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L'école morale devient un cloître (Gazette de Charleroi, 22 septembre 1923)(Belgicapress)
ROUX
Avatars d'un temple. – Le nom du Père Dor est encore dans toutes les mémoires. Le « temple de la Vertu » qu'il fit construire en 1912 est toujours debout. Jusqu'en ces derniers jours, l'inscription « Ecole Morale » tout au faîte du bâtiment, resta visible sous la couche de couleur noire recouvrant les lettres d'émail blanc.
Construit dans le courant de 1912, le temple fut solennellement inauguré le jour de la Toussaint de la même année. De cette date à novembre 1915, il y eut chaque dimanche une « instruction » suivie d'« opération » générale, l'ensemble des « instructions » réunies dans la suite en volume sous le titre « L'Ere nouvelle » et « Couronnement de l'œuvre ».
Dans les premiers temps de son installation à Uccle (Fort Jacco), le Père revenait chaque quinzaine procéder à une petite « opération » spirituelle tout en veillant au bon ordre et à l'entretien de ses biens matériels.
Le temple était cependant en disponibilité. Allait-on le vendre, le démolir ? On voulut en faire cadeau à l'Université du Travail de Charleroi pour l'installation d'un home. Les servitudes attachées au legs firent décliner l'offre.
De 1916 à 1919 le temple reçut une nouvelle destination. Il devint caserne, hébergeant avec une égale complaisance allemands et anglais.
Libéré de ses occupants, l'immeuble finalement fut mis en vente, l'acquéreur regrettant bientôt la bonne affaire qu'il avait cru traiter.
Un locataire se présenta ayant en vue l'installation d'un cinéma. Il en existait déjà un dans le voisinage. Le nouveau venu ne devait guère espérer faire fortune dans ces conditions.
L'installation faite, un premier bailleur de fonds, après une perte de 10 à 20.000 frs, passa la succession à un second, le cinéma vivotant à grand renfort de calicots.
Entretemps, l'acquéreur qui avait emprunté les neuf dixièmes du capital nécessaire à son achat se vit dans l'impossibilité de satisfaire aux obligations consenties.
Une nouvelle mise en vente fit passer la propriété aux mains d'une communauté religieuse, les Dames de Ste-Julienne. Sans se faire prier, le cinéma céda la place, et une nouvelle transformation se dessina.
Extérieurement le bâtiment conserva momentanément l'aspect qu'on lui connaît, un colossal cube de briques dépourvu d'ouverture autre qu'une porte de sécurité imposée au ciné. L'inscription à la chaux, « Ciné moderne » couvrant le mur de l'allée d'accès subsiste même encore.
D'importants travaux d'aménagements transformeront la grande salle et la mettront en harmonie avec sa nouvelle destination.
Le Père Dor avait voulu que la lumière vint d'en haut. Les Dames de Ste-Julienne se satisferont de la lumière de tout le monde et qu'il est d'usage d'introduire latéralement dans les locaux.
La partie de l'édifice accessible au public est une chapelle qui a été inaugurée mardi par le clergé de Roux qui y a célébré plusieurs services de caractère solennel.
Cette chapelle est aménagée dans une annexe où le Père Dor procédait à ses « Opérations » d'importance secondaire.
Voilà donc l'épilogue d'une lutte ouverte par le Dorisme contre l'une des religions nationales. Et visiblement, c'est le Père Dor qui en est le vaincu, ce qu'il pourrait nier d'ailleurs en vertu d'un de ses principes fondamentaux : « les uns peuvent comprendre noir tandis que les autres, blanc. »
Il se trouvera certainement des gens qui affirmeront que nous voyons tout en « bleu ».Gazette de Charleroi, 22 septembre 1923 (source : Belgicapress)
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