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Quotidiennes (Gazette de Charleroi, 28 octobre 1913)(Belgicapress)
L'antoinisme commence la conquête de Paris : la mère Antoine y a procédé, dimanche, à l'inauguration d'un temple.
Ainsi, la religion inventée par le petit ouvrier de Jemeppe-sur-Meuse compte déjà des adeptes à l'étranger, et il est à présumer qu'elle fera encore de nouveaux progrès. Malgré son scepticisme, ce siècle est donc favorable à l'éclosion et l'extension de croyances d'une naïveté désarmante mais heureusement inoffensives, tout au moins jusqu'à présent. Il ne faudrait cependant pas trop s'y fier. L'antoinisme, s'il ralliait un jour trop de fidèles, deviendrait vite intolérant et ennemi des libertés périlleuses pour sa puissance.
Il est curieux d'observer que les créateurs de religions appartiennent presque toujours aux classes populaires. Leur culture intellectuelle est nulle. C'est à peine s'ils savent lire et écrire. Ils n'ont pas la moindre notion de philosophie. Et cette ignorance, loin de leur nuire est leur plus précieuse garantie de succès : ils sentent ce qui convient au peuple, lequel ne comprend rien aux subtilités des systèmes métaphysiques, et réclame quelques « certitudes » très simples et très faciles. Il est bon, d'autre part, que ces « certitudes » soient contraires au bon sens : la masse s'attache mieux et plus profondément à ce qui choque la raison. Si ma croyance n'était pas absurde, a écrit un catholique, quel mérite aurais-je à croire ? je n'aurais rien à abdiquer de moi-même.
Après le créateur de religion, arrivent les théologiens qui se chargent de commenter sa doctrine, d'en fixer les règles et les principes, et de prêter à celui dont ils se prétendent les disciples, des choses auxquelles son esprit ingénu n'avait jamais songé.
L'antoinisme, s'il subsiste, subira fatalement cette évolution naturelle.
ALCESTE.Gazette de Charleroi, 28 octobre 1913 (source : Belgicapress)
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