-
Le Cri de Liége (5 octobre 1912)
A tous crins
Credo quia absurdum.
Rencontré hier mon ami Z... De sanguin il est devenu pale. Il a les yeux fixes d'une poupée.
– Quelles nouvelles, donc ?
– Je suis éclairé par la voie de l'Unitif.
– Si-ou-plait ?
– Le Père a dit avant sa désincarnation : Peut-on épurer son atmosphère sans que cette épuration ait son écho dans l'humanité ?
– (ahuri) Je n'y vois pas d'inconvénient ! (un temps) Dites donc, ça va chauffer en Orient. La Serbie et la Bulgarie viennent de mobiliser et.... Y a du monde aux Balkans !
– (illuminé) Qu'importe ! Les Antoinistes triomphent. Nous sommes de plus en plus propriétaires. Nous avons dernièrement inauguré un nouveau temple devant des milliers de fidèles.
– Ça ne valait tout de même pas le centenaire de Jean-Jacques Rousseau.
– Ce M. Rousseau n'était pas Antoiniste.
– Heureusement.
– Le Père a dit : L'expérience, seule, a le droit de raisonner les choses ». (sic)
– Le Père maniait le syllogisme comme un cheval de fiacre et parlait le français comme un prêtre espagnol.
– Le Père était Dieu. Nous sommes tous Dieux.
– N'en jetez plus ; il y en avait déjà tant ! Lisez Anatole France...
– (bouché) Anatole France ?... Connais pas.
– (prosélyte) C'est un épicurien de génie.
– (de plus en plus bouché) Le Génie n'existe pas chez les Antoinistes.
– Ça se voit. Enfin Quoi Vadis ? Où va-t-on avec tout ça ?
– (visionnaire, mais explicite) Nous avons révélé que nous baignons dans la vie et dans les fluides comme le poisson dans l'eau ; tous ces fluides renferment une parcelle d'amour que nous traduisons en orgueil par l'esprit qui nous inocule. (sic).
– Binamé bon Dju ! Quel pathos !
– Heureux les simples d'esprit ! Nos adeptes se chiffrent par milliers.
– (ironiquement) Vous êtes bien malade, mon pauvre ami !
– (se tâtant) Malade ?... de quoi ? (Il pâlit d'effroi).
– (Se payant sa tête) Hé oui, vous avez la maladie à la mode. Les poires ont la tavelle, et vous la pérantoinite, parbleu. Faut soigner ça, croyez-moi : la douche, bébé... la douche !...Le Cri de Liége (journal satirique), 5 octobre 1912
-
Commentaires