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Robert Vivier - Délivrez-nous du mal - Sprimont
Sprimont est un endroit fort éloigné de Jemeppe, c'est déjà dans les Ardennes. Là, un carrier avait l'oeil tout fermé d'une enflure : un petit éclat de pierre y était entré on ne sait comment, et cela s'était mis à gonfler. Il était socialiste, ce carrier, il ne croyait ni à Dieu ni à diable... Un jour, tôt avant l'aube, il a mis ses souliers et il est venu à pied jusqu'à Jemeppe (il y a bien cinq lieues).
Ce n'était pas un jour où Antoine recevait les malades. Il était à son usine, chez De Lexhy. Le carrier s'est accroupi sur les talons à côté du seuil, et il a attendu qu'Antoine revienne.
- Je ne reçois pas aujourd'hui, lui dit Antoine.
- Oh! Vous pourrez bien me recevoir... Voyez : mon oeil est si gros, et j'ai marché cinq heures depuis Sprimont.
Antoine l'a fait entrer. il s'est recueilli un instant, l'a regardé bien en face, l'a touché, et puis il lui a dit d'un ton sévère :
- Pourquoi n'êtes-vous pas venu dès que vous en avez eu la pensée ?
Le carrier était tout éberlué. La semaine avant, un camarade lui avait donné le conseil d'aller chez Antoine, mais il lui avait répondu brutalement :
- Qu'est-ce qu'il y fera bien, celui-là ?
Robert Vivier, Délivrez-nous du mal
Ed. Labor - Espace Nord, p.238-39
Tags : Sprimont
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