• Télé Moustique 12-05-2010 - les antoinistes

    SOCIETE  cultes | Découvrez les bahaïstes, les alévis, les antoinistes...

    Elles sont plus d'une centaine, rien qu'à Bruxelles. Portraits de religions très surprenantes !

    Tous croyants, tous différents

    Combien de religions pouvons-nous citer de mémoire ? Les grands classiques : christianisme, islam, judaïsme, bouddhisme, hindouisme. Peut-être aussi vaudou, animisme, shintoïsme ou taoïsme. Et basta. Il y en a pourtant des centaines, selon la manière dont on les classifie. Si vous visitez un jour les archives du Centre interdisciplinaire d'étude des religions et de la laïcité de l'ULB, vous serez surpris. "Rien qu'à Bruxelles, on a répertorié environ une centaine de mouvements religeux. Et on sait qu'il y en a plus encore", glisse Anne Morelli, directrice adjointe du Centre.
        Un centaine ? Premier réflexe : n'en percevoir que la facette insolite, voire sectaire. Un Hare Krishna ou un mormon qui arpentent les rues inspirent toujours une légère méfiance. Ou du sarcasme. Mais avant que l'empereur romain Constantin n'établisse la liberté de culte en 313, les chrétiens étaient également considérés comme une secte. Pour Anne Morelli, depuis, rien n'a véritablement changé. C'est toujours le pouvoir politique qui décide de "ce qui est ou n'est pas religieusement correct. Et pas spécialement le nombre d'adeptes ou de lieux de culte. A Bruxelles, il y a plus de maisons du royaume, lieux de culte des témoins de Jéhovah, que de synagogues". Parmi cette myriade de mouvements présents en Belgique, nous en avons sélectionné quatre qui, chacun à leur manière, ont quelque chose à raconter sur la quête de spiritualité propre à l'humanité.
        Les bahaïs, des pacifiques persécutés [...]
        Le candomblé, sans bien ni mal [...]
        Les alévis, des Turcs plutôt singuliers [...]
        Les antoinistes, très belgo-belges
        A liège, Verviers, Spa, La Louvière ou encore Forest, quelques temples aux proportions réduites, surmontés d'un semblant de clocher, se dissimulent au coeur de quartiers populaires. (1) Sur leur porte, la même inscription : "Lecture de l'enseignement du Père le dimanche à 10 h. Le temple est ouvert du matin au soir aux personnes souffrantes". Le Père, c'est Louis Antoine, un mineur reconverti en prophète-guérisseur. Né en 1846 à Mons-lez-Liège, il voit son rêve de devenir médecin brisé par l'obligation d'aller travailler à la mine.
        Catholique fervent, il y fait sa première expérience mystique. Alors qu'il pense à Dieu dans une galerie, un courant d'air éteint sa lampe. Louis Antoine sent qu'un flux lui a traversé le corps. La suite de sa vie prend une tournure exceptionnelle. Lors de son service militaire, il tue par accident un de ses camarades. Le choc est profond et les quelques jours de cachot dont il écope pour avoir mal nettoyé son arme l'incitent à une intense retraite intérieure. Vers 40 ans, une crise existentielle le traverse. La fréquentation des vicaires ne peut la résoudre. La lecture du Livre des esprits d'Allan Kardec, fondateur du spiritisme, le bouleverse. Il crée un cercle spirite, les Vignerons du Seigneur, se mue en médium et exerce comme guérisseur, gratuitement, pour inciter le peuple à le rencontrer. Plutôt bouffeurs de curés, les ouvriers liégeois commencent à accourir chez cet homme aux penchants socialistes. (2)
        Dès 1905, Antoine, qui s'éloigne du spiritisme, théorise sa doctrine. Son charisme grandit. "Il parlait peu mais tout ce qu'il disait se gravait en vous", écrit, dans les années 30, l'écrivain liégeois Robert Vivier. Imposant, cheveux longs et drus, sorte de Karl Marx au visage creux et vêtu d'une lévite noire, Antoine transmet alors ses révélations divines, simples et accessibles, à ses adeptes. Basées sur un dieu qui n'est qu'amour, incapable de faire le mal - "Nous sommes seuls l'auteur de nos souffrances", explique-t-il -, elles prônent la charité, le désintéressement, la tolérance (malgré une légère dent contre les catholiques) et la pratique de la loi morale comme avancée vers Dieu. (3) En 1912, Antoine "se désincarne", selon le jargon du mouvement, et sa femme, dite la Mère, reprend le flambeau.
        A la fin des années 70, l'antoinisme comptait de 5.000 à 20.000 pratiquants en France, en Belgique, mais aussi au Brésil, aux Etats-Unis ou en Martinique. Aujourd'hui, ses desservants bénévoles et leurs habits noirs, autrefois raillés par les catholiques, sont menacés d'extinction. "Les jeunes ne semblent pas prêts à prendre la relève, explique Marie-Thérèse Van Loo, desservante du temple de Jemeppe-sur-Meuse. Chez nous, le dimanche, ils sont une bonne dizaine à venir. Parfois, il y en a plus, jusque trente. Cela doit être la même chose dans les autres temples (une trentaine en Belgique, dont vingt en province de Liège)." Agonisant et désargenté, l'antoinisme demeure un exemple frappant de prophétisme en milieu populaire.
    Quentin Noirfalisse
    Télé Moustique, 12/05/2010, p.32-34

    (1) On regrette que ce soit une photo du temple parisien de la rue Vergniaud qui illustre le mouvement ! Le libellé déclare : "Remplis au début du 20e, les temples antoinistes se vident."
    (2) Peut-on dire que le Père exerçait gratuitement pour inciter le peuple à le rencontrer ? Pourquoi pas. Cependant il n'était pas rare que des guérisseurs spirites exercent leur talent gratuitement. Par contre, qualifier les ouvriers liégeois de "bouffeurs de curés" semblent contredire complètement Alain Lallemand, dans Les sectes en Belgique et au Luxembourg, qui disait que le Père avait choisi le 15 août comme jour de consécration du temple et du culte pour concurrencer le jour de fête mariale à Liège et ainsi concurrencer le catholicisme.
    (3) Le Père dirait que tout à sa raison d'être. Cependant je dois avouer qu'il n'y a jamais aucun propos contre le catholicisme en particulier dans son Enseignement. La seule fois où on lit quelques choses de précis sur les religions c'est dans le COURONNEMENT, p.XXXVI : ''Je le répète, ce n'est que par la forme que les religions diffèrent. Dire qu'on appartient à l'une, c'est démontrer qu'on n'est pas d'accord avec les autres, c'est contrarier leur opinion, c'est renforcer la division et le parti pris qui suscitent la haine et la vengeance, d'où ont résulté des guerres religieuses qui ont fait couler plus de sang que toutes les guerres politiques. C'est la preuve que la foi n'a jamais été comprise" (remarquons que cela a été écrit avant la Deuxième Guerre mondiale et le régime communiste et d'autres dictatures). Ou encore : "Le catholique est notre frère, mais le matérialiste ne l'est pas moins" (Révélation, p.131). Religion majoritaire, c'était donc forcément le premier concurrent du mouvement. Mais peu d'antoinistes avaient une dent contre leur religion d'origine qu'ils pouvaient d'ailleurs continuer de pratiquer.


    Tags Tags : , ,
  • Commentaires

    Aucun commentaire pour le moment

    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :