• Marcel Moreau, Monstre - Culte du dépassement

        L'espace métaphysique est oublié, et s'il est mentionné c'est pour donner à entendre qu'il dépend de la matérialité des réussites. Ce "mouvement spirituel" se règle sur le triomphe du gigantisme indifférent, au détriment de son contraire : la démesure vertigineuse, qui est la mesure même de l'individu face à son destin, quête de l'absolu, toute connaissance désintéressée portée à son paroxysme. Dans cette prose, où le dépassement érigé en culte est toujours dépassement vers la suprématie des nantis, la litanie élitaire a quelque chose d'obscène : marchands du temple plus exhibitionnisme. Elle déprave la notion même de responsabilité. La fièvre de liberté s'identifie à celle du profit. La liberté est l'affaire des affairistes, semble-t-on nous répéter, inlassablement, avec, dans la vois, des intonations de repu, au sortir de chez Maxim's. Mais cette liberté-là n'a pas sa place dans nos sombres ivresses, ces tâtonnements et titubations qui nous dépouillent sans répit des pulsions cupides. C'est la lucidité, cette objection au bonheur, qui nous fait préférer les fiers désespoirs, fussent-ils barbares et démentiels, aux optimismes de luxe. La France des fortunés et des sans-âme, aspirée par les fureurs hypercapitalistes, peut crever des pires cancers. Je ne serais pas le dernier à m'en esbaudir.

    Marcel Moreau, Montre (1986), p.185-86
    Luneau Ascot Editeurs, Paris


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