• L'Opération après la désincarnation du Père

        À la fin de la cérémonie, Mère se retire par la porte qui est de plain-pied avec la grande tribune, mais lorsqu'elle est suppléée par un adepte, celui-ci ne pouvant sortir par cette porte, reste à la tribune jusqu'à la fin de la cérémonie ; alors il descend par l'escalier de douze marches. Durant tout ce temps le guérisseur du second degré (1) se tient recueilli à la petite tribune ; l'imposition des mains faite, il se retire et fait place à un autre disciple qui lit d'une voix monotone les dix principes révélés. La lecture achevée après un bref recueillement, le lecteur dit : « Mes frères au nom du Père, merci ». « L'opération est terminée, annonce un disciple. Les personnes qui ont la foi sont guéries ou soulagées » (2). La cérémonie a duré environ un quart d'heure.
        Pendant l'opération, les fidèles restent debout, les mains jointes à la manière antoiniste ; en silence, ils « communient, oublieux de la matière, dans le fluide éthéré du Père » (3), attendant que la foi opère (4). Pendant la lecture ils sont debout ou assis, à leur gré ; beaucoup récitent à mi-voix les dix principes, en même temps que le lecteur.
        Antoine mort, sa femme, qui « est en communication avec Lui » et « reçoit de Lui toutes les inspirations » (5), fit l'opération générale, mais elle n'est qu'un instrument, le Père continuant à présider aux opérations (6). Des adeptes s'étant arrogé le privilège d'organiser une opération générale dans leur temple, L'UNITIF (7) leur fit savoir que l'action cultuelle par excellence était l'apanage exclusif du Premier Représentant du Père, qui est unique (8).
        En ces derniers temps, la situation s'est complètement modifiée à cet égard. Mère délégua ses pouvoirs à un coadjuteur et à partir du 17 juin 1930 le frère Nihoul la remplaça à la grande tribune pour l'opération générale (9). Du moment que, du vivant de Mère, Premier Représentant du Père, un adepte pouvait, à Jemeppe, imposer les mains à la foule, on ne voyait plus ce qui pouvait empêcher les desservants de temple de recevoir les mêmes pouvoirs. C'est ce qui arriva en 1932 : l'opération avec l'imposition des mains se fit dans tous les temples. Cette mesure paraissait contraire aux prescriptions de 1913. Les antoinistes se seraient-ils aperçus de la contradiction ; en tout cas, quelques mois après, le frère Nihoul dut se contenter de rester en face de la tribune ; la cérémonie étant présidée par le portrait du Père. D'ailleurs on n'annonçait plus que l'opération se faisait au nom du Père, mais bien : « Le Père fait l'opération ! » De même, dans les autres temples deux adeptes viennent se placer debout devant la tribune à laquelle est attachée le portrait d'Antoine, officiants et public restent debout pendant quelques minutes, puis un lecteur se rend à la petite tribune pour la lecture des dix principes.
        Le 3 décembre 1933, nouvelle modification à Jemeppe : Mère décidait de faire de nouveau elle-même l'opération le dimanche (10), le lundi et le jeudi à 10 heures. Après qu'un adepte a annoncé : « Le Père fait l'opération suivie d'une lecture dans l'Enseignement (11). Ceux qui ont foi au Père trouveront satisfaction », trois coups de sonnette marquent le début de la cérémonie. Le second guérisseur se rend à la petite tribune et préside au recueillement préliminaire. Après quelques minutes, Mère arrive à la grande tribune par la porte qui lui est réservée. Ses bras sont étendus, puis la main droite d'un geste circulaire répand les fluides sur la foule qui est debout depuis le coup de sonnette ; de nouveau Mère reste les bras levés vers le ciel ; puis nouvelle bénédiction ; une troisième fois Mère reprend son attitude d'oraison, marmonnant des paroles que nous ne pouvons comprendre ; pour terminer elle fait des deux mains le geste de lancer à poignées les fluides sur l'assistance, au milieu, à gauche puis à droite. Elle se retire, nouveaux coups de sonnette ; le second guérisseur quitte la petite tribune où vient s'installer le frère chargé de la lecture ; celle-ci se termine, après une dizaine de minutes, par le merci et la foule se retire. Le mardi et le mercredi, le second opérateur fait l'opération de la petite tribune ; au pied de celle-ci deux sœurs sont campées dans le plus profond recueillement.
        Ces modifications fréquentes, qui semblent capricieuses, ont mis à une rude épreuve la foi de certains adeptes qui ont été jusqu'à dire que Mère devenait folle. Le ministre du culte qui me rapporte ces propos irrespectueux, ajoute que Mère n'est pas folle, mais que vivant le plus souvent dans l'au-delà, elle plane au-dessus de nos petites raisons ; ce n'est point par caprice mais pour se conformer aux fluides éthérés qu'elle agit de la sorte.

    (1) L'UNITIF, II, 4, p. 3.
    (2) D'après KERVYN, p. 12. Ces paroles ne sont plus prononcées actuellement, mais on sonne pour marquer la fin de l'opération.
    (3) L'UNITIF, janvier 1914, p. 9.
    (4) « Le malade doit ressentir l'effet de son opération avant de quitter le temple. » L'UNITIF, octobre 1913, p. 15.
    (5) L'UNITIF, janvier 1913, p. 4 ; juin 1913, p. 11.
    (6) « Mère est l'instrument du Père, c'est Lui qui préside aux opérations générales, c'est-à-dire qu'il lui transmet le fluide divin. » L'UNITIF, juin 1913, p. 6.
    (7) L'UNITIF, avril 1913, p. 5 ; novembre 1913, p. 12 ; décembre 1913, p. 13. Voir en sens contraire L'UNITIF janvier 1913, p. 7, où un adepte défend la thèse qui triompha momentanément en 1932.
    (8) L'UNITIF, avril 1913, p. 4 ; juin 1913, p. 5.
    (9) A remarquer toutefois que le coadjuteur n'allait pas à la tribune par le même chemin que Mère ; il partait du fond du temple, précédé d'un huissier, et se rendait à la tribune par l'escalier qui se trouve dans le temple ; il y restait jusqu'à la fin de la cérémonie. Alors l'huissier le reconduisait dans les appartements situés à gauche du temple. Un(e) adepte s'installait à la petite tribune pendant l'opération et cédait sa place à un autre pour la lecture.
    (10) Encore une innovation : jamais du vivant d'Antoine l'opération n'avait eu lieu le dimanche. A Jemeppe, comme ailleurs, il y avait simplement lecture de l'Enseignement.
    (11) Nouvelle innovation : antérieurement, on lisait toujours les dix principes. (On continue à lire les dix principes dans les autres temples.) Bien que Mère ait repris sa place, on annonce que c'est le Père qui opère : d'ailleurs le portrait de Mère, appendu à la tribune de Jemeppe a disparu et est remplacé par une photo représentant le temple pendant une opération du temps d'Antoine.

    Pierre Debouxhtay, Antoine le Guérisseur et l'Antoinisme, d'après des documents inédits. (Liége, Fernand Gothier, 1934), p.214-217


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