• Le père Dor contre ''La Région'' (Gazette de Charleroi, 6 février 1920)(Belgicapress)

    Le père Dor contre ''La Région'' (Gazette de Charleroi, 6 février 1920)(Belgicapress)CHRONIQUE JUDICIAIRE
    Tribunal Correctionnel de Charleroi

    Le père Dor contre “La Région„

        On se souvient que, pendant l'occupation, le père Dor fut condamné par le tribunal correctionnel de Charleroi pour escroqueries, exercice illégal de l'art de guérir, etc.
        La Cour d'appel de Bruxelles révisa ce jugement et, le 16 mai 1917, le père Dor fut acquitté de la prévention d'escroquerie.
        Le surlendemain, le journal « La Région » publia en deuxième page un article signé M. R., intitulé « La Justice » et dont le thème était fourni par le procès du père Dor. Celui-ci y était cité nominalement.
        Le 29 mai 1917, le père Dor envoya un droit de réponse qui ne fut pas inséré. Il en envoya alors un second reproduisant l'arrêt de la Cour d'appel ; celui-là non plus ne fut pas inséré.
        Le 6 novembre 1917, « La Région » fut assignée une première fois. L'audience devait se tenir en janvier 1918. La séance fut remise mais, sur ces entrefaites survint la suspension des audiences.
        Le 25 novembre 1919, le père Dor assigna de nouveau « La Région ». L'affaire fut inscrite au rôle plusieurs fois et, finalement, remise à cette audience.
        Me Lebeau plaide pour le père Dor. Il évoque l'ombre de « La Région » et rend hommage à la presse qui, par dignité et par patriotisme, refusa de se soumettre à la censure. « La Région » dit Me Lebeau, s'est jetée sur tous les prétendus scandales qui se sont commis pendant l'ocupation pour les donner en pâture au public. C'est ainsi qu'elle s'est activement occupée de l'affaire Dor, accablant, dès l'ouverture de l'instruction, le père Dor d'injures et de calomnies.
        Me Lebeau accorde au père Dor une confiance complète et le considère comme un homme irréprochable et honnête. Il s'étend assez longuement sur sa doctrine philosophique et sur les procédés « fluidiques » qu'il employait pour soulager les malades qui se présentaient à lui.
        Me Lebeau insiste sur l'indignité de la partie citée. Il lit l'article de « La Région » incriminé et le droit de réponse du père Dor : celui-ci rend hommage aux juges qui l'ont acquitté, à l'avocat qui l'a défendu, en l'occurrence Me Lebeau, et à notre collaborateur Alceste.
        Me Lebeau réfute, avant la lettre, les objections de son adversaire.
        Le droit de réponse ? Il était fondé puisque le père Dor était cité.
        Les tiers cités ? Le père Dor pouvait le faire, en vertu d'un arrêt de la Cour de cassation de 1883, puisqu'il n'y avait pas d'imputations calomnieuses à leur charge.
        Le droit de réponse devait être visé par la censure ? Cela regardait la rédaction du journal.
        Me Lebeau conclut en insistant sur le préjudice causé, par l'article incriminé, au père Dor et réclame pour celui-ci 3000 frs de dommages-intérêts et la contrainte par corps.
        Me Lefèvre défend Pestiaux, l'éditeur responsable de « La Région ». Il s'étonne que son adversaire veuille embrouiller la situation en faisant le procès de « La Région » alors qu'il ne s'agit que d'une querelle entre le journal et le père Dor.
        Il fait l'historique du procès et soutient qu'il était impossible de vivre pendant cinq ans sans nouvelles quotidiennes données par un journal. Le fait de se soumettre à la censure, dit-il, ne tomba pas sous l'application de la loi et, du reste, le père Dor s'y est lui-même soumis puisqu'il a fait éditer des brochures pendant la guerre.
        Me Lefèvre ridiculise le père Dor et son « fluide » ; c'était, dit-il, un charlatan et un escroc. L'arrêt de la Cour d'appel est un brevet de malhonnêteté. Un des attendus est, en effet, rédigé à peu près comme suit : « Attendu que le délit a été commis six ans avant l'assignation, la prescription est acquise. Pour les autres faits, continue l'arrêt, il ne sera pas condamné, car il n'est pas absolument impossible qu'il soit de bonne foi. »
        On se trouve donc en présence, dit Me Lefèvre, d'un cas pathologique peu ordinaire : ou bien le père Dor est un malhonnête homme ou il est une espèce d'illuminé irresponsable.
        « La Région » a donc bien fait de ne pas insérer cet arrêt dans l'intérêt du père Dor. De plus, la réponse n'était pas adéquate ; donc, il n'avait pas le droit de la faire imprimer.
        Quant aux personnes citées, elles auraient parfaitement pu envoyer des droits de réponse. Le père Dor se répand en éloges dithyrambiques sur vous, mon cher confrère, dit Me Lefèvre. Je ne doute pas que le ridicule dont le père Dor vous couvrirait de la sorte ne vous ait été fort désagréable : vous auriez très bien pu, à votre tour, envoyer à « La Région » un droit de réponse.
        Quant à Alceste, le père Dor eut voulu qu'on reproduisit des extraits d'une de ses « Quotidiennes », mais il y ajoutait des expressions à sa façon et Alceste se serait certainement froissé de cette collaboration intempestive qui eût pu, elle aussi, attirer un droit de réponse à « La Région ».
        Enfin, en ce qui concerne le visa de la censure, c'était au père Dor à l'obtenir car « La Région » n'était pas son commissionnaire.
        Me Lefèvre aborde ensuite la question des dommages-intérêts. Les faits étant couverts par la loi d'amnistie, aucune condamnation pénale n'est possible. Il n'a été causé aucun préjudice au père Dor ; bien au contraire, on lui a rendu service en lui évitant le ridicule.
        Me Lebeau réplique. Dor a été légalement acquitté pour les faits qui lui étaient reprochés. Dor est moralement le frère du Christ, s'exclame l'avocat ; je l'ai affirmé devant la Cour d'appel et je le répète encore ici.
        Dor avait intérêt à faire publier sa réponse. On ne l'a pas insérée ; il a donc subi un dommage.
        La parole est ensuite donnée à M. le substitut du Procureur du Roi qui demande la remise de l'affaire à quatre semaines afin de pouvoir étudier le dossier pour donner son avis.
        M. le président remet donc cette affaire à l'audience du 4 mars.

    Gazette de Charleroi, 6 février 1920 (source : Belgicapress)


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