• Palais de Justice - Le Procès Dor (Le bruxellois, 5 avril 1917)

    Palais de Justice - Le Procès Dor (Le bruxellois, 5 avril 1917)PALAIS DE JUSTICE
    COUR D'APPEL DE BRUXELLES
    Le Procès Dor
    (Fin de l'audience de mardi)

        Le rapporteur analyse très longuement les divers témoignages. Il fait connaître la déposition de Mme Délisee à l'audience, les manœuvres dont cette personne prétend avoir été victime pour en arriver à débourser en faveur de Dor des sommes très importantes. — On sait que le tribunal de Charleroi a accordé 17,000 fr. de dommages et intérêts à Mme Delisée. — Il s'agissait notamment d'achat d'un stock important de brochures, de placement d'un parquet du chauffage central, etc.
        « Dor insistait auprès de moi qui étais sa loque » pour que je me dépouille de mon argent. Vous comptez trop, ne cessait-il de cire. » Dor possédait même un testament en sa faveur de cette adepte.
        Après la descente du parquet ce document fut déchiré.
        Le tribunal de première instance tâcha de se rendre compte si des attentats à la pudeur avaient réellement été commis par Dor. Mme Delisée ne put convaincre les juges à cet égard.
        Il parait que non contents du culte doniste, Mme Delisée était théosophe à Bruxelles et y évoquait les esprits.
        Les manœuvres de Dor furent assez caractéristiques pour que le tribunal retint la prévention d'escroquerie.
        De même pour les époux Ch.... qui ont versé de nombreuses sommes à Dor et lui payaient notamment de grandes quantités de charbon.
        M. le conseiller fait connaître de même les témoignages favorables à Dor, l'interminable séquelle des adeptes illuminés qu'il traîna devant le tribunal.
        Puis vient la lecture du long jugement qui clotura le premier acte du calvaire du Christ.
        La prévention d'exercice illégal de l'art de guérir est prouvée par ses paroles et par ses actes. Il n'a ni titre ni diplôme et assure la guerison à ses clients par la transmission de son fluide, par des lavements, l'absorption d'eau non bouillie.
        Les escroqueries sont établies aussi, car il se faisait passer pour le Christ réincarné ; ses réserves elles-mêmes constituent des manœuvres qui ont dû impressionner les esprits simples, ses poses hiératiques, ses titres de guérisseur, de stimulateur de vertus lui ont valu de s'approprier indûment le bien d'autrui.
        En conséquence Dor fut condamné aux diverses peines de prison et d'amende que nous avons fait connaître antérieurement.
        A 12 h. et demi la lecture du rapport est terminée et M. le président passe à l'
                                                       Audition des témoins.
        Eugénie Thonus
    , adepte du Père Dor, habite St-Gilles.
        Me Lebeau. — Quelle est la cause de votre trouble lors de votre comparution à Charleroi ?
        R. — j'étais malade à causa de la grande chaleur qui régnait dans la salle et énervée à la suite des trois heures passées dans la salle d'attente.
        D. — Vous n'étiez pas hypnotisée par le Père Dor ?
        R. — Non.
        M. le président. — Et lorsque vous vous êtes écriée : « Sauvez-moi ! », est-ce lui que vous invoquiez ?
        R. — Non, tout le monde. Lui d'abord puisque c'est mon sauveur (!) mais aussi tous ceux qui auraient pu m'assister, me secourir.
        Me Lebeau. — J'insiste surtout pour bien faire voir qu'il n'y avait pas d'hypnotisme de la part de Dor.
        Me Simons, substitut du procureur général. — Je n'attribue pas la moindre importance à cet incident.
        D. — N'aviez-vous pas versé 100 fr. à l'œuvre du P. Dor ? Cet argent vous a-t-il été restitué ?
        R. — Oui, Mme Delisée me la remis.
        D. — Cela a-t-il eu lieu après les premières poursuites dit parquet.
        R. — Je ne m'en souviens pas.
        D. — Mme Delisée montrait-elle beaucoup d'affection pour le Père Dor ?
        — Oui, beaucoup. Elle parlait constamment de lui. Sans lui, disait-elle, elle ne se faisait aucun bien. Souvent elle s'écriait : « O mon cher petit père, comme je vous aime. (Rires.) Si jamais il me mettait hors de chez lui, je crois que j'en mourrais. »
        M. le président. — Pourriez-vous me dire quel genre d'amour elle professait pour l'inculpé.
        R. — Elle était fort légère dans ses paroles.
        D. — Oui, mais, l'aimait-elle d'un amour charnel ?
        R. — Je ne saurais vous le dire.
        Me Bonnehil. — Vous avez dit tout le contraire lors de l'instruction.
        D. — Comment aimiez-vous l'inculpé ?
        R. — Je l'aimais comme sauveur, mais non comme homme, pour les conseils moraux qu'il me donnait.
        Me Gérard. — La déclaration que vous venez de faire ne vous a-t-elle pas été suggéras par l'inculpé ? Ne l'avez-vous pas écrite à l'avance ?
        R. — Rien ne m'a été demandé. J'ai écrit ma déclaration de mon plein gré.
        Me Gérard. — Comme les autres témoins ?
        R. — Je l'ignore.
        Louis van den E…, 31 ans, de Couillet, déclare avoir été guérie d'un asthme par l'inculpé.
        D. — Vous a-t-il prescrit des médicaments ?
        R. — Non. Il a travaillé seulement à mon perfectionnement moral.
        D. — Avez-vous vendu des brochures du Père Dor ?
        R. — Oui. Une société avait été formée par nous pour propager ses œuvres. J'ai moi-même souscrit 100 fr. pour cela.
        D. — Une souscription a été ouverte pour l'œuvre du Père chez Romain. Qui en a eu l'idée ?
        R. — C'est moi.
        D. — On a rendu une partie des souscriptions ?
        R. — Oui plus de la moitié. C'est moi qui en tenais la comptabilité.
        D. — La brochure « L'ère nouvelle » comprenait-elle seulement les sermons du Père Dor ? A-t-elle été éditée avant ou après la rupture de Dor avec Mme Delisée ?
        R. — Avant.
        Me Gérard. — Vous avez écrit votre déposition à la demande de Dor ?
        R. — Je l'ai écrite spontanément de moi-même en réponse aux bruits infâmes qui couraient sur P. Dor.
        — Quelle sorte de bruits ? Touchant la moralité ?
        R. — Oui.
        Alice Pouille, 55 ans, dit qu'elle a connu le P. Dor chez le Père Antoine. Elle a mieux aimé aller chez Dor qui habitait plus près.
        M. le président. — Leur religion était autre. Le 1er c'est St Jean-Baptiste ; Dor c'est le Christ. (Rires.)
        D. — Alliez-vous souvent chez Dor ?
        R. — Tous les quinze jours. Il a même été question que j'aille passer les vacances chez Mme Delisée.
        D. — Que pensez-vous de cette dame ?
        R. — C'était jadis une croyante. Mais comme elle était légère et variable, elle a changé.
        Me Bonnehill. — La doctrine du Père ne vous oblige-t-elle pas de vous dire coupable de fautes que vous n'avez pas commises ?
        R. - ?!?...
        Me Lebeau, protestant. — Vous interprétez mal la doctrine du Père Dor.
        L'audition des témoins de ce matin est terminée.
        M. le substitut du procureur-général. — Il a été fait allusion tout à l'heure à des sollicitations, faites à Charleroi par le prévenu pour obtenir des adeptes des témoignages favorables. Une enquête a été faite par le parquet de Charleroi... je dépose le dossier sur le bureau de la Cour.
        L'ordre du jour est établi ensuite.
        Demain mercredi audition des témoins, puis interrogation du P. Dor. Les plaidoiries des parties civiles doivent être finies demain.
        Mardi prochain, réquisitoire et plaidoiries de la défense. (B.)

    Le bruxellois, 5 avril 1917


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