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A travers les idées - Léon Meunier, Le vrai message de Jésus (Le Fraterniste, 1er avril 1929)
A TRAVERS LES IDEES
Ce bel ouvrage que l'auteur, Léon Meunier, a dédié à M. Jean Meyer nous change des vies de Jésus et de la manière habituelle dont on traite ce sujet, (8, rue Copernic, Paris 16).
Ici, l'existence du Premier Chrétien n'est qu'humaine, rien qu'humaine, mais elle l'est dans toute sa douleur, dans toute sa grandeur et fait mieux ressortir le caractère divin de son œuvre.
Léon Meunier a examiné la grande figure de Jésus au point de vue spiritualiste, plus spécialement spirite mais on sent qu'il n'agit pas au profit d'une cause ou d'une doctrine particulières, il s'élève au-dessus de celles-ci, le Jésus qu'il nous donne n'en est que plus humain, plus vivant plus proche de nous.
Dans un but facile à comprendre – à vouloir faire de l'anti-cléricalisme, on tombe quelquefois dans des extrêmes absurdes – de nombreux auteurs ont mis en doute l'existence du Maître ; l'auteur ne partage pas cette opinion – moi non plus – et dans son « Avertissement » il nous dit ceci.
« Nous pensons que Jésus, en tant que « personnalité » a existé, qu'il a vécu, parlé, agi et est mort sur la Croix. Notre opinion ne ressort pas d'un texte quelconque nouvellement découvert ou autrement interprété, mais de la preuve multiple faite de la tradition et des mille et un témoignages qui, venus de toutes parts et de tous les temps, s'entrecroisent à ce point fixe qu'ils rendent manifestement irrécusable ».
Dans sa Préface Léon Meunier nous parle des innombrables biographies de Jésus ; qu'en dit-il ? Ceci, et avec raison. « Une suite de faits volontairement dénaturés ou « surnaturalisés », un catalogue de prodiges systématiquement arrangés pour l'établissement et la justification d'une croyance, un assemblage de récits établi sans liens, sans ordre, où se perdent les droits de l'histoire, de la logique et de la saine philosophie ».
Voici maintenant qui nous explique pourquoi ce livre fut écrit... pour notre plaisir.
« A la vérité, ce n'est plus le Jésus d'images d'Epinal qu'il faut étudier, mais le Jésus profondément humain, vivant dans le milieu terrestre, tressaillant au contact des choses et des êtres, et aussi profondément divin par la révélation et l'exemple qu'il donne au monde et qui lui vaut d'être rangé parmi les Sages et d'être élevé à la hauteur d'un Bouddha ».
Puisque ce fut là le but de l'auteur, nous devons dire qu'il a parfaitement réussi, avec un beau talent et une plume éprise de ce qu'elle décrit, examinant les faits bibliques... « à la lumière du spiritisme scientifique, de la métapsychique et de l'éthique du XXe siècle ».
Et voyons maintenant le livre lui-même.
C'est d'abord l'origine de Jésus et sa vie cachée et Léon Meunier nous donne en termes que j'approuve la raison de cette Venue. « La raison de la Venue de Jésus est, au contraire, la vraie notion de la bonté de Dieu et de l'amour universel à rétablir dans l'esprit des hommes. Jésus devait annoncer au monde « la bonne nouvelle », c'est-à-dire le salut de tous dans l'amour infini ».
M. Léon Meunier se refuse à croire à une naissance « miraculeuse » de Jésus, pour lui, point de « Vierge » Marie et Joseph est bien le père de l'enfant, il le reconnait néanmoins « fils de Dieu » lui comme tous les hommes. On connait la vision qu'eut Marie à propos du Messie qu'elle devait mettre au monde, ce fait et quelques autres du chapitre, est examiné par l'auteur au point de vue spirite, pour lui, c'est une prémonition, il n'y a là rien de surnaturel comme certain dogme veut nous le faire digérer aujourd'hui et depuis longtemps. Nous basant sur ce principe, les faits bibliques nous apparaissent simples et clairs, rien du miracle, rien d'irréel.
Je passe, vu la place qui m'est réservée, sur des pages qui retiennent l'attention, la naissance, l'adoration des Mages, la fuite en Egypte. Léon Meunier nous montre Jésus, simple ouvrier charpentier, œuvrant de ses mains, vivant de son salaire, menant une vie vulgaire, monotone, peu conforme, on s'en doute, à ses aspirations. Jésus grandit, il s'instruit, mais il est dans un milieu réfractaire, hostile, l'auteur nous dépeint bien son état d'âme dans ces lignes : « Jésus fut l'être incompris : ses pensées, ses désirs, ses aspirations, tout ce qui faisait battre son cœur, illuminait son esprit, transportait son âme, demeurait étranger et incompréhensible à son entourage ».
L'Evangéliste ne dit-il pas à propos de son père et de sa mère : « Quant à eux, ils ne comprirent pas ce qu'il leur disait ».
Léon Meunier nous parle de Jean-Baptiste et de sa rencontre avec Jésus sur les bords du Jourdain et c'est motif à de belles pages, de même que La Tentation que l'écrivain traite en profond psychologue. Voici maintenant les premiers disciples, puis les noces de Cona où l'auteur démontre de façon péremptoire la non authenticité du miracle de l'eau changée en vin, en appuyant sa thèse d'aperçus très justes et originaux. Nous en arrivons maintenant à la Vie Publique.
C'est d'abord Jésus et les marchands du Temple, l'entretien avec Nicodème, affirmant la réincarnation « si un homme ne naît de nouveau, dit Jésus, il ne peut voir le royaume de Dieu ». Jésus va en Judée et c'est la foule de ses guérisons, puis en Samarie et en Galilée. Le Maître est à Jérusalem et c'est alors la guérison du paralytique de Bethesda qui montre – et Léon Meunier nous fait toucher du doigt cette vérité – que c'est par le seul levier de la volonté que les guérisons de Jésus s'opèrent.
L'auteur nous montre ensuite Jésus affirmant la filiation divine de l'homme, affirmation corroborée par ces paroles accusatrices des pharisiens : « Non seulement il viole le sabbat, mais il ose appeler Dieu son père en se faisant l'égal de Dieu » (Jean V. 18). Le Maître est revenu à Nazareth mais ses prédications ne sont pas comprises, la population voulait, pour croire au Messie, des miracles. Jésus n'en voulait pas faire car il savait qu'on ne viole pas les lois naturelles, mais il savait aussi que la foi est capable de soulever les montagnes, ce fut là sa force mais on ne la comprenait pas, sauf ceux qui crurent et qui furent guéris.
Léon Meunier nous parle maintenant de la pêche miraculeuse, de la guérison du possédé qu'il nous explique avec clarté, voici également les guérisons du lépreux, du paralytique, de la fille de Jaïrus, etc. toutes habilement commentées. Nous en arrivons à cette phase fameuse de l'existence du Maître : le Sermon sur la Montagne. C'est là, pour l'auteur, occasion à nous donner de belles pages, d'une pénétrante et clairvoyante psychologie, généreuses et réconfortantes, saines et logiques. Léon Meunier se refuse à croire à la résurrection du fils de la veuve de Naïna, pour lui, et de même que Jésus l'affirma pour la fille de Jaïre. « Cette fille n'est pas morte, elle n'est qu'endormie », cet homme doit être vraisemblablement dans un état léthargique que nos méthodes scientifiques observent parfaitement et que l'hypnotisme même provoque pour un temps limité.
Malgré qu'ils soient intéressants, je suis obligé de passer sur de nombreux chapitres. Les envoyés de Jean-Baptiste, Marie-Magdeleine. Les Paraboles, Le Fils de l'Homme. Le Pain de vie, Le Culte Extérieur. Jésus et les Miracles, où nous avons une idée fort nette de ce que pensait le maître à leur sujet. Un chapitre spécial sur la Réincarnation nous montre la logique de cette doctrine en harmonie avec la pensée du Christ.
Nous touchons à la fin de la vie de Jésus et Léon Meunier sous le titre : L'Acte Suprême lui consacre une importante partie de son livre. Je ne puis détailler, malgré mon vif désir, mais cette partie de l'ouvrage est superbe, criante de vérité, la Passion de Jésus est peinte admirablement, on sent la note juste, l'enthousiasme et l'admiration du disciple pour le Maître, la douleur aussi dans la Vision du Christ sur le Golgotha.
Léon Meunier a écrit là un livre passionnant, attachant, vivant, il se base sur l'Ecriture, donc rien des inventions fantaisistes, mais il a su renouveler le récit biblique en l'étudiant avec l'esprit scientifique, qui constate et qui ne nie rien par idée préconçue, en l'éclairant à la lueur que lui procurent les sciences psychiques ; en disséquant l'Homme et sa doctrine il nous a montré sa vraie grandeur, sa véritable mission.
Je ne connais pas M. Léon Meunier, mais je tiens à le dire c'est un bel écrivain, à la plume ardente qui sait séduire, charmer, émouvoir.
Le Vrai Message de Jésus est un livre d'une noble beauté qui suffit à classer son auteur.René DORGEVILLE
Le Fraterniste, 1er avril 1929
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