• Jacques Valdour - Les mineurs (1919)

    Jacques Valdour - Les mineurs (1919)

        Dans un estaminet voisin, je découvre que le patron est l’adepte d’une de ces petites sectes superstitieuses qui prolifèrent dans le Nord parmi les libres-penseurs de la classe populaire. A notre époque de progrès scientifique et de diffusion des pratiques médicales et des méthodes d’hygiène, c’est précisément sous le couvert d’une thérapeutique de charlatans que l’ignorance de ces populations déchristianisées s’exploite et qu’une religiosité de basse espèce, mais d’aspect scientifique et directement apparentée au scientisme des Sorbonnards, se propage. Ces religions de guérisseurs ne comptent pas que les « Antoinistes », mais aussi, comme ce cabaretier, les « Psychosistes ». Le cabaretier est abonné au journal de ces dévots et le laisse traîner sur les tables, à la disposition des consommateurs : « Le Fraterniste, organe de l'Institut général psychosique (phénomènes et résultats médianimiques), revue générale de psychosie. » Cette feuille occultiste recommande (1) les pratiques désagrégeantes de la personnalité telles que les « moyens de communiquer avec les Esprits » par « les tables parlantes » et les exercices de « médium écrivain », et aussi les procédés pour « produire le sommeil magnétique ». Une rubrique spéciale, « Nos cures », groupe les attestations des malades guéris (entendez : ceux dont la psychose atteint, grâce à l'entraînement psychosique, sa période d’état). Des groupes de partisans sont constitués, sous le nom de « Fraternelle » dans les diverses localités et il leur est donné des conférences. La « Fraternelle n° 9 de Liévin » a été fondée à la suite d’une conférence faite devant trois cents personnes (2). On recommande instamment de commencer les séances de « tables parlantes » ou d’« évocation » des esprits par « une prière à Dieu » et « la demande de protection à son ange gardien » (3). Il s’agit ici d’une tentative de perversion du sens chrétien qui subsiste vaguement encore, d’un effort en vue de provoquer la dégénérescence superstitieuse de ce qui reste d’esprit religieux ; on vise à réaliser un innommable mélange, à mêler les pistes, à brouiller les idées claires, altérer les croyances spiritualistes. A cette besogne se sont attelés, à diverses reprises, des feuilles parisiennes comme Le Matin et des journaux régionaux comme l'anticlérical Réveil du Nord. On devine sans peine les inspirateurs cachés de ce prosélytisme : Le Fraterniste cite volontiers dans ses articles Papus et, en quatrième page, renvoie à un certain nombre d’ouvrages et de revues spirites parmi lesquels ligure encore Papus. Or, on sait (4) que ce F.. M.. de haut grade n'est pas un des moindres inspirateurs de ce mouvement superstitieux que la Maçonnerie conduit secrètement dans le but d’altérer et de discréditer le surnaturel par d’impurs alliages; son action revêt ainsi deux formes, l’attaque directe par propagation du naturalisme scientiste et l’attaque indirecte par pénétration corruptrice d’un scientisme superstitieux.

    1. V. numéro du 15 août 1912.
    2. V. Le Fraterniste, 15 août 1912.
    3. Id.
    4. V. abbé Barbier, Les Infiltrations maçonniques.

    Jacques Valdour, Les mineurs : la vie ouvrière, observations vécues (Lille, 1919), p.71 (auteur également de Ouvriers parisiens d'après-guerre où il évoque les Antoinistes)


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