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  •     — Du pain ! du pain ! du pain !
        Alors, il se fâcha, il cria furieusement dans le vacarme :
        — Du pain ! est-ce que ça suffit, imbéciles ?
        Il mangeait, lui, et il n’en râlait pas moins de souffrance. Son ménage ravagé, sa vie entière endolorie lui remontaient à la gorge, en un hoquet de mort. Tout n’allait pas pour le mieux parce qu’on avait du pain. Quel était l’idiot qui mettait le bonheur de ce monde dans le partage de la richesse ? Ces songe creux de révolutionnaires pouvaient bien démolir la société et en rebâtir une autre, ils n’ajouteraient pas une joie à l’humanité, ils ne lui retireraient pas une peine, en coupant à chacun sa tartine. Même ils élargiraient le malheur de la terre, ils feraient un jour hurler jusqu’aux chiens de désespoir, lorsqu’ils les auraient sortis de la tranquille satisfaction des instincts, pour les hausser à la souffrance inassouvie des passions. Non, le seul bien était de ne pas être, et, si l’on était, d’être l’arbre, d’être la pierre, moins encore, le grain de sable, qui ne peut saigner sous le talon des passants.
        Et, dans cette exaspération de son tourment, des larmes gonflèrent les yeux de M. Hennebeau, crevèrent en gouttes brûlantes le long de ses joues. Le crépuscule noyait la route, lorsque des pierres commencèrent à cribler la façade de l’hôtel. Sans colère maintenant contre ces affamés, enragé seulement par la plaie cuisante de son cœur, il continuait à bégayer au milieu de ses larmes :
        — Les imbéciles ! les imbéciles !
        Mais le cri du ventre domina, un hurlement souffla en tempête, balayant tout.
        — Du pain ! du pain ! du pain !

    Emile Zola, Germinal
    Cinquième partie, chapitre V


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  •     En raison de l'industrialisation induite à partir des charbonnages, le chômage dépasse le monde de la mine. Le chômage en général, le déclin de la population active et le recul du niveau de vie affectent cruellement les bassins de Wallonie dont les instances politiques, syndicales et économiques se livrent à des comparaisons avec le reste du pays. L'impact psychologique et politique de ce phénomène relatif mériterait une étude nouvelle, car la communauté minière s'est défaite dans une atmosphère de grisaille et d'âpres revendications; le mouvement nationaliste wallon devient plus agressif. Il faudrait savoir si la perte de l'industrie houillère n'a pas oblitéré les défauts d'autres secteurs de l'économie.

    Que sont devenus les mineurs des charbonnages belges ?
    Une première approche : problématique et méthodologie

    par M. Bruwier, professeur honoraire à l'Université de l'Etat de Mons (p.15)

        On peut se demander si l'antoinisme n'en a pas également souffert. La plupart des adeptes, sans être tous mineurs, venait d'un milieu modeste. L'ambiance générale, comme le dit ce professeur était à "la grisaille". Quelques lignes plus haut, il cite l'exemple du puits Gosson n°2 à Montegnée : 447 des 1.051 mineurs en chômage appartenaient à un seul des cinq charbonnages fermés en 1966, et représentaient 37% de sa main d'oeuvre alors, pour les autres, le taux de chômage variait entre 6 et 18%.


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  •     La plupart des termes de l'industrie minière sont empruntés aux dialectes des pays picards et wallons où se trouvent les principaux charbonnages ; ils datent de la deuxième moitié du XVIIIe siècle ; la première mine ayant été ouverte en France à Anzin en 1716. Dès le XVIe toutefois on trouve houille sous la fore de oille de charbo. Il s'agit d'un vieux mot liégeois hulhes, hoye qui représente le mot germanique hukila "tas, monceau". Le mot est toujours vivant dans les patois wallons sous des formes houye, houyot, huquelot que désignent "un tas (de foin, de blé)", "une motte (de beurre)", "un quignon (de pain)". Une "houille de charbon", a du désigner une "motte de charbon" ; on a dit ensuite "charbon de houille" par opposition à "charbon de bois" ; et enfin "houille".
       Grisou est de même un m wallon ; c'est une forme du français grégeois. Le feu grégeois (ou grec) désigne dans l'Antiquité diverses sortes de mélanges inflammables. On rencontre les formes grézois, grieux et en Wallonie feu grizou pour désigner les mofettes qui s'enflamment subitement dans les mines de houille. Le mot pénètre dans la technologie minière française sous une première forme : feu brisou ; de toute évidence par une étymologie populaire qui y voit "un feu qui brise tout".
        Gailletin au sens de "petit morceau de houille" est un diminutif de gaille "noix". Le mot remonte à gallca, c'est-à-dire noix de galle. Le rouchi et wallon noix gaille correspond au français noix jauge, gauche, jaille...
        Voici la liste des termes miniers d'origine picardo-wallone : buse (XIIIe), houille (XVIe), benne (1611), bure (1751), hercher (1769), escarbille (1780), grisou (1796), faille (XVIIIe), borin (1803), porion (1838), bourgeron (1842), galletin (1853), borinage (1864), galibot (1871), coron (1885), bossoyer (XXe), cufat (XXe), estouffée (XXe), coumaille (XIXe), rescapé (1925).
        Benne représente une forme ardennais de banne et désigne "une voiture, une tombereau" ; mais le mot a été popularisé dans son sens technique de "benne à charbon".
        Buse, "conduit" est un mot d'origine néerlandaise et il a pénétré par le Nord où il a pris le sens spécial de "tuyau d'aération" en particulier pour les galeries de mine (et pour les hauts fourneaux).
        Bourgeron, "sarreau" remonte à bourge (latin burrica, étoffe "bourrue") et désigne une blouse de travail en Picardie.
        Coron est un dérivé de cor (latin cornu) au sens de "aile d'un bâtiment, extrémité" ; en Wallonie le mot a pris le sens de "quartier d'une mine" puis "maisons de mineurs".
       Cufat désigne le "tonneau d'extraction dans les mines" ; c'est une forme liégeoise de cuve.
        Escarbille est un mot rouchi (dialecte de Lille) ; c'est un dérivé d'un verbe néerlandais schrabben, "râcler, gratter" ; et le mot désigne les "débris de charbon" recueillis en grattant les cendres du foyer.
        Faille est un terme de mineur wallon ; c'est un déverbal du verbe faillir et le mot désigne un "manque", un espace vide dans le rocher.
        Galibot, "jeune manoeuvre dans les mines" est un mot artésien, d'origine incertaine.
        Hercheur "ouvrier qui pousse les berlines dans les mines" est un dérivé de hercher forme wallonne de herser [travailler le sol avec une herse].
        Enfin la terrible catastrophe de Courrières en 1906 est à l'origine de rescapé, forme wallonne de réchappé reprise par les journalistes de la bouche des sauveteurs.
        Cette même région du Nord, qui est le plus grand et le plus ancien centre de notre industrie textile, a fourni aussi de nombreux termes techniques pour désigner des instruments ou des opérations de filage et de tissage : séran (XIe), canevas (1281), carde (XIIIe), fauder (XIIIe), rouir (1340), cacheron (XIVe), maquer (XVe), broquette (1565), tricoter (1560), écrouir (1685), époule (1723), stopper (1730), bougeau (1751), carqueron (1784), faille (1829), canon.

    Pierre Guiraud, Patois et dialectes français, p.96-98
    Que sais-je ? n°1285, Paris, 1978


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  • Quand j'song à l'destinaie
    D'on misèrab' houyeû
    Qu'ouveur' tot' li journaie
    Po châffer les Monsieurs ;
    S'i fât qu' wâgne in' moûnaie
    I pins' cint feïes pèri ;
    I vint à l'fin d'l'annaie
    Ossi pauv' qui todi.
             2.
    L'an dihe hût cont et doze,
    Li vingt hût' dè p'tit meû,
    On d'hind bonn' mint ès l'fosse,
    Todi bin corègeux.
    Quoiqu' tot hàzârdant s'veïe,
    On n'kinoh' nin l'dangî ;
    In z-ouveure à l'èveïe
    Sins jamâïe songî.
             3.
    Nos n'nos attindîs wère
    A çou qu'esst arrivé,
    Quand nos ètindans braire
    Qu'i n'y a pus qu'à s'sâver.
    Divin n' pareye hisdeûre
    Nos corans â hàzârd;
    Qwand n's arrivans â beûre,
    Il est dèjà trop târd.
              4.
    Goffin n'jambe ès l'coufâte
    Est tot prèt à r'monter :
    I song' qu'i fret in' fâte
    S'i vint à nos qwitter :
    I sôrte et d'on ton grâve
    S'adressant à turtos,
    I dit qu'fât qu'i nos sâve
    Ou qu'perihe avou nos.
              5.
    C'est lu qui plein d'corège
    Ossi bin qu't'ètind' mint
    Fait trawer l'beùr' d'airège,
    C'est l'affair' d'on moumint.
    C'est por là qu'on s'èchappe,
    Qu'on z-évit' dè pèri ;
    Mais d'vant d'ess' foû dè l'trappe
    N'y a co bin à soffri.
              6.
    Les vîs tot comm' les jônes
    Qwand on z-est rassônné,
    Houbert Goffin, qu'nos mône,
    Dit po nos refrener :
    " Colson noss' camarâde
    " Nos abandonn'reut-i ?
    " Seyîs sùrs qu'i n'a wâde;
    " C'est lu qu'nos fret sòrti. "
              7.
    " Ovrans donc sins rattinde ;
    " Habeye ! vite attaquans ;
    " I fât qu'on nos ètinde,
    " Qu'on sèp' qui nos vikans.
    " Qwand  sàret in feïe
    " Ouis' qui nos nos trovans,
    " Les autes â pus habeye
    " Ouverront enn' avant."
              8.
    On l'hoûte, on s'apnteïe
    N'y a nouk qui n'vôye ovrer.
    On prind chaque ine usteye,
    On qwîre à s'disterrer.
    On vint à fer n'trawaie,
    On est tot mervyeux ;
    On n'a fait qu'in' corwaie,
    On trouv' li feû grieûx.
              9.
    I s'fait on grand tapage
    Qu'on dobel' par on cri ;
    On jett' la hache et mache,
    On pinse aller pèri.
    Goffin, qui n'pièd' nin l'tièsse
    Coûrt vit' sitoper l'trô ;
    I falléf si hardièsse
    Personn' n'eûh' paré l'côp.
              10.
    I fât qu'on moûre ès beûre
    Si c'est qu'on n'ouveûr' nin ;
    Et si c'est qu'on z-ouveûre
    On craint co n'accidint.
    On pleûre, on désèspère,
    Et paou dè manquer
    On dîreût qu'on préfère
    Dè mori qu'dè viker.
               11.
    N'y a pus nolle espèrance ;
    On s'résout à pèri.
    On veût l'moirt qui s'avae
    Prète à nos v'ni qwèri.
    Les vîs turtos essône
    Fet n'act' di contrition,
    Et so c'timps là les jônes
    D'mandet l'bènèdiction.
               12.
    Onk met' si confiince
    Es l'bennïe vièrg' di Hâ,
    Promet' po si assistince
    On voyège à pîs d'hâs.
    In aut', divin s'misére,
    S'adresse à Saint Lînâ.
    Mathî (1) dit : " Hoûtez m'père !
    Taihîs-v', vos n'polez mâ. "
               13.
    " Si n's avans dè corége, "
    Nos dit li p'tit Mathî,
    " Qu'on sèp' par noste ovrège
    " Tot çou qu'nos mèritîs.
    " Si nos estans esclâves,
    " Si nos d'vans mori d'faim,
    " Qu'on n'ritrouv' nos cadâves
    " Qu'avou l'usteye ès l'main. "
               14.
    Ces raisons là sont bonnes,
    I fât bin l'avouer ;
    Mâgré çoula personne
    No ois' pus s'rimouer :
    Goffin tot d'on côp s'dresse
    Et nâhi d'nos veyî
    Happ' si fi d'vin ses bresses
    Et vout s'aller neyî.
               15.
    On l'ritind, on l'assûre
    Qu'on fret çou qu'i vôret ;
    Qui n's estans prèt à l'sûre
    Tot ouis' qu'i nos monret.
    Vint ine aute avinteûre,
    Deux chandell' distindet
    Et l'treusinm' qui nos d'meûre
    Distind d'abôrd après.
               16.
    Personn' n'a pus èveïe
    Dè rik'mincî d'ovrer ;
    On s'plaint, on r'nonce à l'veïe,
    On n'fait pus qu'dè plorer.
    Mathî n'jett' nin n'seûl' lâme
    Et nos apostrophant,
    Dit : " vos n'avez nolle âme,
    " Vos fez comm' des èfants.
               17.
    Ci valet là qu'affronte
    Tote espéc' di dangî,
    I fât l'dîre à noss' honte,
    Sé nos rècorègî :
    n rassônn' tot' ses foices
    Pon' nin s'leyî brokter.
    Goffin inteûre ès l'roisse
    Et nos fait tos monter.
                18.
    Qwand on z-esst à l'copette,
    On pins' qu'on z-ôt on brut.
    Ci brut là, qui s'rèpette,
    Fait qu'on z-est tot foû d'lu.
    I n'y a nouk qui n'ètinde
    Haver, côper, hotter ;
    I n'fât pus wèr' rattinde.
    On va ressusciter.
                19.
    On trawe, on nos fait vôïe,
    On creïe : i sont sâvés !!
    Po bin jugî d'noss' jôïe,
    I faléf s'y trover.
    On s'wain' divin l'aut' beûre
    Les cis qu'nos ont d'lîvrés,
    Fait à fait' qu'on z-inteûre,
    Nos r'cevet comm' des frés.
                20.
    A fait d'jôïe, c'esst apreume
    Qwand c'est qu'on z-est r'monté ;
    Nos èfants et nos feummes
    Accoret d'tot coestés.
    I n'y a sôrt' di caresse
    Qu'i n' qwèresse à nos fer.
    I nos t'net d'vin leûs bresses
    A n'poleûr' s'ennès d'fer.
                21.
    En attindant on k'mince
    A r'ovrer pi viker ;
    N'y a comme in' providince
    Qui n'nos lait rin manquer
    On n'fait rin à moiteïe,
    On nos l'a bin prové ;
    On nos a sâvé l'veïe,
    On vout nos l'conserver.
                22.
    On crût d'veûr si surprinde
    D'in' pareye charité ;
    On n'pout d'abord comprinde
    Tant d'gènèrosité.
    N'y a portant rin d'si simpe
    On n's'enn' èmerveye pus ;
    Li préfet (2) donn' l'eximpe,
    Tot l'mond' vout fer comm' lu.


    (1) Mathieu, fils de Hubert Goffin.
    (2) M. le baron de Micoud, chevalier de la légion d'honneur.


    Choix de chansons et poésies wallonnes, p.116 (1844)
    source : archive.org


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  •     D’une voix ardente, il parlait sans fin. C’était, brusquement, l’horizon fermé qui éclatait, une trouée de lumière s’ouvrait dans la vie sombre de ces pauvres gens. L’éternel recommencement de la misère, le travail de brute, ce destin de bétail qui donne sa laine et qu’on égorge, tout le malheur disparaissait, comme balayé par un grand coup de soleil ; et, sous un éblouissement de féerie, la justice descendait du ciel. Puisque le bon Dieu était mort, la justice allait assurer le bonheur des hommes, en faisant régner l’égalité et la fraternité. Une société nouvelle poussait en un jour, ainsi que dans les songes, une ville immense, d’une splendeur de mirage, où chaque citoyen vivait de sa tâche et prenait sa part des joies communes. Le vieux monde pourri était tombé en poudre, une humanité jeune, purgée de ses crimes, ne formait plus qu’un seul peuple de travailleurs, qui avait pour devise: à chacun suivant son mérite, et à chaque mérite suivant ses œuvres. Et, continuellement, ce rêve s’élargissait, s’embellissait, d’autant plus séducteur, qu’il montait plus haut dans l’impossible.

    Emile Zola, Germinal
    Troisième partie, chapitre III


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  •     Les quatre haveurs venaient de s'allonger les uns au-dessus des autres, sur toute la montée du front de taille. Séparés par les planches à crochets qui retenaient le charbon abattu, ils occupaient chacun quatre mètres environ de la veine ; et celle veine était si mince, épaisse à peine en cet endroit de cinquante centimètres, qu'ils se trouvaient là comme aplatis entre le toit et le mur, se traînant des genoux et des coudes, ne pouvant se retourner sans se meurtrir les épaules. Ils devaient, pour attaquer la houille, rester couchés sur le flanc, le cou tordu, les bras levés et brandissant de biais la rivelaine, le pic à manche court.
        En bas, il y avait d'abord Zacharie ; Levaque et Chaval s'étageaient au-dessus ; et, tout en haut enfin, était Maheu. Chacun havait le lit de schiste, qu'il creusait à coups de rivelaine ; puis, il pratiquait deux, entailles verticales dans la couche, et il détachait le bloc, en enfonçant un coin de fer, à la partie supérieure.
        La houille était crasse, le bloc se brisait, roulait en morceaux le long du ventre et des cuisses. Quand ces morceaux, retenus par la planche, s'étaient amassés sous eux, les haveurs disparaissaient, murés dans l'étroite fente.
        C'était Maheu qui souffrait le plus. En haut, la température montait jusqu'à trente-cinq degrés, l'air ne circulait pas, l'étouffement à la longue devenait mortel. Il avait dû, pour voir clair, fixer sa lampe à un clou, près de sa tête ; et cette lampe, qui chauffait son crâne, achevait de lui brûler le sang. Mais son supplice s'aggravait surtout de l'humidité. La roche, au-dessus de lui, à quelques centimètres de son visage, ruisselait d'eau, de grosses gouttes continues et rapides, tombant sur une sorte de rythme entêté, toujours à la même place. Il avait beau tordre le cou, renverser la nuque : elles battaient sa face, s'écrasaient, claquaient sans relâche. Au bout d'un quart d'heure, il était trempé, couvert de sueur lui-même, fumant d'une chaude buée de lessive. Ce matin-là, une  goutte,
    s'acharnant dans son oeil, le faisait jurer. Il ne voulait pas lâcher son havage, il donnait de grands coups, qui le secouaient violemment entre les deux roches, ainsi qu'un puceron pris entre deux feuillets d'un livre, sous la menace d'un aplatissement complet.
        Pas une parole n'était échangée. Ils tapaient, tous, on n'entendait que ces coups irréguliers, voilés et comme lointains. Les bruits prenaient une sonorité rauque, sans un écho dans l'air mort. Et il semblait que les ténèbres fussent d'un noir inconnu, épaissi par les poussières volantes du charbon, alourdi par des gaz qui pesaient sur les yeux. Les mèches des lampes, sous leurs chapeaux de toile métallique, n'y mettaient que des points rougeâtres. On ne distinguait  rien, la taille s'ouvrait, montait ainsi qu'une large cheminée, plate et oblique, où la suie de dix hivers aurait amassé une nuit profonde. Des formes spectrales s'y agitaient, les lueurs perdues laissaient, entrevoir une rondeur de hanche, un bras noueux, une tête violente, barbouillée comme pour un crime. Parfois, en se détachant, luisaient des blocs de houille, des pans et des arêtes, brusquement allumés d'un reflet de cristal. Puis, tout retombait au noir, les rivelaines lapaient à grands coups sourds, il n'y avait plus que le halètement des poitrines, le grognement de gène et de fatigue, sous la pesanteur de l'air et la pluie des sources.

    Emile Zola, Germinal
    Première partie, chapitre IV


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  • source : mara.kbr.be


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  • source : mara.kbr.be


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  • Vue de l'entrée de l'usine

    source : kikirpa


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  • Vue de l'usine avec le cimetière au premier plan

    source : kikirpa


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  •     Au fond du chemin, les bâtiments du charbonnage sont apparus, avec leurs hauts châssis à molettes, dressés comme des sentinelles au pied du "terril", masse bleuâtre aux trois lignes élémentaires tracées dans la blancheur du ciel.
        Les retardataires courent vers les cabines. La cloche de descente tinte sans arrêt.
        Voici déjà des mineurs qui grimpent à la recette, revêtus de toile bleue et coiffés du bonnet léger et de la calotte de cuir. Tenue du fond, tenue de combat, hardes maculées de sueurs, de poussières et de résine. Ces hommes casqués ont l'air d'aller aux tranchées. Le front, la taille, le front de la taille, n'est-ce pas comme à la guerre ?

    Pierre Hubermont - Treize hommes dans la mine
    Ed. Labor - Espace Nord, 1930 (p.27)
     


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  •     Prosper hésite encore. Mais peu à peu, il se sent gagné par le secret désir des autres et leur accoutumance au danger. Ah ! la mine tient bien ceux qu'elle tient depuis quarante ans. Car il y a quarante ans que Prosper y descend chaque jour !
        [...]
        Enfin, l'équipe arrive au chantier où l'air brûlant s'épaissit de la poussière que l'aérage ne chasse plus.
        Qu'est-ce donc, ce spectacle d'enfer ?
        Des corps nus, que le travail fait gémir, s'allongent dans la taille, écrasés dans les soixante centimètres de vide qui séparent le toit du mur. Les haveurs dégagent avec leur marteau-pic les layes de charbon aux arêtes scintillantes. La pointe du pic va et vient en tressauts secs, hors du cylindre où la meut l'air comprimé. Les hommes reçoivent les contrecoups dans les poignets.
        - Han !
        - Cré nom !
        - Quelle chaleur !
        Les houilleurs abattent la couche dégagée, et le charbon que pousse des pieds rugeux dévale le long de la taille, dans une conduite de tôle, vers un plan incliné qui accède à la voie de niveau. Trente-huit hommes s'échelonnent sur le front de la veine, grattant, frappant, ahanant, s'essoufflant à la lumière mesquine des lampes accroches aux cadres de bois.
        Les bidons de café sont déjà vides à demi, tant les gorges sont sèches.
        - Nom de Dieu !
        - Han !
         On devine les corps plus qu'on ne les voit. On les devine aux soupirs qu'ils poussent, aux plaintes qu'il exhalent. Une lumière plus forte troue la nuit poussiéreuse, vers le bas, là où une machine perce une nouvelle galerie, ébranlant le chantier de ses saccades et couvrant par intermittences les jurons des hommes.

    Pierre Hubermont - Treize hommes dans la mine
    Ed. Labor - Espace Nord, 1930 (p.43)


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    On s'imaginerait Louis, sont frère Eloi et leur père Martin, mineurs avant la descente.


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