• Saint-Augustin, Les confessions - et je suis devenu obscurité

    J’ai interrogé la mer, les abîmes, les êtres vivants qui rampent. Ils ont répondu : " Nous ne sommes pas ton Dieu ; cherche au-dessus de nous. " J’ai interrogé les brises qui soufflent ; et tous les espaces aériens ont dit à ceux qui les habitent : " Je ne suis pas Dieu. " J’ai interrogé le ciel, le soleil, la lune et les étoiles : " Nous non plus, nous ne sommes pas le Dieu que tu cherches ", disent-ils Et j’ai dit à tous les êtres qui entourent les portes de ma chair : " Dites-moi sur mon Dieu, puisque vous ne l’êtes pas, dites-moi sur lui quelque chose ". Ils se sont écriés d’une voix puissante : " C’est lui-même qui nous a faits. " Mon interrogation, c’était mon regard posé sur eux ; et leur réponse, leur beauté.

    Bien tard je t’ai aimée, ô Beauté si ancienne et si nouvelle, bien tard je t’ai aimée.
    Et voici que tu étais au-dedans, et moi, au-dehors, et c’est là que je te cherchais, et sur la grâce de ces choses que tu as faites, pauvre disgracié, je me ruais ! Tu étais avec moi et je n’étais pas avec toi, elles me retenaient loin de toi, ces choses qui pourtant, si elles n’existaient pas en toi, n’existeraient pas.

    Tu m’as appelé, tu as crié, et tu as brisé ma surdité ; tu as brillé, tu as resplendi, et tu as dissipé ma cécité ; tu as embaumé, j’ai respiré et, haletant, j’aspire à toi ; j’ai goûté et j’ai faim et soif ; tu m’as touché et je brûle pour ta paix.

    O Vérité, lumière de mon cœur, ne laisse pas mes ténèbres me parler ! J’ai dérivé vers les choses d’ici-bas et je suis devenu obscurité ; mais de là, même de là, je t’ai profondément aimée. J’ai erré et je me suis souvenu de toi. J’ai entendu ta voix derrière moi me disant de revenir, mais j’ai mal entendu dans le tumulte des contestations.

    Et maintenant, voici que je reviens tout brûlant et haletant vers ta source. Que nul ne m’en écarte ! que j’y boive et en vive ! En toi, je reprends vie. Parle-moi, instruis-moi. J’ai mis foi dans tes livres et leurs paroles sont des mystères profonds.

    Saint-Augustin, Les confessions


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