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Stefan Zweig - Toute vie est donc double
Car le "Moi" qu'on est en rêve n'est qu'en apparence le même qu'à l'état de veille. Comme le temps n'existe pas alors (ce n'est pas par hasard que nous disons qu'une chose s'est "passé comme un rêve") nous sommes au moment du rêve simultanément ce que nous étions jadis et ce que nous somme maintenant, l'enfant et l'adolescent, l'homme d'hier et celui d'aujourd'hui, le Moi total, la somme non seulement de notre vie, mais de tout ce que nous avons vécu, tandis qu'éveillés nous ne percevons que notre Moi présent. Toute vie est donc double. En bas, dans l'inconscient, nous sommes notre totalité, le Jadis et l'Aujourd'hui, l'homme primitif et le civilisé, mélange confus de sentiments, restes archaïques d'un Moi plus vaste lié à la nature - en haut, à la lumière claire et tranchante, rien que le Moi conscient qui existe dans le temps. Cette vie universelle, mais plus sourde, communique avec notre existence temporelle presque uniquement pendant la nuit par ce mystérieux messager des ténèbres : le rêve ; ce que nous devinons sur nous de plus essentiel ; c'est lui qui nous le suggère. L'écouter, pénétrer son message, c'est donc apprendre notre essence la plus intime.
Stefan Zweig - La guérison par l'esprit, p.234-25
Le Livre de Poche, n°9524, 1931 (1982 & 1991 pour la traduction française)
Tags : solidarité, naturel, matière, Bien & Mal
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