• Spiritualité d'origine des antoinistes

        Quelques auteurs ont souvent dit que Louis Antoine avait choisis les dates catholiques pour "récupérer" les personnes de cette obédience. Ainsi Régis Dericquebourg nous dit : "Peut-être [Louis Antoine] voulait-il aussi satisfaire un public essentiellement d'origine catholique qui aurait souffert de l'absence de célébration dans un contexte où elle se déroulaient." Et Alain Lallemand dénonce même : "Pour mémoire, citons l'autre grande fête antoiniste : le 15 août, anniversaire de la consécration du premier temple, celui de Jemeppe. Mais tous les Liégeois savent que le 15 août est traditionnellement jour de fête mariale, fête qu'un culte de souche mosane se devait de récupérer."
        On peut voir cependant que les adeptes étaient plutôt déchristianisés et que, de plus, Louis Antoine n'empêcha jamais ses adeptes de pratiquer une autre religion. Par ailleurs, on peut penser que c'est pas simple commodité, les ouvriers étant libérés de leur obligation ces jours-là pouvaient donc célébrer la fête comme ils l'entendaient.
        Voici une liste d'origine des adeptes :
    - spirites : en fondant le Nouveau spiritualisme, il gagne des adeptes d'un côté mais il en perd aussi, certains désirant rester fidèles à Allan Kardec (cf. Dericquebourg, p.19 & p.119, Debouxhtay, p.124).
    - chrétiens déchristianisés : en effet, Dericquebourg dit que l'antoinisme ne se propagea que difficillement en Flandre, du fait de la force du catholicisme dans la région, ainsi s'il fonctionna si bien dans le Sud du pays, c'est que la population était déjà déchristianisée (p.137).
    - catholiques et protestants : évoquant les mises en garde éditées à l'époque du développement de l'antoinisme, abbés, prêtres, aumôniers, et pasteurs écrivaient des diatribes contre Louis Antoine. On peut penser donc que certaines personnes appartenaient à l'origine à ces religions (Dericquebourg, p.144 et Debouxhtay, p.281-86). Plus récemment, Anne-Cécile Bégot fit une enquête entre 1994 et 1997 et signale que "le public antoiniste est constitué d’une population âgée, pour une grande part issue du catholicisme" (Les Mutations de la représentation du divin au sein d’un groupe à vocation thérapeutique). Le même article signale que certains adeptes antoinistes, parfois costumés, continuent de fréquenter l’Église catholique.
    - juifs : concernant la virgule dans l'inscription morale complétant l'Auréole de la conscience qui fut apposer par Mère, "L'Enseignement du Père, c'est l'Enseignement du Christ, révélé à cette époque par la foi". La virgule disparu dans l'Unitif de décembre 1912. Régis Dericquebourg signale que la virgule semble indiquer que le Père serait un continuateur de Jésus et que l'antoinisme est une différenciation chrétienne. "Cette dernière version aurait provoqué des protestations chez les Antoinistes de confession juive" (p.130).
    - musulmans : Régis Dericquebourg évoquait, lors de la conférence sur l'antoinisme à Caudry, le cas d'un couple d'origine maghrébine, la femme portant le voile, venant consulter pour veiller à ce qu'une opération se passe bien. La desservante du temple lui dit cependant qu'aucune personne de cette origine ne s'engageait dans le mouvement.
    - animiste ou autres : on peut voir, notamment à Paris, des adeptes de couleur, cependant ils peuvent également être catholique. Jacques Cécius rappelle que l'antoinisme est parfois dénommé le bouddhisme occidental. Certains adeptes sont parfois aussi bouddistes (cf. l'article d'Anne-Cécile Bégot).

        Pendant le XXe siècle, les gens sont venus nombreux, d'abord à Jemeppe et après dans les Temples qui se construisaient partout à l'époque. Très peu de ces personnes s'intéressaient à l'Enseignement, la plupart est venue chercher la guérison physique, à la fin du siècle beaucoup venaient pour connaître leur avenir.
        Ils ont été satisfaits ; ils ont trouvé, dans les temples, tout ce qu'ils croyaient pouvoir faire leur bonheur. Et les temples se sont vidés !
        Maintenant, l'Enseignement du Père est de nouveau maître à Jemeppe. Il n'y a plus ni voyance ni croyance. Les adeptes, moins nombreux, essayent de faire consciencieusement le travail moral. On y sent un sang neuf, on a l'impression d'être au début ; on sent que ces seulement maintenant que vons se récolter les fruits de ce qui a été semé par le Père.
    Démonstrations n°2, signé Ch.P., p.38-39

        L’absence d’instance de contrôle des croyances et pratiques des adeptes favorise le pluralisme du croire. Ainsi, on observe que le recours à des croyances issues d’autres traditions religieuses ou spirituelles, notamment le catholicisme et le New Age, est fréquent parmi les adeptes. On peut aussi remarquer certains guérisseurs antoinistes porter la croix du Christ autour du cou ou recourir à des prières catholiques lors de leurs consultations. D’autres adeptes, notamment ceux qui ne portent pas le costume, font des stages de reiki, de yoga, de taï chi ou consultent des cartomanciennes. De la même façon, les enseignements antoinistes sont (ré)interprétés à partir d’autres référents religieux ; le « fluide » antoiniste devient « énergie » ou « chakra », des emprunts aux livres de Paco Rabane servent à comprendre des passages de l’enseignement antoiniste,...
    Anne-Cécile Bégot, La construction sociale de l’efficacité thérapeutique au sein de groupes religieux (ethnographiques.org - numéro 15 - février 2008)

        Il faut indiquer que ces pratiques magiques ont parfois été favorisées par Mère, la femme de Louis Antoine. Ayant été nommée par son mari pour lui succéder et ayant un déficit de légitimité auprès des adeptes, elle s’est imposée auprès de ces derniers en « magifiant » certaines pratiques et en divinisant le Père Antoine (Anne-Cécile Bégot, Les Mutations de la représentation du divin au sein d’un groupe à vocation thérapeutique, 2000).
    Anne-Cécile Bégot, La construction sociale de l’efficacité thérapeutique au sein de groupes religieux, note 20 (ethnographiques.org - numéro 15 - février 2008)

        Il y a aussi les personnes qui croient être victimes d'un ensorcellement. Il y a peut-être ceux qui craignent le médecin et ceux qui ont en tête un mobile moins avouable comme celui d'envoyer un maléfice à quelqu'un. Cette dernière demande doit être déclarée inacceptable car l'antoinisme ne pratique pas la magie.
    Régis Dericquebourg, GSRL CNRS, Université Charles De Gaulle, Lille3 (halshs.archives-ouvertes.fr-00348718, version 1 - 21 Dec 2008)


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