• Père, mère, frère, soeur

        Quand vous entrez dans un temple pour la première fois, on vous saluera d'un : Bonjour, Frère ou Bonjour Soeur.
        Et entre Antoinistes, on fera précéder son nom ou prénom de cette marque de fraternité.
        D'où vient cette tradition ?


        Tout d'abord dans le spiritisme, il est également d'usage de se dénommé de cette façon. On parlera de ses frères spirites. Il est donc normale que cette pratique ait perduré dans l'antoinisme, que l'on traite comme une branche du spiritisme, de l'occultisme ou de la théosophie. D'ailleurs, dans la franc-maçonnerie, également, on se dénomme frère et soeur.
        Dans la religion catholique, l'homme est considéré en tant que membre de la famille chrétienne. "Frères en Jésus-Christ. Tu es le père des êtres; en toi tous les êtres sont frères". Dans la religion musulmane, on se donnera aussi du frère.

        Mais une autre tradition peut expliquer ce fait. On a déjà parlé de la perte de la figure paternelle du fait de l'industrialisation de la société. Cela peut expliquer la facilité avec laquelle on nomma Louis Antoine, le Père. Rappelons à ce propos qu'on surnomma Staline "le petit Père des peuples". L'image du père de famille disparaissant, il en fallait une autre.
        Dans les extrait de Textes recopiés d'un document écrit prêté par le Frère Céleste LOBET, on lit l'anecdote suivante :
    Un jour le Père dit à sa fille adoptive Louise : "Il ne faudrait plus m'appeler Papa".
    - Et comment alors ?
    - Père
    - Tout le monde va vous appeler Père ?
    - Non, celui qui en aura la pensée.
        Mais aussi celle-ci :
    Recevant l'inspiration au sujet de l'enseignement, Il lui arrivait de demander Mme Desart au milieu de la nuit. Son travail fait, Il la raccompagnait chez elle. un soir, répondant aux remerciements de Madame Desart pour les grâces et l'Amour qu'elle recevait auprès de Lui, il lui dit : "Je suis plus près de vous encore que si j'étais votre père." C'est à partir de ce jour que les adeptes l'appelèrent "Le Père".
        Puis très vite, il devint normal de nommé Catherine Antoine, la Mère.

        Dans Délivrez-nous du mal, de Robert Vivier, p.328-29, on lit :
        Ils étaient là tous, autour de leur maître, et, tandis qu'ils penchaient la tête dans le recueillement, chacun d'eux se sentit rejoint à lui par un lien qui partait du plus secret de son coeur. Chacun l'appelait en soi-même d'un nom différent, selon la nature particulière de ce lien. Certains voyaient en lui l'homme généreux, le Bienfaiteur. Pour un Lacroix, pour un Dubois, c'était l'ami par excellence, le Frère. Pour Hollange, pour Musin, pour Deregnaucourt, pour Nihoul, pour tant d'autres, c'était le Maître qui sait la vérité. Les femmes, comme les bonnes gens du peuple, le nommaient déjà le Père. Et plus d'un adepte, écrasé par la grandeur infinie de cette minute, se tenait immobile parmi la foule, conscient de son humilité, et l'appelait à vois basse "le Seigneur".
    [...]
        "Mes enfants", disait-il. Il avait donc choisi d'être appelé "le Père". Tous les adeptes comprirent. Ils sentirent du coup que c'était bien là le vrai nom qui lui convenait, tant à cause de son âge, de son aspect, que de cette égalité d'amour dont il savait envelopper tous ses fidèles. Comme un père, il ne cherchait pas à se faire aimer, il usait à l'occasion d'un rudesse bienveillante. Il songeait avant tout à leur bien, même s'ils n'y songeaient pas eux-mêmes, et il voyait devant eux, plus loin que chacun d'eux.
        - Quoi qu'il vous arrive, dit-il pour terminer, si vous pensez à moi, je serai toujours avec vous pour sanctifier votre épreuve et vous aider à surmonter votre doute.
        C'est ainsi qu'Antoine le Guérisseur, que certains avaient appelé Antoine le Généreux, devint le Père. A partir de ce jour-là il ne fit plus de différence entre tous ses fils. Bientôt il ne reçut plus aucun malade en particulier, et toutes ses opérations furent remplacées par une "opération générale", qui se faisait chacun des quatre premiers jours de la semaine, à dix heures. Il continuait à guérir, mais tous sentaient que pour lui la guérison des corps n'était plus la chose importante. On allait à ses opérations, bien plus pour le fluide d'amour que pour être guéri.

        Le Père est aussi une expression servant à désigner Dieu, comme dans "Notre Père qui es au cieux...".
        C'est aussi l'appellation donnée à certains prêtres, principalement dans le clergé régulier (rappelons en mémoire le Padre Pio).

        Mais il est aussi une pratique à la campagne, peut-être plus souvent dans le nord de la France et en Wallonie qu'ailleurs. C'est de nommer son père, "le père", et sa mère, "la mère". Cf. le Trésor de la Langue française Informatisé :

    [À la campagne, comme appellation utilisée par les enfants parlant de leur père ou par la mère parlant de leur père aux enfants] Le père. Elle toucha le bras de la mère, qui s'éveilla : − Estelle? Hein? Ah... oui. Ah mon Dieu! Elle se levait, passait ses pantoufles, suppliait : − Pas de bruit... Le père, n'éveille pas le père... Elle suivit sa fille dans les ténèbres (Van der Meersch, Invasion 14, 1935, p. 24).

        Remarquons que la citation est d'un auteur du Nord.

        Voyons également Émile Zola, dans Germinal :
        Catherine avait trouvé sa mère agitée d'un pressentiment ; et, dès les premiers mots balbutiés, celle-ci cria :
        "Le père est mort !" (Troisième partie, chapitre V, p.211, Éditions Presses Pocket, Lire et voir les classiques)

        "Eh bien, que se passe-t-il donc, mes enfants ? demanda-t-il à pleine voix. Qu'est-ce qui vous fâche ? Expliquez-moi ça, nous allons nous entendre."
        D'ordinaire, il se montrait paternel pour ses hommes, tout en exigeant beaucoup de travail. (Cinquième partie, chapitre I, p.317, Éditions Presses Pocket, Lire et voir les classiques)

        On en voit quelques exemples dans Robert Vivier :
        La mère disait d'ailleurs que la meilleure prière était encore de faire la charité, d'être honnête et d'aimer tout le monde (p.19).
        - Et notre Louis ? dit la mère. Où est-il par ce temps ? A-t-il ce qu'il lui faut ? Est-ce qu'il pense à nous ? (p.49)
        M. Delcroix, professeur d'athénée est évoqué :
        Un jour qu'il rentrait de l'école, il alla tout droit trouver sa femme, qui était à la cuisine, occupée à essuyer un plat.
        - Mère, dit-il, j'ai eu une idée. Je devrais abandonner l'école et me consacrer à la propagande. (p.290)

        Durant déjà la période spirite, on lit :
        Le docteur Carita, c'était sûr, n'était plus en lui. Mais il lui restait de son passage une autorité, une certitude qui donnait un grand poids à ses paroles.
        - C'est bon, m'fi. Revenez dimanche prochain, et encore l'autre dimanche, toujours avec la foi, comme aujourd'hui, et je vous promets que vous retournerez travailler. (p.211)

        Dans le même auteur, on apprend aussi une autre tradition particulière :
        - Vous avez raison, m'frè* Antoine. Vous n'êtes pas un homme comme les autres, vous... C'est parce que vous avez été au régiment (une note indique : "Mon frère". Locution simplement amicale, en pays wallon). (p.88)


    Tags Tags : , , ,
  • Commentaires

    Aucun commentaire pour le moment

    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :