• Paul Ariès - Les sectes à l'assaut de la santé (2000)

    Auteur :    Paul Ariès
    Titre :        Les sectes à l'assaut de la santé, Le pluralisme thérapeutique en danger
    Paru le :     26/07/2000
    Editeur :     Golias (editions)
    Collection :     les dossiers de Golias
    Nombre de page : 123 p.

        Evoque l'antoinisme aux pages 49-50. L'introduction peut être consultée sur le site numilog.

        Le sous-titre a son importance : le pluralisme thérapeutique en danger. En effet la thèse intéressante du livre est qu'à force de combattre les sectes, on finit pas combattre tout ce qui n'est pas la norme. Mais le problème est donc de définir la norme. Ne se laissons donc pas avoir par le poteau rose. Il fallait un titre accrocheur, il a vite été trouvée. Trop vite peut-être, car le problème de la liste du rapport Parlement revient.
        La thèse est bonne, et elle permet de faire la critique aussi de ce qui devient la norme dans la médecine actuelle : la médecine scientifique marchande et technicienne. Celle qui calcule le besoin en médicament en fonction de ce qu'ils rapporteront aux laboratoires et celle qui déshumanise le patient en le compartimentant en organe sain ou non et qui oublie d'écouter ce que le patient veut pour sa guérison. Et donc qu'il participe à cette guérison, qu'il devient "un sujet et non un objet" (p.13).
        En ça, la médecine a à apprendre de certaines "sectes". Cependant l'auteur pense qu'un patient parcellisé se trouve protégé à l'égard du praticien, et donc échappe à l'emprise du médecin et apprend a se méfier de l'extrémisme des groupes sectaires. De plus l'auteur, citant le docteur Abgrall, précise qu'il y a parfois certaines médecines qui abritent des remèdes douteux (p.9) mais il oublie de dire qu'il peut y avoir des gens de bonne foi (sans mauvais jeu de mot) faisant partie de groupes stigmatisés comme secte, et que leur réprobation a parfois, comme le disait Mgr Jean Vernette, secrétaire national de l'épiscopat français pour l'étude des sectes et nouveaux mouvements religieux, amener à considérer que cette liste « comportait de semblables qualifications abusives pour certains groupes épinglés faussement comme sectes avec toutes les conséquences désastreuses pour leurs membres et leurs activités, la liste étant largement publiée dans les médias. Or aucun n'avait été entendu. Aucun n'a pu obtenir réhabilitation ou nouveau jugement, car aucune instance ne se reconnaît qualifiée pour reprendre le dossier. La chose est grave dans un état de droit et l'on s'inquiète qu'elle risque de se renouveler par un autre biais ». (http://fr.wikipedia.org/wiki/Lutte_antisectes_en_France). D'où la constitution d'associations de défense de ces mouvements religieux contestés (comme le CAP-LC ou le CICNS). Concernant Vernette, cependant, il se vente d'écrire des livres objectifs et neutre et l'on verra aussi que ce n'est pas le cas, mais on est quand même pas dans le même fiel que Paul Ariès, nous le verrons.

        L'autre thèse est que les sectes recyclent des thèses et des thèmes d'extrême-droite (p.8), profitant "du contexte de détresse et du contenu fantasmagorique qu'exprime ce culte de la 'santé parfaite'" (p.113), inaccessible du fait du "karma" et du système de la réincarnation, et donc qui provoque l'inégalité des malades en ce qui concerne la santé. Cette thèse n'est pas nouvelle puisqu'elle est reprise d'Alain Woodrow, dans Les nouvelles sectes (1977).

        Paul Ariès relativise la "pratique des listes" de sectes jugées dangereuses par l'Etat, en disant qu'elle "était sans doute nécessaire, à un moment donné, pour prendre conscience de l'ampleur d'un phénomène, mais elle est toujours suspecte d'amalgame" (p.18). Cependant il se servira de cette liste pour stigmatiser certains groupes, dont les Antoinistes.
        Et cela discrédite ainsi la thèse de départ. D'autant plus quand des erreurs grossières sont présentées pour prouver la dangerosité des sectes.

        Voyons le chapitre sur l'antoinisme pour s'en rendre compte, nous verrons qu'on est loin de "la description [...] juste et le ton modéré" dont nous parle le site vigi-sectes.org (http://www.vigi-sectes.org/biblio/nouveaux_livres.html) :
        On commence à un extrait des dix principes (c'est en général ce qui sert dès qu'on veut discréditer la Révélation de Louis Antoine) : "Tâchez de vous pénétrer que la moindre souffrance est due à votre intelligence qui veut toujours plus posséder ; elle se fait un piédestal de la clémence en voulant que tout lui soit subordonné". Sortons un extrait des Dix commandements et voyons ce que cela donne : "l'Éternel, ton Dieu, je suis un Dieu jaloux, qui punis l'iniquité des pères sur les enfants jusqu'à la troisième et la quatrième génération de ceux qui me haïssent. Et qui fais miséricorde jusqu'en mille générations à ceux qui m'aiment et qui gardent mes commandements." (Exode  20,5-6). Ca donne envie d'être chrétien catholique !
        On lit ensuite une courte biographie de Louis Antoine et on apprend qu'il est très catholique, et qu'il fonde d'abord un groupe spirite Les Vignerons du Seigneur, puis qu'il "se sépare de l'Eglise. Il désire alors entrer en communion avec son fils, décédé à l'âge de 20 ans". Or, le fils même des Antoine avait participé à des séances spirites, et Louis Antoine devient spirite à part entière en 1889. La mort de son fils survient en 1893. Et le terme "entrer en communion" avec son fils est mal choisi. L'auteur voulait-il dire "en communication" ?
       Pour l'auteur, "il voyage en Allemagne et en Pologne". Là aussi, ce passage a lieu avant la période spirite. Le terme "voyage" est aussi particulièrement mal trouvé. Un ouvrier métallurgiste de la fin du XIXe siècle n'a pas le loisir de "voyager". Dans ces pays, il rencontre "l'occultisme et quelques Grands Initiés". Ce sont là des suppositions, on ne sait pas où Paul Ariès apprend ce moment important ignoré par Pierre Debouxhtay. Peut-être l'extrapole-t-il de Régis Dericquebourg.

        On suit la suite de la vie de Louis Antoine et la fondation du culte, ainsi que le travail de Mère. Là rien a signaler. Puis vient le moment où l'auteur décrit en quelques mots les pratiques de l'antoinisme : "ses fidèles pratiquent l'imposition des mains, récitent ses textes et chantent ses louanges. Le culte est ouvert à tous et on pratique la guérison en s'habillant de noir". Encore une fois, l'accusation d'imposition des mains qui n'a jamais été pratiqué par les guérisseurs antoinistes (ou alors en dehors de ce que demandait Mère qui avait à coeur d'institutionnaliser les textes de son mari et l'intercession des guérisseurs entre le Père et les malades par une pensée). Cependant ici on ne parlera pas du prosélytisme inexistant dans l'antoinisme, non plus de la liberté laissée aux adeptes, l'absence de quête et de dîme... bref, on ne signalera pas ce qui peut détruire le reste de la thèse du livre.
        Pour l'auteur, l'antoinisme "nie l'existence de la matière, donc de la maladie et de la mort mais aussi de Dieu et du mal". Il a donc compris à l'envers. Selon la Révélation, on subit la maladie, parce qu'on croit que l'intelligence nous fait croire en la matière. Si on oublie la matière, la maladie disparaît également, car l'Esprit divin, présent en chaque homme, ne peut souffrir étant parfait. Mais Louis Antoine était bien conscient qu'ignorer la matière n'était pas chose à la porté de tout le monde, et selon la foi du malade acceptait d'intercéder en sa faveur ou l'envoyait chez le médecin si le patient montrait qu'il avait moins de foi au prophète qu'au praticien. Ensuite on ne nie pas l'existence de Dieu, car il est dit plusieurs foi que nous sommes dieu nous-même. Mais l'auteur n'a pas pris la peine de parcourir la Révélation, c'est évident.
        Ensuite, on apprend que "la guérison est apportée lors de séances collectives où on rejette le Bien et le Mal". Là encore, voilà le processus de l'Opération bien ridiculisé et minimisé. Ce n'est pas à ce moment qu'on "rejette" le Bien et le Mal". Je dirais d'ailleurs qu'on ne le rejette pas, mais on le relativise.
        "L'antoinisme condamne la science (illusion) et la médecine, sauf à base de plantes." Là encore quelles sont les sources de Paul Ariès ? De plus l'Antoinisme ne condamne rien. Il ne va pas sur le terrain de la science, il traite l'âme. Quand l'âme sera guéri, le corps ne souffrira plus.
        "Il [l'Antoinisme] recourt également à l'imposition des mains, à l'eau bénie par le Père Antoine, etc. La guérison peut s'effectuer par correspondance grâce à du papier bénie et magnétisé." Encore l'imposition des mains. A force, je vais finir par la réclamer à mes guérisseuses qui n'ont jamais daignées me la pratiquer (gardons notre sens de l'humour, s'il vous plaît). Surtout je pense à la déception de beaucoup de malade qui se sont vue soignés "que" par une pensée ! L'eau bénie est une invention, encore une fois, où l'auteur a-t-il pu lire cela ? Ici l'auteur mélange certainement toutes les époques : l'époque où le Père invoquait les esprits pour guérir, se servait de papier magnétisé et imposait les mains. Alors que le Père abandonna après son procès cette méthode, comprenant (grâce à Léon Denis) que les passes et la matière étaient inutiles dans le processus de guérison. Dès lors, les guérisseurs antoinistes n'auront pas recours aux papiers magnétisés pour guérir. Il n'intercède encore une fois qu'entre le Père et le malade.
        Puis on apprend que parmi les 20 000 membres, une partie importante se trouve au Brésil. C'est certainement la raison pour laquelle il n'y a toujours pas de temple et qu'on y a même fermée une Salle de lecture.
        Mais selon Régis Dericquebourg, "pour ce qui est des opposants aux sectes, tant qu’on ne leur sert pas la soupe en dressant des portraits calamiteux et en faisant des analyses négatives des groupes religieux minoritaires, ils nous considèrent comme des apologistes", il est clair que Paul Ariès est un opposant ("ses travaux nourrissent largement les rapports parlementaires et ceux de la MILS qui le citent directement" lit-on sur wikipedia), et Régis Dericquebourg devient donc un apologiste (http://www.regis-dericquebourg.com/2009/12/29/tu-crois-quoi/).

        Une autre procédé de l'auteur nous étonne : l'auteur scinde les sectes guérisseuses en deux groupes : les sectes guérisseuses traditionnelles dont le but est de guérir des incurables (dont fait partie l'antoinisme) et les sectes guérisseuses modernistes qui pathologisent des biens portants (où est rangé la Science chrétienne, qui pour l'auteur n'est pas une secte : en effet, le rapport d’enquête n° 2468 de l’Assemblée nationale de 1995 l'a examiné mais non épinglé, cependant plusieurs organismes de lutte contre les sectes la perçoit comme sectaire. Pour la sociologue Anne-Cécile Bégot, la Science chrétienne est proche de la secte, pointant la « rupture avec le monde environnant (...) [et la] reconnaissance et soumission à une autorité », bien qu’elle considère qu’il faille nuancer ces éléments en France car le mouvement a dû s’accommoder de la laïcité environnante. En définitive, elle estime que le groupe tendrait « vers un type d’organisation religieuse intermédiaire entre la secte et l’Église : la dénomination ». Elle considère également que le mouvement est peu prosélyte en privilégiant « la qualité de ses recrues plutôt que la quantité » (wikipedia)). Paul Ariès, suivant le rapport, prend soin de ne pas trop flétrir la Science chrétienne, on le sent beaucoup plus neutre. Et il ne parlera pas des influences de Mary Baker (Phineas Quimby et Richard Kennedy). Même Philippe Delorme n'est pas aussi complaisant.
        Pour notre auteur, les sectes guérisseuses modernistes ne "s'adressent plus à des malades icurables ou gravement atteints, mais à des bien-portants". "Ces groupes sont modernes au sens où ils utilisent les images et normes dominantes". (p.58)
        Signalons que l'antoinisme ne sera repris nulle part ailleurs dans le corps de l'ouvrage pour le stigmatiser, sauf à dire qu'il est "épinglé par les rapports parlementaires", dont l'auteur dit lui-même le danger.
        Enfin, l'auteur souligne que le "transfert" (quand le malade s'en remet corps et âme au thérapeute dans l'espoir d'un guérison, opérant ainsi un glissement entre celui qui le soigne et lui qui guérit (ou non)) n'est pas en soi condamnable, "car il est une des conditions de l'efficacité" (p.112).

        Pour finir, la bibliographie marque le livre de Régis Dericquebourg sur les Religions de guérison comme source. Je pense que je vais devoir y jeter un oeil pour vérifier si Paul Ariès ne se serait pas servie uniquement de ce livre pour [mal] comprendre l'antoinisme. Je pense quant à moi, qu'il se serait surtout servi du livre de Mgr Jean Vernette, le Dictionnaire des groupes religieux aujourd'hui (1995 & 2001).


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