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Raoul Stephan - Une erreur, les Antoinistes (Viens et Vois, sept. 1952, n°181)
"UNE ERREUR"
LES ANTOINISTES
Né en Belgique, à Mons-Crotteux (Liège) le 7 juin 1846, cadet d'une famille de onze enfants, Antoine est ouvrier mineur dès l'âge de douze ans. A quatorze ans déjà il avait une vive piété, aimant se retirer à l'écart pour prier, mais avec les années il ressentait le besoin d'une doctrine que le satisfit. Il part pour l'Allemagne, puis pour la Russie où il travaille comme ouvrier métallurgiste. Marié, il trouve le moyen, malgré une maladie d'estomac, d'économiser assez d'argent pour cesser de travailler. C'est alors que se produisit en lui ce choc spirituel qui lui imposa une consécration totale. Pierre Geyraud prétend que ce fut la lecture d'un livre d'Allan Kardec, Le Livre des Esprits, qui l'illumina, et qu'en faisant tourner sa table il apprit que les maux physiques n'existaient pas. Toujours est-il qu'il se sent envahi de fluides guérisseurs, ses maux d'estomac disparaissent, et il ne songe plus dès lors qu'à guérir ses semblables de leurs maux, tant moraux que physiques. Son pouvoir se développe, sa renommée s'étend, il fait des disciples et, de 1906 à 1909, il livre à quelques adeptes qui sténographient ses paroles les révélations qu'il déclare avoir reçues. Le 15 août 1910, le premier temple antoiniste est consacré à Jemappes-sur-Meuse (Liège). Il meurt le 25 juin 1912 en demandant à sa femme de continuer son œuvre. Celle-ci, qui lui a survécu jusqu'au 3 novembre 1940, a été en quelque sorte l'organisatrice de l'église antoiniste.
A l'heure actuelle il y a 50 temples consacrés, 29 en Belgique, 20 en France, 1 à Monaco, mais il faut compter en outre environ 130 salles de lecture, qui sont des embryons de temples futurs, dans les mêmes pays, mais aussi en Hollande, en Luxembourg, en Afrique du Nord, aux Etats-Unis, au Brésil. A Paris il y a un temple, semblable à une église de village, 34, rue Vergniaud (13e) et un autre, 49, rue du Pré St-Gervais (19e). C'est ce dernier temple qui est le centre spirituel de l'antoinisme. En France il y a des groupes antoinistes à Aix-les-Bains, à Tours, à Evreux, à Rouen, à Reims, à Lille, à Nantes, à Lyon-Villeurbanne, à Orange à Nice, etc... Il est difficile de chiffrer le nombre des antoinistes à travers la terre. Le frère directeur évalue à 150 mille le nombre des nationaux, mais à plusieurs millions celui des sympathisants.
Il y a un culte tous les jours, sauf le samedi, à 10 h. et à 19 heures. Ce culte s'appelle l'opération. Le Père Antoine considéré par ses fidèles comme une incarnation de Dieu sur la terre opère sur tous ceux qui l'implorent avec foi.
L'enseignement du Père Antoine est celui d'un homme simple et bien propre pour plaire à des simples. Une inscription du mur précise : « C'est l'enseignement du Christ révélé à cette époque par la foi ». Mais on est un peu surpris qu'il soit si peu question de Jésus-Christ dans toutes ces « révélations » recueillies par les sténographes, et je suis vivement choqué lorsqu'on me parle sans cesse du Père, qu'on prie le Père, qu'on invoque le Père, qu'on encense le Père, alors que ce Père n'est pas Celui qu'invoquait Jésus-Christ, mais le vieillard qu'une photographie nous présente sur un autel avec sa longue chevelure blanche, sa barbe et sa moustache blanches qui paraissent les unes et les autres postiches. A sa gauche le portrait en pied de la Mère, une petite vieille fûtée, et à sa droite un tableau symbolique représentant « l'arbre de la science du bien et du mal ». Toute cette imagerie me choque.
Comme Mrs Baker Eddy, Antoine pensait que le mal n'existait pas. C'est nous qui l'imaginons. La souffrance a pour but l'avancement spirituel des êtres. Un seul remède peut guérir l'humanité : la foi. « C'est de la foi que naît l'amour, l'amour qui nous montre dans nos ennemis Dieu lui-même », car Dieu est amour. Aimer Dieu et lui obéir en toute humilité, avec un parfait désintéressement, en s'efforçant de faire le bien nous vaudra de grandir dans la voie spirituelle, de capter les fluides d'en haut pour notre bien et pour celui de nos semblables. Le Père Antoine semble avoir été affecté par la division des chrétiens et le remède qu'il a cru pouvoir apporter est celui d'une religion sans dogme, d'une sorte de moralisme mystique.
J'ai assisté au culte du Pré-St-Gervais le jour de la fête du Père Antoine, c'est-à-dire le jour anniversaire de celui où « il s'est désincarné » (25 juin). Une foule endimanchée à rempli le temple canalisée par des frères et des sœurs en uniforme noir : beaucoup de personnes sont restées debout. Cette foule a attendu dans le plus grand silence. Le frère directeur est monté en chaire pour y prier silencieusement et toute l'assistance s'est levée. Au pied de la chaire un autre frère a lu « les dix principes », puis un autre a lu les dernières paroles du Père Antoine. Après quoi il a déclaré : Le Père vous remercie. Le temple a été ensuite entièrement évacué ; quelques moments après il s'est rempli pour une « opération » qui s'est déroulée à peu près de la même façon. On est frappé par le recueillement de la foule qui s'efforce de comprendre des principes comme celui-ci, qui est le premier : « Si vous m'aimez vous ne l'enseignerez à personne, puisque vous savez que je ne réside qu'au sein de l'homme. Vous ne pouvez témoigner qu'il existe une suprême bonté, alors que du prochain vous m'isolez ». Ces paroles sont prêtées à Dieu. Mais que devient alors : « Allez et évangélisez les nations » ?Raoul STEPHAN
(Extrait du « Christianisme » au XX siècle).
Issu de Viens et Vois, Église Évangélique de Pentecôte, sept. 1952, n°181
(ruedusentier.free.fr)
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