garder devant l'incompréhensible un scepticisme bienveillant. Qu'à Lourdes ou à Jemeppes de pauvres gens aient retrouvé l'espérance, cela excuse bien des choses.
Cela rend fâcheux la bataille à coups de bouteilles d'eaux non filtrée qui, si on écoutait la Métropole, s'engagerait entre les gaillards du gave pyrénéen et les riverains de la Meuse.
Il n'y aura jamais trop de remèdes à nos misères, et paix aux guérisseurs de bonne volonté.BOB.
La chronique - gazette quotidienne, 15 mai 1914
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