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Robert Vivier et André Thérive, destin croisé de poète-romancier ou de romancier-poète
Robert Vivier (1894-1989) naît à Chênée (Liège) d’un père ingénieur d’origine bourguignonne, et d’une mère liégeoise. Il décède à Paris, où il s'était fixé dans les années 60, en 1989 à La Celle Saint-Cloud.
Élève de l’Athénée royal de Liège, où il se lie durablement d’amitié avec un jeune homme qui deviendra une autre personnalité des Lettres belges, Marcel Thiry, il entre ensuite à l’Université de Liège, à la Faculté de Philosophie et Lettres. De cette faculté, il devient une des grandes figures, un professeur très écouté, qui enseigne les auteurs français, l'italien et sa littérature.
Il connaîtra la guerre, dont il en sortira meurtri. Il écrira un recueil de récits Avec les hommes. Il connaît ainsi une expérience similaire à André Thérive, autre romancier populiste qui évoquera les Antoinistes de Paris dans Sans âme, qui écrira Frères d'armes en 1930 qui consisteront un partie de Noir et or, mais aussi Voix du sang (1955) et Écrevisse de rempart (1969). Oeuvres avant tout littéraire, où l'auteur se place du côté des sans grades. Il en sera de même pour les amis de Robert Vivier : Jean Cassou (1897-1986), écrivain, résistant, critique d'art, traducteur, et poète français ; ou de Marcel Thiry, qui écrira aussi des poèmes et des romans et nouvelles, dont Le tour du monde en guerre des autos-canons belges 1915-1918. On le rapproche également à Georges Duhamel.
Le populisme des oeuvres de Vivier et Thérive gagne son apogée dans la description de la mort qui frappe les antagonistes des romans : mort du fils de Louis et Catherine Antoine, mort de Lydia, où l'auteur se montre "poète, bien plus que dans vos vers." (selon la critique Henriette Charasson)
Les destins de Robert Vivier et d'André Thérive se sépare lors de la Deuxième Guerre mondiale, quand le Belge prend part à l'action de la Résistance, où le Français sera proche d'une collaboration avec l'occupant.
Jacques Cécius n'hésite pas à qualifier Robert Vivier de sympathisant de l'antoinisme. En effet, son oeuvre est pleine de complaisance pour Louis Antoine. Mais cela ne tiendrait-il pas seulement à son affection pour les "petites gens" et les "choses de la vie". La biographie de Larousse le défini comme poète et romancier « populiste » (Folle qui s'ennuie, 1933 ; Délivrez-nous du mal, 1936).
D'après certains adeptes son épouse d'origine russe émigré en Belgique en 1920 et que Robert Vivier épouse en 1921, Zénitta Tazieff-Vivier (1887-1984, la mère d'un premier mariage du vulcanologue Haroun Tazieff) portait la robe. Jacques Cécius, qui nous rapporte cette information, semble prendre des distances en précisant : "je ne puis garantir l'authenticité de la chose." Ce que l'on sait, c'est qu'elle fut peintre et qu'elle signait Zénitta Vivier. Ensemble, les époux Vivier traduiront du russe en 1973 De l'autre côté de la nuit de Eugène Oustiev, récit d'une aventure dans la forêt vierge du nord-est sibérien, avec très peu de moyens, pour tenter d'atteindre un volcan récent ; et en 1927 le conte moderniste La Maison Bourkov : Soeurs en croix d'Alexeï Rémizov. Également auteurs d'un essai sur le poète symboliste Aleksandr Blok, en 1922, auteur dont ils traduiront le poème Les Scythes. Robert Vivier, à propos de sa femme, soulignait "son sens jaloux de la valeur psychique du mot et du vers".
Précisons cependant que le roman-vrai Délivrez-nous du mal, Antoine le Guérisseur est dédicacé : "À ma femme, À qui je dois les pensées et les sentiments de ce livre".
C'est un indice, mais c'est aussi ce qui a pu faire dire à des Antoinistes que sa femme faisait partie des adeptes...
Claudine Gothot-Mersch, dans son analyse des Editions Labor - Espace Nord, dit que la rencontre de Robert Vivier, en classe de troisième (Robert Vivier commence les Humanités à l'Athénée de Liège en 1905), avec le professeur Ferdinand Delcroix (on l'évoque parmi les adeptes de la première heure) a été décisive pour l'intérêt de l'auteur pour l'antoinisme. Elle précise qu'on pense à Germinal de Zola en lisant cette biographie (description de la mine, et des divers corps de métiers, la main-d'oeuvre enfantine, l'intervention du nihiliste russe, une grève de mineurs), "mais tout cela dans un esprit si opposé [...] que la comparaison n'a guère de sens." Cependant on ne peut que conseiller la lecture de ce roman naturaliste, ainsi que Happe-Chair de Lemonnier, pour entrer dans l'univers du travail de Louis Antoine.
Concernant la constitution de son "roman vrai qui se fait vie de saint" (Claudine Gothot-Mersch), Robert Vivier a utilisé l'ouvrage de Pierre Debouxhtay, mais la Révélation elle-même (des notes de bas de pages émaillent le texte). Il aurait visité le temple de Jemeppe. Paul BIRON & Louis CHALON, évoque comment Robert Vivier aurait eu des informations de première source :
Dans la camionnette, en rentrant à Herstal, Célestin (qui m'a tout l'air d'un antoiniste enragé) nous a raconté qu'un haut professeur de l'Université avait écrit un livre sur le Père Antoine quelques années avant la guerre (1), ce qui prouve bien que les gens instruits prennent ces histoires-là au sérieux. Même que son professeur de français à l'école moyenne du boulevard Saucy leur avait raconté un jour qu'il s'avait demandé des années au long qui étaient les hommes en deuil et en gibus et les femmes en deuil aussi avec un voile sur leur tête qui venaient de temps en temps trouver ce professeur-là dans on bureau à l'Université. Et bien, c'était des antoinistes qui venaient lui raconter la vie du Père pour l'aider à faire son livre.
Paul BIRON & Louis CHALON, Tout a changé, Mononke, p.66
source : Google Books
Pour aller plus loin : Robert Vivier, l'homme et l'œuvre: actes du colloque organisé à Liège le 6 mai 1994 à l'occasion du centenaire de sa naissance
Tags : bibliographie
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