• Le Père Dor, successeur (L'Égalité de Roubaix-Tourcoing, 11 janvier 1913)

    Le Père Dor, successeur (L'Égalité de Roubaix-Tourcoing, 11 janv 1913)

    UN NOUVEAU FAISEUR DE MIRACLE

     Le " Père Dor "
             successeur
           d'Antoine-le- Guérisseur

        Bruxelles, 10 janvier. — Antoine-le-Guérisseur, le thaumaturge de Jemeppe-sur- Meuse, mort l'an dernier, a fait un émule qui opère actuellement avec grand succès à Roux, village du pays minier, des environs de Charleroi. Le nouveau prophète est connu sous le nom de « Père Dor ». Il édite sa doctrine dans une publication mensuelle, le « Messager de l’Amour-DIEU », directeur de la fraternité universelle. Agé d'environ 40 ans et originaire de Mons-Crotteux, près de Liège, le Père Dor se dit le neveu d’Antoine-le-Guérisseur ; il a exercé plusieurs métiers, dont celui de terrassier, et a séjourné à trois reprises en Russie.

        L’ECOLE MORALE

        Il y a quatre ans déjà, il bâtit à Roux un « temple » simple salle adossée à un cabaret. Les « fidèles » sont venus nombreux et tout récemment, le 1er novembre dernier, on inaugurait un nouveau temple, celui-ci très vaste, situé à côté de l'ancien. C'est une construction en briques, de 30 mètres de long, sur près de 90 de large, couverte d'un toit au milieu duquel s'ouvre un large lanterneau et que domine une inscription en lettres blanches : « L'Ecole morale ». Toute la semaine, les pèlerins affluent, pour consulter le Père Dor, qui leur prodigue de bonnes paroles et, par son « fluide », guérit tous leurs maux.
        Le dimanche après-midi, le Père Dor procède à une opération générale, fais agir le fluide sur l’assistance qui remplit le temple, puis répond à toutes les questions qu'on lui pose. Le confrère qui a assisté à la consultation dimanche dernier raconte en ces termes ce qu'il a vu et entendu :
        Une large salle blanchie à la chaux, éclairée par un lanterneau sous lequel on remarque l'armature de fer de la toiture, chauffée à l'excès par deux énormes calorifères. Sur les vastes murs nus quelques inscriptions soulignées de bleu, encadrées de chêne clair, dans ce goût-ci : « Le Père Dor donne à ses enfants de bon, de beau soulagements. » Il y a là, assises sur les bancs jaunes, plus de 600 personnes. L'atmosphère est étouffante. Il monte de cette foule une odeur de corps malades et en sueur, de vêtements mouillés.

            LE « PERE DOR » OFFICIE

        A un bout de la salle, à trois mètres au-dessus du sol, une vaste caisse peinte en blanc et bordée de noir et qui surplombe un abat-son, tient lieu de chaire. Le Père Dor y discourt, le torse serré dans une veste boutonnée jusqu'au cou et qui rappelle celle du « général » Gustave Hervé. Ses longs cheveux bouclés encadrent un visage au teint de cire où l’on voit des yeux tantôt pleins de recueillement, tantôt pétillants de finesse. Au pied de la chaire un pupitre où une jeune fille qui disparaît derrière un vaste chapeau, sténographie les propos du Père Dor.
        Après que celui-ci a terminé son opération générale, les fidèles lui posent des questions le plus souvent saugrenues, sur les sujets les plus inattendus, les plus extraordinaires. Les réponses sont à l'avenant. Le Père, qui connait à peine le français, se recueille longuement après chaque question, baisse les yeux, se frotte la bouche avec un grand mouchoir à carreaux blancs et bleus, puis répond lentement, très lentement. Il a quelques clichés qu'il sert constamment : « Le mal est en nous, il faut s'améliorer, L'amour total ». Dès qu'il sort de là, ses propos deviennent plutôt incohérents. Quand il a fini sa réponse, un lourd silence froid que trouble parfois le vagissement d'un enfant.

         QUAND ON A DES PUNAISES...

        Tout à coup, au fond de la salle, se lève un jeune homme à mine souffreteuse :
        – Père, quand on a des punaises, faut-il les détruire ?
        Le Père Dor répète, comme toujours, la question : « Ce fils me demande si quand on a des punaises, il faut les détruire ? Ce n'est pas un mal chez certaines personnes. Il en est de même des escargots, des limaçons et autres bêtes de jardin... »
        Puis une paysanne se lève à son tour et d'une voix mal assurée demande : « N'est-ce pas encore un doute que de tenir chez soi des chats, puisque les chats mangent les souris ? »
        Réponse : « Si ! Il en est de même pour les chiens. Ces animaux dégagent trop de mauvaises odeurs.
        Pratiquant la loi morale, un homme, jeune, demande si je puis encore exercer mon devoir d'électeur ? »
        – « Cela est contraire à la loi morale, à la loi d’amour, répond le Père Dor, parce que donner son suffrage à un candidat, c'est désapprouver l’autre. »
        La sortie s'opère lentement. Le Père Dor y assiste avec, semble-t-il, un petit air finaud. A la sortie, sa femme, derrière un grand comptoir, vend des brochures, des journaux, des photographies.
        Dès à présent, il existe des succursales de l’Ecole morale de Roux à Gilly, à Chapelle-lez-Herlaimont, à Marchiennes, à Souvret, à Lavaqueresse, dans l’Aisne, à Bruxelles et jusqu'à Porto-Félice, au Brésil... Tous les dimanches, en gare de Roux, les trains déversent de nombreux pèlerins.
        Le Père Dor, travaille même par correspondance et iI se vante de guérir non seulement les gens, mais aussi les bêtes...

    L'Égalité de Roubaix-Tourcoing, 11 janvier 1913

    Source : http://roubaix-bnr.cd-script.fr/fr/presse-ancienne.php

        Cet article est en grande partie inspiré de l'article de l'Excelsior.
    Le journal La Liberté reprend le même article à la même date (11 janvier 1913) :

    Le Père Dor, successeur (L'Égalité de Roubaix-Tourcoing, 11 janv 1913)


  • Commentaires

    Aucun commentaire pour le moment

    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :