• Shalom Auslander - La lamentation du prépuce (p.256)

        Au lieu de l'athéisme attendu, j'avais échoué dans un univers polythéiste. Il y avait ici plus de dieux qu'à Monsey, peut-être pas aussi vindicatifs, mais qui insufflaient la même dévotion aveugle à leurs ouailles, partagées entre divinités majeures - mode, argent, réussite, pouvoir - et mineures, voitures, abonnement à un club de gym et pas à un autre, adresse postale -, et il avait une guerre sainte qui couvait, j'en étais sûr, entre la sphère inférieure - au-dessous de la 14e Rue - et le monde supérieur - au-dessus de la 14e Rue. Il y avait une Bible qui s'appelait le New York Times, une autre qui avait pour nom le Village Voice, un dieu nommé Frank Rich. Il y avait "Donal Trump, Seigneur de la Thune", et une temple près de chez nous, Kim's Video, où des enfants de choeurs maussades, mal nourris et boutonneux célébraient le culte du dieu Sergueï Eisenstein, créateur du montage, protecteur du plan-séquence, qui avait fait sortir de terre le monde Potemkine et dispensé à Son peuple la bénédiction du symbolisme protodidactique.
        Seuls les noms avaient changé.

    Shalom Auslander, La lamentation du prépuce
    10/18, Paris, 2007, p.256


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