• Comment nos sens nous trompent - Toujours à propos de peinture

        Les Persans racontent qu'un concours de peinture fur organisé, un jour, entre deux groupes d'artistes. Les uns étaient chinois, les autres byzantins. Ils vivaient à la cour du même prince et ne cessaient de rivaliser.
        Le prince décida donc de les opposer en un concours.
        Les deux groupes de peintres furent placés dans une salle qu'un rideau séparait en deux espaces égaux, et chargés de décorer deux murs se faisant face.
        Les Chinois réclamèrent une grande quantité de brosses, de pinceaux et de couleurs de toutes sortes.
        Les peintres byzantins, à la surprise générale, ne demandèrent rien.
        Au jour de la présentation le roi vint avec toute sa cour. On dévoila d'abord les fresques chinoises et chacun fut émerveillé. On y vit un travail insurpassable.
        Alors on découvrit le mur des Byzantins et on vit sur ce mur, mais inversées, les mêmes figures et les mêmes couleurs que sur le mur peint par les Chinois. Les Byzantins s'étaient contentés de polir sans relâche leur mur, au point de le rendre pareil à un miroir étincelant.
        Les peintures des Chinois se reflétaient dans ce mur sans souffrir des aspérités du mur lui-même et des défauts ineffaçables de la matière. Les images y gagnait une pureté, une grâce, une légèreté d'autant plus belles qu'on ne pouvait pas les atteindre.

    Jean-Claude Carrière, Le cercle des menteurs, Contes philosophiques du monde entier
    France Loisirs, Paris, 1998 (p.57)


    Tags Tags :
  • Commentaires

    Aucun commentaire pour le moment

    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :